Des robots pour porter des plateaux-repas dans les hôtels ou les Ehpad... Rencontre avec le spécialiste en robotique d'origine française, Aldebaran.
Jean-Marc Bollmann, directeur général d'Aldébaran, présente U-Link, un robot multifonctionnel qui peut s'adapter à divers environnements, pour simplifier le travail des humains dans des domaines tels que les hôpitaux, les hôtels et les restaurants. Les robots sont équipés de LIDAR pour des déplacements autonomes, offrent des fonctionnalités pratiques telles que Follow Me et sont déjà adoptés par des établissements comme les EHPAD. On aborde les aspects pratiques tels que la capacité de charge des robots, leur autonomie, leur forme et leur interface conviviale. Selon Aldebaran, la robotique de service vise avant tout à améliorer le travail et les métiers traditionnels du secteur de "l'hospitality".
Jean-Marc Bollmann:
[0:00] Un robot de service, c'est un robot qu'on doit utiliser dans un environnement humain.
Jean-Marc Bollmann:
[0:03] Je dois pouvoir me balader comme je veux, au gré de la surface qui est autour de moi, mais en même temps, en ayant finalement un robot qui va travailler en collaboration avec moi.
Monde Numérique:
[0:16] Bonjour Jean-Marc Bollemann.
Jean-Marc Bollmann:
[0:17] Bonjour.
Monde Numérique:
[0:18] Donc vous présidez la société Aldébaran, qui est connue en France, puisque c'était une création française, l'un des pionniers de la robotique, puis ensuite qui a été racheté par des japonais et récemment racheté par le groupe United Robotics Allemands, c'est ça ?
Jean-Marc Bollmann:
[0:31] Ce qui est très intéressant, c'est qu'en fait on est redevenu européen, ce qui est quand même plus intéressant pour nous en termes d'histoire, ça nous permet d'être plutôt franco-allemands que franco-japonais. Et cela dit, ce qui est intéressant aussi, c'est que l'Allemagne procède beaucoup dans la partie industrielle de la robotique et on tire aussi pas mal de connaissances de cette partie-là pour justement travailler beaucoup plus sur l'axe robotique de service.
Monde Numérique:
[0:54] C'est quoi la robotique de service ? Les robots que vous présentez ici à Vivatech, on a l'impression qu'ils savent faire plein de choses assez différentes.
Jean-Marc Bollmann:
[1:02] Oui, c'est exact. Alors aujourd'hui, on présente U-Link. Donc U-Link, c'est ni plus ni moins que notre nouvelle version robotisée qui est capable finalement d'avoir une capacité d'emport très supérieure à ce qu'on a pu rencontrer sur Plateau. L'intérêt, c'est qu'on a la capacité d'intégrer derrière des modules. Là, en l'occurrence, on a intégré un module Click & Collect avec des partenaires.
Monde Numérique:
[1:26] Donc ça ressemble, ne vous vexez pas, mais c'est pour juste décrire, si on n'a pas l'image, on va dire une grosse poubelle, mais une très belle poubelle, bien entendu, mais c'est un cylindre. Comment vous décririez ça ?
Jean-Marc Bollmann:
[1:40] Si je dis ça, j'ai 186 ingénieurs qui vont me tomber dessus et qui ne vont peut-être pas apprécier.
Monde Numérique:
[1:46] Comment on peut décrire cet engin sans l'image ?
Jean-Marc Bollmann:
[1:49] Sans l'image, on peut considérer qu'en fait, vous avez une base mobile avec ce qu'on appelle une spine, donc en fait, une colonne vertébrale.
Monde Numérique:
[1:56] Voilà, donc un gros cylindre avec un écran et un visage sympathique.
Jean-Marc Bollmann:
[2:01] Alors attention, le cylindre, lui, est un module qui vient s'intégrer directement au processus. Donc, l'intérêt du produit, proprement dit, c'est effectivement deux parties. Et c'est là où ça devient assez intéressant. C'est qu'en fait, on a la capacité de se dire, j'ai finalement un usage spécifique dans un domaine d'application spécifique, où là, je vais venir intégrer toute cette partie-là. Et donc, là, en l'occurrence, on a un locker, en fait, pour gérer du click and collect, où je vais venir scanner mon code RFID et récupérer...
Monde Numérique:
[2:34] Ce n'est pas un conteneur, mais c'est un casier roulant.
Jean-Marc Bollmann:
[2:40] Oui, on peut considérer qu'aujourd'hui, c'est une box qui permet d'être fermée et d'apporter directement la matière ou le produit au consommateur.
Monde Numérique:
[2:48] À quoi ça peut servir ? C'est utilisé dans quel cadre ?
Jean-Marc Bollmann:
[2:51] À plein de choses. On peut l'utiliser dans différentes solutions. En l'occurrence, on pourrait très bien utiliser le même modèle à l'hôpital, où on va faire par exemple tous les tests sanguins le matin. Et donc les intégrer directement dans quelque chose qui doit forcément être intégré et puis surtout loqué et transmettre directement ces tests au laboratoire.
Monde Numérique:
[3:13] Et puis alors il peut se transformer en robot de service pour des plateaux dans un restaurant, un hôtel, etc.
Jean-Marc Bollmann:
[3:20] Donc là en l'occurrence c'est Plateau, c'est l'origine du développement de la robotique de service.
Monde Numérique:
[3:28] Plateau c'est son nom, PLTO. Plateau il peut servir à quoi ?
Jean-Marc Bollmann:
[3:32] Alors là, en l'occurrence, c'était précisément pour répondre à une tension rencontrée dans ce qu'on appelle l'hospitality, donc les hôtels, les restaurants. Le travail qui consiste finalement à transmettre des repas ou ramener des repas justement en cuisine ou des plateaux vides quand il s'agit d'hôtels, ça permet tout simplement de limiter en fait ces allers et retours et donc une pénibilité qui est quand même liée à ce travail-là et concentrer en fait l'individu sur sa tâche principale qui consiste à être vraiment au contact de son client.
Monde Numérique:
[4:07] Il peut se déplacer entièrement seul ?
Jean-Marc Bollmann:
[4:09] Oui, la particularité de l'ensemble de ces robots en matière de déplacement, c'est qu'ils sont tous équipés de LIDAR, de LIDAR 3D en ce qui concerne U-Link aussi, de telle manière à répondre déjà à toute la réglementation safety, toute la réconciliation RGPD, etc. Donc on est vraiment en phase avec les réglementations européennes. Et par la même occasion, ça permet finalement un robot de service, c'est un robot qu'on doit utiliser dans un environnement humain. Et donc l'environnement humain là en l'occurrence c'est je dois pouvoir me balader comme je veux au gré de la surface qui est autour de moi mais en même temps en ayant finalement un robot qui va travailler en collaboration avec moi mais.
Monde Numérique:
[4:51] Il a besoin de savoir comment se déplacer de connaître déjà le chemin etc.
Jean-Marc Bollmann:
[4:55] Alors il y a effectivement la capacité d'éditer une cartographie c'est ce qu'on fait la plupart du temps d'ailleurs là on peut voir il est en train de dessiner justement la cartographie Donc on peut très clairement lui indiquer quels sont les endroits où on va vouloir le voir passer, le voir récupérer, récolter de la matière par exemple ? Configuration que ce soit, ou dans un autre domaine où on va utiliser une fonction
Jean-Marc Bollmann:
[5:21] qu'on appelle la fonction Follow Me, où je vais simplement demander au robot de me suivre et il va continuer sa course avec moi tout en me suivant.
Monde Numérique:
[5:29] C'est utilisé déjà dans des établissements ?
Jean-Marc Bollmann:
[5:31] Oui, tout à fait. Donc il y a plusieurs établissements, en ce qui concerne Plateau, il y a plusieurs établissements qui aujourd'hui l'utilisent, que ce soit y compris d'ailleurs dans certains EHPAD, dans la partie hôtellerie évidemment, les grosses restaurations. Il y a évidemment un engouement qui est important parce que, encore une fois, ça permet de décharger une grosse partie d'un travail qui est plus chronophage qu'apporter une réelle valeur ajoutée dans le travail qui est effectué aujourd'hui.
Monde Numérique:
[5:59] Combien ça coûte un robot comme ça, Jean-Marc Bollemann ?
Jean-Marc Bollmann:
[6:01] Bon, grosso modo, on va aller entre 18 000 et 20 000 euros, à peu près. Je vous donne une grosse fourchette. Mais il y a un élément qui est important à retenir, c'est que vous avez à la fois la possibilité d'investir et donc de l'acheter, mais aussi la capacité de le louer. Il faut tenir compte du fait qu'aujourd'hui, dans cette nouvelle technologie, au même titre qu'un copieur, qu'une imprimante, la plupart du temps, les entreprises les louent et ne les achètent pas. Et une des raisons principales, c'est que derrière, il y a tout un service et un écosystème qui se crée en termes de services et de supports, de main-d'oeuvre, de maintenance et de training qui est nécessaire dans certains cas. Et donc ce qui me paraît assez intéressant, c'est de comprendre comment on peut réintégrer vraiment ce type de robot dans le monde d'aujourd'hui en matière de travail et d'implication du travail.
Monde Numérique:
[6:48] Est-ce que ce sont des machines qui n'auraient pas pu exister il y a quelques années parce que l'intelligence artificielle n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui ou bien ça existe depuis longtemps en fait ?
Jean-Marc Bollmann:
[7:04] La robotique existe depuis pas mal d'années quand même. On a beaucoup plus eu en face de nous une robotique industrielle ou une co-botique dont on a en fait un exemple juste derrière qu'on appelle le palletiseur. Ce qui permet en fait de charger une palette. Pendant ce temps-là en fait les techniciens peuvent faire autre chose mais la réalité c'est qu'aujourd'hui dans la robotique de service, Ce qui est assez nouveau, c'est la capacité justement de travailler dans un environnement humain en toute sécurité. Et ça, c'est l'élément déterminant. C'est-à-dire que la technologie actuelle nous permet justement de faire évoluer ce robot aussi bien dans un hôpital,
Jean-Marc Bollmann:
[7:44] dans un restaurant, dans un hôtel, dans un aéroport où on teste actuellement plusieurs modèles.
Monde Numérique:
[7:51] On peut parler vraiment de démocratisation de la robotique ?
Jean-Marc Bollmann:
[7:55] Alors j'aimerais bien qu'on en arrive là. Aujourd'hui, c'est toute la problématique de l'adoption de la technologie dans le monde dans lequel on se trouve. En réalité, la technologie va plus vite que notre adaptation. Mais l'homme s'est adapté depuis à peu près 100 millions d'années, donc il continuera de le faire. La réalité aujourd'hui, c'est comment trouver le bon niveau d'adaptation, de telle manière à faire en sorte que l'individu puisse s'approprier le produit et par la même occasion évoluer au sein du travail qu'il a choisi de faire.
Jean-Marc Bollmann:
[8:23] Donc toujours garder le sens de ce qu'on fait tout en supportant l'humain dans son travail et pas en le replaçant. Et ça, c'est très important pour nous.
Monde Numérique:
[8:31] Oui, mais on voit que dans certains commerces, restaurants, cafés, des restaurateurs, face au problème de manque de personnel, envisagent aujourd'hui de s'équiper de ce type de machine.
Jean-Marc Bollmann:
[8:45] Alors peut-être qu'il y a aussi un travail à faire en ce qui concerne la réappropriation d'un métier, c'est-à-dire que si on se pose réellement la question de savoir pourquoi je décide de servir en restaurant, pourquoi je décide finalement l'hôtellerie ou l'hospitality dans son ensemble, c'est précisément parce que je cherche le contact humain, c'est précisément parce que j'ai envie de servir, J'ai envie d'avoir cette espèce de contact qui m'importe dans mon métier de restauration.
Monde Numérique:
[9:16] Oui, mais on sait que c'est des métiers qui manquent d'attractivité aujourd'hui.
Jean-Marc Bollmann:
[9:18] Mais donc, cette activité-là, pour qu'elle devienne un peu plus attractive, peut-être qu'il faut se poser la question autrement et se dire, peut-être que justement, en utilisant ce type de robot, de telle manière à éradiquer une partie, je dirais, de la pénibilité de ce métier, on se reconcentrera évidemment sur l'essence même de ce métier-là. Donc le contact client, etc. Peut-être que le service, à ce moment-là, sera aussi différent.
Jean-Marc Bollmann:
[9:40] Et donc il faut se réapproprier finalement ce métier-là, le réapprendre et le travailler d'une autre manière avec justement l'usage de la robotique de service.
Monde Numérique:
[9:50] Juste deux petites questions pratiques. Quelle charge ça peut transporter et quelle est l'autonomie électrique quand il se met à travailler ?
Jean-Marc Bollmann:
[9:59] Donc là, en l'occurrence, on est sur 30 kg.
Monde Numérique:
[10:03] Donc on peut lui mettre par exemple plusieurs plateaux repas.
Jean-Marc Bollmann:
[10:09] Oui et puis on pourrait les clipper aussi avec plusieurs types de plateaux ainsi que ce qu'on appelle le bussing tub tout en bas qui permet aussi de récupérer des déchets par exemple. Et en ce qui concerne celui-ci on est à 60 kg.
Monde Numérique:
[10:23] Ok, d'accord.
Jean-Marc Bollmann:
[10:24] Donc aujourd'hui on a une autonomie de 14 heures à peu près. 14 heures. En sachant que les petites modifications qu'on a, on a vraiment, gardé le form factor parce que c'est important pour nous notamment en termes d'interface et d'interface UX donc utilisateur, ce qui nous paraissait intéressant c'est de garder à peu près le même modèle, au niveau de la forme c'est un élément qui est aussi déterminant c'est à dire qu'on finit finalement par s'habituer le taux d'adoption il est aussi lié au fait que, l'objet devient un objet commun, au même titre que votre smartphone. Donc ça, c'est un élément plutôt psychologique, mais très important quand même. Et en ce qui concerne celui-ci, on a évidemment un système de charge par induction, qu'on voit, qui est situé là, et qui permet finalement de lui laisser le temps d'aller se charger, effectivement à partir du moment où la batterie atteint un certain degré de décharge.
Monde Numérique:
[11:24] Merci Jean-Marc Bolleman, directeur général de Aldébaran.