Patrice Duboé :
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0:01] La tech arrive dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les industries. Et l'agriculture s'est vraiment transformée, l'agro et l'agri d'ailleurs, s'est vraiment transformée ces dernières années.
Monde Numérique :
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0:17] Bonjour Patrice Duboé.
Patrice Duboé :
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0:19] Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
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0:20] Directeur de l'innovation pour l'Europe du Sud chez Capgemini. Ravi de vous accueillir à nouveau dans Monde Numérique pour ce rendez-vous mensuel en partenariat avec Capgemini. Le salon de l'agriculture avait lieu récemment à Paris et on voit que de plus en plus, la technologie s'invite dans l'agriculture. Est-ce qu'on peut dire que, véritablement, la tech a changé l'agriculture aujourd'hui ?
Patrice Duboé :
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0:44] Indéniablement, en fait. On ne va pas parler de révolution, mais aujourd'hui, la tech et pas que la low tech arrivent dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les industries.
Patrice Duboé :
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0:53] Et l'agriculture s'est vraiment transformée, l'agro et l'agri d'ailleurs, C'est vraiment transformé ces dernières années dans les vaches, dans la culture. Et ce qui était intéressant cette année, c'est de voir tout ce qui était innovant autour de la circularité. On parle beaucoup de ces thèmes-là, dont la circularité, en quatre mots, c'est réduire la fracture, les batailles entre les ruraux et les non-ruraux. C'est le bien-être animal, c'est bien entendu gérer la protection de l'environnement. Et puis surtout, en dernier lieu, préparer la relève. On sait que dans quelques années, la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite. Donc, beaucoup de thèmes autour de ces quatre sujets.
Monde Numérique :
[
1:30] Vous dites la circularité. Donc, concrètement, qu'est-ce que ça signifie ?
Patrice Duboé :
[
1:36] On voit bien l'analyse, par exemple, des parcelles, grâce aux images satellites, permettent aujourd'hui d'avoir une vue parfaite sur les cultures, analyser les champs, voir la forestation ou la déforestation. Grâce à des images de satellites ou de drones même. En fait, on a une vue parfaite pour gérer une meilleure irrigation, gérer tous les produits phytosanitaires. On s'est prévenu aujourd'hui que tous les tracteurs sont équipés de GPS. On a entendu beaucoup de vols de ces GPS qui valent très cher. Et aujourd'hui, il y a un autopilotage des tracteurs sur les grandes parcelles qui, grâce aux images satellites, vont donner le juste niveau des traitements pour ne pas surexploiter les terres et avoir la bonne irrigation, le bon traitement pour ne pas avoir de maladies et avoir des meilleurs rendements pour les parcelles. Donc ça, c'est déjà un premier bon exemple sur la partie l'innovation et l'analyse de data qui vient au service de l'ensemencement et des cultures.
Monde Numérique :
[
2:39] Ça, ce sont des systèmes qui sont utilisés par les exploitants agricoles eux-mêmes. C'est de ça dont on parle.
Patrice Duboé :
[
2:44] Tout à fait. Alors, on voit bien que dans ce premier exemple, c'est plutôt des grandes exploitations, parce qu'il faut pouvoir d'abord s'équiper avec des équipements qui sont relativement coûteux. Il faut pouvoir l'amortir avec des grandes parcelles. Donc ça, c'est le principe des grandes cultures céréalières. Mais si on prend l'autre dimension de la partie élevage, là, on peut avoir des grands élevages, mais on a aussi en France beaucoup de petites exploitations qui vont gérer des troupeaux de quelques dizaines de têtes, quelques dizaines de vaches, quelques centaines de brebis, de chèvres ou des dizaines de chevaux.
Patrice Duboé :
[
3:17] Et donc là, on a d'autres types d'innovations qui sont arrivées, en particulier sur le bien-être animal. Aujourd'hui, on voit de plus en plus de colliers connectés sur les animaux pour mesurer la température, anticiper par exemple des maladies.
Patrice Duboé :
[
3:32] On a également d'autres colliers connectés qui vont détecter un vélage. Et on sait très bien que lorsqu'on va avoir un vélage pour une vache, une jument ou une brebis, souvent l'agriculteur, le berger, l'éleveur doit être à côté pour faciliter justement la naissance des petits. Et le fait d'être prévenu, ça permet d'anticiper des pertes d'animaux à la naissance. De plus en plus de ces équipements sont développés. On a également dans les zones un petit peu plus reculées le suivi GPS qui était jusqu'à présent possible que dans les zones on va dire habitées avec une couverture réseau. Grâce à l'arrivée des satellites aujourd'hui, on peut suivre les troupeaux dans toutes les zones de montagne en France, les Alpes, les Vosges, le massif central, les Pyrénées et donc on voit encore une fois ce côté inclusion numérique où la techno, le satellite permet à tous les agriculteurs, pas uniquement dans les zones peuplées, d'avoir accès à ces technologies. Et donc ça, c'est un point qui est important parce que ces colliers connectés permettent non seulement de retrouver les animaux, par exemple en période de bouillard en montagne, pour pouvoir les ramener le soir ou plusieurs fois par semaine.
Patrice Duboé :
[
4:42] Mais c'est également des choses qui permettent de ramener les jeunes populations de bergers ou d'agriculteurs en montagne, lorsqu'ils n'avaient aucun réseau, on comprend qu'aujourd'hui, un jeune ne va pas forcément passer 3-4 mois en transhumance seule en montagne. Les mœurs ont évolué, les besoins ont changé. Aujourd'hui, on se doit d'être connecté.
Patrice Duboé :
[
5:03] Et c'est intéressant de noter que cette année, la transhumance est devenue patrimoine mondial de l'UNESCO.
Patrice Duboé :
[
5:08] C'est une tradition millénaire et qui a de multiples avantages. D'abord, on va aller chercher le fourrage là où il est. L'été, il y a plus d'herbes forcément en montagne, on le sait. Il fait plus frais que dans les plaines. Ça invite d'importer des fourrages d'autres pays, d'Europe de l'Est, d'Espagne, donc c'est des coûts en moins. C'est un meilleur entretien de la montagne grâce aux troupeaux qui vont éviter les incendies en prenant l'herbe. Et puis voilà, ces colliers connectés permettent de les trouver, de les suivre, d'analyser leurs mouvements, mais également de pouvoir détecter des attaques de prédateurs, beaucoup de lours, du loup, des lynx. Donc vous voyez, avec un petit collier, on peut amener beaucoup de services aux agriculteurs et permettre à des jeunes bergers de revenir,
Patrice Duboé :
[
5:50] de reprendre possession de la montagne pour mieux l'entretenir.
Monde Numérique :
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5:53] En matière de protection de l'environnement et de respect de l'environnement, on sait que la tech également apporte beaucoup et les agriculteurs sont en première ligne sur ce terrain-là.
Patrice Duboé :
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6:04] Tout à fait, on a entendu beaucoup parler en actualité, les batailles autour de l'eau. On sait qu'aujourd'hui, la gestion de l'eau, c'est quelque chose qui est capital. On le voit aussi avec les énergéticiens. Avant, EDF, ENGIE géraient seules leur quantité d'eau dans les barrages. Aujourd'hui, c'est un compromis entre les préfets, les agriculteurs, le tourisme, l'industrie. L'eau doit être là l'été pour tout le monde, pour nous, pour pouvoir boire, pour pouvoir nous doucher, mais parfois sur les canaux également de tourisme, pour pouvoir avoir un tourisme fluvial. Et les agriculteurs en ont également besoin, que ce soit pour l'élevage ou pour les cultures. Et encore une fois, la techno permet d'avoir une meilleure visibilité. Encore une fois, avec les techno-satellites, on peut analyser quel est l'état des parcelles, quelles sont celles qui ont besoin d'eau ou pas. Même chose pour la partie phytosanitaire, on voit bien que si on connaît exactement l'analyse du sol par des macro-images satellites, on va permettre d'aider l'agriculteur pour dire, voilà, cette parcelle a besoin de tel traitement, l'autre non, et on peut aller pratiquement au maître près. Donc, on voit vraiment l'intérêt d'amener ces technologies pour avoir une meilleure protection également de l'environnement, pour ne pas surtraiter les parcelles. Donc, ça, c'est quelque chose qui est intéressant, mais qui peut servir aussi sur le côté administratif.
Patrice Duboé :
[
7:24] Tout le monde connaît en France la PAC, la politique agricole commune. Jusqu'à présent, il fallait déclarer toutes ces parcelles. Est-ce qu'elles étaient utilisées ? Quel type de culture ? Est-ce qu'elles étaient en jachère ou pas ? Aujourd'hui, ça, c'est automatique. Grâce aux images satellites, on s'est détecté quel type de culture sur quelle parcelle. Alors, ça pouvait être vu au début comme un contrôle. Aujourd'hui, c'est vu comme une facilitation administrative où on a pu remplir ces tonnes de papier. Donc, on voit encore une fois le digital pour faciliter la vie avec des tâches un petit peu répétitives.
Monde Numérique :
[
7:55] Oui, Patrice, il y a encore autre chose. On sait que le monde agricole rencontre aussi des difficultés. Il faut maintenir les exploitations, etc.
Monde Numérique :
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8:07] La tech également apporte des choses intéressantes dans ce domaine.
Patrice Duboé :
[
8:11] Aujourd'hui, c'est indispensable parce qu'on sait que la société s'est transformée. On parle de digitalisation, numérisation de tous nos tâches au quotidien et c'est vrai également dans l'agriculture. Aujourd'hui, un agriculteur, ce n'est pas, comme on le disait avant, un simple paysan. C'est un chef d'entreprise. Il doit gérer toutes ses ressources, ses ressources matérielles, agricoles, son cheptel, ses céréales, tout le côté administratif. Donc, en fait, d'abord, les jeunes sont beaucoup fermés, formés en tant que chef d'entreprise. Ils sont des gestionnaires.
Patrice Duboé :
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8:41] Donc ça, c'est un vrai changement du métier. Et le numérique aide à ça parce qu'on peut avoir des formations en ligne, sans parler de télétravail, mais ils peuvent aussi faire ça à distance. Et puis aujourd'hui, tout jeune agriculteur est habitué au digital. Ils ont tous des téléphones, des PC. Donc, ils ont aussi accès à des nouveaux outils. On parlait beaucoup dans le salon, justement, de l'aide à l'exploitation. J'ai parlé d'objets connectés. vous avez des objets connectés que l'on va mettre en terre pour analyser le sol, la qualité du sol. Tout ça remonte automatiquement sur leur application. Donc, il y a une myriade de plateformes d'aide à la gestion agricole pour mieux gérer ses assets, ses ressources, ses pâturages, ses bêtes, son élevage. Donc là, effectivement, aujourd'hui, sur un téléphone, on pourrait faire le
Patrice Duboé :
[
9:31] parallèle avec une voiture et qu'il y a un écran où on pilote tout. Aujourd'hui, un jeune agriculteur a de multiples outils numériques pour pouvoir optimiser et gérer ses ressources.
Monde Numérique :
[
9:42] Une dernière question, est-ce qu'on a une idée de l'ampleur de l'adoption ? Est-ce que ça ne séduit que les plus jeunes, que certaines personnes ou véritablement on peut parler d'une adoption massive ?
Patrice Duboé :
[
9:55] C'est ce qu'on pourrait penser. On pourrait penser qu'il y a un clivage entre les vieux agriculteurs et les jeunes. Et on s'est aperçu que c'est un métier, on parle beaucoup de pare-bouche à oreille. Et donc, une bonne pratique va être écoutée. Et ce n'est pas forcément qu'une question d'âge. Forcément, c'est vrai dans tous les métiers. On parle des générations Z qui font forcément son digital native. Mais lorsqu'on voit l'impact, par exemple, des colliers connectés, l'éleveur comprend très vite qu'il veut gagner du temps pour mieux retrouver ses bêtes rapidement. Donc au début lorsqu'il va voir le produit il va être un petit peu réticent mais lorsqu'il va rencontrer un éleveur qui lui l'utilise depuis un an deux ans et c'est très bien qu'il ya un usage un gain de temps l'adoption est relativement facile mais là encore une fois on ne peut pas rester dans le buzz dans la présentation théorique on a besoin de montrer la véracité de ce que l'on dit et le produit doit être robuste un objet connecté sur une vache c'est pas une montre connecté que l'on a en dessous de notre costume. Donc, il faut aussi bien connaître ce métier et il faut adapter toute la technologie à un métier qui est rude. On travaille dehors avec des températures négatives, beaucoup de soleil l'été, de la grêle, du vent. Donc, il faut un petit peu adapter tout ça. Tous les objets sont forcément durcis par rapport à ce métier-là, mais l'adoption, elle est plus rapide qu'on ne pouvait le penser.
Monde Numérique :
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11:17] Merci Patrice Duboé, directeur de l'innovation pour l'Europe du Sud chez Capgemini.