[En partenariat avec EDF] Le « stockage gravitationnel » permet de conserver de l’électricité sur du long terme grâce à des mouvements mécaniques engendrés par l'attraction terrestre.
Julien Villeret, Directeur de l'Innovation d'EDF, détaille ce procédé étonnant qui consiste à soulever des blocs de bétons avec des grues, puis à les laisser redescendre lorsqu'on a besoin d'énegie. En descendant, les blocs activent des turbines qui produisent de l'électricité. Avec un rendement élevé de 80%, ce système constitue un outil de stockage alternatif prometteur pour assurer une alimentation électrique continue et fiable. EDF a réalisé un "deep dive " (étude approfondie) sur cette technologie.
"Brique géante" de stockage d'électricité de la société suisse Energy Vault
Monde Numérique : Bonjour Julien Villeret, directeur de l'innovation d'EDF. On se retrouve chaque mois en partenariat avec EDF sur Monde numérique pour parler des innovations au service de l'énergie du futur. Et aujourd'hui, un dispositif étonnant pour stocker de l'électricité. Ce ne sont pas des batteries.
Julien Villeret : Alors en fait, il s'agit de stockage longue durée. Alors peut être on va revenir d'abord au fait qu'on stocke. On le sait déjà, le pétrole, le gaz, on en a beaucoup parlé l'année dernière lors de la gestion de la crise avec avec l'Ukraine et donc avec le gaz, le gaz russe. Et on a toujours dit que l'électricité, ça se stocke pas. Alors c'est pas tout à fait vrai puisqu'en fait ça se stocke un peu. On a des piles, par exemple la pile électrique rechargeable d'ailleurs, cocorico, c'est une invention française, Monsieur Gaston planté en 1859. Et donc on a vraiment un besoin de stocker l'électricité pour beaucoup d'usages et en particulier aujourd'hui pour que le système électrique continue de fonctionner avec le développement des énergies renouvelables. Parce qu'évidemment les énergies renouvelables, la production est variable, ça va dépendre. Et puis il y a du soleil. Plus le photovoltaïque marche, mais la nuit ça ne marche pas. Pareil pour le vent, il faut du vent, etc. Donc tout ça est très variable et donc on a besoin pour avoir de l'électricité en continu dans le système, d'avoir des systèmes de stockage. Et donc dans ces systèmes de stockage, il y a les batteries un peu qu'on connaît, classique, mais qui ne répondent pas à un besoin de stockage dit de longue durée, traditionnellement longue durée. Ça veut dire qu'on stocke de l'énergie plus de 6 h et aujourd'hui, on n'a pas des technologies disponibles sur le marché, on va dire classique, qui répondent ou qui sont adaptées à l'échelle du problème. Vous imaginez stocker la consommation ou l'équivalent de la consommation de tout le pays ou de toute une région, ou même de toute une ville pendant 6 h? Ça n'a évidemment rien à voir avec la batterie du smartphone ou même de la voiture de la voiture électrique. Et donc il faut inventer des systèmes de stockage très conséquents pour soutenir le système électrique et avec des technologies qui donc sont un peu différentes de celles auxquelles on pense traditionnellement quand on pense de stockage. Et donc une de ces possibilités, il y en a plusieurs des technologies possibles. Mais une des possibilités innovantes que j'avais envie de partager avec vous aujourd'hui, c'était effectivement ce stockage gravitationnels. Et en fait, c'est à travers l'actualité d'une start up suisse qui s'appelle Energy Volt qui propose une technologie de ce type là. Alors, en quoi ça consiste? L'idée c'est d'utiliser de l'électricité avec donc un moteur pour faire monter et descendre des poids. En l'occurrence, c'est pas des petits poids, c'est des blocs de béton qui font 25 tonnes, donc c'est vraiment des poids, c'est bien plus que des lourds, c'est du lourd. Et donc on imagine ou imaginez une grande tour, une grande grue en fait, donc électrique et avec à son sommet la possibilité d'y stocker ces grands blocs de béton de 25 tonnes. Donc on les fait monter avec de l'électricité, avec un moteur, tout simplement. Et puis quand on a besoin de produire de l'électricité, on les laisse redescendre et donc ça fait tourner évidemment une turbine. Et donc ces blocs, on fait descendre 1 à 1, ça génère de l'électricité, un peu comme une dynamo aussi sur un vélo par exemple. Et donc c'est finalement un stockage d'énergie à travers ces blocs de béton, et c'est évidemment la force de la gravité qui les tire vers le bas, sans pour le coup avoir besoin de moteurs pour être tiré vers le bas qui va générer de l'électricité. Alors ça paraît très simple sur le papier en fait, c'est évidemment très compliqué à mettre en place, mais voilà, c'est une idée qui fait son chemin depuis plusieurs années et c'est une des technologies. On pourra en parler d'autres peut être, mais c'est une des technologies qui en ce moment est assez. Voilà, en train de se développer à travers pas mal de pas mal de start.
Monde Numérique : Julien Est ce qu'on a une idée de ce que ça représente en termes de capacité de stockage, d'alimentation électrique?
Julien Villeret : Oui. Alors ce que ça représenterait parce que c'est toujours hypothétique, évidemment, avec un projet d'une startup, mais globalement, c'est un projet à ce stade, à 100 mégawatts heure, ce qui correspond globalement à la consommation d'une ville de 20 zéro zéro zéro habitants pendant 1 h. Pour avoir donné un idée, une idée et globalement le taux de rendement, c'est à dire la différence entre l'électricité que je vais devoir dépenser pour pouvoir créer ce stockage, c'est à dire remonter mes blocs de béton et l'électricité que je vais produire quand je vais utiliser ces blocs de béton en descente pour produire de l'énergie globalement de 80 %. Alors peut être que pour ceux qui nous écoutent, ça peut paraître pas beaucoup de perdre 20 % finalement. En fait, c'est très bon rendement ça c'est vraiment un très très bon rendement. En général, les rendements des stockages sont plutôt entre 30 et 60 %.
Monde Numérique : C'est assez impressionnant parce qu'on imagine un peu à quoi ça peut ressembler. Et en fait, c'est une transformation d'un mouvement mécanique en énergie et finalement c'est une sorte de stockage. C'est presque une sorte de stockage virtuel en quelque sorte, qu'on refabrique en fait de l'électricité.
Julien Villeret : Exactement. Et c'est une façon de faire, en fait, qui est assez finalement classique dans le monde de l'électricité, puisque même si on prend l'exemple des barrages aujourd'hui, les barrages, c'est une batterie, un barrage, c'est une batterie d'eau. C'est à dire que l'eau qui est stockée dans le barrage, c'est en descendant, grâce à la force de la gravité dans des tunnels, il faut faire tourner des turbines. Elle va générer l'électricité. Donc en fait, un barrage, c'est une batterie à base d'eau. Là, on parle d'une batterie à base de béton finalement, et qui va là aussi grâce à la gravité, générer de l'électricité. Et il y a plein d'autres technologies. On a fait, nous, ce qu'on appelle un deep dive à travers EDF Venture qui est notre branche d'investissement dans les startups. Et on a on est allé regarder finalement quelles étaient les différentes options technologiques qui étaient disponibles aujourd'hui sur le marché, avec des niveaux de performance, de maturité, un peu, voilà, un peu différentes. Alors, on en a identifié six grandes familles, mais on va pas avoir le temps de toutes les les développer. Mais peut être pour en donner quelques exemples, il y a évidemment les batteries. Donc là on comprend tous ce que c'est la batterie, typiquement la batterie lithium ion qu'on connaît tous dans les appareils du quotidien qu'on utilise aujourd'hui. Clairement, elles ne sont pas adaptées au stockage de longue durée. Pourquoi? Parce que déjà elles prennent beaucoup de place. Elles ont donc une densité d'énergie, comme on dit, relativement faible.
Julien Villeret : Et surtout, elles coûtent extrêmement cher. Et donc on imagine les volumes. Il faudrait des des stades entiers de batteries pour pouvoir apporter un stockage longue durée de quelques heures, de quelques heures. Donc c'est évidemment pas, c'est évidemment pas adapté, mais ça se développe beaucoup, ça progresse, les prix baissent, d'autres chimies de batteries se développent, donc le sodium ion par exemple, ou les batteries métal air. Et donc de la même façon, on voit bien que la batterie, le liquide qui est à l'intérieur de la batterie, c'est un liquide chimique et c'est lui finalement qui va stocker face au stockage d'énergie. Donc c'est bien de la conversion d'une électricité. En autre chose, on peut convertir de la chaleur aussi, l'électricité en chaleur qu'on peut ensuite reconvertir en électricité par exemple. Nous avons quasiment tous chez nous un système de stockage électrique à base de chaleur. Ça s'appelle le ballon d'eau chaude. Le ballon d'eau chaude que l'on a dans nos salles de bains. C'est un stockage électrique en fait, puisque l'électricité crée de la chaleur qui va venir chauffer de l'eau et qui reste chaude et qui après est disponible sans avoir besoin d'électricité pendant le reste de la journée. Et ça en fait, le ballon d'eau chaude, c'est un système de stockage électrique. D'une certaine façon, on peut stocker dans des briques aussi. La chaleur quand on a des radiateurs électriques avec un système réfractaire, c'est des briques qui vont chauffer et qui derrière vont restituer la chaleur sans avoir besoin d'électricité. On peut même faire du stockage électrique avec de l'air comprimé.
Julien Villeret : On fait comment? On utilise l'électricité pour comprimer de l'air, Donc on comprime, comprime, comprime, comprime, comprime grâce à de l'électricité. Et puis quand on a besoin de recréer l'électricité, on va laisser l'air se détendre et passer dans une turbine. Donc il va là dans l'autre sens en décharge produire de l'électricité. Il y a vraiment plein de façons d'imaginer des systèmes de stockage, de stockage électrique et en fait on est sur des process très physiques. On a bien parlé la gravitation, la détente de l'air, etc. Mais qui pourrait vraiment changer la donne pour pouvoir justement permettre ce stockage de longue durée? Si je donne une illustration de l'importance du stockage de longue durée, c'est parce qu'on voit bien que les renouvelables se développent très rapidement. Et d'ailleurs il y a un souhait dans le monde entier de développer l'énergie renouvelable. Et évidemment, si comme je l'ai dit en introduction, on ne sait pas la stocker sur une longue, sur une longue durée, ça va freiner finalement finalement son potentiel. En tout cas, toutes ces recherches, voilà, on n'aura pas le temps d'en parler plus peut être ici, mais on a mis en ligne sur notre site EDF, donc edf fr sur l'espace EDF Pulse, ce Deep Dive, cette étude que l'on a faite sur le sujet du stockage longue durée et des start up associées. Donc voilà, vous pouvez, si ça vous intéresse, le consulter et même si vous êtes engagé sur le sujet, nous contacter là dessus.
Monde Numérique : Merci. Julien Villeret, directeur de l'innovation d'EDF.