Sébastien Patoux, chef du service des technologies batteries au CEA, présente les travaux en matière de batterie solide pour le futur.
Le CEA travaille notamment sur les batteries à électrolytes solides, qui promettent plus de stabilité et une plus grande densité énergétique. Cela pourrait offrir aux véhicules électriques une autonomie accrue. Toutefois, malgré l'énorme potentiel, des défis subsistent, notamment en matière de mise en œuvre industrielle et de réduction de l'impact environnemental.
(Extrait de l'émission "Objectif 2050" du 1/10/23)
Monde Numérique : Bonjour Sébastien Patoux. Vous êtes chef du service des technologies batteries au CEA et vous travaillez sur les batteries du futur. Qu'est ce qui va changer dans les systèmes de batteries ? Est ce qu'il y a des révolutions, des évolutions et des révolutions qui se préparent ?
Sébastien Patoux : Il y a rarement des révolutions en science et en particulier sur ce qui se passe vraiment. C'est le marché qui y croie de façon très importante et qui va finalement amener à beaucoup de recherches en amont pour des pistes à plus long terme. Alors on travaille à plusieurs échelles de temps. On travaille tout d'abord à l'échelle du court terme, en lien avec les gigafactory, les sociétés qui vont industrialiser des accumulateurs et des batteries. Et on travaille nous aussi aussi sur des programmes plus long terme pour les générations que l'on appelle batteries tout solide et aussi pour des générations qui vont au delà, qui vont s'inscrire dans une plus faible empreinte environnementale. Parce que l'on comprend très bien que lorsque vous avez besoin de quantité extrêmement importante de batterie, vous avez besoin de côté extrêmement importante de matériaux et que les matériaux pour certains sont sensibles critiques. Donc, il faut penser à en utiliser moins, voire à les éviter. Donc c'est vraiment sur ça qu'on travaille pour le long terme.
Est ce qu'on peut parler tout d'abord des fameuses batteries solides ? Pouvez vous nous rappeler un petit peu de quoi il s'agit et où est ce qu'on en est?
Sébastien Patoux : Alors les batteries solides sont une évolution de la technologie lithium ion classique dans lesquelles on a un électrolyte qui est liquide. C'est un liquide qui va transporter les ions lithium d'une électrode à l'autre dans le solide. Ce transport est beaucoup plus difficile. Par contre, l'électrolyse solide apporte une certaine stabilité et sécurité et va permettre et va permettre d'utiliser des composants tels que le lithium métal qui vont permettre d'aboutir à des densités d'énergie plus importantes et donc avoir plus de kilomètres d'autonomie pour votre véhicule électrique. Donc vous comprenez qu'on a un intérêt technique, mais aussi des verrous à passer pour améliorer la conduction, la conductivité, le transport des ions et pour pouvoir avoir une batterie fonctionnelle. Et donc le travail se situe à ce niveau là.
Monde Numérique : Les verrous en question, qu'est ce que c'est? Où est ce que ça bloque encore?
Sébastien Patoux : Alors je ne vais pas tout redécrire le comment on fabrique un accumulateur? Mais. Mais il est beaucoup plus facile à d'implémenter un liquide qui va baigner l'ensemble de la matière dans l'accumulateur. Le liquide va entrer en contact avec toute la matière. Lorsque vous avez un électrolyte solide, vous avez une matière qui est figée, vous avez l'électrode positive et négative et un électrolyte solide entre les deux. Et donc la gestion finalement de la des interfaces, comment on va implémenter l'ensemble fait l'objet des travaux du moment, c'est à dire qu'on va vouloir diminuer les résistances et pouvoir avoir une bonne conductivité et donc ça va passer. Si je suis un mot finalement, c'est comment implémenter un électrolyte solide. C'est l'implémentation, la mise en forme pour faire un accumulateur fonctionnel qui aujourd'hui est le veot. On arrive déjà à faire des choses mais on ne sait pas encore directement applicable industriellement et c'est pour ça qu'il y a un laps de temps entre ce qu'il va y avoir dans les gigafactory aujourd'hui, ce qu'il y a déjà, ce qui commence à sortir dans Logic Factory, en France et en Europe, et est ce qu'ils pourront implémenter dans cinq, dans dix ans, dans quinze ans, à grande échelle? Voilà, donc le solide arrivera dans quelques années, mais sur des marchés de niche dans un premier temps sans doute, et pas tout de suite, ne va pas remplacer les lignes de fabrication du moment.
Monde Numérique : Ce sera dans les véhicules notamment, etc. ?
Sébastien Patoux : Alors en partie, il y aura sans doute une une partie peut être pour les véhicules premium, un apport de l'électronique solide et avec une densité d'énergie plus importante, une autonomie plus importante. La proportion en part de marché, je ne la connais pas. On ne sait pas encore ce qui prend beaucoup d'ampleur et ce sera sur le second temps. En tout cas, c'est l'échelle que je vous disais après, mais qui commence dès maintenant avec des matériaux déjà empreinte. Aujourd'hui, dans une batterie, vous avez du nickel, du cobalt, du manganèse. On ne parlait plus du tout en Europe, des matériaux à base de fer, le phosphate de fer. On revient dans les roadmaps au niveau mondial, on va voir comment ça arrive en Europe et en France. C'est une solution qui est assez conventionnelle, que l'on connaît bien, qui apporte moins d'énergie mais malgré tout qui permet de baisser les coûts. Et on voit que cet axe finalement, qui est tout à fait l'axe énergie, c'est l'axe finalement coût et empreinte environnementale qui est finalement qui prend de l'ampleur au niveau mondial. Et il y a derrière ce matériau à base de fer qui est un exemple, l'exemple que l'on connaît bien, mais il y a toute une parlé sur des batteries sodium, ions potassium ion, des batteries toutes organiques issues de la biomasse par exemple. Ça s'inscrive sur du plus long terme et on n'est plus forcément en augmentant l'augmentation de l'autonomie de densité d'énergie, mais vraiment une baisse de l'empreinte environnementale et une baisse des coûts. Et donc on a les deux qui finalement aujourd'hui qui commencent à se côtoyer. Je ne sais pas du tout de quoi sera fait l'avenir et comment ça prendra en France, en Europe et dans le monde, avec des sans doute géographiquement des orientations différentes entre l'Asie et l'Amérique du Nord, l'Europe. Mais pour répondre à la question, il y en aura pour tout le monde, il y en aura pour toutes les technologies.
Monde Numérique : Ça va véritablement changer la face des notamment de la mobilité. Selon vous, cette évolution des batteries ?
Sébastien Patoux : Alors aujourd'hui, on voit bien que si on les constructeurs automobiles, il faut modifier toutes ces usines finalement pour pouvoir adresser le véhicule électrique, les métiers sont différents et je ne parle pas que de la batterie, je parle de tous les auxiliaires, tout ce qu'il y a autour, le moteur. Donc oui, ça change drastiquement les choses. Ça, c'est d'un point de vue automobile. Et puis nous, les gens qui viennent de la batterie, ça change drastiquement dans le sens où les demandes, elles sont, elles n'ont plus rien à voir. Est ce qu'elles étaient pour le téléphone et l'ordinateur portable? On voit bien, on a une attente très très importante du citoyen, du grand public, beaucoup plus que lorsque c'était pour alimenter de l'électronique portable. Et les volumes sont beaucoup plus importants. Donc les changements sont à ce niveau là en termes de chimie, en termes de chimie, depuis 30 ans, la batterie du camion existe depuis 30 ans et on est sur une évolution progressive des composants, une adaptation des composants aux besoins du marché, avec des progrès qui sont encore possibles.
Monde Numérique : Est ce que ça va changer beaucoup de choses par rapport aux batteries lithium ion qu'on qu'on connaît aujourd'hui ?
Sébastien Patoux : Alors pour une batterie, c'est une boîte noire pour l'usager. Donc ce qu'on va atteindre, c'est de l'autonomie, c'est une durée de vie satisfaisante. Donc aujourd'hui, typiquement, la durée de vie des batteries a beaucoup progressé ces dix dernières années et permet aujourd'hui. C'est ce qui est d'ailleurs permis aujourd'hui d'adresser l'automobile. Quand vous avez une batterie qui fait 200 ou 300 à 400 cycles, comme pour l'ordinateur portable ou le téléphone que vous changez tous les deux ans sans souci à moindre coût, Vous, c'est pas c'est pas viable pour l'automobile. On ne peut pas changer un véhicule tous les deux ans. En tout cas, la durée de vie d'un véhicule, c'est plus de deux ans. Donc la durée de vie a progressé, a permis d'adresser le marché automobile. Maintenant, pour vous, utilisateurs au quotidien, à part ça, ça ne change pas grand chose. On a fait progresser dans ces énergies la charge rapide ou également la décharge rapide. Donc ça progresse. Mais ce n'est pas vous n'allez pas sentir la révolution. C'est pour ça que je n'aimais pas ce terme là tout à l'heure. Instantanément, quand vous utilisez le but, c'est que ce soit le plus, presque le plus neutre possible pour l'usager. La batterie va rester une boîte noire pour l'usager.
Monde Numérique : Pour l'usager, Oui, mais après il y a, vous le disiez, vous l'avez évoqué, l'aspect environnemental, le bénéfice au niveau environnemental, qu'est ce que ça va être? Parce qu'on sait que la fabrication des batteries aujourd'hui est un très fort impact environnemental. Est ce que véritablement ça va s'améliorer à ce niveau là ?
Sébastien Patoux : Alors la batterie aujourd'hui à la fois un impact environnemental, oui, maintenant dans sa durée de vie, si on prend la batterie dans le véhicule, c'est quand même plus intéressant qu'un véhicule thermique. À partir du moment où vous allez rouler suffisamment. Le suffisamment dépend de l'origine de la fabrication de la batterie et de l'endroit où vous allez recharger. Est ce que vous recharger avec du nucléaire? Est ce que vous recharger avec du avec du charbon? Donc tout ça est à prendre en compte. Globalement, si on prend la situation de la France et de l'Europe en général, mais en particulier de la France, vous roulez de l'ordre de 50 zéro zéro zéro kilomètres. C'est un ordre de grandeur et vous avez finalement votre bilan qui est qui est équilibré par rapport aux véhicules thermiques et tout ce que vous allez rouler en plus et cinq zéro zéro zéro kilomètres va être en faveur de la batterie. Donc vous allez baisser l'empreinte environnementale du véhicule au global. Donc ça, c'est la situation déjà aujourd'hui, demain, avec des matériaux moins, moins critiques, moins sensibles, moins de cobalt, moins nickel. Donc on va encore améliorer l'empreinte environnementale qui va aller au delà du CO2, qui va être sur l'eau utilisée pour la fabrication, qui va être sur les matériaux en eux mêmes pour les extraire, donc l'énergie associée. Et donc idéalement, on va encore diminuer cette empreinte. Donc on est aujourd'hui sur un bilan qui est positif par rapport au thermique, contrairement à ce qui peut être dit dans certains articles où parfois il est connu et reconnu que le bilan est positif. Elle pas en sortie d'usine mais après un certain nombre de kilomètres d'usage et donc demain ça va encore diminuer. On va encore diminuer cette empreinte CO2, empreinte hydrique et tout ce qui empreinte matériau.
Monde Numérique : Et si on se projette encore plus loin dans le futur de la batterie, ce sera quoi?
Sébastien Patoux : Sébastien Patou On peut imaginer des batteries sans l'idiome. Avez du sodium batterie à base de sodium. L'ion sodium va faire des allers retours entre les électrodes négatives et positives et qui va générer le courant après demain. On peut imaginer des batteries au potassium. Je cite le sodium et le potassium parce que leur fonctionnement est similaire à du lithium ion. On a à peu près les mêmes façons de fabriquer un accumulateur et de fabriquer les matériaux. Ce n'est pas tout à fait les mêmes matériaux, c'est tout. Mais on va s'affranchir d'un matériau critique. Et puis peut être après demain, on pourra s'affranchir de tous les matériaux, de tous les métaux. On a parlé de cobalt, nickel, manganèse. Je ai parlé de fer qui est nettement mieux, mais on peut encore aller en deçà et avoir des matériaux organiques, peut être même issus de la biomasse issue du maïs issu de je ne sais quoi dans le sous sol qui soit complètement eco-friendly, qui se régénère et d'aller dans les batteries. Et finalement, sans empreinte ou à une très faible empreinte. L'empreinte, ce sera l'empreinte de la fabrication, mais pas l'empreinte d'une extraction de matière. Dans le sous sol.
Monde Numérique : Et ça, vous avez vraiment bon espoir d'arriver un jour à ces batteries là ou c'est purement théorique?
Sébastien Patoux : La réponse est plutôt positive. Tout va dépendre finalement de la des concessions qu'on est prêt à faire. Il est clair qu'il faut une batterie avec une très faible empreinte environnementale issue de uniquement de carbone ou de choses que l'on trouve dans le sous sol. Enfin, quand je dis carbone, c'est issu de la biomasse issu de ressources naturelles. On imagine avec du sodium issu du sel de mer. J'extrapole un peu, mais l'énergie sera quand même un peu moindre que l'énergie que l'on a aujourd'hui. Une batterie. Et donc je pense que ce type de batterie peut alimenter la tous les véhicules à terme d'entrée de gamme milieu de gamme. Pour le premium, il restera des batteries à plus forte empreinte environnementale qui permettront de faire plus de kilomètres, de se charger plus rapidement. Donc la limite elle se fera là. Mais oui, il y aura. On peut s'attendre à des à long terme à des batteries de ce type parce que ce n'est pas utopique, on n'est pas sur des choses utopiques. J'ai mis de côté un certain nombre de choses, de technologies qui ont déjà été regardées. Je citais le lit de mer par exemple, et je ne rentrerai pas dans le détail. Ça, ça a longtemps été dit comme une alternative au lithium ion, mais il y a tellement de verrous. Et finalement, quand on fait l'équilibre au global, on voit qu'il n'y a pas d'intérêt a priori. En tous cas aujourd'hui à ce jour, de l'implémenter. Je cite le sodium, non, le potassium ion, les batteries organiques. Parce que là aujourd'hui, on voit bien la danse d'énergie un peu plus faible restera sans doute plus faible qu'un bon lithium ion, mais ça peut apporter un avantage dans la mesure où le critère coût et le critère empreinte environnementale deviennent prépondérant sur le critère danse énergie. Mais je pense qu'il y aura plusieurs solutions sur le marché,
Monde Numérique : Alors qu'aujourd'hui il n'y a quasiment que du lithium ion ?
Sébastien Patoux : Alors aujourd'hui il y a quasiment que de lithium-ion, mais dans le lithium ion il y a plusieurs déclinaisons. On a, je vous ai parlé notamment les deux grandes familles avec les matériaux d'électrode positive à base de phosphate de fer, le fer et puis les matériaux positive à base de nickel cobalt manganèse qu'on appelle les nmc, c'est nmc. Donc vous avez ces deux grandes familles et après quand vous rentrez dans le détail, il y a encore des déclinaisons sur plusieurs à plusieurs niveaux, mais il y a déjà sur le marché deux grandes familles et on va voir arriver du tout solide qui seront encore une autre famille. Donc il y a quand même dans le lithium-ion, ce n'est pas une technologie, c'est un ensemble de technologies comme le seront le sodium ion, le potassium ion, les batteries organiques. On a des ensembles de de technologie dans ces. Finalement, dans ces grandes familles de chimie.
Monde Numérique : Merci. Sébastien Patoux, chef du service Technology batterie au CEA.