🎤 Le grand saut numérique des ETI (Frédéric Charles, Suez / ESSEC)
16 avril 202520:23

🎤 Le grand saut numérique des ETI (Frédéric Charles, Suez / ESSEC)

Comment les entreprises de taille intermédiaire peuvent-elles réussir leur transformation numérique dans un monde toujours plus digitalisé ?

À l’occasion du salon Ready for IT 2025 (Monaco 20-22 mai), Frédéric Charles, directeur Smart City chez Suez Digital Solutions et enseignant à l'ESSEC Business School, dresse un état des lieux sans complaisance et partage son expertise sur les défis et les leviers de cette mutation essentielle.

Episode en partenariat avec Ready For It 2025

Pourquoi la transformation numérique est-elle devenue incontournable pour les ETI ?

Parce que le monde économique évolue en permanence. Une ETI peut se retrouver du jour au lendemain concurrencée par une plateforme comme ManoMano, qui bouscule des modèles commerciaux établis. Ce n’est pas juste une question de mode : il y a une pression réelle, côté clients et côté technologie. Un système d’information a une durée de vie limitée, et plus on attend, plus on accumule une dette technique. Pour les ETI, qui ont souvent moins de moyens que les grandes entreprises, il faut faire preuve d’agilité et optimiser progressivement, sans tout casser.

L’adaptation numérique, c’est avant tout une affaire technique ?

Pas uniquement. Il y a la technique, bien sûr, avec des systèmes comme l’ERP ou le CRM qu’il faut faire évoluer. Mais le vrai sujet, c’est l’articulation fine entre technologie et organisation. Prenons l’exemple de Petit Forestier : chaque camion frigorifique est personnalisé selon le métier du client. Cette personnalisation doit être intégrée dès la phase de vente, avec une chaîne de fabrication capable de suivre. C’est là qu’intervient l’agilité, non pas seulement pour développer du code, mais pour concevoir des produits hyper personnalisés, adaptés aux nouveaux usages.

Quels sont les difficultés les plus fréquentes dans ces transformations ?

Changer un système d'information n’est jamais simple. L’exemple de Gifi le montre bien : malgré une mise à jour de son ERP, la transformation n’a pas eu les effets attendus et a même engendré des pertes. C’est pourquoi il faut éviter les "grands soirs" et privilégier une transformation progressive, quartier par quartier, comme on urbanise une ville. Les priorités doivent porter sur la supply chain et la relation client, les deux zones les plus impactées par le digital.

Et le facteur humain dans tout ça ?

C’est souvent le maillon faible… et pourtant le plus décisif. On pense que la formation suffit, alors qu’il faut préparer le terrain bien en amont : communication, accompagnement, clarté des rôles. Sans cela, la performance chute à chaque changement. C’est ce que j’appelle l’impulsion : pour faire le grand saut, il faut une vraie mobilisation mentale. Et surtout, les managers doivent s’impliquer. La transformation ne peut se faire par procuration. Elle doit être portée par des équipes responsabilisées, conscientes que c’est à elles de faire évoluer le modèle.


Frédéric Charles: [0:01] On doit en permanence adapter, tailler. C'est un peu comme un jardin, si j'ose dire. Frédéric Charles: [0:06] Donc, tailler, adapter. On garde les vieux oliviers, voilà. Mais ils sont toujours Frédéric Charles: [0:10] là, ils ont toujours un rôle, mais il va falloir aussi rajouter de nouvelles fonctionnalités. Donc, cette adaptation, elle est permanente et elle est pour la partie technique, mais elle est aussi pour la partie humaine. Monde Numérique : [0:25] Comment les entreprises traditionnelles, notamment de taille intermédiaire, ce qu'on appelle les ETI, s'adapte-t-elle au monde d'aujourd'hui grâce au numérique ? Bonjour Frédéric Charles. Frédéric Charles: [0:35] Bonjour Jérôme. Monde Numérique : [0:35] Vous êtes directeur portail collectivité Smart City chez Suez Digital Solutions et vous êtes surtout intervenant à l'ESSEC Business School où vous accompagnez des professionnels sur le thème de la transformation numérique. Bienvenue dans cet épisode spécial en partenariat avec Ready for It qui aura lieu à Monaco du 20 au 22 mai. Frédéric Charles, cette mutation que j'évoque, C'est ce qu'on appelle la transformation numérique, la transformation digitale des entreprises. Pourquoi est-ce une nécessité aujourd'hui ? Frédéric Charles: [1:05] C'est clairement une nécessité parce que le monde économique n'est pas figé. Donc, on peut être un distributeur dans le monde professionnel du bricolage comme le Galet basé en Normandie. Et on a des Mano Mano qui arrivent en quelques années à développer des plateformes Internet de vente en direct, alors qu'eux, ils étaient plutôt dans un autre mode de vente avec des commerciaux. On pourra y revenir. Monde Numérique : [1:25] Oui, il y a plein de secteurs comme ça, des mobiliers de bureaux, etc. Frédéric Charles: [1:29] Et puis, il y a une deuxième réalité aussi, ça c'est la réalité économique, mais il y a une deuxième réalité qui est la réalité du système d'information. Un système d'information, ça a une durée de vie, 7 ans, 10 ans, l'application, elle est qui marche le mieux. Et donc, avec le temps, il faut le faire évoluer. Et en fait, on accumule surtout souvent une dette technique parce que les technologies, les couches évoluent. Il y a de nouveaux besoins de sécurité, cybersécurité et autres. Donc, en fait, il y a forcément une évolution de faire un grand saut, d'aller en avant et de continuer à avancer. Et c'est aussi autant vrai pour une ETI que pour une grande entreprise. Et peut-être que l'ETI, justement, elle a besoin d'être plus maligne, plus agile, de mieux optimiser, parce qu'il y a peut-être moins de moyens à dépenser pour cette transformation. Monde Numérique : [2:17] Alors, on va voir ensemble comment elle peut faire, justement. Mais d'abord, s'adapter, ce n'est pas juste pour le plaisir d'être à la mode, c'est parce qu'il y a une demande client. La demande change et évidemment, il y a une nécessité de pouvoir répondre à cette demande. Frédéric Charles: [2:35] Oui, clairement. Donc ça, c'est le démarrage va partir du client. Mais par contre, ce n'est pas si simple que ça de s'adapter. Je voudrais peut-être revenir là-dessus et donner un exemple. Aujourd'hui, on parle de Gifi qui a dû refaire une recapitalisation. Son fondateur était un peu challengé. C'est un distributeur de produits de décoration à petit prix, qui a des idées de génie, si on remet le concept. Il y en a d'autres qui ont eu aussi des petits prix et qui sont rentrés justement sur son marché pour le concurrencer. Il y a une adaptation et dans le cadre de sa transformation, de son adaptation, en fait, l'ERP a été changé. Monde Numérique : [3:20] Donc, l'ERP, c'est le logiciel qui permet de suivre les ventes, etc. Frédéric Charles: [3:24] Absolument. Et donc, c'est le cœur qui était assez ancien et a été changé en 2023. Et en fait, il y a eu des difficultés sur ce projet de changement de ERP, de migration, qui devait amener justement des stocks plus faciles à être gérés entre les différents magasins et de l'optimisation. Et en fait, ça n'a pas amené ce qui était escompté. Donc, ce n'est pas si simple que ça. Il y a une revue de consommation LSA qui avait même estimé une perte de chiffre d'affaires à 10%, sans compter le dérapage des projets. Donc on voit qu'en fait on a vraiment cette problématique là c'est-à-dire qu'on va répondre, à une sollicitation à une évolution du modèle bien sûr qui est tirée par le client par contre la partie technique, on reviendra sur la partie humaine, mais la partie technique n'est pas si simple que ça à faire évoluer. Monde Numérique : [4:11] Justement il y a aussi cette notion de plus en plus de répondre de manière très fine je reviens sur le client, de manière très fine à la demande du client, une espèce d'hyper-personnalisation en fait. Frédéric Charles: [4:22] Tout à fait. Donc, en fait, un des moyens de se différencier, justement, par rapport à des plateformes Internet qui vont jouer beaucoup, qui vont être très, très fortes sur la relation client. En revanche, la construction du produit, c'est plus délicat, c'est plus facile de vendre des choses qu'on en stocke que de vendre quelque chose de très, très personnalisé. Et ça, c'est une des forces. Et donc, si je reviens sur l'exemple, vous avez certainement rencontré sur l'autoroute, sur la route autour de vous, un petit camion blanc avec un logo vert petit forestier. Ça ne transporte pas du bois, mais non, ce sont des produits congelés. Donc, c'est le leader des camions frigorifiques en location à la vente. Et en fait, chaque camion est personnalisé parce que vous n'avez pas les mêmes besoins en fonction de si vous êtes un boucher ou un pharmacien de transport. Et donc cette personnalisation, elle veut dire que finalement, dans le système d'information, les besoins clients, quand on est en configuration, quand les commerciaux sont en configuration du produit du futur camion avec le client, en fait, ils doivent connaître comment déjà va fonctionner la chaîne de fabrication. Et réciproquement, la chaîne de fabrication doit aussi savoir ce que les clients vont vouloir pour pouvoir se préparer. En fait, c'est là qu'on voit que l'agilité, ce n'est pas uniquement pour développer du code, c'est l'agilité finalement dans la capacité à délivrer de nouveaux produits hyper personnalisés à des clients et à profiter justement de ces nouveaux canaux Frédéric Charles: [5:44] et de tout ce qu'ils peuvent avoir. Et c'est un différenciateur. Monde Numérique : [5:47] Alors, comment fait-on ? Comment peuvent-elles faire ces entreprises ? Vous l'avez dit, souvent le handicap, c'est le système informatique, tous les outils internes qui sont peut-être pas toujours vieillissants, mais en tout cas qui ont une histoire, qui sont là depuis longtemps, etc. Contrairement à une start-up qui arrive sur le marché, la donne n'est pas la même. Comment on fait ? On jette tout et on repart à zéro, ou bien on arrive à améliorer les choses petit à petit ? Frédéric Charles: [6:13] Donc clairement, un des sujets techniques est lié peut-être à des moyens plus limités. On a des directions de scènes d'information qui n'ont pas les mêmes tailles que dans des grandes entreprises, mais qui ont les mêmes problématiques. Ça va être la dette technique. Donc, il va falloir la gérer progressivement et pas attendre des grands remplacements, puisqu'ils sont plus risqués. Donc, ça, c'est un premier élément dans la gestion de la dette technique. Progressivement. Ensuite, on a le côté humain, le facteur humain. Monde Numérique : [6:46] Donc la dette technique, c'est le retard en fait, technologique, c'est ça ? Frédéric Charles: [6:49] Le retard technologique parce que on a développé tel logiciel à telle époque, qui marchait très très bien sur telle base de données, qui aujourd'hui n'est plus maintenue. Ou alors, on l'a développé avec tel composant, mais maintenant ce composant-là, il devrait être ouvert parce qu'en fait, on devrait pouvoir le connecter à un site internet et aujourd'hui il est fermé et on ne peut pas le connecter au site internet. Donc, on est en train de rater les ventes par Internet si, par exemple, il y a des éléments qui sont essentiels pour la vente. Donc, en fait, on doit en permanence adapter, tailler. C'est un peu comme un jardin, si je veux dire. Donc, tailler, adapter. On garde les vieux oliviers, voilà. Mais ils sont toujours là, ils ont toujours un rôle. Mais il va falloir aussi rajouter de nouvelles fonctionnalités. Donc, cette adaptation, elle est permanente et elle est pour la partie technique, Frédéric Charles: [7:32] mais elle est aussi pour la partie humaine. Monde Numérique : [7:34] Oui, on va parler des deux. Mais la partie technique elle-même, c'est quoi ? Vous avez dit ERP, il y a d'autres sigles dans le jargon des entreprises qu'il faut utiliser. Il y a le CRM, c'est le logiciel de relation avec les clients, c'est ça ? Frédéric Charles: [7:50] La supply chain aussi. Monde Numérique : [7:51] La supply chain, voilà, la chaîne d'approvisionnement. Tout ça, évidemment, est hyper connecté. Il faut faire évoluer tout ça. Frédéric Charles: [8:00] Absolument. Et la priorité dans ces systèmes-là, parce qu'on pourrait justement, quand on est dans la logique de se dire, tiens, je vais faire un grand remplacement. Alors, c'est très compliqué de remplacer. Quand on a construit un système d'information, on a dit durée de vie moyenne, 5, 7 ans, 10 ans. Quand on a mis 10 ans à construire ce qu'on a, ça a 10 ans. Ça ne se change pas en un jour, même pas en un an. Monde Numérique : [8:19] Parce que globalement, ça marche en plus. Frédéric Charles: [8:20] Donc, il faut trouver ce qui marche, ce qui ne marche pas. Il faut faire cette séparation-là. Et alors, justement, dans les différents systèmes, les deux sur lesquels il y a vraiment un focus à mettre en priorité, c'est la partie justement CRM et Supply Chain. Parce que ces deux, c'est ceux qui sont le plus impactés par le digital. Le CRM parce qu'on a la révolution client ? Qui est devant, on a l'ouverture des canaux, et on a donc de nouveaux modes de ventre, et faire fonctionner les modes de ventre traditionnels, comme les commerciaux sur le terrain, avec des ventes par internet, avec des ventes par téléphone, par exemple. Donc ça, ça évolue beaucoup. D'ailleurs, les premiers ERP avaient fait que les modules de CRM étaient un peu à côté, ils n'étaient pas totalement intégrés à l'intérieur, parce qu'en fait, on voyait bien que ça allait bouger. Et puis là, par contre, ce qui a beaucoup, beaucoup, beaucoup évolué, et qui a été amplifié d'ailleurs par la crise du Covid, c'est la partie supply chain, parce que savoir où est sa logistique, ses stocks quand on fait de la production, qu'on a des flux tendus mais que ces flux se distendent ou se détendent en fonction de si une usine est fermée ou pas fermée, si on a le droit de transporter ou pas de transporter Si on a augmenté le droit de doigt, On voit bien que la supply chain redevient stratégique et donc la maîtrise des données de la supply chain, Pour l'année d'aujourd'hui j'ai entendu qu'Apple était en train de se vaser des iPhones de Chine par charter, un grand camion en ce moment. Monde Numérique : [9:39] Tout à fait, visiblement, pour anticiper la hausse. Frédéric Charles: [9:42] Donc, il est en train d'anticiper son stock, en fait. Il est en train de fabriquer du stock, et donc, il faut avoir la visibilité, parce que, très très vite. Donc, là, ce pay chain, c'est son objectif, c'est son... Objectifs, et les deux vont fonctionner. Donc, ces deux, ils sont vraiment dans la partie digitale, parce que, de toute façon, ce que va demander le digital, ça va être cette hyper-personnalisation à la fois du produit, de la relation, et ça, c'est l'essentiel. Le ERP, on a une comptabilité qui est un peu ancienne, qui tourne à la limite sur un mainframe, pourquoi pas. C'est moins grave dans la mesure où elle fait son rôle de gérer les transactions, que les commissaires aux comptes trouvent leurs comptes et arrivent à auditer les comptes. Bon, voilà. Le client ne le voit pas. Monde Numérique : [10:16] Ce n'est pas ça qui fait qu'il y a un site web plus ou moins performant. Frédéric Charles: [10:18] Voilà. Donc, on arrive à ce qu'on appelle dans le jargon l'urbanisation comme une ville on va organiser des quartiers on a des quartiers qui vont se développer très très vite parce que les supply chain et CRM parce qu'ils sont ouverts, ils sont intégrés ils sont très très sensibles à toutes les évolutions maintenant il y a des objets connectés qui arrivent dans la supply chain donc on a tout le monde de l'internet des objets qui vient se raccorder on a le monde de l'internet donc l'internet d'un côté l'internet des objets de l'autre et les deux sont connectés donc on voit que quand on est au milieu de tout ça, on a plutôt intérêt à être assez souple à voir un système d'information qui est évolutif Et puis, le reste, c'est pas que c'est secondaire, mais disons que c'est peut-être moins la priorité à un moment donné. Monde Numérique : [10:56] En tant que consommateur, on le voit, on est habitué à des sites marchands qui sont extraordinaires. Évidemment, on pense à Amazon, on pense à des choses comme ça, des plateformes, où il y a la recommandation algorithmique, du suivi, une hyper-personnalisation au niveau de la proposition. Et puis, quelquefois, on a besoin de s'approvisionner avec des produits, des matériaux de construction ou autre, on se retrouve sur des sites qui n'ont rien à voir, on a l'impression que c'est une autre époque. C'est aussi ce différentiel-là qu'il faut régler. Frédéric Charles: [11:28] Absolument. La concurrence, on te parlait au départ pour dire pourquoi se transformer, pourquoi rentrer dans la transformation digitale, c'est aussi parce que les autres avancent. Et c'est aussi parce que le client, on l'éduque, ou d'autres, les autres éduquent le client. À un certain niveau. Et c'est vrai que des choses aussi basiques que je viens de passer, une commande sur peut-être, une entreprise implantée depuis 150 ans, mais je n'ai pas d'email pour me récapituler ma commande et me dire que, ok, c'est bien passé, vous inquiétez pas, on va travailler. On commence à avoir plus confiance, alors qu'en fait, la société, elle est là depuis 150 ans, c'est paradoxal. Monde Numérique : [12:01] Vous commandez un truc à 10 euros sur un site chinois, vous avez un mail par jour. Frédéric Charles: [12:04] On a un mail par jour, on sait qu'on a un, et ça se trouve, c'est celui-là qui ne va pas arriver. Monde Numérique : [12:07] Donc, c'est pas faux. Frédéric Charles: [12:11] Il y a effectivement une inversion des valeurs de ce point de vue-là. On est tiré par un certain niveau de confort, je vais dire, en tant que client. Après, on peut le remettre en cause en tant que client et se dire, ok, là, je sais que j'achète mes épices sur un endroit où je suis sûr que mes épices sont bio, ils viennent d'ici, alors que là, je ne sais pas d'où ils viennent. Monde Numérique : [12:33] Donc, je vais accepter. Frédéric Charles: [12:35] Je vais accepter, je ne trouve pas ailleurs, etc. Monde Numérique : [12:38] Mais bon, il n'y a pas que ça. Il y a aussi un univers parfois très concurrentiel. Monde Numérique : [12:44] Les outils pour améliorer tout ça, ils existent ? C'est quoi ? C'est du sur-mesure ? C'est sur-étagère ? C'est une entreprise qui a besoin de faire évoluer son CRM ou son ERP ? Comment ça se passe ? Frédéric Charles: [12:57] Alors, le paradoxe, c'est qu'en fait, les outils peuvent exister sur l'étagère. Il y a beaucoup de vendeurs très habiles qui vont vous expliquer qu'une fois que vous l'avez acheté, c'est bon, ça va fonctionner. Monde Numérique : [13:08] C'est souvent des produits français, pour le coup, non ? Frédéric Charles: [13:10] Non, c'est quoi ? Non, malheureusement. Alors, il y a des produits français, des produits open source et des produits français qu'on va trouver parce qu'on est sur des applications plus petites, plus réduites. Donc, on n'a pas besoin d'avoir effectivement des choses qui sont plutôt longues. Monde Numérique : [13:22] Il y a quand même des solutions. Frédéric Charles: [13:23] Dans les solutions métiers, c'est très, très vrai. Il y a par exemple, il y a deux, trois spécialistes dans le domaine que je connais, de logiciels aux collectivités locales, qui n'utilisent aucun des acronymes anglais qu'on connaît. C'est pas plus mal. Monde Numérique : [13:37] Pas les temps qui courent. Frédéric Charles: [13:38] Absolument. Et d'ailleurs, il y en a un qui a démarré, il vendait au départ, en fait c'est lui qui faisait imprimer les codes civils, les codes des commerces, les codes des marchés, donc il avait la relation, et après il a commencé à mettre du... Les logiciels sont des CD-ROM, et après il a commencé à mettre du logiciel, et aujourd'hui c'est une société de logiciels. Au début, ils distribuaient juste des ouvrages. Monde Numérique : [13:59] C'est une solution développée pour des besoins internes. Frédéric Charles: [14:02] Ils connaissent leurs clients, le besoin évolue et ils ont évolué avec leurs clients. Donc c'est vrai qu'on va rencontrer des marques plus... À une époque, on cherche la souveraineté un peu partout. On va rencontrer des marques plus françaises. Frédéric Charles: [14:13] Mais le point clé, ce n'est pas la solution technologique en fait. Le point clé, c'est la capacité à transformer les organisations. Et donc, c'est les aspects de conduite des changements. Et là la conduite des changements c'est un peu le paradoxe parce que dans les projets numériques, on pense à la formation, vague banque, il y en a, et puis c'est tout. C'est un paradoxe parce qu'en fait, il y a un retour sur investissement associé aux investissements qu'on vit des changements, je vais vous l'expliquer. En fait, ce qu'on n'accepte pas ou qu'on ne veut pas regarder, c'est que quand on met en place un nouvel outil, une nouvelle solution, il va forcément y avoir un impact sur la performance. Et cet impact, il va donc dégrader la performance. C'est un impact négatif. Un impact négatif au début sur la performance. Le temps qu'on retombe sur un niveau d'équilibre et que tout le monde les intégrer. Monde Numérique : [15:00] C'est comme Donald Trump, D'abord, ça va être dur, mais vous allez voir, après, ça va être génial. Frédéric Charles: [15:04] C'est un peu pareil. Voilà, ça tombe, la bourse tombe d'un coup. Voilà, et après, ça va remonter. Bon, et donc, effectivement, et quand ça tombe, en fait, c'est de la perte de performance. Finalement, si j'avais pu empêcher de le faire tomber, et donc, si j'avais pu investir dans la communication, dans l'évolution des métiers, dans des notes d'organisation pour bien l'expliquer, communication interne, préparer, faciliter le terreau, le terreau de communication pour le lancement du projet, en fait, j'aurais pu peut-être atténuer, voire carrément supprimer cet effet, cet impact. Les gens, ils arrivent, ils changent et en fait, c'est juste normal. Ils l'attendaient finalement. Ils vont se l'approprier beaucoup plus vite. Et donc, tout ça, c'est de la performance qu'on n'a pas perdue et qui vient compenser les coûts associés à la formation qu'on a pu mettre derrière. Et donc, en fait, il y a un retour sur investissement. Quand c'est fait dans les projets, qui est de l'ordre de 15%, ça veut dire qu'en fait, on n'investit pas à perte à faire de la communication, à faire du développement Frédéric Charles: [15:59] des compétences et à former les gens dans les entreprises. Monde Numérique : [16:01] L'étude qui a été réalisée, justement en prévision du Ready for It 2025 de Monaco au mois de mai, s'intitule le grand saut. C'est ça, il faut se jeter à l'eau, il faut y aller. Et donc, le grand saut, c'est à la fois plein de perspectives, mais c'est aussi un peu angoissant. Donc, est-ce qu'il n'y a pas des refus d'obstacles quelquefois ? Frédéric Charles: [16:26] Il faut s'y préparer, il faut l'accepter. Alors, ce qui est assez intéressant dans la notion de nos grands sauts, finalement, c'est que quand on regarde dans la conduite des changements dont on a parlé, en fait, la première étape où on avance dans cette démarche de conduite des changements, certains auteurs vont parler de sept étapes différentes. La première, c'est le refus, en fait. Parce que refuser, c'est déjà accepter l'idée que ça va passer, donc je dépense de l'énergie pour le refuser. Alors qu'au contraire, si je ne fais rien, ça veut dire que j'ignore et donc, en fait, je ne rentre pas dans cette démarche. Voilà donc le côté du grand saut c'est un peu ça quand vous êtes devant un obstacle, vous avez donc un grand trou à passer devant vous un saut de loup, à passer vous êtes à cheval il va falloir vous mobiliser pour dire ok là il va falloir le faire et je vais devoir se donner l'impulsion de le faire et si on se la donne pas mentalement en fait on va partir trop court et on va tomber dans le trou c'est cette idée qui est intéressante que je trouve dedans et dans la conduite des changements c'est un peu ça c'est se donner cette impulsion pour dire, oui, on y va, on a la vision, on y va, et oui, et demain, on aura un modèle, qui sera à la fois avec des ventes à téléphone, des ventes en ligne et des commerces sur le terrain, et ça, on va le faire fonctionner, et ça sera mieux qu'Amazon et tous les autres, parce qu'eux, ils n'auront pas cette complémentarité. Et c'est cette impulsion, au départ, qu'il faut arriver à donner. Donc, plus que le saut, c'est l'impulsion initiale qui est essentielle pour s'engager dans cette transformation. Monde Numérique : [17:52] Alors, vous, vous formez des managers, je l'ai dit, donc vous les aidez à franchir et à faire ce grand saut. Quelles sont les qualités, les compétences qu'ils doivent développer et qu'ils doivent avoir ? Frédéric Charles: [18:04] Donc, la première donnée aux chiffres qu'on pourrait voir sur la transformation initiale, c'est qu'en fait, 70% des transformations échouent ou ne réussissent que partiellement. C'est pas très vendeur. Monde Numérique : [18:22] Non, c'est pas très encourageant. Frédéric Charles: [18:24] Voilà. Et donc ça, c'est un point qui est important. Alors, ça veut dire, quand on dit partiellement, ça veut dire qu'on a peut-être effectivement investi, on a moins de retours que ce qu'on attendait, on n'a pas eu tout le développement des ventes qui était attendu. Donc ça, ça peut être un élément, mais ça peut être aussi carrément un échec. Au niveau des managers, en fait, ils réalisent qu'en fait, il y a une complémentarité qu'ils ne vont pas pouvoir avoir tout seuls. Donc, ils vont très vite comprendre qu'il va falloir qu'ils travaillent en groupe. D'ailleurs, dans les ETI, on a souvent un terreau collaboratif, parce que des structures plus petites, parce qu'un lien peut-être plus fort avec un comité de direction, des structures collaboratives qui marchent et qui sont un terreau très, très fertile, justement, pour l'agilité. Donc, ils vont comprendre, finalement, l'intérêt de l'agilité dans leur mode de management, c'est-à-dire comment minimiser le risque, comment démarrer par quelque chose de simple en ayant une vision globale, y avancer progressivement, comment conduire le changement qu'il y a derrière. Donc en fait, ils vont réaliser que là où avant, on leur expliquait peut-être que grâce aux outils, tout allait se faire tout seul et à la limite, ça les déresponsabilisait totalement. Là, c'est leur responsabilité qui est clairement engagée en tant que manager. Frédéric Charles: [19:34] Pour guider, pour accompagner et pour faire cette transformation. Et je crois que c'est ça le point le plus important. On n'y va pas par procuration. Transformer, c'est changer de forme. On doit le faire. On ne peut pas se faire aider par des consultants, on peut se faire aider par des solutions de logiciels, mais à la fin, c'est bien la transformation de l'ETI qui est là, qui a changé de forme et qui a un nouveau modèle économique, qui est assis sur un nouveau système d'information, qui est l'évolution de ce qu'elle avait, plus des choses nouvelles. Et c'est ça qui va lui permettre de performer. Monde Numérique : [20:03] Merci beaucoup, Frédéric Charles, du groupe Suez et de l'ESSEC Business School. Et on rappelle pour les professionnels qui veulent en savoir plus, la tenue de Ready for It 2025 à Monaco du 20 au 22 mai.
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