🎤 Interview - Innovation et souveraineté tech au Salon du Bourget 2025 (Patrice Duboé, Capgemini)
03 juillet 202521:30

🎤 Interview - Innovation et souveraineté tech au Salon du Bourget 2025 (Patrice Duboé, Capgemini)

Le Salon du Bourget 2025 a été marqué par une forte présence de la tech, de la défense et de l’aéronautique. Patrice Duboé, directeur de l’innovation pour l’Europe du Sud chez Capgemini, revient sur la montée en puissance de la souveraineté numérique, l'innovations dans l’espace avec le projet européen Iris², et la décarbonation de l’aviation avec les premières expérimentations d’avions hybrides ou électriques.

En partenariat avec Capgemini

Interview : Patrice Duboé, directeur de l'innovation pour l'Europe du Sud chez Capgemini

Que faut-il retenir de l’édition 2025 du Salon « Paris Air Show » du Bourget ?

C’était une très belle édition, marquée par une forte présence internationale et un focus accru sur l’innovation, la digitalisation et la souveraineté. Le salon couvre non seulement l’aéronautique, mais aussi l’espace et la défense. Cette année, le contexte géopolitique a renforcé l’intérêt pour la cybersécurité et l’intégration du numérique dans tous les équipements, qu’il s’agisse d’avions, de satellites ou de fusées. On ne peut plus concevoir un produit sans exploiter pleinement les outils digitaux.

Quels sont les enjeux en matière de souveraineté technologique ?

La souveraineté ne se limite pas à posséder le hardware ou les logiciels, c’est surtout une question de gouvernance. Pouvoir maîtriser un système, même avec des composants étrangers, est essentiel. Par exemple, une puce étrangère intégrée dans un système contrôlé par des logiciels français reste sous notre souveraineté. C’est aussi le sens du projet IRIS², une constellation européenne concurrente de Starlink, qui vise à garantir une indépendance stratégique en matière de connectivité. Ce projet, qui inclura 30 % de startups, doit entrer en service autour de 2030.

L’aéronautique peut-elle réellement se décarboner grâce à l’électrification ?

Oui, c’est une piste sérieuse. On voit déjà émerger des prototypes hybrides, combinant moteurs thermiques et électriques. Des entreprises comme Aura Aero ou Ascendance Flight Technologies développent des aéronefs régionaux adaptés à des usages spécifiques, notamment pour désenclaver des territoires. Bien sûr, pour les gros porteurs, la question du poids des batteries reste un frein, mais l’hydrogène pourrait aussi jouer un rôle à moyen terme. L’innovation est continue, et les avancées viendront notamment du secteur automobile, qui tire la recherche grâce à son volume.

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Monde Numérique : [0:01] La souveraineté, ce n'est pas uniquement le côté physique, c'est le côté logiciel et surtout, c'est le côté gouvernance. Monde Numérique : [0:16] Bonjour Patrice Duboé. Patrice Duboé: [0:18] Bonjour Jérôme. Monde Numérique : [0:19] Directeur de l'innovation pour l'Europe du Sud chez Capgemini, ravi de vous accueillir dans Monde Numérique pour ce rendez-vous mensuel en partenariat avec Capgemini. On parle ce mois-ci, Patrice, de l'événement dans le secteur de la tech, mais au-delà, dans celui de l'aéronautique surtout, c'est le Salon du Bourget qui vient d'avoir lieu près de Paris. Alors, qu'est-ce qu'il faut retenir ? Quelles sont les tendances qui ont marqué cette édition 2025 du Salon, Patrice ? Patrice Duboé: [0:46] Alors, une très belle édition du Bourget, le Paris Airshow, qui attire de plus en plus d'étrangers. Donc, bien entendu, Bourget, on pense avion, mais pas uniquement. En fait, le Bourget, c'est le salon de l'aéronautique, de l'espace et de la défense. Patrice Duboé: [1:01] Donc, c'était très intéressant cette année. Bien entendu, nous connaissons tous le contexte géopolitique, très orienté sur la défense et la souveraineté. Mais on parle beaucoup d'innovation, on parle beaucoup de digital, de figital, le physique et le digital. Et aujourd'hui, on ne peut plus déployer aucun service, aucun produit, que ce soit un avion, un hélicoptère, un satellite ou une fusée. Sans tirer parti de toutes les forces du digital et de l'informatique. Monde Numérique : [1:31] Si on devait retenir quelques innovations marquantes, ce serait quoi ? Patrice Duboé: [1:37] Alors bien entendu, les innovations vont dépendre un petit peu du secteur. Patrice Duboé: [1:40] Si on commence par la défense, bien entendu, on va voir beaucoup de choses sur la souveraineté, sur la sécurité, sur la cyber. On sait que le cyberespace, c'est l'une des composantes de l'armée. On pense souvent air, terre et mer, mais en fait, le cyberespace, aujourd'hui, est une composante majeure des services de l'armée. Donc, bien entendu, comme dans d'autres salons précédemment, on a beaucoup parlé d'IA et d'attaques Genia, dont IA générative. Comment pouvoir se protéger par rapport à ces attaques ? Et ce qui est intéressant, c'est qu'aujourd'hui, lorsqu'on parle de protection des produits français. Patrice Duboé: [2:22] De l'IP, donc la partie brevet, on voit qu'il y a de plus en plus d'attaques sur les entreprises et surtout sur les PME, PMI, qui sont moins habitués par rapport aux grands groupes. Lorsqu'on parle d'Airbus, Thales, on comprend bien qu'on a un ADN sur la protection qui est vrai au niveau de la protection de la cyber, mais maintenant aussi au niveau du physique. On voit qu'il y a de plus en plus de cambriolages, d'attaques physiques dans des PME, PMI pour essayer de récupérer un maximum d'informations. Donc on voit qu'on est en train de passer un gap, une étape sur ces points-là. Donc beaucoup de sensibilisation sur la partie attaque physique et bien entendu cyber. Donc on a beaucoup d'organismes en France, le Cigref, le J-FAS. Patrice Duboé: [3:11] Qui est l'une des actions, l'un des thèmes, et d'éduquer, d'aider les PME, PMI à mieux prendre tous les virages du digital pour pouvoir mieux fournir les grands groupes. Donc la défense, forcément beaucoup de démonstrations, de force au niveau physique, au niveau digital. Si on prend l'espace, donc là, on est sur une autre dimension. Patrice Duboé: [3:35] Tout le monde parle aujourd'hui d'Iris Carré, dans le fameux projet Iris Square, qui va être un concurrent. Alors, c'est quoi ? Qu'est-ce qu'Iris Square ? Qu'est-ce qu'IRIS² ? En fait, c'est le concurrent, on va dire, à Starlink. Aujourd'hui, si vous voulez avoir accès à Internet partout dans le monde, tout le monde pense à Elon Musk, à Starlink, à SpaceX qui a déployé plus de 6-7 000 satellites pour fournir un Internet sur la planète entière. En France, nous avons OneWeb qui est une constellation basée sur des technologies Airbus, entre autres et qui permet pour les professionnels d'avoir ce service-là. Mais l'Union européenne devait réagir pour pouvoir avoir son propre réseau souverain Et donc, c'est le projet Iris Carré qui a été enfin signé par l'Europe et qui va déployer par des grands du spatial européen. On pense à Eutelsat, à SES, à Ispasat, bien entendu, Airbus, Thales. Mais il y aura également 30% de startups dans ce nouvel écosystème. Donc, ça, c'est quelque chose qui est intéressant. Monde Numérique : [4:46] Il s'agit de rattraper un retard, en fait, clairement. Patrice Duboé: [4:49] Exactement, il y a un grand retard. donc on a déjà eu ça par le passé si vous vous souvenez du GPS dans la fameuse géolocalisation par satellite, donc GPS c'est le système américain et l'Europe avait réagi avec Galiléo pour ne pas être pied et main lié à un opérateur américain, donc là on a vu défense. Monde Numérique : [5:10] Pardon c'est intéressant ça parce que est-ce que l'exemple de Galiléo, finalement quelque part est rassurant, c'est à dire que oui on arrive après, on est en retard mais on a réussi à rattraper le retard parce qu'aujourd'hui, Galiléo est très utilisé notamment par l'armée, vous me le confirmez ? Patrice Duboé: [5:26] Tout à fait, en fait, aujourd'hui même vous, lorsque vous avez un téléphone une montre, si vous regardez les spécifications de votre montre, de votre téléphone vous verrez qu'il y a au moins 3 ou 4 réseaux GPS utilisés vous avez le GPS américain vous avez le Galiléo européen vous avez le Baidu chinois et le Glonass russe, Donc aujourd'hui, chacun a trouvé sa part et Galileo est très utilisé et il est même un peu plus puissant que le GPS. Il faut savoir qu'il y a des organismes comme l'ESSP qui va fournir une qualité de signal encore plus supérieure, basée sur Galileo, utilisée par tous les avions sur les aéroports pour faire un atterrissage-décollage par temps de brouillard par exemple. Donc on voit un exemple très concret de ces avantages et on se doit d'être positif. Bien entendu, on part avec beaucoup de retard, mais il n'est jamais trop tard pour réussir. Monde Numérique : [6:21] Donc, ça veut dire qu'aujourd'hui, je reste sur le GPS, ça veut dire que si aujourd'hui, les Américains, pour une raison X ou Y, décidaient de nous couper le GPS, ce ne serait pas dramatique parce qu'il nous resterait Galiléo qui marche bien. Patrice Duboé: [6:34] Exactement. Donc, ça a été la principale raison. Vous savez très bien que si vous utilisez Google Maps, par exemple, il y a des endroits qui sont brouillés. Là, c'est pour la partie image, mais c'est pareil sur la partie GPS. Dans certains endroits, vous n'arriverez pas à avoir une bonne position GPS parce qu'il y a des brouillages qui sont réalisés pour protéger certains sites. Monde Numérique : [6:56] Alors ça, c'est la partie géolocalisation par satellite. Donc revenons à la partie communication. Iris Carré, on en est où ? On est quand même bien avancé. Patrice Duboé: [7:07] En fait, la première étape, c'est signer le contrat. Donc, il y avait une première ébauche qui était aux alentours de 14 milliards, qui a été refusée par l'Union européenne. Et donc, il y a eu une deuxième tour qui avait un investissement plus faible de la part des institutions. Et donc là, l'accord a enfin été signé. Et maintenant, les acteurs travaillent Patrice Duboé: [7:30] sur l'architecture du système qui doit être validé avant qu'on puisse passer en production. Donc on attend une mise en exploitation vers 2030 il y a des risques que ça dérape un petit peu c'est plus de 400 satellites qui vont être envoyés, il faut les produire les délivrer, prendre les slots de tir sur les fusées donc forcément ça prend un petit peu de temps. Monde Numérique : [7:57] Et ce serait comme Starlink ? Ce serait des constellations de petits satellites en orbite basse ? Ou c'est un autre système ? Patrice Duboé: [8:03] Alors, Starlink, c'est de l'orbite basse. Et Iris Square, ça va être en mélange. C'est-à-dire qu'on va avoir une majorité de satellites en orbite basse. Donc ça, ça va être le rôle de OneWeb, qui a été racheté par E-Telsat. Donc E-Telsat va s'occuper de cette orbite basse, avec l'évolution de leur constellation actuelle. Et il y a également quelques satellites en MEO et GEO, dont MEO pour Middle Earth Orbit, dont des satellites qui ne sont pas entre 400 et 1000, mais plutôt vers quelques milliers de kilomètres. Et puis SES qui va fournir la partie géostationnaire, donc là des satellites qui sont à 36 000 kilomètres pour avoir une complémentarité sur différents types de services. Monde Numérique : [8:48] Mais bon, on comprend que ce n'est pas demain la veille qu'on pourra acheter sa petite antenne pour avoir sa connexion Internet par satellite. Patrice Duboé: [8:55] Il faut patienter un petit peu. Monde Numérique : [8:56] N'importe où en France. OK, donc ça, c'était vraiment un des gros dossiers du Bourget, c'est ça ? Il y a d'autres... Quels sont les autres enseignements et les autres éléments à retenir ? Patrice Duboé: [9:08] Donc là, on a parlé défense et espace, où l'espace est encore un acteur majeur pour l'environnement. Vous savez qu'aujourd'hui, pour pouvoir suivre la pollution, la déforestation, la meilleure arme, c'est l'espace. Ce sont les satellites qui vont pouvoir observer et regarder comment la situation évolue de jour en jour ou de semaine en semaine. Patrice Duboé: [9:30] Donc l'environnement aujourd'hui est un très gros client de l'espace. Mais au-delà de ça, on a également dans l'aéronautique un besoin de décarboner l'aviation avec un objectif à 2050 au niveau de l'industrie. Et donc pour ça, il y a différentes solutions. On a connu les SAF, les Sustainable Aviation Fuel, dont des fuels à base de végétaux. Mais maintenant, l'étape suivante, c'est l'électrification des avions. Ça peut être par l'hydrogène ou par des batteries. Donc, beaucoup de démonstrations intéressantes. Monde Numérique : [10:03] C'est vrai ? Vraiment ? Vraiment ? Alors, est-ce qu'on est sur un truc sérieux ou on est dans du fantasme pur et simple ? Patrice Duboé: [10:08] Alors, on a vu des bons exemples. Donc, on sait par exemple Aura Aero a signé des accords avec de nouveaux acteurs pour aller un petit peu plus loin. Il y a également Ascendance Technology qui est sur un prototype où on est sur une motorisation hybride entre du fuel et des batteries. Et pour donner un exemple concret, sur un petit aéronef, donc il ne va pas être très très lourd, on arrive à avoir une bonne combinaison avec un moteur thermique qui va fournir 200 kW et un moteur électrique qui va fournir 400 kW. C'est-à-dire que si on prend l'exemple d'une phase de décollage, où on a besoin de toute la puissance, on a les deux tiers de la puissance qui est fournie par les batteries et un tiers qui est fourni par la turbine. Et pourquoi c'est intéressant ? Parce que dans la partie efficience d'une turbine, d'un moteur d'avion, on a un régime moteur et on a l'optimisation sur un régime. Et donc l'idée, c'est que la turbine soit toujours à la même vitesse et c'est la batterie qui va faire le tampon entre des phases de décollage qui sont en hyperconsommation et lorsqu'on est en vitesse de croisière, on a besoin de moins d'énergie. Patrice Duboé: [11:24] Donc, la turbine est toujours à 100% et on utilise le surplus d'énergie pour recharger les batteries lors de la croisière. De façon, lorsque l'on va atterrir, les batteries seront pleines. Donc, on n'a pas besoin de perdre du temps, comme sur notre voiture, de s'arrêter à l'aéroport pour faire une petite recharge. Monde Numérique : [11:43] Et puis, comme une voiture hybride, en fait. Patrice Duboé: [11:46] Exactement. C'est le même principe. Le moteur fuel va se permettre de recharger les batteries pour que lorsqu'on arrive à destination, on fait le point de carburant, mais par contre, sur l'énergie électrique, on est au maximum. Monde Numérique : [12:02] Et ça, c'est pour le jour quand ? Patrice Duboé: [12:05] Alors, il y a déjà des premières expérimentations qui ont été faites. Alors, pas sur des avions commerciaux, mais on est à quelques années de pouvoir avoir des premiers prototypes. On a vu également dans les démonstrations du Bourget, vous savez que tous les jours, on a forcément le Rafale qui va faire sa petite démo. On avait le F-35 américain qui est toujours hyper impressionnant par le bruit qui est généré et la puissance. Mais on avait également des petits avions, des petits aéronefs à propulsion électrique qui avancent. On a vu Bertrand Picard qui a fait le tour du monde il y a quelques années avec un avion 100% électrique. Donc, on n'est pas sur de la grande échelle. On n'est pas encore sur quelque chose de démocratisé dans toute l'aviation. Mais les premiers résultats sont là. Monde Numérique : [12:53] On avait reçu Bertrand Piccard dans le monde numérique il y a longtemps pour parler de tout ça. L'enjeu technique et la difficulté technique, Patrice, c'est toujours notamment le poids des batteries. C'est-à-dire qu'il faut beaucoup de batteries pour qu'il y ait de la puissance, mais beaucoup de batteries, ça veut dire des avions plus lourds. Et en fait, c'est un peu le serpent qui se mord la queue. Patrice Duboé: [13:11] Tout à fait. C'est pour ça qu'on parle de différentes tailles de puissance et donc d'aéronefs. L'exemple que je vous donnais sur un petit avion où on a 200 kW pour le moteur propulsion thermique et 400 kW pour les batteries, ce ratio n'est pas possible sur des gros avions. Sur des centaines de tonnes, il faudrait un volume et un poids de batterie qui ferait que l'avion ne décollerait jamais. Donc en fait, on attend beaucoup d'évolution. C'est pour ça qu'on parle aussi de l'hydrogène. Patrice Duboé: [13:43] Mais effectivement, le principal problème des batteries, c'est le poids. Donc il faut trouver le bon usage, le bon compromis entre un poids d'avion, un poids de batterie et une économie. Monde Numérique : [13:53] Est-ce que ça veut dire que ces innovations, elles pourraient arriver, par exemple, d'abord sur des petits avions, vous l'avez dit, et donc, on l'imagine sur l'aviation d'affaires qui, en plus, est particulièrement décriée ? Patrice Duboé: [14:05] Alors, on ne parle pas trop d'aviation d'affaires. Effectivement, en termes de communication, c'est un petit peu polémique. On parle plutôt de distance et d'avions régionaux. C'est-à-dire qu'il y a eu un autre débat. Est-ce qu'on doit avoir des avions pour aller d'une ville à l'autre en France ? Moi, je pense qu'il y a aussi un marché, mais surtout un besoin. On parle de désenclaver les territoires. On ne peut pas considérer que deux ou trois villes en France aient le droit d'avoir un aéroport et les autres restent totalement isolés. Donc, encore une fois, il faut trouver un compromis. Et là, les avions régionaux, dont ATR en France, est l'un des leaders sur ce marché, et a signé d'ailleurs des accords comme ascendance technologie sur ce petit avion a-t-il un accord avec Airbus ? Donc, on voit qu'il y a un échange de bons procédés sur les technologies et on sait aussi que l'innovation viendra des véhicules, la routière, les voitures. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, l'innovation se fait surtout sur les voitures par rapport au marché qui est là et qui permet d'amortir les coûts de recherche et développement, ce qui n'est pas encore le cas sur la partie aviation. Monde Numérique : [15:16] D'accord. Toutes ces technologies, à propos de toutes ces technologies, se pose aussi l'éternelle question d'indépendance et de la souveraineté. Est-ce que tout ça, ça peut être des éléments de souveraineté technologique pour l'Europe et pour la France ? Patrice Duboé: [15:34] Alors effectivement, on a eu beaucoup de débats, on a eu beaucoup d'échanges avec les différents services de l'armée pendant cette semaine. Et la notion, la définition de souveraineté, elle est assez intéressante. L'un des généraux rappelait que la souveraineté c'est pas forcément avoir que des composants physiques et logiciels français mais c'est pouvoir maîtriser de façon tout à fait souveraine des objets on va prendre l'exemple des puces électroniques c'est difficile aujourd'hui d'obtenir des puces électroniques qui soient 100% françaises, par contre on peut très bien intégrer ces puces électroniques dans des systèmes français dont toute la partie soft, logicielle et totalement maîtrisée par les fournisseurs de l'armée et l'armée elle-même. La souveraineté, ce n'est pas uniquement le côté physique, c'est le côté logiciel et surtout c'est le côté gouvernance. Et ça passe également par les réseaux que l'on va traverser. Imaginez un composant français, mais qui passe par un réseau, on parle de Starlink, américain ou chinois, si l'information ne peut pas arriver, c'est embêtant. Donc dans ce cas-là, Iris Carré, Iris Square, est une très bonne réponse, sachant que l'armée a déjà son propre réseau, il n'y a pas que des réseaux publics. Les satellites Syracuse, aujourd'hui, sont des satellites français, utilisés exclusivement par l'armée française. Ce sont des services souverains. Monde Numérique : [17:02] Oui, mais la souveraineté, on sait que c'est à la fois, ça peut être des problèmes de fonctionnement, d'espionnage, d'autres choses comme ça, mais aussi de fabrication, donc d'approvisionnement en composants, etc. Il y a quand même cette dimension-là, non ? Patrice Duboé: [17:17] Et vous parlez d'approvisionnement, donc la chaîne logistique, la fameuse supply chain. Donc ça, aujourd'hui, c'est l'un des deux enjeux majeurs de toute l'industrie aéronautique. Vous avez encore entendu cette semaine d'énormes commandes signées par Airbus, dont le problème d'Airbus aujourd'hui, ce n'est pas les commandes. Ils ont des commandes pleines pour 10 ans. C'est-à-dire que même si Airbus ne vend plus aucun avion dans les 5 ans à venir, ils ont des avions à produire pendant 10 ans. Et la problématique aujourd'hui, c'est la chaîne logistique. Aujourd'hui, Airbus délivre moins d'avions qu'avant le Covid. Pourquoi ? Parce qu'il y a une difficulté à pouvoir approvisionner l'ensemble des pièces. Vous savez que c'est un marché qui est très tendu, avec des ressources qui sont rares, à la fois au niveau des matières premières, au niveau des cycles de production dans ce qu'on appelle tier 1, tier 2, tier 3, donc les fournisseurs de rang 1, 2, 3, pour tous les grands acteurs, Airbus, Boeing. Et donc, certains sous-traitants étaient en difficulté. Il y a eu un cas par exemple avec Spirit Aero où à la fois Boeing et Airbus ont dû aider leurs sous-traitants pour pouvoir poursuivre les cadences. Monde Numérique : [18:34] Qu'est-ce qui bloque ? C'est des pièces purement aéronautiques ou c'est du semi-conducteur ? Patrice Duboé: [18:40] On peut avoir de tout, comme dans l'automotive, l'automobile, où on manque de semi-conducteurs et de microprocesseurs. Dans la partie aéronautique, ça peut être à la fois des parties électroniques, mais ça peut être la fourniture de pièces en composite, en métal, qui vont faire défaut. Donc, en fait, on n'a pas réussi à récupérer les cadences pour pouvoir assembler l'ensemble des aéronefs. C'est vrai pour des avions, pour des hélicoptères, mais également pour des satellites. Monde Numérique : [19:09] Bon, alors, on comprend, Patrice, beaucoup de perspectives intéressantes, beaucoup d'espoir, mais comme d'habitude aussi, pas mal de freins et de contraintes. Monde Numérique : [19:19] C'est ce qu'il faut retenir de ce salon du Bourget 2025. Salon au cours duquel, vous, Capgemini, vous avez d'ailleurs rendu public deux rapports, c'est ça, qui font le point sur différents aspects ? Patrice Duboé: [19:31] Effectivement, on a publié un rapport TechnoVision dédié pour l'aéro, le spatial et la défense. On s'en donne 37 tendances d'innovation que nous avons illustrées chaque fois, avec un exemple, dans l'un des trois domaines. Donc bien entendu, beaucoup de choses sur la cyber, sur l'IA générative, sur le spatial computing, qui revient également assez fort après les vagues de l'ARVR, réalité augmentée, réalité mixte et réalité virtuelle. Et ensuite, la partie robotisation qu'on n'a peut-être pas encore trouvue dans le salon. Ce n'est pas l'objectif, mais on sait qu'en back office, la robotisation arrive très, très fort. Et le second rapport, c'est un rapport en français. C'est un livre que nous avons annoncé mardi dernier lors du Salon du Bourget et dont la publication démarre le 2 juillet. Et donc, vous pourrez acheter ce livre réalisé conjointement avec Aerospace Valley, Capgemini, Airbus, Thales, Safran et d'autres leaders du monde aéronautique Patrice Duboé: [20:40] en France sur l'IA dans l'aéronautique. Donc, vous aurez nombre d'exemples pour voir comment on utilise l'IA dans la production d'un avion, dans le cycle de vie, dans la gestion des vols. Monde Numérique : [20:55] Et ce livre, on peut se le procurer comment, Patrice ? Patrice Duboé: [20:57] Ce livre est en format papier et vous pouvez trouver ce livre sur toutes les plateformes, je ne sais pas si on peut les citer, la FNAC, Amazon et autres, depuis le 2 juillet, en format papier pour découvrir tous les cas d'utilisation de l'IA dans l'aéronautique en France. Monde Numérique : [21:15] Merci Patrice Duboé, directeur de l'innovation pour l'Europe du Sud et pour l'industrie aérospatiale et défense chez Capgemini.
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