Et si vous vendiez vos données personnelles en échange de publicité ciblée ? C'est ce que propose une nouvelle startup créées par des experts français du numérique.
Freddy Mini, Luc Julia et Grégory Renard sont des professionnels reconnus de l’IA et de l’entreprenariat dans le secteur du numérique. Ils viennent de créer Consent Place, une startup qui se veut un « Airbnb de la donnée ». L’idée ? Proposer aux particuliers de recevoir de la publicité ciblée sur des sujets qui les intéressent en échange d'une rémunération correspondant à la valeur de leurs données personnelles. Chacun est libre de fixer le prix qu'il veut pour offrir aux annonceurs des détails sur ses goûts ou même ses coordonnées téléphoniques. Un concept étonnant qui n’est pas sans poser des questions éthiques et juridiques.
Mots-clés : données personnelles, publicité, vie privée
Monde Numérique : Bonjour Freddy Mini.
Freddy Mini : Bonjour Jérôme.
Monde Numérique : Merci d'être avec nous en ligne depuis Los Angeles. Vous êtes français, mais vous êtes entrepreneur. Installé en Californie depuis de très longues années, San Francisco, notamment Los Angeles. On vous connaissait au sein d'une entreprise qui s'appelait Netvibes. Et puis on vous retrouve aujourd'hui. Vous venez de créer une nouvelle société, une nouvelle startup avec du beau monde : Luc Julien, Grégory Renard des grands noms de l'intelligence artificielle et de la tech. Des Français mais qui ont un pied, qui vivent pour certains aux Etats-Unis. Une nouvelle startup qui s'appelle Consent Place. Alors si j'ai bien compris, parce qu'il va falloir nous expliquer, ça permet de monétiser son consentement en gros, c'est à dire qu'on sait que les données personnelles ont une grande valeur aujourd'hui, on a tendance tous à vouloir un peu les protéger, mais vous, vous dites qu'on peut les monétiser, c'est ça ?
Freddy Mini : Oui, tout à fait. En fait, moi ce que je pense, c'est que le. En fait, on a une logique qui a défini cette cette startup, c'est de dire qu'Internet a besoin de publicité. Est-ce que vous envisagez Internet sans publicité ? En fait non, ça ne marche pas parce qu'en fait personne ne paye d'abonnement ou sait quoi. Enfin, c'est très rare. Donc la publicité doit être rentable. Pour qu'elle soit rentable, il faut qu'elle ait un contexte, sinon c'est du spam, Du scam, tu l'appelles. Vous l'appelez comme vous le voulez. Excuse moi.
Monde Numérique : On peut se dire tu. Alors Freddy, parce que je sais qu’en anglais, évidemment, c'est quand on parle habituellement en anglais, c'est compliqué de passer au vous.
Freddy Mini : Je vais faire mon possible. Et donc internet a besoin de publicité. La publicité a besoin de contexte et le contexte a besoin d'utilisation de données. Donc ces données, elles sont comme leur nom l'indique, ce sont des données personnelles, elles appartiennent à l'utilisateur et donc c'est à l'utilisateur, à l'utilisateur de donner la permission d'utiliser ces données. Et je pense qu'en plus de ça, le fait de permettre ce business-là, de permettre, comment dire, de générer ces cette activité-là, l'utilisation des données personnelles de l'utilisateur doit être rémunéré. Mais je ne suis pas le seul sur …. en fait, on publie des statistiques avec les sources évidemment, qui montrent que 70 % des internautes pensent que, en fait, leurs données doivent être rémunérées 70 %. Et c'est vrai que dans tous les pays et 94 % des marketeurs professionnels, des marketeurs exécutives trouvent ça normal et sont prêts à rémunérer ces utilisations de ces données personnelles. Donc on a une sorte de de marché qui pour avancer et en plus de ça vous avez la partie légale avec Thierry Breton, GDPR etc etc qui fait que en fait on se dirige vers le comment dire la rémunération de ces données personnelles, c'est et j'irai encore plus loin, c'est que quelqu'un qui va utiliser vos données personnelles pour en faire quelque chose sans vous rémunérer et sans vous demander l'autorisation, c'est du vol, donc ça ne peut pas durer. Donc c'est pour ça que je pense que on arrive dans un monde où l'utilisation de données personnelles doit être rémunérée.
Monde Numérique : Concrètement, ça veut dire quoi ? Ça se passe comment ? Comment on fait ?
Freddy Mini : Alors concrètement, c'est très très simple, vous allez sur www.consentplace.com ou www.consentplace.fr en France et là, en fait vous créez un compte. Donc sur le compte vous allez mettre vos informations de contact, donc qui vous êtes et comment vous contacter et ensuite vous allez donner vos informations, vos intérêts, c'est à dire ce qui vous intéresse pour que, en fait, la publicité ou les marques qui vont vous contacter soient dans un contexte qui vous intéresse. C'est à dire que la publicité ne soit pas négative. C'est des choses qui doivent, comment dire, correspondre à ce que vous cherchez au niveau intérêt, au niveau marques, au niveau mots clés et ensuite, comme sur Airbnb d'ailleurs. En fait on a un surnom, c'est quand ça plaît, c'est le Airbnb du consentement client. C'est exactement en fait ce que l'on fait sur Airbnb. Vous définissez votre listing, c'est à dire nous, ce qu'on appelle définir votre profil et vos intérêts. Ensuite, c'est l'utilisateur qui définit son prix puisqu'en fait il définit le prix de ce qui lui appartient, c'est à dire sa maison, son appartement et ainsi de suite. Et là, c'est la même chose vous définissez le prix que vous en voulez et ensuite le compte est actif une fois qu'il est actif. De l'autre côté, il y a des marques et des agences de communication qui cherchent maintenant honnêtement beaucoup. Beaucoup cherchent des comptes avec consentement et donc on va leur dire voilà, ça coûte tant, et puis ils achètent. Et quand ils achètent, la somme exacte qui a été demandée par l'utilisateur lui est versée Exactement. C'est l'acheteur qui paye notre commission.
Monde Numérique : Et en contrepartie, ces données servent à quoi alors ?
Freddy Mini : Ces données, en fait sont louées pendant 60 jours et pendant 60 jours. La marque ou l'agence qui a acheté votre vaut votre consentement. Votre profil va en fait vous contacter par email si par téléphone, si vous avez donné votre numéro de téléphone et en fait ils vont rentrer en contact avec vous, j'imagine, avec d'autres offres et en fait ils vont faire leur commerce pour, comment dire, pour avoir une relation de 1 à 1 avec vous, ce qui est exactement, je pense, le monde vers lequel on va, c'est à dire on comment dire, la transformation du marketing, du martech en fait qui est, qui est très large, où en fait on asperge le monde entier pour essayer de voir s'il y a quelque chose qui va jaillir là, En fait, on se dirige vers du consumer, enfin du Consumer Technology en fait, c'est à dire de viser en fait l'utilisateur et d'avoir des relations 1 à 1 entre la marque et l'utilisateur pour que ce soit des relations qui soient pérennes et proches.
Monde Numérique : Freddy Mini Quand on parle de données, on parle de quoi ? C'est quoi ? C'est mon nom et puis mes goûts. Est-ce que j’aime ? Les voitures de sport, etc.
Freddy Mini : Exactement. En fait, vous avez des données de contact. Les données de contact, c'est nom, prénom, votre email, votre numéro de téléphone et vous vous renseignez en fait ce que vous voulez. Les numéros de téléphone par exemple n'est pas obligatoire, mais évidemment, si vous le renseignez, votre compte vaut plus d'argent. Et donc ça c'est pour la partie contact. Comment ? En fait on peut vous contacter et ensuite on vous demande la partie intérêts. Voilà les intérêts. En fait, on prend. On a pris la classification de Google, donc c'est 21 sujets qui qui en fait correspondent au monde du au monde d'internet. Donc il y en a forcément quelques-uns qui vous intéressent. Ensuite, on vous demande les marques qui vous, qui vous plaisent et les mots clés qui vous plaisent, comme sur un moteur de recherche et puis voilà. Donc ça, ça, c'est c'est Jérôme Colombain Et donc après Jérôme Colombain, je ne dirai pas combien votre profil vaut. En fait, c'est à vous de le dire.
Monde Numérique : Oui, c'est ça qu'on a du mal à comprendre.
Freddy Mini : Au niveau argent. Est-ce que excusez-moi de vous interrompre au niveau argent, c'est combien ça vaut ? Parce qu'en fait les feedbacks en fait qu'on a, c'est super idée, C'est très très bien parce que ça correspond en fait à deux besoins. Vous avez d'un côté les utilisateurs qui qui louent leur consentement et de l'autre côté les marques qui en ont besoin. Et en fait, vous avez deux aspirations de chaque côté qui sont qui sont compatibles. Heureusement, sur la partie utilisateurs, c'est ça vous donne plus de pouvoir d'achat. Et on va parler de combien, de combien d'argent on parle, Ça vous donne plus plus de pouvoir d'achat sur sans changer en fait votre vie puisqu'en fait vous allez recevoir des contacts de marque sur des sujets qui vous intéressent et en plus de ça, vous gagnez de l'argent et ça ne dure que 60 jours. Et de l'autre côté, vous avez les marques et les marques. En fait, elles ont besoin de votre consentement parce qu’avec GDPR, etc. Elles ne pourront bientôt plus vous contacter sans votre consentement explicite, c'est à dire sans le fait que vous ayez donné une autorisation express.
Monde Numérique : Et combien je peux espérer gagner. Freddy Mini On.
Freddy Mini : Propose le prix par défaut à 15 € en France à 15 €. Il y a plein d'études en fait sur ce sujet, dont la première est de septembre 2014 par Orange qui avait fait en fait une étude. C'est sur notre site et sur notre site et sur notre blog si vous voulez, toute l'étude. Et en fait, ils ont donc trouvé que d'après les utilisateurs, en fait, ils valorisent le Et les marques en fait sont d'accord avec ça. Ils valorisent à 15 € votre contact et ensuite plus il est renseigné. Donc si vous avez un numéro de téléphone, si vous renseignez votre âge etc etc, ça va jusqu'à 94 €, donc entre 15€ et 94 €.
Monde Numérique : Donc nous.
Freddy Mini : On estime pour aller encore plus loin, Nous, on estime que le pour un individu, donc un profil lambda, en fait, on parle entre 700 et 1 500 € par an. C'est pas mal. Donc c'est dans ces moments d'inflation.
Monde Numérique : En effet, à condition donc de se réinscrire plusieurs fois, c'est ça ?
Freddy Mini : Non, ce n’est pas la peine. Votre compte, en fait est actif quand il est loué. Bah en fait, sur cette partie, sur cette marque-là, bah en fait ils ne reviendront pas pendant 60 jours puisqu'ils les ont loués pendant 60 jours. Mais par contre, si par exemple vous vous intéressez aux véhicules, aux automobiles, vous pouvez avoir Renault qui vous loue. Vous pouvez avoir Dacia, c'est peut-être la même chose qui vous loue ou Jaguar ou je ne sais quoi. Et donc tout ça, ça se cumule parce qu'en fait vous n'avez pas d'exclusivité comme sur Internet. Vous vous regardez en fait un ensemble de publicités sans avoir d'exclusivité. Sauf que là, en fait, vous avez donné votre consentement, donc il y a toutes les chances, et honnêtement, les marques seraient bien bêtes de ne pas personnaliser la communication, la communication qu'ils ont avec vous en fonction des informations de profil que vous leur avez données.
Monde Numérique : C'est un peu comme si je coche une petite case par-là qui par laquelle je mange. J'accepte de recevoir de la publicité. Sauf que là, ça va être je vais toucher, je vais toucher de l'argent. Et oui, 15 € par marque, 15 € par location.
Freddy Mini : Par location. Donc si c'est 15 € par 60 jours, c'est 15 € par deal. Votre consentement vaut par défaut, donc vous pouvez mettre moins. Si vraiment vous vous dites non, je veux. Si la marque en fait, elle dit je ne veux pas payer plus que 10 € par exemple pour consentement. À ce moment-là, tout ce qui est à 15 €, ça ne passera pas. Si jamais nous on ne négocie pas, on est une place de marché. Encore une fois. Le Airbnb donc. Et d'ailleurs ça s'appelle Marketplace pour Concept Marketplace, donc la place de marché du consentement. Donc nous on est en fait un go between, on est des gens qui d'un côté font, arrivent sur le marché et de l'autre côté des gens qui cherchent. C'est exactement le modèle et honnêtement, je le dis avec le plus grand respect. On s'est beaucoup beaucoup inspiré de Airbnb, mais.
Monde Numérique : Est-ce que ça ne pose pas un petit problème éthique et moral de monétiser comme ça ces données personnelles ? D'une certaine manière ? Est-ce que vous n'êtes pas en train de contourner le RGPD, le GDPR comme vous dites ?
Freddy Mini : Pardon ? Oui, alors. Alors, est ce que la question en fait, elle est plus philosophique ? Est-ce que monétiser quelque chose qui vous appartient est éthique ? Moi personnellement je pense que oui et ma en fait ma réponse elle est beaucoup plus sur le fait qu’aujourd’hui il vaut mieux que ce soit vous qui touchiez cet argent que comment dire des gens dont c'est le métier qui ne font que ça ? Donc encore une fois, ce sont vos données personnelles. Mais encore une fois, c'est je quand. Enfin, pour moi, c'est vraiment avec toute l'humilité que possible ce. Quand on crée une startup. En fait, ce qui est vraiment important, c'est d'essayer d'avoir une vision et d'essayer d'avoir un exemple. Et donc encore une fois, notre exemple c'est bien Airbnb et dans Airbnb c'est est ce que c'est éthique de louer sa maison pendant les vacances alors qu'en fait elle vous appartient et ainsi de suite ? Donc c'est à peu près la même chose.
Monde Numérique : Oui, mais là, ma maison n'est pas le reflet de ma personnalité. Et puis une fois que les. Une fois que les données oui, mais une fois que les données auront été captées au moins une fois, qui ? Qu'est ce qui fait qu'elles ne seront pas réutilisées dans d'autres fichiers alors ?
Freddy Mini : Ah, c'est une excellente question. En fait, les acheteurs, donc les marques et agences signent une charte de comment dire, de bon comportement avec nous. Mais je pense qu'il Comment dire qu'ils je leur fait confiance, Il n'y a pas de raison. Mais encore une fois, tout comme Airbnb, il y a la possibilité et nous encore une fois on des places de marché de noter la marque ou l'agence en fait à qui on a fait cette ce deal. Et l'inverse est vrai comme dans Airbnb. C'est à dire qu'en fait la marque en fait va noter si Jérôme Colombain en fait existait ou s'il n'a jamais répondu au téléphone ou Dieu sait quoi. C'est à dire que grosso modo, c'est encore une fois c'est une on est un go between et donc il faut qu'on facilite la communication entre les deux.
Monde Numérique : C'est vrai que ça pose pas mal de questions surtout, je dirais peut-être surtout encore plus vu de France où on est très à cheval sur ces questions de données personnelles, où il y a eu beaucoup de débats, etc. Ça soulève quelques interrogations.
Freddy Mini : Oui. Alors on s'est posé en fait, évidemment, toutes ces questions-là, le point qui est très important, et surtout en France, parce que, aux États-Unis, on n'a pas, on n'a pas ce twist là, mais c'est la notion de, comment dire, de location, c'est à dire qu'en fait vous ne pouvez pas donner votre consentement d'un point de vue français, vous ne pouvez pas donner votre consentement ad vitam. Donc c'est vas-y. Bon, il y a forcément une notion de possibilité de. Alors, d'abord, il faut être très transparent. On l'est puisqu'en fait vous pouvez accéder à votre compte à tout, à tout moment et modifier Vous, vous pouvez changer d'avis à tout moment. Ça on le fait aussi. Vous pouvez à tout moment aller sur votre compte. Il y a sur votre mobile ou Dieu sait quoi et mettre temporairement en inactivité ou révoquer ce que vous pouvez entendre parler. Évidemment, vous pouvez arrêter, mais le point le plus important, c'est que c'est pour 60 jours. C'est une location, c'est vous ne donnez pas, vous louez comme Airbnb, vous vous louez pendant une période de temps.
Monde Numérique : Donc selon vous, c'est une manière de permettre aux gens de reprendre le contrôle de leurs données ?
Freddy Mini : À tout à fait. Si vous ne faites pas ça, si on est d'accord sur la logique du départ, c'est à dire Internet a besoin de publicité, la publicité a besoin de contexte, pas de contexte, C'est de la, c'est, c'est de la. C'est un petit peu honnêtement, comme sur la télévision à l'ancienne. C'est à dire que vous prenez de la publicité sur des sujets qui ne vous intéressent pas. Par exemple, je ne suis plus concerné tellement par les couches culottes donc, enfin pas encore, mais bref. Mais je n'ai pas demandé si vous voulez, je n'ai pas demandé ça et pourtant en fait, vous le prenez. Donc ça, ça c'est négatif. Donc si vous voulez que ça ne soit pas négatif, il faut qu'il y ait un contexte et tout le monde en a envie. Parce que le marketeur qui a acheté la campagne, il veut ça, il veut qu'il y ait un retour sur investissement. Donc pour qu'il y ait un retour sur investissement, il faut qu'il ait le contexte de la personne où ça va atterrir. Et la seule solution, encore une fois, puisque ce sont vos données, c'est de les louer. Et voilà. Ou sinon, sinon vous dites non à tout et on se retrouve d'une manière comment dire, c'est une impasse.
Monde Numérique : Avec des encore une.
Freddy Mini : Fois, la direction dans laquelle on va. Félicitations ! D'ailleurs, honnêtement. Alors évidemment, il est français, donc moi aussi. Donc il y a un petit côté cocorico, mais j'ai un énorme respect pour Thierry Breton et. Et comment dire la, ce qu'il porte avec et avec dans la direction dans laquelle il va. Je suis tout à fait d'accord.
Monde Numérique : Merci beaucoup Freddy Mini, donc co-fondateur de cette nouvelle startup à retrouver sur www.consentplace.com