L'arrivée de l'intelligence artificielle sur les smartphones va bouleverser la manière de s'informer et l'économie des médias, selon Frédéric Filloux, spécialiste du secteur.

🎤 Interview
Frédéric Filloux, spécialiste des médias numériques (episodiqu.es)
Pourquoi pensez-vous que l'intelligence artificielle risque de transformer fondamentalement notre manière de nous informer ?
Nous allons passer d'un système où l'on consulte des applications d'information spécifiques à un système conversationnel où des assistants intelligents feront des synthèses personnalisées. Au lieu de chercher l'information sur différentes apps, nous demanderons à notre assistant de nous résumer les positions politiques ou les interviews récentes, ce qui risque de rendre les applications actuelles obsolètes.
En quoi cette évolution serait-elle problématique pour les médias ?
Les médias vont se retrouver face à des géants technologiques qui deviendront à la fois producteurs et diffuseurs d'informations, avec une capacité de personnalisation immense grâce à leur base d'utilisateurs et leur connaissance intime de ces derniers. Les éditeurs risquent de perdre leur contrôle et leur modèle économique, car les géants comme Apple et Google domineront le secteur de l'information.
Un “suicide collectif”
Que devraient faire les éditeurs de presse, selon vous ?
Les éditeurs ont commencé à signer des accords avec les opérateurs d’IA qui offrent des revenus immédiats. En échange, ils leur fournissent des données de haute qualité qui leur permettent d’améliorer leurs modèles. Or, selon moi, c’est un suicide collectif des médias. Mieux vaudrait une action collective pour documenter et dénoncer le pillage de leurs données par les IA, et engager des actions en justice afin de mieux négocier.
Frédéric Filloux :
[0:01] Là, on va passer à des systèmes conversationnels où on va avoir une espèce de réintermédiation par des intelligences artificielles. Et tout d'un coup, les applications risquent fortement de disparaître.
Monde Numérique :
[0:17] Bonjour Frédéric Filloux.
Frédéric Filloux :
[0:19] Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
[0:20] Tu es journaliste, c'est pour ça que je me permets de te tutoyer, spécialiste de la tech et des médias depuis de longues années. Tu as travaillé à Libération, aux Echos, tu as participé au lancement de 20 minutes, à l'Express, etc. Et puis, tu travailles depuis pas mal de temps sur vraiment la problématique des médias et des technologies. Tu as d'ailleurs passé deux ans à l'université de Stanford aux États-Unis pour plancher là-dessus. Et puis, enfin, tu es l'auteur d'une newsletter qui s'appelle l'Episodique. Et une newsletter dans laquelle, récemment, tu développais un sujet particulièrement intéressant qui est que, selon toi, l'arrivée de l'intelligence artificielle sur les smartphones, et notamment avec ce que promet Apple, qui a été annoncé récemment, Ça va changer non seulement nos usages au quotidien, mais notre manière de nous informer. Pour quelles raisons ?
Frédéric Filloux :
[1:07] En tout cas, on est dans la continuité des relations entre la technologie et les médias. Le développement des médias a toujours été très étroitement lié au vecteur technologique qu'il incarnait. Donc, ça a été effectivement l'imprimerie, ça a été la radio, ça a été la télé, qui se sont livrées à des concurrences parfois féroces, mais qui ne se sont pas totalement cannibalisées. Là, on entre dans une nouvelle ère avec le numérique depuis un moment qui a totalement changé la donne et notamment les business models. Et là, on va rajouter une nouvelle couche, une double couche qui est la prééminence du smartphone et d'un smartphone qui va transporter un agent conversationnel basé sur de l'intelligence artificielle. Et là, ça va quand même changer beaucoup de choses.
Monde Numérique :
[1:53] C'est-à-dire ? Et pour quelles raisons ?
Frédéric Filloux :
[1:55] Parce qu'on va passer d'un système dans lequel je vais sur mon app, que ce soit une app de réseaux sociaux, ce qui est une plaie pour l'information, ou que ce soit une app d'un média quelconque, où je vais sur Le Monde, je vais sur le New York Times, je vais sur le Wall Street Journal, je vais sur n'importe quoi, et puis je chope mon information. Là, on va passer à des systèmes conversationnels où on va avoir une espèce de réintermédiation, par des intelligences artificielles. Et ça va se passer en grande partie, peut-être pas tout de suite, parce qu'il faudra un petit peu de temps pour ça, mais on va demander à son agent, à son assistant personnel, à son agent intelligent, on va lui dire, fais-moi une synthèse des positions de la France Insoumise sur tel ou tel sujet. Qui était à cet avou aujourd'hui ? Qui était sur France Inter ce matin ? Est-ce que tu peux me dire que dans l'interview de 8h20 de ce matin, quel était l'invité ? Qu'est-ce que la personne a dit ? Donc, tu vas avoir les systèmes qui vont te restituer tout ça, qui vont aller te le chercher, qui vont faire des synthèses. Et tout d'un coup, les applications risquent fortement de disparaître. Et là, je pense que ça va être une évolution, voire une révolution qui va être vraiment très compliquée à gérer pour les médias.
Monde Numérique :
[3:07] En fait, ça va être que du bonheur pour l'utilisateur, mais ça va faire mal aux éditeurs, c'est-à-dire aux médias ?
Frédéric Filloux :
[3:16] Oui, parce qu'on va rentrer dans un système où le vecteur technologique devient également producteur et émetteur d'informations avec des avantages compétitifs absolument phénoménaux. Parce que l'avantage, ça va être le volume, c'est-à-dire le fait qu'Apple a plus de 1 milliard de smartphones qui sont activés dans le monde, ce qui est une base installée absolument gigantesque.
Frédéric Filloux :
[3:44] Elle a des taux de pénétration absolument phénoménaux dans les pays industrialisés. Même topo pour Android qui doit avoir quelque chose comme 3 milliards de devices avec une plus grande diversité sur le public. Et ce sont des objets sur lesquels on passe 3 heures, 4 heures, 5 heures, 6 heures par jour et qui nous connaissent de façon totalement intime. C'est-à-dire que si on ajoute le fait que tous ces systèmes nous connaissent à travers les réseaux sociaux, vont être capables de personnalisation complètement infinie de notre système d'information, on va arriver à une espèce de surpuissance de ces systèmes. Le problème est aggravé, à mes yeux en tout cas, et là je suis extrêmement sévère par rapport à ça, par ce que j'appellerais la capitulation des éditeurs de presse qui se bousculent pour aller faire des deals avec les opérateurs d'intelligence artificielle comme OpenAI. Et là, pour moi, c'est la dernière série de clous sur le secteur de l'information. Je ne vois pas ça de façon très positive.
Monde Numérique :
[4:45] Pourquoi ? Parce que c'est aussi la garantie pour ces acteurs-là d'avoir des revenus et de ne pas se faire piller sans contrepartie. Et puis, ça alimente aussi la richesse des moteurs d'IA.
Frédéric Filloux :
[5:00] Justement, sur le dernier point, je pense que le fait de pouvoir, pour une IA comme GPT-5, 6 ou les versions Anthropic, Cloud, etc. Je pense que le fait de pouvoir embarquer des données de super bonne qualité comme celles des éditeurs de presse qui ont signé avec eux ou qui vont prochainement signer avec eux, ça va faire gagner un an, deux ans, trois ans, ce qui est monumental à l'échelle du développement de l'intelligence artificielle à tous ces opérateurs. Donc, je pense que c'est une très, très, très, très mauvaise idée. Parce que...
Monde Numérique :
[5:36] C'est-à-dire qu'il leur donne les clés du camion, quoi.
Frédéric Filloux :
[5:38] Il leur donne les clés du camion, Et ils créent les instruments de la concurrence de demain. C'est-à-dire que du point de vue de l'IA, aujourd'hui, du point de vue d'un opérateur d'IA, ils ont passé leur temps à se nourrir avec du surimi, c'est-à-dire de la bouffe, de la malbouffe, de mauvaise qualité, des données pourries où ils mettaient l'équivalent du Gorafi, ce qui a donné des trucs...
Monde Numérique :
[6:02] Alors, il n'y avait pas que ça. Il y a aussi du Wikipédia, etc.
Frédéric Filloux :
[6:05] Oui, oui. Mais ce que je veux dire, c'est qu'ils ont pris le tout venant. Tu as raison, ils ont pillé les données. mais ça je vais y revenir dans un instant mais ils ont pris le tout venant et le tout venant étant quand même extrêmement, très divers en termes de qualité et là tout d'un coup avec des deals qui sont faits dans des conditions effectivement très intéressantes pour les éditeurs, ils vont se retrouver ils vont passer du surimis au caviar c'est à dire qu'ils vont avoir des données d'enfer qui répondent à une équation très simple qui est l'équation centrale des opérateurs d'intelligence artificielle qui est pourquoi je choisis un média, pourquoi je choisis un éditeur de presse c'est sur la base d'une équation qui va être la qualité perçue ou réelle la fréquence de rafraîchissement des données, à quel rythme cet éditeur produit les données et tertio, la profondeur des archives. Il est vrai que quand tu vas mettre dans une IA encore une fois comme les futures versions de ChatGPT ou d'autres.
Frédéric Filloux :
[7:07] Entre 2 millions d'articles d'archives du Guardian, du Financial Times ou du Monde, mais pour eux, c'est Broadway. Ils vont complètement apprendre comment ces médias produisent leur information et ils vont être en mesure de la restituer. Alors oui, à court terme, c'est génial. Ça apporte des suppléments de revenus qui sont de l'ordre de, on parle de 250 millions de dollars sur 5 ans pour le Wall Street Journal. Je pense que le monde et les autres, de salouettes, ils ne m'ont pas fait de confidence, bien évidemment, ce sont des accords secrets, qui en plus se sont passés séparément, parce que tout ça, on est dans un système où c'est fracturé pour mieux régner, mais pour le monde, pour le Figaro, qui n'a pas encore signé, mais pour des médias comme ça, de cette taille-là, ce sera plutôt entre 5 et 10 millions, de dollars par an, qui vont se mettre en bas du compte d'exploitation, donc c'est de la marge, donc c'est génial, donc effectivement, on ne peut pas blâmer le monde ou les autres d'avoir signé, mais d'avoir signé avec les opérateurs, dire Mais à terme, je pense que c'est un suicide collectif.
Monde Numérique :
[8:06] Donc, ce que tu soulignes, c'est un vrai problème économique à long terme pour les médias, pour la presse, derrière cette espèce d'écran de fumée de cash facile immédiat. Mais quelle autre solution, Frédéric ? Qu'est Qu'est-ce qu'ils auraient dû faire ? Qu'est-ce qu'ils devraient faire ?
Frédéric Filloux :
[8:25] Moi, je suis très catégorique là-dessus. Je suis en général toujours catégorique. C'est même à ça qu'on me reconnaît. Mais je pense qu'il y avait une autre solution qui consistait premièrement à faire une expertise qu'ils auraient dû faire ? Qu'est-ce qu'ils devraient faire ? En justice menée par le New York Times le New York Times a confié à des experts qui ont analysé très en profondeur les modèles d'IA, notamment ceux de OpenAI et qui ont découvert ce qu'on savait déjà, mais ils l'ont documenté de façon très précise, le fait que OpenAI était largement nourri des données du New York Times.
Monde Numérique :
[9:07] Sans autorisation.
Frédéric Filloux :
[9:08] Sans autorisation. Et pour eux, c'est uniquement une position de négociation, c'est-à-dire que je suis prêt à prendre le pari habitoir, si on se reparle dans six mois, que le New York Times aura signé comme les autres. Mais bon, peu importe. Moi, je pense que les éditeurs français et européens auraient gagné à d'abord avoir une espèce d'action collective, de faire en premier lieu une expertise extrêmement approfondie qui n'est pas simple à faire, mais je veux dire, on ne manque pas d'experts, notamment en France, par exemple dans les milieux académiques, pour faire des analyses extrêmement précises, pour mettre en évidence ce pillage. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, ça aurait été de prendre les services d'un cabinet d'avocats extrêmement agressif sur cette question. Évidemment, ça coûte 300 000, 500 000, 1 million de dollars pour avoir l'espoir de remporter cette action en justice mais il faut savoir que les GAFA ce que j'appelle les GAFAM+, c'est-à-dire ceux qu'on connaît plus, les opérateurs d'IA ne comprennent que ça, ne comprennent que la force.
Frédéric Filloux :
[10:02] Ils ne comprennent que le risque de se trouver avec une class action lawsuit qui va leur coûter des milliards d'euros, de dollars. Donc, il y avait cette possibilité-là et après, ils se seraient trouvés en position de faire éventuellement des bons accords. Qu'est-ce que j'entends par un bon accord ? J'entends par un accord qui a, par exemple, une dimension projet industriel. Ce que je note, en tout cas à ma connaissance, et je suis à peu près certain de ne pas me tromper, c'est que l'accord tel qu'a signé le monde pour l'instant il y a zéro projet industriel, zéro projet industriel ils encaissent le cash ce qui n'est pas idiot ce qui est un peu inévitable et on se met encore une fois à leur place ils auraient eu le temps de s'en priver mais il n'y a pas d'exploitation de toutes ces technologies, style open AI et après je crois qu'il y a.
Monde Numérique :
[10:48] Quand même dans le deal la possibilité pour le monde d'avoir enfin un accès peut-être à meilleur tarif ou autre des technologies d'open AI aillent.
Frédéric Filloux :
[10:57] Je pense honnêtement que c'est bullshit. Je pense que le Wall Street Journal a invoqué, la même chose et honnêtement, ça fait marrer tout le monde dans les milieux de l'intelligence artificielle aux Etats-Unis parce que ces gens-là ne sont pas crédibles. Ils sont très bons. Je parle des éditeurs de presse. Ils sont très bons sur énormément de choses. Ils ont même maintenant des ingénieurs de première classe, mais ils ne sont pas équipés pour ça. Ce n'est pas leur taf. Moi, je pense que que l'intelligence artificielle peut servir les éditeurs de presse sur des choses latérales, comme par exemple la, connaissance extrêmement granulaire des données clients et la conformation, la combinaison des données clients pour servir au mieux des contenus personnalisés. Ça peut aider, par exemple, quand tu as des millions d'articles, comme c'est le cas pour ces grands éditeurs de la presse, ça peut aider à construire des moteurs de recommandation qui soient extraordinairement puissants et qui puissent garantir une profondeur d'utilisation, un nombre de pages vues beaucoup plus important.
Monde Numérique :
[11:57] C'est un peu la même histoire qui se répète. Ça ressemble un peu à l'époque où Google pillait allègrement tous les livres de toutes les bibliothèques pour les mettre en libre accès sur le web.
Frédéric Filloux :
[12:08] C'est exactement, l'histoire se répète exactement de la même façon. Sauf que là, OpenAI s'est dit « Hum, Google n'a cessé de se prendre des gifs de la part de la Commission européenne. » Oui, parce que voilà.
Monde Numérique :
[12:18] Ils se sont pris des procès, des réglementations, etc.
Frédéric Filloux :
[12:21] Ça risquait de faire la même chose avec le DOJ américain qui est commencé à tendre l'élastique contre les opérateurs d'IA. Et là, ils ont préempté le truc qu'en faisant des deals mais alors le problème c'est que ces deals vont être sélectifs parce que tu vas avoir les éditeurs de ce que j'appelle le premier tiers c'est-à-dire les éditeurs qui sont dominants sur le marché style effectivement en France Le Monde Le Figaro, Les Echos en Angleterre Toral Guardian Toral etc. Aux Etats-Unis on les connaît tous et il n'y aura pas de deuxième d'accord pour les deuxièmes tiers ils ne vont pas s'embêter les opérateurs d'IA à faire des deals avec des éditeurs de presse, de second tiers c'est pas du tout un jugement qualitatif que j'évoque là mais simplement parce qu'ils auront eu le caviar la crème pour laquelle ils vont quand même payer assez cher pas si cher au regard de leur compte d'exploitation à eux parce qu'on parle quand même pour OpenAI d'un chiffre d'affaires prévu pour 2024 de 5 milliards de dollars donc filer collectivement, 50 millions ou 100 millions au max à des itéateurs de presse européens et américains, ce n'est pas cher payé par rapport à ce que ça leur apporte, voire à ce que ça leur rapporte.
Monde Numérique :
[13:37] Est-ce qu'à long terme, Frédéric Filloux, ça menacerait l'économie des médias
Monde Numérique :
[13:44] et donc l'existence de ces médias qui sont déjà si maltraités d'une certaine manière ? Enfin à la fois maltraités et puis en même temps il s'est passé plein de choses pas inintéressantes mais est-ce que ça veut dire qu'à terme ils seraient menacés dans leur existence même et donc l'information in fine moi.
Frédéric Filloux :
[14:02] Je pense que oui je pense que même j'ai écrit que l'IA était le dernier cercueil le dernier clou sur le cercueil de l'information parce que pour un OpenAI pour un Anthropic pour un Microsoft ou je ne sais qui ce sera extrêmement facile une fois qu'ils auront entraîné leur modèle, pendant des mois ce sera extrêmement facile de produire des services d'information à un coût pour eux un coût marginal pour eux extrêmement, négligeable et ces services d'information seront ultra personnalisés dans une proportion totalement inaccessible pour les éditeurs de presse, et ils viendront évidemment concurrencer Apple Intelligence on voit déjà les dégâts que fait Apple News en termes de déflation moi ça m'a économisé des centaines de dollars par an la possibilité de lire beaucoup de magazines sur Apple News, c'est un système, épouvantablement déflationniste parce que c'est des.
Monde Numérique :
[14:58] Accès gratuits aux articles.
Frédéric Filloux :
[15:00] Pour un abonnement à 9 dollars par an sur Apple News je pense que j'ai dû économiser 150 à 200 dollars par an sur les abonnements que je payais plein pot auparavant donc je pense que ça peut potentiellement faire extrêmement mal au secteur des médias, je pense néanmoins et ce n'est pas du tout pour être niaisement positif.
Frédéric Filloux :
[15:17] Je pense qu'il peut naître de ça un certain nombre d'opportunités. Et ces opportunités, je les vois sur le fait que les médias se replient sur leurs fondamentaux. Qu'est-ce que sont les fondamentaux pour un média ? Les fondamentaux pour un média, ça va être de capitaliser sur ses actifs. Ses actifs, ce sont ses talents. Ce sont les hommes et les femmes qui produisent de l'information de qualité et qui sont capables de faire la différence par rapport à ces plateformes et par rapport à leur propre concurrence. Ça, c'est un élément absolument fondamental. Mais on revient,
Frédéric Filloux :
[15:53] j'invente rien, on revient à des fondamentaux de l'entreprise numérique classique qui sont mes facteurs de différenciation, mon public et mes barrières à l'entrée. Et je pense que pour les rédactions dont on parle, les barrières à l'entrée, ce sont encore une fois les talents journalistiques qui sont capables d'aligner.
Monde Numérique :
[16:13] Frédéric Filloux, si on revient au côté utilisateur un peu, est-ce qu'on peut en parler un petit peu, à court terme au moins je le disais, c'est séduisant quand même pour l'utilisateur, ça veut dire que demain on pourra demander à son smartphone de nous faire une synthèse de l'actualité mais on sait que ces IA, aujourd'hui, au stade où elles en sont elles ne sont pas parfaites elles hallucinent, on voit les difficultés de Google pour arriver à faire ça par écrit avec Gemini, où régulièrement il y a des réponses totalement farfelues qui apparaissent. Donc, est-ce que finalement, on ne fantasme pas sur quelque chose qui est encore un peu loin de la coupe aux lèvres ?
Frédéric Filloux :
[16:52] Je suis complètement d'accord avec toi sur le fait que les IA aujourd'hui sont totalement imparfaites. Quand je regarde ça du point de vue du journaliste économique que je suis, Chad GPT est totalement inutile pour moi. C'est-à-dire que quand je lui demande des choses précises, genre fais-moi une table des capitalisations boursières aux États-Unis dans le domaine des batteries ou des trucs comme ça, il va me sortir de ces conneries qui sont absolument, monumentales donc l'utiliser un chatipli n'est.
Monde Numérique :
[17:15] Pas une source d'informations.
Frédéric Filloux :
[17:16] Je le répète.
Monde Numérique :
[17:17] À chaque épisode ou.
Frédéric Filloux :
[17:18] Presque on est complètement d'accord on est complètement d'accord là-dessus ça c'est la situation actuelle quand tu vas avoir un modèle d'intelligence artificielle orienté news qui aura été entraîné aux meilleures sources.
Frédéric Filloux :
[17:31] La restriction même de ton jeu de données va faire que l'intelligence artificielle, ton modèle de langage, ton LLM, va évoluer dans un environnement contraint et de facto de bien meilleure qualité que le grand bordel généraliste auquel on assiste aujourd'hui. Donc, je suis absolument persuadé que les problèmes d'hallucination, qui sont un énorme problème, qui est quasiment, je ne dirais pas impossible, mais extrêmement compliqué à résoudre aujourd'hui, vont de facto disparaître avec la qualité des datasets auxquels auront participé nos amis éditeurs de presse. Donc on aura des choses extrêmement utiles, le problème c'est que les modèles vont apprendre, ils vont apprendre à rédiger comme le New York Times comme le Financial Times, etc que même après si les éditeurs disent bon on arrête les conneries maintenant, on retire nos données le modèle aura énormément appris il sera capable de trouver ce qu'on appelle les grounding data, qui servent à augmenter la partie qu'on appelle RAG R-A-G, qui veut dire Retrieval Augmented Generation, qui est la partie, utile, c'est-à-dire les données fraîches, de qualité, machin, etc. Ces données-là, ils les trouveront dans l'écosystème des news gratuits.
Frédéric Filloux :
[18:41] Donc, ils auront de facto une capacité énorme pour concurrencer les médias, qui, encore une fois, les auront aidés à s'entraîner. Donc, néanmoins, moi, je pense que l'opportunité pour les médias, c'est vraiment de se replier sur ces fondamentaux.
Frédéric Filloux :
[18:55] Personnellement, je continuerai à payer mon abonnement au Monde, aux Echos.
Frédéric Filloux :
[19:01] À Asia Atlantic et à Wired, parce qu'ils m'offriront des choses uniques que je ne lis pas ailleurs et que les IA seront évidemment incapables de me fournir. Mais mon exemple est un exemple de vieux mâle blanc conservateur dans sa consommation d'informations et malheureusement, ce ne sera pas la norme.
Monde Numérique :
[19:19] Merci Frédéric Filloux, journaliste spécialiste des médias et des technologies et auteur notamment de la newsletter épisodique.