🎤 Interview - L’IA à l’épreuve de la sobriété énergétique (Ludovic Moulard, Fifty-five)
08 octobre 202523:24

🎤 Interview - L’IA à l’épreuve de la sobriété énergétique (Ludovic Moulard, Fifty-five)

L’intelligence artificielle a un coût énergétique colossal. Derrière les prouesses des modèles génératifs, des data centers engloutissent toujours plus d’électricité et de ressources matérielles.

L’intelligence artificielle a un coût énergétique colossal. Derrière les prouesses des modèles génératifs, des data centers engloutissent toujours plus d’électricité et de ressources matérielles.

Ludovic Moulard, directeur développement durable chez Fifty-Five

L’intelligence artificielle a-t-elle vraiment un impact environnemental aussi lourd qu’on le dit ?

Oui, clairement. L’impact environnemental de l’IA est aujourd’hui très important, essentiellement à cause des data centers. En Europe, ils consomment environ 100 TWh d’électricité par an, et les projections montrent un doublement de cette consommation d’ici 2030, voire un quadruplement d’ici 2035.
Au-delà de l’électricité, il faut aussi tenir compte du matériel informatique : sa fabrication, souvent en Chine, mobilise énormément de ressources et d’énergie. Tout cela contribue à une empreinte carbone déjà très élevée.

Face à cette explosion de la demande, que peut-on faire pour rendre l’IA plus soutenable ?

La première chose, c’est d’imposer des limites : raisonner en termes de “budget carbone” ou de “budget électrique” pour encadrer la croissance des infrastructures.
Ensuite, il faut encourager la conception d’IA plus frugales, en suivant notamment la norme de l’AFNOR sur le sujet. Mais l’efficacité seule ne suffira pas : si on rend tout plus efficace sans contrainte, on risque d’augmenter encore la consommation — c’est ce qu’on appelle l’effet rebond.
Enfin, on peut agir au niveau des usages. Chez 55, nous travaillons par exemple sur la génération de vidéos par IA pour identifier les bonnes pratiques : choisir le bon modèle, réduire la taille des outputs, éviter les traitements inutiles… Un utilisateur bien formé peut consommer jusqu’à 50 fois moins qu’un débutant pour un même résultat.

Donc, la solution passe aussi par nous, les utilisateurs ?

Absolument. Bien prompter, c’est non seulement un gain de temps, mais aussi un geste écologique. Savoir calibrer le bon modèle, paramétrer la longueur des réponses, ou mutualiser des résultats déjà produits — tout cela réduit considérablement l’empreinte carbone de nos usages.
Et puis, il ne s’agit pas de culpabiliser. L’enjeu, c’est plutôt de progresser collectivement, d’apprendre à utiliser ces technologies avec plus d’intelligence et de responsabilité. L’IA peut être un formidable outil, à condition de la maîtriser plutôt que de la subir.

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Ludovic Moulard: [0:01] Donc, pour le coup, à la fois pour gagner du temps soi-même, mais pour réduire son impact, ça vaut vraiment le coup d'être bien formé pour savoir préparer les promptes qui soient les plus efficaces possibles, Ludovic Moulard: [0:13] calibrer son modèle de la bonne manière, utiliser aussi le bon modèle. Et donc, apprendre à bien se servir de ça, c'est indispensable sur la vidéo, parce qu'en particulier, on va perdre beaucoup de temps et on va consommer beaucoup. Monde Numérique : [0:30] On le sait, l'intelligence artificielle a un impact environnemental non négligeable. C'est notamment un gouffre énergétique. Bonjour Ludovic Moulard. Ludovic Moulard: [0:40] Bonjour Jérôme. Monde Numérique : [0:41] Vous êtes directeur développement durable chez 55, un cabinet de conseil spécialisé dans la data, partenaire du Shift Project, cette association française qui vient de rendre Monde Numérique : [0:50] un rapport très alarmant sur l'impact de l'IA et notamment sa consommation électrique. Alors, c'est quoi le problème ? Principalement, les fameux data centers ? Ludovic Moulard: [1:01] Oui, effectivement, lorsqu'on regarde l'impact de l'IA en général, aujourd'hui, tel qu'il est déployé, tel que la technologie est déployée, c'est essentiellement les data centers qui pèsent dans l'empreinte carbone en particulier. Je vais prendre le cas de l'Europe. Ce qu'on constate, c'est qu'on a 100 TWh, par exemple, qui sont utilisés, donc en termes de consommation électrique par les data centers. Mais la difficulté, c'est que dans les prévisions que l'on constate, dans les différents rapports qui ont été publiés sur ce sujet, et aussi dans les travaux de prévision qui ont été faits par le Shift, avec une méthodologie certes un peu différente, on voit une tendance très forte d'accélération qui conduirait d'ici 2030 à un doublement de cette consommation électrique. Ludovic Moulard: [1:49] Et si je vais encore plus loin et qu'on va jusqu'en 2035, on risque d'arriver même à un fois 4 sur la consommation électrique des data centers. L'autre aspect, c'est qu'au-delà de l'électricité pour alimenter ces data centers, c'est qu'évidemment, il y a tout un tas de matériel, en particulier le matériel informatique, pas seulement, mais en particulier celui-là, qui représente une part non négligeable de l'impact de ces data centers et qu'il faut ajouter à ça. Il y a évidemment une empreinte carbone assez élevée. On sait que c'est des matériaux qui sont essentiellement, transformés d'ailleurs en Chine aujourd'hui et qui demandent en plus pour l'intelligence artificielle encore davantage de ressources, encore davantage d'énergie pour l'extraction que ce qu'on utilisait jusqu'à maintenant avec des processeurs classiques. Monde Numérique : [2:46] Pour ce qui est de la consommation énergétique, alors, au fond, quel est le problème ? Parce que de l'énergie, on en a malgré tout. EDF en produit beaucoup, elle peut même en exporter. En France, 70% nucléaire, on est plutôt les bons élèves de la classe. Notre énergie, à nous, elle n'est quand même majoritairement pas si polluante que ça. Donc, finalement, en quoi c'est un problème ? Ludovic Moulard: [3:11] C'est la bonne question. Alors, effectivement, la France est légèrement exportatrice. D'électricité aujourd'hui. Donc ça, c'est plutôt une bonne nouvelle. On pourrait se dire, finalement, pourquoi pas mobiliser cette électricité et s'en servir pour l'intelligence artificielle. Sauf qu'évidemment, cette électricité, on va en avoir besoin pour un paquet d'autres choses, notamment la transition énergétique, notamment la réindustrialisation. Enfin voilà, on a besoin quelque part, parce que justement, on n'est pas, nous, un pays avec des énergies fossiles en grande quantité disponibles sur notre territoire, on va avoir besoin d'avoir recours à cette électricité pour décarboner mais aussi pour développer notre propre économie au travers de cette réindustrialisation donc si on veut pouvoir faire tout ça, si on veut pouvoir aussi alimenter demain nos véhicules électriques etc, on va avoir besoin de cette électricité donc tout cet enjeu là de dire je mobilise cette électricité pour mon intelligence artificielle ça poserait problème, puis l'autre aspect c'est que quand on regarde, la consommation électrique pardon la quantité d'électricité qui est exportée aujourd'hui elle reste insuffisante, par rapport à l'augmentation que je viens de décrire. Donc, c'est combattant. Monde Numérique : [4:30] Mais il y a aussi une capacité de production qui s'accroît et qui est amenée à s'accroître, non ? Avec les EPR, on parle maintenant des mini-réacteurs, etc. Ludovic Moulard: [4:40] Alors, effectivement, en France, en tout cas, sur cette partie-là, parce qu'on sait bien qu'en plus, une très grosse partie des data centers ne sont pas du tout en France ou en Europe. et sont essentiellement... Monde Numérique : [4:52] Oui, mais il y a une grande ambition d'en développer toujours plus. Ludovic Moulard: [4:56] Tout à fait, bien sûr. Mais au-delà de ça, il y a une ambition aussi de développer notre capacité électrique, mais il ne faut pas oublier aussi que cette capacité électrique, nécessite des investissements importants et que la raison pour laquelle on veut l'augmenter, c'est parce qu'on en a besoin pour tous les sujets que je viens d'évoquer. Typiquement, si en 2035, si ça se poursuit sur cette tendance-là, on a plus de production de véhicules neufs thermiques, il va falloir une quantité d'électricité importante pour pouvoir se déplacer en Europe. Donc, on va avoir besoin de cette électricité-là pour ça, à minima. Et je ne parle pas, évidemment, des sujets de réindustrialisation. On peut parler du cas de l'acier avec ArcelorMittal et leurs installations d'acier, basées sur l'électricité. Donc, ça, c'est des projets qui sont déjà lancés, qu'ils veulent réaliser, il va falloir mobiliser une quantité d'électricité importante si on veut réussir à en faire tout ça. Et enfin, il y a un autre aspect que je voulais évoquer et qui est bien décrit dans le rapport du SHIFT, c'est l'aspect local. C'est-à-dire que quand on implante ces data centers, ils sont implantés dans des régions particulières. Par exemple, la région de Marseille, qui était un projet en cours. Ludovic Moulard: [6:12] Et évidemment, la pression sur le réseau électrique, elle est faite à cet endroit-là. Ludovic Moulard: [6:17] La pression aussi sur l'eau, parce qu'il faut aussi de l'eau pour refroidir le data center et il faut de l'eau pour la production d'électricité aussi, et cette demande en électricité en eau locale, on en a besoin pour les industries locales donc là on commence à avoir des conflits d'usages qui vont naître et on a deux exemples qui sont évoqués dans le rapport de Schiff là-dessus le premier c'est l'Irlande donc l'Irlande par exemple, c'est un cas très intéressant l'Irlande a développé évidemment une activité très importante autour des data centers en 2015 les data centers en Irlande ça représentait 5% de leur consommation électrique ce qui était quand même déjà important et en 2022 ça atteint 18% de leur consommation électrique ce qui équivaut à la console électrique de tous les logements urbains en Irlande donc c'est colossal mais en plus c'était surtout dans la région de Dublin donc la difficulté c'est que l'opérateur d'électricité à un moment donné, a refusé des nouveaux projets de data center, parce qu'il y en avait, c'était très pertinent pour les acteurs des GAFAM d'aller installer des nouvelles capacités pour l'IA, mais de fait, cet opérateur d'électricité. Ludovic Moulard: [7:34] Ne raccordait pas ces data centers, on n'était pas capable de fournir, et donc ça a imposé une sorte de moratorium, de fait, pas un moratorium qui est tombé par une loi ou une régulation quelconque, mais parce qu'il n'y a pas l'électricité. Il n'y a pas la rechance. Vous avez un certain nombre de projets qui n'ont pas vu le jour. Ça, c'est quand même important. Et il y a eu, ce qui est intéressant aussi, l'abandon d'un paquet de projets immobiliers en Irlande parce que ce n'est pas la peine d'installer des bâtiments, si on ne peut pas avoir l'électricité pour les alimenter. Donc, il y a une concurrence d'usage aussi qui est née en Irlande sur ce sujet-là. Donc, on voit que son cas irlandais, il est intéressant. Et si on commence à développer tout ça en France, on risque d'avoir ces difficultés locales. Monde Numérique : [8:25] Donc, ce que dit ce rapport du SIF Project, c'est qu'en gros, ce n'est pas soutenable. Donc, on ne peut pas. Monde Numérique : [8:30] Mais alors, quelle solution ? Parce qu'on ne va pas arrêter l'IA. Est-ce qu'il y a des options de substitution ? Ludovic Moulard: [8:36] Alors, ça, c'est effectivement la teneur du rapport. C'est la croissance, effectivement, de consommation d'électricité, d'une part, mais aussi le monde en matériel d'autre part n'est pas du tout soutenable. J'ai parlé de la France, mais si on parle des États-Unis, pour expliquer pourquoi ça n'est pas soutenable, en tout cas c'est incompatible avec les objectifs de décarbonation et notamment les accords de Paris, c'est qu'aux États-Unis, la demande en électricité est tellement rapide pour les capacités de data center que forcément on a recours à l'énergie fossile et en particulier au gaz, voient au charbon. Pourquoi ? Parce que c'est beaucoup plus rapide d'aller déployer des nouvelles capacités au gaz que de déployer suffisamment de capacités à l'énergie renouvelable ou au nucléaire. C'est beaucoup plus rapide, il y a déjà des centrales qui existent, il suffit d'augmenter leur capacité et on y arrive, voire c'est plus rapide aussi de construire des nouvelles centrales sur ces sources-là. Donc la difficulté elle est là, ça n'était pas prévu au programme qu'il y ait toute cette demande en électricité et donc ça se fait à grands coûts d'énergie fossile. Qu'est-ce que ça veut dire ? Monde Numérique : [9:47] Parce qu'ils ont beaucoup moins de scrupules que nous, par rapport à ça. Ludovic Moulard: [9:50] Parce qu'ils ont une politique différente, en tout cas. Monde Numérique : [9:52] Ils ont lâché la trajectoire qui est encore la nôtre aujourd'hui. Ludovic Moulard: [9:56] Et donc, forcément, cette croissance de capacité extrêmement rapide aux États-Unis, elle pose un problème de soutenabilité. Monde Numérique : [10:06] Les big tech américaines, justement, les Google, Microsoft, Amazon, tout ça, ils en sont presque à produire leur propre énergie aujourd'hui, avec notamment les mini-réacteurs nucléaires. Finalement, est-ce qu'ils ne vont pas petit à petit se détacher du réseau de monsieur et madame Tout-le-Monde ? Ludovic Moulard: [10:23] Oui, vous avez raison, il y a des innovations qui sont faites sur ces sujets. Ludovic Moulard: [10:26] Mais c'est encore une fois un problème d'ordre de grandeur. C'est-à-dire qu'ils développent effectivement des solutions formidables, que ce soit d'ailleurs sur la production d'électricité ou sur l'optimisation énergétique. Sauf que quand on met bout à bout tous ces sujets, en réalité on n'arrive pas du tout au niveau de la demande en électricité et c'est ce que montre très bien ce rapport du shift, il y a tout un chapitre là-dessus qui montre que, malgré toutes ces optimisations en fait on a une augmentation drastique de la demande en électricité donc c'est, voilà, on ne peut pas compter là-dessus, et puis il y a un autre aspect c'est le côté court terme, en fait on en a besoin maintenant de la capacité en électricité pour ces choses-là, et donc développer même un mini-réacteur ça ne se fait pas en six mois ça prend un petit peu de temps et donc aujourd'hui, qu'est-ce qu'ils font ? Ils vont avoir recours aux fossiles. Et une fois qu'on a installé ces capacités fossiles, on n'aura peut-être pas envie de les enlever. Ça va être plus compliqué de rebasculer sur autre chose. Ludovic Moulard: [11:20] Et le rapport du chiffre, d'ailleurs, c'est basé sur la question de l'offre, c'est-à-dire quels sont les projets qui sont en construction pour évaluer la demande en électricité, qui sont prévus en tout cas par les acteurs, quels sont les projets de data center, pour estimer la demande supplémentaire en électricité. Donc pas tellement en partant de l'usage, c'est-à-dire en se disant finalement est-ce qu'il va y avoir plus d'utilisateurs ou pas, mais plutôt quelle va être l'offre qui va être disponible sur ces sujets. La seule manière d'endiguer l'effet rebond lié à toutes ces technologies, en particulier du numérique, c'est-à-dire le fait que je vais développer toujours plus de capacités et donc je vais développer toujours plus d'usages et donc je vais... Vous voyez le cercle vicieux dans lequel on peut rentrer. Même si j'ai une amélioration d'une efficacité énergétique, parce qu'il y a énormément de progrès qui sont faits là-dessus, mais ils sont très insuffisants aujourd'hui par rapport à la demande qu'on a liée à l'IA pour contenir ça. Et donc, pour éviter cet effet-là, le meilleur moyen, c'est de mettre des quotas. C'est d'imposer une trajectoire, quelque part, en termes de demande en électricité pour ces infrastructures-là. Monde Numérique : [12:31] Mais ça veut dire quoi ? Limiter les usages de l'intelligence artificielle ? Ludovic Moulard: [12:35] Alors, pas nécessairement limiter les usages, ça c'est peut-être un autre débat, mais sur ce sujet énergétique, l'idée c'est de limiter la consommation, la demande en ressources. Si on contraint les ressources, si on dit, ben voilà, on a un budget, un budget en électricité, un budget, pourquoi pas en émission de gaz à effet de serre d'ailleurs, ça pourrait être ça, et on doit respecter ce budget, et ben du coup on va dimensionner les infrastructures, adapter les usages en fonction de ça. Donc ça, ça obligera les acteurs à trouver des méthodes pour être encore plus Ludovic Moulard: [13:07] efficaces sur le plan énergétique, pour éviter ces effets rebonds, les endiguer. C'est la logique de partir de cette logique de budget, de la même façon qu'il y a un budget financier, économique, avoir un budget carbone, un budget électricité, ça permet d'encadrer les acteurs pour qu'ils travaillent des usages qui soient peut-être les plus pertinents, les plus efficaces possibles. Monde Numérique : [13:30] Qu'est-ce qui consomme le plus aujourd'hui ? On assiste à un boom de la génération d'images, et notamment d'images vidéo par intelligence artificielle. C'est ça aujourd'hui qui pose problème ? Ludovic Moulard: [13:42] Alors là, je peux parler un tout petit peu de 55, parce que nous, c'est un sujet sur lequel on est en train de travailler, en particulier la génération de vidéos, pour essayer de comprendre, derrière les différents cas d'usage de génération de vidéos, de quoi on parle en termes de consommation énergétique, empreinte carbone, consommation d'eau, mais aussi, quelles sont les bonnes pratiques. Parce qu'un des points dont je n'ai pas parlé, c'est qu'aussi, en tant qu'utilisateur, il y a beaucoup de choses qu'on peut faire pour limiter ces impacts environnementaux. La première chose c'est évidemment le lieu où se situent les data centers parce qu'en fonction de l'endroit, l'électricité n'est pas produite de la même manière, j'en ai parlé de ce endroit si elle est produite au gaz, au charbon, c'est pas la même chose que si elle est produite au nucléaire ou au renouvelable, a fortiori donc déjà, lorsqu'on peut, choisir le lieu où va être traitée la donnée on va pouvoir réduire considérablement son impact. Monde Numérique : [14:37] Donc, c'est mieux de faire des data centers en France que de les faire aux Etats-Unis ? Ludovic Moulard: [14:40] Sur ce principe-là, oui. Mais après, encore une fois, en ayant en tête la contrainte que je décrivais tout à l'heure, locale, c'est-à-dire l'idée, c'est que si on se met à développer massivement, sans avoir de mesures pour éviter les effets rebonds derrière, en fait, c'est la course à l'échalote. On n'a jamais à ça sortir. Donc, pour le coup, à la fois pour gagner du temps soi-même, mais pour réduire son impact, ça vaut vraiment le coup d'être bien formé pour savoir préparer les promptes qui soient les plus efficaces possibles, calibrer son modèle de la bonne manière, utiliser aussi le bon modèle par rapport à ce qu'on veut faire parce que franchement ils n'ont pas toutes les mêmes capacités, chacun a ses spécialités quelque part, a son comportement et donc apprendre à bien se servir de ça c'est indispensable sur la vidéo parce qu'en particulier on va perdre beaucoup de temps et on va consommer beaucoup d'énergie. Sur les images, sur le texte, c'est aussi le cas. Je pense au traitement d'images. Je disais, dans le groupe auquel on appartient, au 55, il y a énormément d'entreprises qui font la génération créante. Ludovic Moulard: [15:47] Et donc, il y a tout un savoir-faire de dire, c'est tel modèle qui va me permettre de travailler tel aspect et tel autre qui va me permettre de faire ça. Ça, c'est un point indispensable à connaître, à maîtriser par rapport à son métier, de savoir utiliser le bon modèle. Et puis, évidemment, Un autre aspect, c'est la taille des outputs. Donc, des vidéos, ça ne sert à rien d'essayer avec un modèle de produire directement une vidéo très longue. En plus, généralement, quand on veut faire une vidéo, on ne fait pas un plan séquence, on ne fait pas un seul plan, plutôt, même si même pas... On fait plusieurs plans. Monde Numérique : [16:21] Oui, c'est des petits bouts, c'est du kit. Ludovic Moulard: [16:22] On va plutôt faire des petits bouts, exactement. Et donc, de toute façon, comme la taille de l'output est quelque chose qui est très dimensionnant dans le temps total de traitement, dans la puissance de calcul mobilisé, ça vaut vraiment le coup de travailler là-dessus. Un exemple là-dessus, c'est lorsqu'on utilise un LLM, et qu'on prompte, peut-être qu'on veut un résultat très court. Dans ce cas-là, il faut le stipuler et puis il faut accessoirement paramétrer son LLM pour ça, pour éviter de se retrouver avec des résultats très longs, ce qui demande beaucoup plus d'énergie et qui en fait ne nous satisfait pas. Monde Numérique : [16:55] Donc il faut savoir prompter à l'économie. Ludovic Moulard: [16:58] Exactement. Alors ce qu'on a constaté typiquement au travers de l'étude que nous on a menée chez 55, c'est que entre un utilisateur, sur la partie génération d'images, entre un utilisateur qui est chevronné et un utilisateur débutant, c'est un rapport qui va entre x20 et x50 en termes de nombre de prompt avant d'arriver à un résultat. Donc ça montre bien la différence que c'est quand on est bien formé, quand on comprend vraiment comment se serve des modèles, le volume qu'on peut économiser. Et pareil, si je reviens quelque part à une affaire de limitation de l'offre, si on a une offre qui est quelque part contrainte par les ressources disponibles, nécessairement, ce travail de formation, de pré-prompte, d'accompagnement de Ludovic Moulard: [17:45] l'utilisateur dans l'usage des modèles, il sera certainement beaucoup plus important. Monde Numérique : [17:48] Et les modèles eux-mêmes, il y a des choses à faire, on parle beaucoup des IA frugales, etc. C'est une piste sérieuse ? Ludovic Moulard: [17:56] Alors là-dessus, l'IA frugale, il y a notamment une norme de l'AFNOR sur ce sujet qui est vraiment intéressante à aller creuser pour les acteurs du secteur. Mais si on suit cette norme, Si on essaie de concevoir des systèmes d'IA qui sont beaucoup plus frugaux, forcément, on va améliorer les choses. Pour autant, comme je viens de le décrire, comme j'ai expliqué tout à l'heure, il ne faut pas négliger l'effet rebond. Si d'un seul coup, c'est très efficace sur le plan énergétique, on va peut-être avoir envie de s'en servir d'IFO+. Et il faut aussi... Enfin, on ne peut pas uniquement compter sur l'IA frugal, pour éviter les problèmes dont je parlais tout à l'heure. Il faut les deux, en fait, sur les deux. Monde Numérique : [18:36] Vous ne faites pas un métier facile, parce qu'on va tourner le problème dans tous les sens. Vous êtes en train de nous dire que, de toute façon, en gros, il faut se contenir et il faut prompter moins. Mais c'est irréaliste, parce que c'est le contraire qui est en train de se produire. Ludovic Moulard: [18:52] Tout à fait. Alors, après, voilà, la transition, ça ne va pas se faire en un jour. Il faut aussi apprendre sur ces sous-titrage. Monde Numérique : [18:58] Et puis, il y a, il va y avoir de plus en plus d'utilisateurs des outils d'intelligence artificielle. Ludovic Moulard: [19:04] Tout à fait. Alors, un des autres aspects qui est mis en avant dans le rapport du Shift par rapport à ça, c'est sur les usages. On peut aussi évaluer quelque part ces cas d'usage et il y a plein de façons de les mener. Si ce cas d'usage, il n'est pas du tout compatible avec une trajectoire, il y a un outil dans le rapport du shift qui permet de faire ça s'il n'est pas compatible avec une trajectoire de décarbonation si on ne fait que faire augmenter les émissions évidemment il ne faut peut-être pas le faire ou en tout cas il faut peut-être le faire autrement, soit sans IA parce qu'il y a d'autres outils qui peuvent tout à fait y répondre ou alors si on fait de l'IA il y a la manière l'exemple que je cite toujours c'est un client qui veut qui veut, automatiser des demandes qu'il reçoit donc il reçoit des demandes par mail des briefs avec un certain nombre de caractéristiques dans le brief et il a envie de générer des réponses automatiques. Finalement, on trouve plein de lieux communs dans les briefs, donc à partir du moment où on a généré une batterie de réponses grâce à l'intelligence artificielle qui sont bien fichues, qui sont bien structurées, qui donnent bien les bonnes informations, On n'a pas besoin d'avoir recours à l'intelligence artificielle à chaque nouvelle demande. On peut tout simplement sauvegarder cet élément et le livrer en fonction des cas. C'est un exemple, mais il y a plein de façons de faire pour éviter de remettre une pièce dans la machine à chaque fois. Monde Numérique : [20:19] Mais ça, ça aurait un impact réel, ça ? Ludovic Moulard: [20:22] Comprends-moi. Un cas d'usage comme celui-là, on peut diviser par 100 l'impact carbone sur l'année. Il n'y a pas d'enjeu. puisqu'on n'aura fait finalement que quelques dizaines de promptes, c'est tout. Et le cas d'usage va marcher jusqu'à ce qu'on ait envie de renouveler les réponses qu'on a envie d'apporter. C'est quand même beaucoup plus faible que si à chaque fois qu'il y a une demande qui tombe, je fais appel à un LLM et je réponds. Ludovic Moulard: [20:48] Là, on n'est pas du tout dans les mêmes ordres de vendeur. Monde Numérique : [20:50] Bon alors, ça veut dire quoi ? On a culpabilisé avec Internet, on a culpabilisé avec la 5G, avec le streaming, il faut aussi culpabiliser avec l'IA, Ludovic Moulard ? Ludovic Moulard: [20:59] La culpabilité, ce n'est pas un sentiment très positif. Moi, ce qui m'intéresse, c'est plutôt l'enthousiasme qu'on peut avoir dans le fait de construire des modèles frugaux, dans le fait de savoir bien utiliser une technologie de manière efficace, trouver des astuces, des moyens d'être beaucoup plus efficace dans ce qu'on fait, sans pour autant avoir recours à davantage de ressources. Et ça, je trouve ça vraiment très intéressant. Ça, ça amène beaucoup d'enthousiasme dans les équipes quand on aborde le sujet par ce moyen-là. Et accessoirement, ça demande un peu plus de technicité, ça demande de connaître davantage et donc ça crée des personnes plus smartes sur ces sujets-là. Monde Numérique : [21:37] Sans qu'on redevienne des amiches pour autant ? Ludovic Moulard: [21:40] Sans redevier des amiches, non mais l'enjeu c'est pas ça. Monde Numérique : [21:45] Vous, vous avez mauvaise conscience quand vous utilisez Tchad GPT ? Ludovic Moulard: [21:52] Je sais pas si on peut appeler ça mauvaise conscience, mais en tout cas je fais attention à ce que je fais. Monde Numérique : [21:59] Donc les gens comme moi qui ont trois onglets ou le chat GPT ouvert simultanément 24h sur 24 c'est pas bien quoi. Ludovic Moulard: [22:07] Forcément ça veut dire que vous faites beaucoup de promptes après, les mettre comme un jugement de valeur je le donnerai je le passera pas comme ça je pense que l'idée c'est pas comme ça qu'on va progresser quelque part d'avoir des jugements de valeur mais plutôt de se dire comment on pourrait faire autrement qu'est-ce qui permettrait de réduire tout un chacun on peut par rapport à l'usage qu'on a aujourd'hui se dire comment je fais pour le réduire demain c'est plutôt, comme ça qu'on peut prendre le problème plutôt que de se culpabiliser et de rien changer ça ça aidera personne, ou de fustiger ceux qui n'ont pas les pratiques qu'on aimerait voir. Puis on a chacun, on a notre revers. Non, parce qu'on a... Monde Numérique : [22:53] Voilà, on a déjà eu la vidéo coupable, la 5G coupable. Si en plus, maintenant, on doit avoir l'IA coupable, bon, voilà. Je pense qu'on n'est pas mûrs. Bon, enfin, merci beaucoup, Ludovic Moulard, directeur développement durable chez 55, cabinet de conseil spécialisé dans la data et partenaire du Shift Project.
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