L'innovation au service de la mobilité du futur passe aussi par les startup. Dans cet épisode, on découvre plusieurs projets incubés au sein de Software République (écosystème d'open innovation regroupant Renault, Thalès, Orange, STMicroelectronics, Dassault Systèmes et Atos).
Eye-Net est une application mobile anti-collision qui vise à alerter des risques de choc entre voitures et vélos, en utilisant les smartphones plutôt que des capteurs spécifiques sur les véhicules.
Matvisio a mis au point une caméra 3D intelligente qui permet de prévenir et de réduire les troubles musculosquelettiques, notamment pour les professionnels de la route.
Embodme a mis au point un système de reconnaissance gestuelle sans contact qui pourrait faciliter l'interaction avec des écrans tactiles dans de nombreux environnement de transport dans le futur.
Avec Eric Feunteun, Directeur des Opérations de Software Republique, on évoque également l’arrivée de l’IA à bord des véhicules et les déboires des taxis autonomes aux Etats-Unis.
Monde Numérique :
Bonjour Éric Feunteun.
Eric Feunteun :
Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
Directeur des opérations de Software Republic. Alors Software Republic, on rappelle un peu ce que c 'est, émanation du groupe Renault, dédiée aux innovations pour la voiture du futur.
Et pour préparer toutes ces innovations, vous travaillez avec des startups notamment. Vous venez d 'annoncer il y a quelques jours l 'arrivée dans votre incubateur de plusieurs nouvelles startups. D 'abord, si on fait un petit point sur cette collaboration avec les startups, ça consiste en quoi exactement ?
Eric Feunteun :
Alors effectivement, l 'incubateur de Software Republic, il y a Renault bien évidemment, mais il y a aussi Thales, Orange, Dassault Systèmes, STMicroélectronique et Eviden, qui constituent le cœur de Software Republic.
Et tous ensemble, on a besoin d 'avoir des startups dans la quasi -totalité de nos projets parce qu 'on est des structures assez grosses et on a besoin de bénéficier aussi de l 'agilité et l 'innovation des startups.
Et l 'incubateur qu 'on a créé, c 'est un incubateur très ciblé qui se focalise sur la transformation des projets avec les startups.
Donc on est très sélectif à l 'entrée. Vous voyez qu'on a un petit nombre de startups à chaque fois. Là, on en a cette progression, c 'est quatre startups.
Mais par contre, on a un très gros taux de transformation puisque sur les dernières générations, on est à plus de 70 % de nos projets qui se transforment pour les startups.
Et donc, c 'est win-win parce que finalement, tout le monde peut faire du vrai business avec tout ça.
Monde Numérique :
Alors, parmi les nouvelles startups que vous avez intégrées, il y en a une, par exemple, on va en prendre quelques -unes.
Il y en a une qui s 'appelle iNet, qui développe un système d 'anticollision pour éviter que les voitures et les vélos ne se rentrent dedans.
Vous pouvez nous en parler ?
Eric Feunteun :
Oui, exactement. C 'est effectivement une start -up Isa Alien qui a une technologie finalement assez simple, basée sur le smartphone et bien évidemment le cloud.
Donc, il n 'y a pas de capteur.
C 'est très simple. C 'est juste les trajectoires finalement repérées par les smartphones qui sont analysées et quand elles se rencontrent, quand il y a un risque qu'elles se rencontrent, il y a une alerte.
Et pour nous, c 'est dans ce qu'on appelle le V2X, donc les échanges entre les différents occupants de la ville et de la route.
C'est un élément très important pour améliorer la sécurité routière.
Donc, c'est un sujet qu'on travaille avec eux et qu'on espère voir aboutir.
Monde Numérique :
C’est-à-dire qu'on remplace des capteurs, qui évidemment ne peuvent pas être déployés sur tous les véhicules roulants, par les smartphones qui, en revanche, sont dans la poche de tous les conducteurs.
Mais ça paraît un peu lourd comme dispositif, est-ce que vraiment le smartphone est capable d 'alerter comme ça en quelques microsecondes quand il risque d'y avoir une collision ?
Eric Feunteun :
Oui, tout à fait, ce sont des solutions qui fonctionnent très bien avec des temps de latence, même en 4G. On n 'a pas besoin d 'être en 5G et ça suffit largement puisqu'on est quand même quelques secondes avant le choc ou le choc potentiel.
Et on a fait des premiers tests. Donc l 'enjeu, il n 'est pas tant sur la technologie elle-même, mais plutôt sur l 'extension de son déploiement, parce que bien évidemment, cet usage, il n 'a du sens que s 'il y a beaucoup, beaucoup d 'usagers qui sont équipés.
Et donc, c 'est un travail qu'on a commencé avec eux, pas uniquement sur le plan technique, mais aussi sur le plan de la diffusion de l 'outil.
Monde Numérique :
Alors il y a une autre startup avec laquelle vous travaillez qui s'appelle Madvisio qui elle exploite une caméra 3D placée à l 'intérieur du véhicule, notamment pour détecter l 'endormissement, mais ça peut aller bien au -delà en fait.
Eric Feunteun :
Oui en fait Matvisio à la base c 'est une entreprise qui travaille sur l 'ergonomie, sur le poste de travail donc plutôt dans des milieux industriels et ils vont être amenés à analyser la posture des opérateurs et donner des conseils pour améliorer les postures etc.
Et en fait on a décidé de translater ça dans le monde de la voiture parce qu 'on sait que c 'est quand on passe beaucoup de temps dans sa voiture on peut avoir des mauvaises positions, des troubles de mal de dos etc.
Et donc là en fait à travers l 'analyse de l 'image de la caméra encore une du smartphone, elle va pouvoir non seulement vous identifier les zones où vous êtes en train de faire un effort je dirais anormal et vous proposer à travers le réglage du siège des changements qui vont du coup vous remettre dans la bonne position.
Donc voilà, ça c 'est pareil, c 'est quelque chose qu 'on essaye de translater du monde industriel vers la santé des conducteurs.
Monde Numérique :
Enfin, il y a une troisième startup qui me semble intéressante, Eric Fenton, qui va peut -être changer les choses en matière d 'interaction avec les écrans.
Il y a de plus en plus d 'écrans dans les véhicules. Ça s 'appelle Embodmi, c 'est un système d 'interaction sans contact.
Eric Feunteun :
Exactement, donc R &B est une startup qui a déjà quelques années et qui a développé des systèmes de capteurs intégrés à l 'écran et qui vous permettent effectivement de donner une commande à l 'écran sans le toucher.
Et donc, on regarde comment on peut appliquer ça dans un environnement automobile ou d 'ailleurs dans d 'autres environnements d 'IHM.
Ça peut être dans l 'aérien avec Thales ou dans d 'autres domaines.
Et l 'idée c 'est que finalement, à travers le fait de ne pas avoir de contact, il y a des aspects hygiène qui sont hyper intéressants dans un certain nombre de cas, et puis aussi une manière de moins distraire le conducteur, parce qu 'en fait quand la main va s 'approcher, il va par exemple y avoir des icônes qui vont pouvoir grandir, et du coup on va avoir une plus grande facilité à utiliser les écrans, et donc être mieux concentré sur la route ou sur ses activités.
Monde Numérique :
Toutes ces nouveautés, ces innovations, on pourrait les voir prochainement dans les véhicules Renault, notamment ?
Eric Feunteun :
C 'est le but. Il n 'y aura forcément pas 100 % de transformation, j 'espère que si.
Mais en tout cas, toutes les équipes et pas que de Renault, c 'est vraiment tous les partenaires de Software Republic qui sont motivés pour essayer de transformer l 'essai avec ces quatre startups.
On a eu, dans le passé, un taux de transformation de 70 % avec nos startups des promotions précédentes, donc on espère bien faire mieux encore avec cette génération.
Monde Numérique :
Eric Fenton, encore une ou deux questions liées à l 'actualité de l 'innovation dans l 'automobile.
Récemment, DS a annoncé l 'arrivée de ChatGPT à bord de la voiture, donc le chatbot, on peut lui parler, il nous fait des réponses en langage naturel, etc.
Est -ce que, d 'après vous, c 'est des choses qui ont un sens aujourd 'hui et dans le futur et qui pourront se développer ?
Eric Feunteun :
Écoutez, je pense que l 'humanisation de la relation entre la technologie, la voiture et le conducteur, c 'est quelque chose de très fort.
Le concept qu 'on avait montré à Livatec l 'année dernière, tous ensemble, d 'ailleurs avec les partenaires de Software Republic, s 'appelait Human First.
Et c 'était bien ça l 'idée, d 'humaniser la relation avec la technologie.
Et vous avez vu aussi il y a quelques temps que Renault a présenté un avatar qui verra le jour prochainement dans des véhicules Renault.
Donc c 'est la même idée d 'avoir une relation chaude, une relation émotionnelle avec l 'objet et avec la technologie.
Monde Numérique :
Mais on sait aussi que les constructeurs automobiles ont du mal à implémenter des solutions rapidement dans les véhicules parce que les cycles de production sont beaucoup plus longs etc alors que est -ce que finalement demain c 'est pas le smartphone qui va tout prendre qui va prendre toute la place dans la voiture et est -ce que ça a un sens d 'avoir une intelligence à bord même du véhicule ?
Eric Feunteun :
Je crois que les deux sont vraiment très complémentaires. C 'est clair que vous avez mentionné le fait qu 'il y a le cycle de développement, mais il y a surtout le cycle de vie de la voiture, c 'est -à -dire que ensuite, la voiture, elle va rouler pendant 15, 20 ans.
Et pendant tout ce temps -là, il y a une question de comment je mets à jour finalement les fonctionnalités.
Alors, ce qui est en train d 'arriver avec le software Defined Vehicle, ces nouvelles architectures électroniques, Ça va être un très gros facteur pour permettre ces mises à jour.
Et puis après, il y a d 'autres solutions qui sont effectivement sur le smartphone, comme celles dont on a parlé précédemment, et qui ont l 'avantage de permettre de toucher des voitures plus anciennes et donc de s 'adresser au parc de voitures et pas uniquement à des voitures neuves.
Donc, c 'est fromage et dessert.
Monde Numérique :
Espérons. Vous pouvez nous juste nous donner quelques précisions sur ce que vous évoquez là, qui devrait permettre et faciliter les mises à jour. C 'est quoi exactement ?
Eric Feunteun :
En fait, une des grandes tendances de l 'industrie automobile, c 'est d 'avoir de changer les types d 'architecture électronique des véhicules et donc vers une architecture qui est centrée sur quelques calculateurs.
Donc, c 'est ce qu 'on appelle centraliser. Finalement, on passe de voitures habituellement qui ont plusieurs dizaines de calculateurs répartis dans la voiture, là on va venir les centraliser pour en faire quelques gros et ça, ça a l 'énorme avantage, en plus de faciliter beaucoup tout ce qui est mise à jour et, évolutivité de la voiture parce que finalement on n 'a pas à reconfigurer l 'ensemble des calculateurs mais juste un ou deux.
Donc ça c 'est des choses qui arrivent aussi dans les prochaines années et qui sont une très très grosse transformation de ce point de vue.
Monde Numérique :
Eric Fenton, encore une question. La voiture autonome, est -ce qu 'elle n 'a pas un peu du plomb dans l 'aile quand on voit ce qui est en train de se passer à San Francisco, par exemple, avec le constructeur General Motors qui est quasiment en train de retirer ses taxis autonomes Cruze.
Il y a eu un problème, un taxi impliqué dans un accident, donc ils ont été interdits, suspendus. Et puis là, on s 'aperçoit qu 'il y a des faiblesses technologiques.
Cette voiture autonome, on a l 'impression qu 'elle a un mal fou à voir le jour.
Eric Feunteun :
La voiture autonome, pour moi, c 'est quelque chose d 'abord du quotidien, c 'est -à -dire que c 'est une réalité aujourd 'hui.
Après, ce n 'est pas un grand saut avec un grand soir, c 'est un continuum.
Et si vous regardez, vous comparez les générations de voitures qui arrivent année après année, eh bien on vient gagner en autonomie.
On a eu d 'abord un régulateur de vitesse, puis ensuite un régulateur de vitesse adaptatif qui savait freiner quand la voiture devant freinait, puis ensuite il savait lire les panneaux, puis ensuite, il savait guider dans la voie, etc.
Et donc, on voit bien que notre utilisation, au fur et à mesure de l 'évolution, la délégation de conduite augmente.
Après, la question du grand soir, je pense que ce n 'est pas une question d 'actualité, d 'autant plus qu 'il y a une logique économique qu 'il faut avoir derrière. Il y a une logique d 'usage client et une logique économique.
Là, nous, on parle de véhicules qu 'il faut démocratiser et donc, il y a toujours cet équilibre à garder.
Donc, pour moi, la conduite autonome, c 'est un continuum et qui a déjà commencé quelque part aujourd 'hui.
Monde Numérique :
Merci beaucoup Eric Fenton, directeur des opérations de Software Republic.