[En partenariat avec Orange] Bruno Zerbib, directeur exécutif de l'innovation, présente la stratégie du groupe en matière de recherche et d'innovation.
Interview
Bruno Zerbib, directeur exécutif de l'innovation d’Orange
Quelles sont les nouveautés présentées lors d’Orange Open Tech 2024 ?
Nous avons annoncé plusieurs initiatives, dont Live Intelligence, un outil destiné aux entreprises pour analyser et résumer des documents en toute sécurité et avec un impact énergétique maîtrisé. Nous travaillons aussi sur des innovations pour les particuliers, comme la possibilité de télécharger des applications sur la Livebox ou de rechercher des films en vidéo à la demande via IA avec seulement quelques mots-clés. Enfin, nous développons des API réseau intelligents pour offrir une connectivité optimisée, essentielle à l’expansion de l’IA multimodale.
Quelle est votre stratégie en matière d’IA ?
Nous voulons une IA responsable et durable. Cela passe par des partenariats pour réduire son impact énergétique, mais aussi par des initiatives inclusives, comme le soutien aux langues régionales africaines ou l’utilisation de l’IA pour améliorer l’accessibilité des personnes en situation de handicap. Notre objectif est de rendre l’IA utile et disponible pour le plus grand nombre. Créer un LLM maison n’aurait pas de sens pour nous, en raison des ressources énergétiques colossales que cela implique. Nous préférons adapter et améliorer des modèles open source pour répondre à des besoins spécifiques. Cela nous permet de proposer des solutions fiables, sûres et respectueuses de l’environnement.
Que répondez-vous aux critiques sur un éventuel retard d’Orange en matière de recherche et d’innovation ?
Je pense que ces critiques ne sont pas fondées. Nous collaborons avec les leaders technologiques mondiaux et avons gagné leur respect, au point d’être considérés comme un référent technologique. En un an et demi chez Orange, j’ai été impressionné par le talent et l’expertise de nos équipes. Nous sommes à un très bon niveau et prêts à relever les défis de l’innovation.
Transcription :
Monde Numérique :
[0:01] Fin novembre avait lieu Orange Open Tech, un événement consacré à la recherche et à l'innovation au sein du groupe Orange.
Monde Numérique :
[0:08] Plusieurs annonces, notamment des partenariats avec OpenAI et Meta, et puis un service baptisé Live Intelligence destiné aux entreprises pour analyser des documents, résumer des emails ou des réunions, tout en restant dans le périmètre de la société afin d'éviter les hallucinations et les fuites de données. On a pu voir aussi des expérimentations comme des téléchargements d'applications sur la Livebox, la box internet de l'opérateur, ça arrivera peut-être un jour dans les foyers, ou encore un système pour rechercher des films en vidéo à la demande sur sa télé avec très peu d'informations grâce à l'intelligence artificielle. Par exemple, en disant simplement, je veux voir un film d'action avec des courses de voiture. Alors, où en sont la recherche et l'innovation chez Orange ? On en parle avec le directeur de l'innovation du groupe que j'ai rencontré. Bonjour Bruno Zerbib.
Bruno Zerbib :
[0:58] Bonjour.
Monde Numérique :
[0:58] Vous êtes directeur exécutif de l'innovation du groupe Orange. Qu'est-ce que c'est exactement l'innovation chez Orange aujourd'hui ?
Bruno Zerbib :
[1:06] Alors l'innovation chez Orange aujourd'hui, déjà c'est une passion qui touche absolument tout le monde, toutes les organisations. Je suis responsable d'une organisation qui s'appelle Orange Innove, dont la mission évidemment est l'innovation technologique, qu'on peut voir à la fois dans l'efficacité et l'excellence opérationnelle, mais en même temps la mise en place de nouvelles offres innovatives. On parle beaucoup d'intelligence artificielle, mais c'est aussi beaucoup de collaboration entre tous les collaborateurs du groupe qui participent à l'élaboration de nouvelles solutions, de nouvelles façons parfois de penser, de nouvelles solutions technologiques. Et elle peut venir de n'importe où. Elle peut venir de France, elle peut venir de Pologne, elle peut venir de Tunisie. C'est vraiment une passion collective.
Monde Numérique :
[1:49] Une passion et puis du concret et de la réalité que le grand public ne connaît pas forcément. Ce sont tous ces chercheurs qui travaillent à faire progresser vos services, mais aussi votre savoir-faire de manière générale.
Bruno Zerbib :
[2:02] Tout à fait. Ce sont nos chercheurs qui sont vraiment sur une approche très en amont. Ce sont aussi nos ingénieurs qui sont vraiment dans le prototypage, qui sont aussi dans le delivery de nouvelles plateformes, de nouveaux services. Et nos marketeurs, nos designers, en fait, ça implique vraiment beaucoup de monde.
Monde Numérique :
[2:20] Alors cet événement Orange Open Tech 2024, comment est-ce que vous le caractériseriez ? Ce n'est pas le premier du genre, mais il a évolué par rapport aux éditions précédentes.
Monde Numérique :
[2:30] Est-ce que vous pouvez nous le présenter ?
Bruno Zerbib :
[2:31] Alors tout à fait. Évidemment, il faut qu'on rende hommage à l'ancêtre d'Open Tech, qui est le salon de la recherche et l'innovation, qui était très orienté recherche, parce qu'on voulait toujours mettre en avant notre recherche. Et on s'est dit, on va continuer à faire ça, mettre en avant notre recherche. Mais on pense qu'il faut aussi mettre en avant cette logique d'innovation qui va dans les produits qu'on va sortir. Et on a vraiment voulu que ce soit un événement pas simplement qui touche Orange Inove, mais qui inclut toute l'innovation qui peut venir de n'importe où dans le groupe. Dès l'année dernière, on a vraiment fait une transformation importante où c'est devenu un événement groupe. Et aujourd'hui, c'est un événement groupe et partenaire, que ce soit les grands noms de la technologie, comme Google ou comme évidemment les startups, comme OpenAI aussi, comme Mistral, etc. On a annoncé un partenariat avec notamment Meta et OpenAI pour rendre l'intelligence artificielle beaucoup plus inclusive, avec notamment le support pour des langues régionales africaines et évidemment aussi les startups. On est vraiment dans l'open, dans la création d'écosystèmes, évidemment aussi partenariat avec les autres opérateurs de télécommunication,
Bruno Zerbib :
[3:40] de telle façon contribuer à cette transformation tant attendue dans le monde de télécommunication.
Monde Numérique :
[3:46] Elle ne peut se faire que de manière ouverte, l'innovation aujourd'hui ?
Bruno Zerbib :
[3:49] Alors, en grande partie, oui. C'est-à-dire qu'évidemment, il y a des sujets d'optimisation de la relation client, des choses qu'on peut faire où, en fait, on a toutes les billes technologiques. Mais si on est vraiment honnête, les grands sujets de rupture aujourd'hui, c'est des sujets dont certains éléments sont des éléments qu'on va trouver dans d'autres écosystèmes. Par exemple, l'intelligence artificielle générative, on ne va pas nous-mêmes réinventer un LLM. Par contre, on peut collaborer avec les gens qui font ces LLM pour les rendre, on va dire, plus safe, plus fiable, plus responsable aussi. C'est exactement ce qu'on est en train de faire.
Monde Numérique :
[4:21] Mais développer votre propre LLM, par exemple, ça pourrait avoir du sens ou pas du tout ?
Bruno Zerbib :
[4:25] Non, la question qui se pose, c'est est-ce qu'on pourrait éventuellement augmenter des LLM qui existent en open source ? Donc ça, c'est des choses qu'on regarde pour des cas d'usage très précis. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne va pas se lancer dans le développement d'un
Bruno Zerbib :
[4:37] LLM parce que derrière, on parle aussi d'impact énergétique colossaux. Donc, autant réutiliser ce qui existe aujourd'hui et de l'augmenter, de le compléter pour adresser nos problèmes spécifiques.
Monde Numérique :
[4:49] Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui diront que malgré tout, Orange est parfois en retard en termes de recherche ? Est-ce que ça, c'est une manière justement d'être au niveau et à un niveau mondial ?
Bruno Zerbib :
[5:00] Quand je vois le niveau de collaboration qu'on a avec les acteurs les plus en pointe de la côte ouest américaine et le respect qu'on a et même la posture de référent technologique qu'on a créé ces dernières années, je pense que ces craintes ne sont pas fondées. Et moi-même qui viens de la Silicon Valley, je peux vous dire qu'après un an et demi chez Orange, je continue d'être plus qu'impressionné par la passion, le talent et puis surtout les compétences de nos collaborateurs.
Monde Numérique :
[5:29] Justement, est-ce qu'il y a quelques innovations ici à l'occasion de ce salon qui vous ont particulièrement marqué ?
Bruno Zerbib :
[5:35] Tout à fait. On annonce plusieurs choses. Déjà, je veux revenir peut-être sur les annonces qu'on a faites avec OpenA et Emeta. Le fait de travailler pas simplement sur l'utilisation de leur technologie, mais sur des partenariats technologiques et commerciaux, de telle façon à co-construire des choses, rendre disponible par exemple l'intelligence artificielle à des pays où on ne parle pas qu'anglais ou que français. Ça, c'est quelque chose d'assez incroyable. On annonce la sortie de Live Intelligence, qui est partie d'un produit en interne qu'on a rendu externe, qui permet aujourd'hui à nos utilisateurs de pouvoir utiliser l'intelligence artificielle, avoir accès à tous les LLM du marché, les plus importants, de comprendre à chaque fois quel est le coût énergétique, toute requête, de comprendre aussi, d'être sûr que les données seront protégées. Donc, elles ne vont pas aller se perdre dans le cloud quelque part et potentiellement vont pouvoir fuiter. Et c'est aujourd'hui une solution qu'on va mettre à disponibilité pour nos clients aussi.
Monde Numérique :
[6:34] Vous apportez des briques qui, en fait, n'existent pas et dont on s'aperçoit qu'on a de plus en plus besoin. Et notamment sur la consommation énergétique. On sait que ChatGPT est très gourmand en énergie, beaucoup plus que Google, notamment.
Monde Numérique :
[6:48] Il y a vraiment une dimension à explorer.
Bruno Zerbib :
[6:52] Tout à fait. Et je veux quand même revenir sur l'intelligence artificielle, ce qui est surtout extraordinaire et à mon avis va être très important. C'est qu'il n'y aura pas d'intelligence artificielle at scale si les réseaux ne peuvent pas fournir cette connectivité qui est une connectivité totalement différente. On n'est plus dans le Netflix, on n'est plus dans le buffering. Là, c'est le no buffer. C'est du temps réel at scale avec des trafics ascendants énormes. À l'échelle, à grande dimension. On est dans le multimodal. Ce n'est pas simplement du texte avec du chat GPT, c'est aussi de l'audio, de la vidéo. Orange est là pour réinventer la connectivité, la rendre intelligente, pouvoir travailler avec tous les développeurs qui vont développer des applications d'intelligence artificielle en disant qu'on va vous mettre à disponibilité ces fameuses API qui vont vous permettre de façon très simple de contrôler le réseau, de pouvoir vous donner les services nécessaires pour que vous puissiez avoir cette connectivité nouvelle, un nouveau type de connectivité avec une latence très basse, complètement fiable, qualité de service en demand. C'est ce qu'on appelle les fameuses network API.
Monde Numérique :
[7:53] Puisqu'on rappelle que votre réseau aujourd'hui, c'est de plus en plus du logiciel, du software, du cloud, une virtualisation complète. Entrer grâce à ces API dont vous parlez, ces API.
Bruno Zerbib :
[8:04] Exactement. L'année dernière, on a annoncé la singularité qui nous touchait, qui était la softwareisation, la cloudification. L'intelligence artificielle, en fait, arrive d'une certaine façon en couche applicative qui se greffe au-dessus de cette transformation.
Monde Numérique :
[8:18] L'intelligence artificielle est très présente pour cette édition 2024 d'Orange Open Tech.
Monde Numérique :
[8:23] Quelle est votre vision de l'IA pour Orange, mais même au-delà pour la société ?
Bruno Zerbib :
[8:29] Écoutez, nous, on fait preuve de pragmatisme et d'humilité. On a évidemment envie de vous dire exactement à quoi va ressembler l'intelligence artificielle en 2030. On a trois convictions qui sont très fortes. C'est qu'elle doit être responsable, donc à la fois au niveau d'utilisation des datas. Donc, on met énormément d'efforts là-dessus. On a ce qu'on appelle l'initiative, qui s'appelle Data Démocratie, qui fait en sorte que l'accès à la data va être évidemment démocratisé parce qu'on veut qu'un maximum de personnes puissent développer sur l'intelligence artificielle, mais qu'en même temps qu'elles soient conformes aux politiques de protection des droits, de la vie privée. La deuxième partie, c'est l'environnement. Donc, on a aussi une vision frugale optimisée de l'intelligence artificielle, de telle façon à ce qu'on arrive à sortir de cette évolution exponentielle en termes de besoin d'entraînement de modèles.
Monde Numérique :
[9:19] Que ça ne devienne pas un problème, en fait.
Bruno Zerbib :
[9:21] Pour l'instant, on est sur des trajectoires qui sont absolument contradictoires des objectifs de réduction d'émissions de CO2. Donc, on est à fond là-dessus et on ne peut pas le faire tout seul. Donc, on le fait avec nos partenaires. Et évidemment, le troisième aspect, c'est qu'on veut qu'elle soit extraordinairement inclusive. On ne veut pas qu'elle contribue à un accroissement des inégalités sociales. Au contraire, on veut la rendre disponible au plus grand nombre. On pense aussi qu'elle peut être extraordinaire pour les gens qui sont malvoyants, malentendants, qui ont des problèmes de motricité, d'utiliser l'intelligence artificielle pour les assister dans leur vie. Donc, on a des convictions fortes. On veut qu'elle soit humaine. On veut qu'elle soit au service de nos collaborateurs et de l'avis de nos clients.
Monde Numérique :
[9:57] Merci beaucoup Bruno Zerbib, directeur exécutif de l'innovation du groupe Orange.