Nous croulons sous l'information mais, pour autant, peu d'utilisateurs seraient réellement accros aux réseaux sociaux. Dans son dernier livre, Benoit Raphaël remet les pendules à l'heure et fait le point sur l'infobésité.
Malgré les apparences, la majorité des utilisateurs ne seraient pas réellement addicts aux réseaux sociaux. Il n'en reste pas moins que l'infobésité nous guette. Spécialiste de l'information à l'ère du numérique, le journaliste Benoit Raphaël, créateur de la société Flint Media, signe un nouveau livre intitulé « Information : L’indigestion » (Eyrolles), dans lequel il démonte le mécanisme de l'infobésité et prodigue des conseils pour y faire face. Avec lui, on évoque la question de la surinformation en ligne via les réseaux sociaux, et aussi les conséquences de la décision de Twitter de restreindre l'accès à ses données pour les sociétés tierces.
Citations extraites de l'interview :
« On est face à moins de 6 % de la population mondiale vraiment addict aux réseaux sociaux, donc il y a quand même plus de 95 % de la population qui n'a pas de comportements problématiques ».
« Les études montrent que l’on a toujours été stressés, fatigués, par l’abondance d’informations, et que ce n'était pas forcément mieux avant».
« Le monde est tellement complexe, il va tellement vite que s'affoler en permanence, accuser tout le monde, dire que c'est de pire en pire et rentrer dans une espèce de dépression quelque part où de vision apocalyptique de la technologie, ne va pas nous aider en fait à régler les problèmes. »
Transcription
Monde Numérique : Bonjour Benoît Raphaël,
Benoit Raphaël : Bonjour Jérôme,
Monde Numérique : Ravi de te retrouver. Tu es à Bali où tu vis désormais une bonne partie de l'année. Tu es journaliste, spécialiste de l'information à l'ère du numérique on va dire, et de même de la surinformation et de l'intelligence artificielle pour s'informer. Auteur d'un livre tout récent « Information : L'indigestion », Qu'est-ce que tu as voulu montrer avec ce livre, ce nouveau livre ?
Benoit Raphaël : C'est vrai que je suis à Bali, parce que je me déconnecte puisque à Bali, il y a six heures de décalage horaire. Il faut le savoir. Donc c'est 6 h durant lesquelles la France dort. Donc on n'a pas de notification, on n'a pas de mail, on ne va pas sur les réseaux sociaux, on n'a pas cette tentation-là. Puis c'est aussi une façon de donner un peu plus de sens à sa vie et on sait très bien que c'est tout ce qui est procrastination. Le fait d'être parfois collé à son écran est souvent due au fait que on n'est pas hyper content de son mode de vie. Donc j'ai un peu changé tout ça pour justement retrouver un petit peu de respiration. Et j'ai écrit d'ailleurs ce livre-là dans ces conditions-là, même si j'avais décidé de l'écrire avant. Et finalement ça a pris beaucoup plus sens au regard de l'environnement dans lequel je me trouvais finalement. Ce livre qui est, qui est d'abord un livre qui, qui est, qui est un livre un peu stoïcien, je dirais, C'est à dire que le chaos de l'information, il va être de plus en plus chaotique, ce chaos, ça va s'accélérer et donc on ne va pas rien pouvoir y faire.
Benoit Raphaël : En tout cas, on peut critiquer tout le système, etc. On peut changer les choses, on peut mettre des protections et ça va être un jeu de chat. Et la souris entre, entre l'un, entre la désinformation, l'intelligence artificielle qui va produire plus d'informations et notre cerveau et en même temps tous ceux qui vont essayer d'y mettre des barrières. Mais ça veut dire qu'il va falloir l'accepter. Il va falloir s'y faire. Et donc il faut maintenant travailler notre cerveau parce que l'organe dont on va avoir le plus besoin dans les prochaines années, c'est justement notre cerveau. On prend beaucoup soin de notre corps. Maintenant, il va falloir qu'on prenne soin de notre cerveau. Il faut qu'on écrive des livres de régime cognitif pour pouvoir faire, pour se protéger et être capable de discerner à la fois le vrai du faux, mais surtout en fait d'être capable de de pouvoir trouver une forme d'autonomie dans ce qui semble être un maelstrom.
Monde Numérique : Très concrètement, ça veut dire quoi ? Est-ce que c'est uniquement des recherches, une recherche individuelle ? Chacun doit apprendre à mieux appréhender l'information sur les canaux numériques. Ou bien il y a, comment dire, des actions plus globales selon toi ?
Benoit Raphaël : Je pense que d'abord, il faut un petit peu nuancer. C'est vrai que ces dernières années, on a beaucoup tapé sur la tech, on a beaucoup tapé sur les réseaux sociaux. Alors c'est facile de dire que finalement les fake news, c'est la faute des réseaux sociaux. Si on est surinformés, c'est la faute des réseaux sociaux, c'est la faute de la technologie aussi qui transforme notre cerveau. Et finalement, si on n'arrive pas à décoller le nez de notre écran, surtout les plus jeunes, eh bien c'est parce qu'en fait c'est on est. Notre cerveau est hacké par les algorithmes de réseaux sociaux, donc il faut un peu ramener les choses, ramener un petit peu le calme par rapport à tout ça. D'abord, il n'y a pas d'addiction médicale aux réseaux sociaux, ni même à la tech.
Monde Numérique : Oui, c'est bon de le rappeler, ce n'est pas un phénomène scientifique établi. Quand on parle d'addiction, c'est un raccourci un peu rapide.
Benoit Raphaël : Alors les addictions, c'est une maladie. Et quand on regarde le site de l'OMS, il y a très peu d'addiction qui sont en dehors de celle des drogues et de l'alcool qui existe. C'est l'addiction aux jeux, donc aux jeux d'argent et aux jeux vidéo. Il n'y a pas encore d'addiction au cyber, même si ça commence à ce que c'est beaucoup plus ancien. Mais même si on ne devait parler que du comportement problématique face aux réseaux sociaux, on est face à moins de 6 % de la population mondiale et beaucoup moins pour ce qui concerne l'Europe. Donc, c'est à dire qu'il y a quand même plus de 95 % de la population qui n'est pas addict, il n'a pas de comportements problématiques avec les réseaux sociaux. Donc ça veut dire que quand vous avez le nez devant votre écran, en fait vous pouvez vous arrêter.
Monde Numérique : Oui, tu dis dans ton livre 94 % de la population mondiale n'est pas addict, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.
Benoit Raphaël : C'est ça. Et c'est la même chose pour les fake news. On a l'impression que les fake news envahissent, que c'est horrible et cetera. Alors il y a des phénomènes très particuliers qui sont liés aux fake news, mais globalement, vous avez il y a plus de 30 % de la population française qui a qui a été face à une fake news dans les 30 derniers jours, mais ça correspond à très très peu de temps puisque finalement 3 % de leur temps passé sur internet, c'est l'information. Et donc que quand vous avez cette exposition à la aux fausses informations, on est à, on est à moins de 1 %. Et quand vous quand vous regardez aussi ça, vous vous rendez compte que finalement, quel est l'impact en fait réel de cette désinformation ? Il est extrêmement restreint, même Français slogan qui est l'ancienne de Facebook, qui avait dénoncé la propagation de la désinformation par Facebook, explique que 80 % des contenus de désinformation sont partagés et distribués. A 4 % de la population. Donc on voit bien qu'on est sur des phénomènes de radicalisation qui d'ailleurs provoquent le vrai danger. Il est d'ailleurs dans le radicalisme. Mais un peu comme le terrorisme, je trouve que sont des phénomènes qui sont assez proches en fait dans leur approche. Et donc du coup, la réaction elle est ou elle doit être aussi être mesurée par rapport à ça. Ce n'est pas parce qu'il y a des terroristes qu'il y a plein de morts, et ce n'est pas parce qu'il y a des touristes qu'il faut à tout réglementer et qu'il faut qu'il faut fermer. La démocratie, c'est la même chose les réseaux sociaux et la désinformation, On est quand même face à la liberté d'expression aussi.
Quelque part, tout fermer sous prétexte que c'est dangereux, ça pose un problème. Le seul danger, il est évidemment dans la radicalisation des gens et de phénomènes que l'on a pu voir. Donc ça n'a pas changé. Les élections, par contre. En revanche, ça, ça a amené les émeutes du Capitole au mois de janvier, que l'on a pu voir après l'élection de, enfin, après la "desélection", la défaite contestée de Donald Trump. Mais qui est l'œuvre de quelques poignées en fait de radicaux. Donc on voit bien que ce n'est pas le même phénomène et qu'il faut mesurer tout ça. Il faut mesurer ce chaos, qu'il faut bien aussi prendre conscience que ce n'est pas de pire en pire. Ce n'était pas forcément mieux avant. On a toujours été stressés, on a toujours été fatigués. L'arrivée de la technologie nous fait à la fois gagner du temps de cerveau, nous défatigue, quelque part, mais nous fatigue beaucoup plus dans la tête puisqu'on a beaucoup plus conscience de nous mêmes. On n'a plus le temps de penser aussi quelque part. Donc l'objet de ce livre, en fait, il est vraiment d'abord de nous permettre de bien prendre conscience du problème et et d'arrêter d'accuser les autres, d'accuser la technologie et de bien, c'est de comprendre vraiment de façon solutionne. C'est les stoïciens, qu'est ce qu'ils disent ? Ils disent les stoïciens, donc c'est cette fameuse sagesse gréco romaine qui disent en fait tout ce qu'on ne peut pas contrôler. Ce n'est pas la peine de s'énerver. Essayer d'abord de lâcher prise, de travailler sur la façon dont toi tu vas réagir à ces phénomènes-là. Donc, c'est un petit peu dans cette optique-là. Le monde est tellement complexe, il va tellement vite que s'affoler en permanence, accuser tout le monde, dire que c'est de pire en pire et rentrer dans une espèce de dépression quelque part où de vision apocalyptique de la technologie, elle ne va pas nous aider en fait à régler les problèmes. Et la première chose qu'il faut faire quand le monde est chaotique, c'est de reprendre le contrôle en fait, d'abord sur soi-même. Et ça passe par une compréhension de la tech, mais aussi par une compréhension. Et ça, c'est un domaine que je ne connaissais pas très bien. Donc j'ai fait beaucoup de recherches, j'ai discuté avec des chercheurs aussi également sur comment fonctionne notre cerveau, ce fameux cerveau apparemment archaïque qui qui n'aurait pas eu le temps de s'adapter à la vitesse de la technologie. Est-ce que c'est vraiment le cas ? Est-ce qu'on peut faire quelque chose ? Donc c'est un petit peu tous ces points-là que j'ai essayé d'explorer dans ce livre.
Monde Numérique : Alors, c'est un discours finalement assez positif que tu que tu tiens, même si même si les phénomènes d'addiction ou de radicalisation ou d'énervement, on est quand même nombreux à les constater malheureusement au jour le jour. L'addiction entre guillemets à Twitter ou à Tik Tok dans un autre registre, etc. Elle, elle ne semble quand même pas être complètement sans effet. Il y a notamment le phénomène des bulles, des bulles d'informations. Tu reviens dans ton livre sur une. Je trouvais que c'était intéressant, une expérience d'un journaliste américain qui s'appelle Matt Ronan. C'est ça qui s'est mis à liker tout ce qui pouvait et qui s'est retrouvé finalement embarqué dans un dans des torrents informationnel qu'il ne maîtrisait plus.
Benoit Raphaël : Oui, il a fait cette expérience-là sur Facebook et donc il a écrit tout et donc. Et maintenant, plus il like, plus il se retrouver face à des contenus extrêmes. Et il a acquis à gauche, il a acquis à droite. C'était plus désagréable à droite. Parce qu'il faut bien comprendre que la désinformation est essentiellement à l'extrême droite. C'est donc ça.
Monde Numérique : C'est un phénomène qui aujourd'hui est reconnu, indépendamment des opinions politiques ?
Benoit Raphaël : Nous, on le voyait aussi dans nos algorithmes. Chez Flint, on est essentiellement sur des contenus parce qu'en fait, la désinformation, elle est liée beaucoup à la xénophobie en fait. Donc vous avez dans une partie de l'extrême gauche une partie antisémite qui est toujours, qui a toujours été présente et qu'on retrouve dans nos algorithmes. Mais globalement, l'essentiel de la désinformation vient de réseaux qui sont très proches de l'extrême droite et donc évidemment en permanence très proche de la Russie.
Monde Numérique : Alors voilà pour ton livre, donc je te rappelle Information l'indigestion, paru aux éditions Eyrolles. Manuel. Pour penser par soi-même dans le chaos de l'information, il faut qu'on parle d'une chose Benoît Raphaël, c'est plus de toi et de ton activité professionnelle et surtout de chose que tu as constaté puisque récemment tu as. Alors tu vas nous parler un peu des relations que tu avais avec Twitter et avec les grandes plateformes américaines, parce que c'est super intéressant. Mais d'abord, Est-ce que tu peux nous rappeler un peu ce que ce que c'est que. Flint finalement, qu'Est-ce que c'est quoi cette structure que tu as créée il y a quelques années déjà pour qu'on comprenne bien le contexte ?
Benoit Raphaël : Flint pour faire le lien avec le livre, c'est que dans ce chaos de l'information. Son objectif, c'est de nous donner un accès plus facile, plus rapide à l'information de qualité. Et pour ça, on utilise l'intelligence artificielle pour à la fois éloigner les fake news, personnaliser l'information et aller chercher des sources d'information à la fois très diversifiées et très qualitatives puisqu'on sinon, on va toujours uniquement vers les médias traditionnels. Mais si on veut vraiment avoir des choses parfois qui nous intéressent, qui nous ressemblent, il faut aller chercher dans la diversité de l'info. Le problème c'est que c'est rempli de fake news. Comment on fait le tri ? Pour cela, il faut de l'IA et comment Est-ce qu'on détermine l'information de qualité ? Et bien notre intuition à l'époque, au moment où on a lancé Flint, c'est en 2017 était de se dire il faut observer le comportement des gens, notamment le comportement des experts. Donc on n'a pas analysé en fait des experts. C'est là, on va en venir à Twitter pour analyser leur comportement par rapport à l'info, de façon à donner un score à l'info par rapport à ça. Par exemple, je suis, je suis un spécialiste de la des de la mobilité dans la ville par exemple. Et donc je vais aller partager, lire, likez des informations liées à la mobilité. Donc quelque part, les sources que je vais liker, comme je suis un expert, eh bien a priori, ça va être de bonne qualité.
Benoit Raphaël : Si moi je m'intéresse, si moi je m'intéresse à ce sujet-là, du coup, je vais je vais pouvoir avoir des informations qui sont en rapport avec mon expertise, puisque l'IA, en fait, va mettre en algorithmes, va mettre en chiffres la notion de qualité. Ce qui fait que dès que moi je choisis un contenu, le robot va déterminer mon niveau d'expertise et mes centres d'intérêt et m'apporter la qualité. Donc c'est un petit peu quelque part. L'objectif, c'était de faire des algorithmes complètement à l'inverse de ce que font les algorithmes de Twitter et de Facebook qui nous enferme dans des bulles. Et au bout d'un moment, on le remarque d'ailleurs, nous entraîne de plus en plus vers les extrêmes. C'est de créer des algorithmes vertueux qui justement tentent d'aller chercher la qualité de l'info. Et pour ça, on utilise la base de données qui est utilisée depuis des années par les chercheurs. La plupart des études que l'on a sur la dynamique de l'information, la dynamique de la désinformation, qui nous permettent aussi de lutter contre, s'appuient sur les données proposées par Twitter, qui est quelque part le moteur d'information le plus, le plus clair, le plus structuré qui existe aujourd'hui, qui existait aujourd'hui sur le marché, puisqu’effectivement cette base de données est désormais complètement fermée.
Monde Numérique : Alors parlons en donc. Alors voilà, il faut qu'on parle de ce qui s'est passé récemment du côté de Twitter, qui est décision de Dillon Musk, de couper ce qu'on appelle l'accès à l'API, ou en tout cas de la rendre dans un premier temps très cher. Donc ça revient quasiment à la couper. C'est assez technique, mais ça a des conséquences très pratiques et ça, tu l'as vécu à travers ta société, Flint.
Benoit Raphaël : Est-ce que quand on est entrepreneur en tant qu'on n'est pas rentable, tant qu'on n'a pas trouvé le truc, etc. En fait, c'est on enchaîne les galères, toutes les galères, les galères, les impôts, les taxes, les trucs, les prêts qu'on n'a pas remboursés, enfin tout ce truc-là. Et puis dès qu'on est sorti d'un truc, il y a une nouvelle merde qui nous arrive. C'est comme quand t'es en bateau. Je trouve que souvent on se compare aux grands navigateurs parce que l'océan est complètement imprévisible et on enchaîne les trucs. Et en général, quand on réussit, c'est souvent parfois un peu la chance. En fait, quelque part, on peut être très bon et se planter aussi. Bref.
Monde Numérique : Donc là c'est le calme, il y a toujours la tempête quoi, et vice versa.
Benoit Raphaël : Mais ce qui arrive derrière et on n'est jamais prêt pour la tempête. Donc du coup, là, la tempête est arrivée là, t'es arrivé d'un coup ? Parce que quand tweet Elon Musk a racheté Twitter, on s'est dit Oula, ça va être le chaos parce que le personnage est un personnage chaotique. De toute façon, on ne sait pas trop ce qu'il a dans la tête et lui même parfois ne le sait pas. Et donc on s'est dit il faut qu'on commence à travailler sur changer notre modèle parce que notre modèle s'appuyer sur l'analyse de comportements de gens sur Twitter pour déterminer quelque part, de sorte de panel d'experts. En gros, on avait donc rentré en base de données plus de 20 000 experts Twitter et c'était la base de notre modèle. Donc on a commencé, on s'est dit Bon, on va le faire. À ce moment-là, Elon Musk a décidé, comme on s'y attend d'un petit peu, de rendre ça payant et nous donner dix jours pour tout changer. Donc beaucoup d'entreprises sont tombées. Nous, on avait dix jours pour changer, dix ans en fait de recherche et de travail. Donc il fallait changer complètement notre algorithme. Heureusement, comme la plupart des développeurs étaient partis, c'était beaucoup plus chaotique. Il a pas réussi à mettre en place cette mesure suffisamment tôt. Ça a été retardé et nous on avait quasiment transformé tout notre tout, notre modèle. Donc on a réinventé avec un développeur en quelques mois tout ça et il a fermé après l'avoir rendu payant. Là, il a fermé complètement, définitivement tout accès, donc nous mêmes aux chercheurs. Donc aujourd'hui, on ne peut plus accéder à ces données.
Monde Numérique : Donc l'API qui est donc l'API qui faut, on le rappelle en deux mots, qui Est-cette espèce de passerelle logicielle qui permet de se connecter au contenu Twitter, mais sans utiliser l'application traditionnelle.
Benoit Raphaël : C'est une passerelle qui permet à nos algorithmes d'aller interroger Twitter, donc de poser des questions quelque part où on interagit avec Twitter et on arrive à récupérer des données qui permettent d'alimenter les algorithmes. Alors Elon Musk. L'a expliqué. D'ailleurs, il a fermé volontairement, intégralement maintenant son API pour parce qu'il s'est lancé dans la bataille de l'intelligence artificielle. Il faut bien comprendre que dans cette bataille qui s'est accélérée ces derniers mois, le nouveau web qui est en train d'apparaître, c'est un web complètement fermé avec des IA qui appartiennent au big tech et donc Microsoft qui a OpenAI, ChatGPT, Google qui a barre méta a choisi une autre méthode pour l'instant plutôt open source. Et puis Elon Musk qui a lancé sa sa nouvelle société récemment et dont l'objectif est de faire une IA qui va sourcer, découvrir les secrets de l'univers et dire la vérité. On ne sait pas si sa vérité, comme il est plutôt d'extrême droite, si elle est libertarienne ou si elle est vraiment complètement objective. En tout cas, il s'est lancé dans cette bataille-là. Or l'or, l'essence en fait l'or noir de de cette époque qui est en train d'arriver, ce sont les données. Et lui le seul, la seule puissance qu’il n’a jamais réussi à monétiser chez Twitter, ce sont justement les données qui sont utilisées par beaucoup de personnes. Donc on voit que c'est quand même c'est très stratégique, mais ça annonce aussi le monde qui vient, un monde où les données vont devenir tellement précieuses que ce monde-là va se fermer. Donc c'est aussi une petite inquiétude que l'on peut avoir pour la transparence en tout cas de ces intelligences artificielles telles qu'elles vont s'annoncer dans les prochains mois.
Monde Numérique : Donc, quelles conséquences selon toi ? Alors déjà des entreprises comme vous, comment Est-ce que vous faites ? Est-ce que ça veut dire que vous n'êtes plus en prise avec la réalité où il a fallu aller chercher une autre réalité ailleurs ? Bah.
Benoit Raphaël : Il y en a qui sont morts très vite. Il y a beaucoup d'entreprises, on ne les a pas cité, on les a, on les a pas dénombrées encore. Mais il y a il y a plusieurs dizaines de milliers de startup à mon avis, qui ont dû arrêter ou qui ont pivoté complètement. Donc nous, on a gardé le même modèle parce que nous, on a une mission beaucoup plus qu'une, qu'un modèle de technologie sur la partie qui vraiment nous ramener de l'argent, qui nous ramène de l'argent, qui est la partie business on va dire pour les entreprises. Donc en gros c'est la veille d'infos, ce que fait Flint avec l'IA Notre on avait déjà fait évoluer le modèle et si tu veux, nous on a dix ans d'historique de toute heure, donc on a déjà nous des modèles de qualification des sources. Donc ça c'est le premier truc. Donc maintenant on est capable de savoir ce qu'est une bonne source ou pas et de pouvoir comparer parce qu'on a énormément de données. Donc ça c'est propriétaire pour nous et c'est notre trésor de guerre, je dirais quelque part qui est inimitable. Et puis surtout arrive aujourd'hui il y a générative et elle change beaucoup de choses parce qu'avant les données étaient relativement aveugles. Quand tu veux déterminer la qualité, c'était quelque chose d'extrêmement subjectif. La sémantique ne suffit pas. La sémantique c'est voilà que veut dire tel ou tel mot. Donc tu vas faire une recherche avec, juste faire une recherche de mot, ça ne te dit pas la qualité ? Pour avoir la qualité, il fallait justement du machine learning et donc d'analyser le comportement des gens avec les Y a générative. Les IA générative s'appuie sur des technologies qui notamment les transforment pour ce qui permet de beaucoup mieux comprendre le contexte d'une information. Et donc finalement ça permet déjà de rajouter une couche qualitative et donc de remplir un peu le même rôle. Donc finalement, l'arrivée de ces LGBT en même temps a provoqué, je dirais quelque part la fermeture de Twitter, mais en même temps a apporté aussi la solution, en tout cas pour nous.
Monde Numérique : Mais qu'Est-ce qui va se passer maintenant ? Parce que en même temps, ces IA, elles se sont, comment dire, elles se sont entrainées avec des données qui étaient, qui étaient publiques, aussi bien open et like bar, etc.
Benoit Raphaël : Alors ce n’est pas encore réglé tout ça parce que maintenant vous avez des écrivains qui qui qui font des procès, les acteurs aussi en grève, Hollywood qui estime, qui ont peur aussi pour, pour, pour leurs données. Donc toutes ces données sur lesquelles ont été entraînés ces intelligences artificielles. La question juridique n'est pas encore réglée. Et puis on est aux Etats-Unis donc, où c'est plutôt sérieux, on parle de droit d'auteur, donc c'est quand même un des droits les plus protégés. Donc ça ne va pas être simple, ça va se régler différemment, je pense, par des accords, etc. Mais en tout cas, pour l'instant il n'y a pas, il y a des données publiques. Mais enfin le Wall Street Journal c'est public, mais enfin c'est quand même privé quoi. Donc il y a quand même de la valeur sur lequel. Mais c'est très difficile de déterminer. Donc ça va être très difficile à détricoter. Mais ça va être une bataille juridique extrêmement importante parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'argent derrière et que personne n'a envie de laisser ces big tech prendre le pouvoir. Donc je pense qu'il y aura aussi des jeux de pouvoir, d'influence qui vont jouer là, sur le terrain juridique.
Monde Numérique : Ça ne rappellerait pas un peu ce qui s'était passé avec Google Books ? Qui était cette lorsque Google avait décidé d'aspirer tous les livres de la Terre pour pouvoir en proposer des extraits par ci par là, voire les republier quand c'était des ouvrages qui étaient tombés dans le domaine public. Et effectivement, il y avait eu des levées de boucliers dans le monde entier.
Benoit Raphaël : Oui, parce que là, on était dans le monde de l'édition, mais quelque part, c'est là ce qui montre un peu l'hypocrisie du système. Parce que globalement, Google s'entraine sur les données du monde entier depuis des années. Et d'ailleurs, ce qu'il faut savoir quand on comprend un petit peu, un petit peu la logique des robots parce que vous, vous. La plupart de ces IA ont du mal à aller sur internet et à lire les données. D'ailleurs, si vous vous créez un logiciel pour faire la veille d'info, vous allez voir, c'est compliqué. En fait, vous récupérez ce que vous pouvez. Nous, on y arrive parce qu'on a des méthodes pour le faire et donc parce que ça fait des années qu'on le fait, etc. Mais même pour nous, c'est compliqué. Google n'a pas de problème, Big n'a pas de problème parce que même les médias qui protègent énormément leurs données laissent passer ces robots-là, mais pas les autres. Donc il y a un internet à deux vitesses par rapport à ça, où il y a beaucoup d'hypocrisie derrière ce système-là, mais en face.
Monde Numérique : C'est à dire que les éditeurs de contenu autorisent les robots de Google à indexer les pages, etc.
Benoit Raphaël : Oui, parce qu'ils ont envie d'être vus.
Monde Numérique : Et voilà.
Benoit Raphaël : Oui, donc ça va peut-être changer, là, parce qu'il va y avoir un nouveau rapport de force qui va arriver. Et c'est vrai que Google a beaucoup financé. La presse a ramené des millions tout de même à la presse française. Facebook aussi y participe, même si c'est un peu retiré du jeu ces derniers temps. Parce que bon, ils veulent plus tellement avoir à faire à l'info parce que c'est un bordel effectivement en termes de droits d'auteur pour eux, mais on voit bien qu'effectivement pour l'instant, donc c'est déjà c'était déjà le cas avant. Et là, sur ces, il y a là, on va retrouver, mais ce ne sont que des questions de rapport de force.
Monde Numérique : Mais alors sur quoi vous pouvez vous appuyer aujourd'hui ? Il y a d'autres réseaux sociaux. Enfin, comment ça se passe ?
Benoit Raphaël : Non mais on s'appuie plus sur les réseaux sociaux. Enfin, on va on va picorer à droite à gauche pour simplement affiner nos modèles. Mais maintenant on a ces codes. Quand tu as dix ans d'historique où on récupérer si tu veux plus de 50 zéro zéro contenu par jour d'informations, trier avec analyser à partir de plus de 25 000 comptes Twitter chaque jour pendant dix ans, tu vois le volume que ça fait ? Si donc on a des millions et des millions de données derrière.
Monde Numérique : Vous en avez bien profité aussi finalement.
Benoit Raphaël : Bon, on a bien profité.
Monde Numérique : Oui, bien sûr, tout le monde.
Benoit Raphaël : Mais quelque part, c'est un travail de recherche. Il faut comprendre que Flint a été fondé à la base par Jean Véronis, qui était un chercheur à l'Université d'Aix en Provence, qui est un des pères du traitement automatique des langues, qui a écrit beaucoup de bouquins là-dessus, Des thèses. J'ai d'ailleurs gardé sa première thèse qui où il parlait d'ailleurs de l'intelligence artificielle. Mais en ce temps, en 1976 je crois, si je me souviens bien, mais il était déjà visionnaire par rapport à ça. Donc c'est aussi un travail de recherche qui a été fait pendant des années sur la base de ces données qui étaient publiques. Moi, j'ai toujours milité pour que Twitter et le statut de Wikipedia, s'il devait être racheté par quelqu'un, il aurait dû être racheté par Wells, par la fondation Wikipedia, parce que quelque part, ces données sont des données historiques. Les printemps arabes se sont passés par Twitter. Il y a eu des discussions, parfois même des engueulades entre des chefs d'État sur Twitter. Donc on voit bien que ce sont des données sociales. Il y a des chercheurs qui se sont rendu compte qu'on arrivait à évaluer le niveau de chômage en analysant les tweets, parce qu'effectivement il y a une banalisation du monde assez étonnante. Il n'y a pas forcément beaucoup de monde, mais il y a les gens importants et il y a une variété, finalement de personnes. Donc ce sont des données qui sont hyper intéressantes pour les chercheurs et je pense qu'il aurait fallu plutôt que ça soit entre les mains d'un milliardaire, que ça soit plutôt entre les mains de la communauté, puisque c'est un trésor historique quelque part d'une partie de l'histoire de l'humanité de ces dix dernières années s'est déroulée dans le don, dans le négatif, dans le négatif, si j'ose dire. Pour reprendre l'analogie avec l'appareil photo, l'appareil photo analogique de l'histoire qui est Twitter.
Monde Numérique : Et aujourd'hui un nouveau réseau comme threads par exemple, Est-ce que ça peut combler ce vide ?
Benoit Raphaël : Il faut voir, parce que d'abord on va être sur un... Alors, ce vide, sur les données. Je ne pense pas parce que...
Monde Numérique : En tout cas, remplacer, prendre la place.
Benoit Raphaël : On rentre dans la mécanique Facebook, Instagram, et cetera. Donc c'est un avantage, en tout cas pour ceux qui l'utilisent, parce que c'est plus puissant. Donc ça, il va y avoir plus de monde rapidement. Et le problème de ces réseaux, c'est que s'il n'y a personne, on n'y va pas en fait. Donc c'est le propre de Mastodon d'ailleurs qui qui rassemble des petites communautés. Mais donc là Facebook a l'avantage de pouvoir tout connecter et donc de pouvoir effectivement faire beaucoup de bruit pour pour faire venir les gens sur Fred, mais avec tous les problèmes de confidentialité des données que l'on connaît avec Facebook.
Monde Numérique : Et est-ce qu'on va selon toi vers une espèce de comment dire, de rediffusion du monde ? Alors je parle pour les utilisateurs, c'est à dire que suivant les l'orientation idéologique, etc, les gens iront plutôt vers tel ou tel réseau social.
Benoit Raphaël : Alors Est-ce que les réseaux sociaux vont continuer sous la forme sur laquelle ils sont ? Donc ça c'est encore une question. On ne sait pas trop comment tout ça va évoluer. Moi je ne suis pas très bon, je ne suis pas un bon futurologue donc je ne fais jamais de prédiction, ça change tellement vite. Ce qui est clair, c'est que le monde dans lequel on entre avec les intelligences artificielles sait qu'on va se retrouver. On se retrouve déjà aujourd'hui avec des IA qui prennent déjà en charge une partie de nos relations, de nos discussions. C'est facile maintenant de pouvoir répondre à un message, que ce soit sur Tinder ou sur sur eux, sur LinkedIn avec cet outil et c'est tellement mieux. Moi j'ai eu un problème avec une compagnie d'avion et c'était super compliqué. C'était en anglais. Je. Leur expliquer un truc un peu compliqué, mais je leur ai fait une lettre. Mais incroyable, mais vraiment en 30 secondes, grâce à ça, j'ai pity et j'ai récupéré 100 € quoi. Donc merci de s'être dit petit, mais ça veut dire bien que nos relations.
Monde Numérique : Et un jour c'est un autre chargé qui lira ta lettre et qui traitera la requête
Benoit Raphaël : Il y a du danger et il y a de la bonne nouvelle derrière, c'est qu'en fait, ces réseaux sociaux nous prennent tellement de temps qu'une partie de nos de nos connexions, de nos interactions sociales qui passent par les réseaux sociaux et par les mails notamment, qui nous prennent énormément de temps de cerveau et plus de deux, voire 3 h par jour. Eh bien si on pouvait les réduire grâce à l'IA, à quelque part, avoir un assistant qui s'occupe de gérer cette partie de relation faible que l'on peut avoir sur les IA pour qu'on puisse se concentrer sur autre chose. Ça, c'est la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est qu'on perd un peu le contrôle quand même sur l'information qu'on a. Pour l'instant. Les IA donnent de l'info, répondent aux questions comme le fait un moteur de recherche, mais de façon beaucoup plus facile, beaucoup plus naturelle. Sauf qu'elles ne sourcent pas leurs informations. Or, on ne sait pas comment vraiment ont été conçus ces IA. Sur ce, les données sur lesquelles elles ont été entraînées et ensuite l'entrainement par des humains qui qui vient les enrober derrière. Et donc toutes ces IA embarquent des idéologies occidentales, notamment blanches. Ça pose quelques questions en Afrique, mais aussi également en Asie où je suis. Donc on voit bien qu'on rentre dans un monde un peu moins transparent en tout cas, où la question de la transparence va être vraiment posée. J'espère que ça va évoluer dans le bon sens. Donc à la fois l'IA va nous faire gagner du temps. Donc ça c'est une bonne nouvelle si tu te réfères à mon livre de cerveau, mais en même temps, va peut-être nous faire perdre un peu le contrôle, mais quelque part, un peu comme tu perds le contrôle de ta voiture. Moi, mon grand-père, il me faisait toujours. Il voulait absolument que je sache exactement ce qu'il y avait dans la voiture, dans le moteur etc. Il faisait démonter ça mon papa.
Monde Numérique : Aujourd'hui, pour vraiment réparer ça.
Benoit Raphaël : Là, aujourd'hui, tu comprends plus ce qui se passe dans le moteur d'une voiture. Il y a trop d'électronique. Donc c'est un petit peu cette déconnexion du réel quelque part va s'accentuer avec ces intelligences artificielles qui vont venir s'infiltrer un peu partout dans nos interactions avec l'information.
Monde Numérique : Merci beaucoup Benoît Raphaël. Voilà, on a brossé pas mal de sujets, c'est toujours passionnant. Je rappelle le titre de ton livre : « Information l'indigestion », aux éditions Eyrolles.
Benoit Raphaël : Merci Jérôme.