La mission Ariane 6 embarque une expérimentation de connexion sans fil par la lumière grâce au Li-Fi développé par la société Oledcomm.
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© ESA/CNES/ARIANEESPACE/ARIANEGROUP
Interview : Benjamin Azoulay, président d’Oledcomm
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le Li-Fi ?
Le Li-Fi, ou Light Fidelity, est une technologie de communication utilisant la lumière au lieu des ondes radiofréquences. Nous utilisons des LED ou des mini-lasers pour envoyer et recevoir des informations, en faisant clignoter la lumière des millions de fois par seconde, de manière invisible à l'œil nu. Cela permet une transmission de données extrêmement sécurisée et sans interférences.
Quel est l’intérêt du Li-Fi dans l’espace ?
Il faut savoir que sur un satellite géostationnaire, il y a environ 65 kg de câbles liés à la data, et chaque kilogramme coûte très cher à mettre en orbite. En remplaçant ces câbles par le Li-Fi, nous simplifions le design des engins spatiaux et réduisons les coûts. Il a fallu plusieurs années pour mettre au point cette expérimentation sur Ariane 6 car les qualifications sur Ariane sont extrêmement strictes.
Le Li-Fi deviendra-t-il un jour une technologie grand public ?
Je suis convaincu que le Li-Fi intégrera un jour les smartphones et deviendra grand public. Cependant, cela dépend des grands fabricants de puces comme Qualcomm et Broadcom. En attendant, Oledcom développe des applications de niche dans des domaines prestigieux comme la défense, le spatial et l'aéronautique. Nous voyons déjà des signes encourageants, comme les brevets déposés par Apple, et nous sommes prêts pour le moment où le Li-Fi sera adopté dans les smartphones et autres appareils grand public.
Guest:
[0:00] Dans un satellite géostationnaire de Airbus ou de Thales Alignas Space, vous avez 65 kg de câbles qui sont liés à la data. Et nous, nous simplifions cette opération-là en nous remplaçant des câbles par du Li-Fi, par de la lumière.
Monde Numérique :
[0:18] Bonjour Benjamin Azoulay.
Guest:
[0:19] Bonjour.
Monde Numérique :
[0:19] Vous êtes président d'Oledcom, entreprise française spécialisée dans le Li-Fi. Et vous allez nous parler un peu de cette expérience étonnante à laquelle vous avez pris part à bord de la fusée Ariane 6 qui a décollé tout récemment. D'abord, est-ce que vous pouvez nous rappeler un petit peu ce qu'est le LIFI, ce fameux LIFI dont on parle un peu de manière régulière, récurrente, mais qui n'est pas encore vraiment entrée dans la vie des gens ?
Guest:
[0:46] Avec plaisir. Alors le LIFI, c'est la communication par la lumière. C'est-à-dire qu'au lieu d'utiliser des ondes radiofréquences, nous utilisons des LED ou bien des mini-lasers pour envoyer et recevoir de l'information, se connecter à Internet par exemple. Ça fonctionne un peu comme du morse, on fait clignoter la lumière des millions de fois par seconde, c'est totalement invisible à la vue nue et ça permet d'envoyer et de recevoir de l'information de façon extrêmement sécurisée, sans interférence et sans ondes radiofréquences.
Monde Numérique :
[1:18] Et alors vous venez donc de participer à votre manière au lancement d'Ariane 6, puisqu'il y a à bord de cette fusée une expérimentation mise en place par Oledcom
Monde Numérique :
[1:31] à base de Lifi, de quoi s'agit-il exactement ?
Guest:
[1:33] L'une des applications du Lifi, c'est de pouvoir remplacer des câbles. Dans le domaine du spatial, je ne sais pas si certains d'entre vous ont déjà vu l'intérieur d'une fusée ou l'intérieur d'un satellite, il y a des masses de câbles absolument énormes. Dans un satellite géostationnaire de Airbus ou de Thales Alenia Space, vous avez 65 kg de câbles qui sont liés à la data. C'est absolument énorme, chaque kg coûte extrêmement cher à mettre en orbite, c'est 50 kg de carburant dans la fusée pour le mettre en orbite et c'est très très cher. Donc les fabricants de lanceurs les fabricants de satellites cherchent en permanence des solutions pour essayer de diminuer cette masse de câbles et de simplifier le design de leur engin spatial, on a déjà une expérience spatiale chez Oleshi.com l'année dernière on a lancé un produit qui s'appelle Satellife dans un satellite de la société OneWeb, qui s'appelle Joe & Sat c'est une expérience réussie, ça a été lancé en mai l'année dernière par SpaceX et nous sommes absolument très fiers également de participer à cette expérience avec Ariane 6. L'idée est de tester une solution de remplacement de câbles inter-étages. C'est-à-dire que lorsque les étages se séparent, aujourd'hui,
Guest:
[2:44] il faut couper un câble, larguer des connecteurs. Ça peut poser quelques soucis et nous, nous simplifions cette opération-là en remplaçant des câbles par du li-fi, par de la lumière.
Monde Numérique :
[2:56] Donc, si on comprend bien, il y a un émetteur, un récepteur qui se parle comme ça, avec un faisceau lumineux entre les deux. J'imagine qu'il faut que ce soit bien aligné, qu'il n'y ait pas de perturbations, etc. Ça doit être un peu un défi technologique.
Guest:
[3:11] C'est exactement cela. Ça a été un énorme défi technologique de passer toutes les qualifications spatiales. Les qualifications Ariane font partie des qualifications les plus exigeantes au monde. Ariane a une excellente réputation au niveau mondial, mais c'est également très exigeant en termes de résistance aux vibrations, résistance au choc. Par exemple, aux vibrations, on est de l'ordre de 1400 G à 10 kHz. Vous voyez un peu, l'environnement est très exigeant d'un point de vue technique.
Guest:
[3:43] La résistance aux radiations, la résistance à la différence de température. Donc, évidemment, ça a pris plusieurs années pour nous de développer des solutions qui permettent de résister à ces environnements-là. Mais aujourd'hui, ça marche puisque nous avons passé les qualifications. Nous en sommes très fiers. Et grâce à des angles d'ouverture de faisceaux suffisamment larges, il n'a pas besoin d'aligner trop précisément. On a des débits qui peuvent atteindre maintenant le 1,5 gigabit par seconde. Donc la technologie a beaucoup évolué au cours du temps et aujourd'hui on a une technologie qui est parfaitement capable de s'adapter à ces environnements-là.
Monde Numérique :
[4:20] Donc on peut dire que c'est une technologie qui va se développer dans l'espace ?
Guest:
[4:24] Absolument. Elle va se développer dans un premier temps pour faire du remplacement de câbles intra-satellite ou intra-lanceur, et dans un deuxième temps pour faire
Guest:
[4:33] des communications en extérieur entre engins spatiaux. Par exemple, ça a été annoncé il y a quelques mois, nous avons été lauréats d'un projet qui s'appelle le projet LIOS. C'est un projet France Relance 2030 qui vise à développer une solution de rendez-vous spatial en utilisant du DFI. Autrement dit, les deux engins qui doivent se rencontrer.
Guest:
[4:56] Doivent communiquer, l'EUDIFY est une technologie qui permet une communication très efficace avec une intégration très facile dans les modules d'amarrage et faire de la détermination d'orbite millimétrique. Et donc ça c'est une prochaine mission que nous sommes en train de planifier pour communiquer cette fois-ci entre deux engins à quelques centaines de mètres dans cette phase très délicate qu'on appelle le rendez-vous docking spatial.
Guest:
[5:20] C'est un autre exemple de cas d'usage. D'autres cas d'usage qu'on peut un peu développer, nous nous remplaçons du câble, nous simplifions les lancements et imaginons demain que l'on doive aller sur la Lune et emporter des tonnes de câbles pour pouvoir faire de la connectivité. Nous permettons de réduire cette masse-là et d'éviter des tonnes de câbles à emporter pour les habitats lunaires, pour communiquer avec des rovers, pour les télécommander, tout en ayant une sécurité absolue.
Guest:
[5:57] Un système qui, en termes d'interférence, n'est pas sensible et qui permet d'éviter
Guest:
[6:05] le brouillage et la détection et le hacking.
Monde Numérique :
[6:08] Oui, donc il y a une dimension sécurité aussi. Par rapport au Wi-Fi, c'est plus sécurisé ?
Guest:
[6:15] Voilà, c'est exactement ça. Vous savez qu'aujourd'hui, notamment dans le domaine de la défense, les radiofréquences sont quelque chose de très problématique, très facile à détecter, très facile à brouiller. Et on s'intéresse beaucoup à des technologies qui permettent de communiquer dans un environnement où vous avez contesté en termes de radiofréquences, congestionné en termes de radiofréquences. Et le Lifi est une très bonne réponse. Et oui, ça apporte surtout de la sécurité, un dispositif qui est non brouillable
Guest:
[6:45] et qui est quasiment indétectable, donc à très faible probabilité de détection et de brouillage.
Monde Numérique :
[6:52] Et alors, Cocorico, cette technologie, est une technologie française ?
Guest:
[6:57] Tout à fait. Nous avons aujourd'hui 35 brevets sur cette technologie, un des portefeuilles de brevets les plus importants au monde détenus par la société Oledcom. C'est qu'on est également une spin-off de l'université Paris-Saclay, on en est très fiers. La plupart de nos ingénieurs viennent de cette université-là, avec le professeur Luc Chassagne qui les forme. Et petit à petit, nous avons bâti dans plusieurs domaines, dans le domaine du spatial, de la défense, de l'aéronautique, et on espère un jour, dans le domaine du grand public, quand les smartphones seront prêts à intégrer du DFI,
Guest:
[7:31] pouvoir développer notre technologie encore plus avant.
Monde Numérique :
[7:35] – Mais est-ce que vous pensez vraiment, Benjamin Azoulay, qu'un jour, le Li-Fi, justement, intégrera les smartphones, sera une technologie grand public ? On se connaît depuis longtemps, on s'est vu déjà plusieurs fois au CES de Las Vegas, où vous avez présenté diverses innovations qui sont très intéressantes, mais qui restent encore au stade expérimental. Est-ce que ça va devenir grand public ?
Guest:
[7:59] C'est bien sûr la très grande question. Moi, évidemment, j'y crois. Je suis un fanat du DeFi depuis des années. J'y consacre ma vie professionnelle et un peu plus que ma vie professionnelle d'ailleurs. Je suis un passionné. Je pense qu'aujourd'hui nous faisons face à des gros faiseurs dans le domaine des mobiles, notamment les fabricants de smartphones tels que Qualcomm, Broadcom, Kintel, qui dominent les normes. Quand ils décideront d'intégrer le Li-Fi dans leur puce, à ce moment-là, le Li-Fi sera prêt à être intégré dans les smartphones, sera prêt à être intégré également dans les laptops et les IOT.
Guest:
[8:48] Ça arrivera peut-être un jour. On a quelques signes montrant par exemple qu'Apple a déposé quelques brevets sur le Li-Fi pour faire communiquer deux smartphones entre eux. C'est un peu comme airdrop par la lumière donc on a quelques signes qui sont très encourageants on est quand même aujourd'hui dans l'incertitude de quand ça va arriver en attendant OLEDCOM se développe dans des applications on va dire de niche mais très prestigieuse comme la défense comme le spatial comme l'aéronautique je pense également des premières applications vont arriver dans le domaine de du bureau à la maison là par exemple je suis connecté en l'IFI là je suis connecté dans cette... Parce que le Lifi permet une connectivité extrêmement robuste, qui ne va pas varier en fonction des interférences et d'émissions radiofréquences autour de moi. Et je pense que, par exemple, avoir à la maison une connectivité de ce type-là pour travailler ou faire une visioconférence pour de la télémédecine, par exemple, est quelque chose de très intéressant. Donc, je pense que ce seront les premières applications du Lifi, sur des PC, par contre, pas encore sur des mobiles. Et dans un deuxième temps, ça arrivera sur des mobiles, mais voilà, on est prêt le jour où ça va arriver.
Monde Numérique :
[9:59] Vous avez parlé des applications spatiales, militaires, peut-être un jour grand public. Est-ce qu'il y a d'autres choses encore ? Je crois qu'il y a des communes qui utilisent ça pour des infrastructures lumineuses, etc.
Guest:
[10:13] Alors voilà, exactement. Dans les collectivités, on a fait beaucoup d'expériences dans les écoles, notamment, puisque nous nous appuyons sur une loi qui s'appelle la loi Abeille, qui interdit l'exposition des enfants de moins de 3 ans aux ondes radiofréquences et on a commencé à travailler dans ce domaine là le Covid est arrivé donc c'est un peu plus compliqué au niveau budgétaire pour certains communes mais nous avons une solution qui s'appelle l'Ephimax Education qui est prête également à être déployée dans les écoles dans les écoles élémentaires notamment pour apporter à nos enfants, des outils pédagogiques supplémentaires qui permettent parfois de complémenter, la pédagogie apportée par les professeurs.
Monde Numérique :
[10:58] Aujourd'hui, c'est une technologie qui reste plus chère que le Wi-Fi.
Guest:
[11:03] Elle est bien sûr un peu plus chère parce que justement elle n'est pas encore intégrée dans les smartphones, mais elle est également par rapport au Wi-Fi beaucoup plus vertueuse en termes d'environnement. Elle est beaucoup moins consommatrice dans la mesure où le Wi-Fi étant une connectivité locale, elle ne va pas solliciter des PC ou des smartphones autour du bâtiment. Alors qu'une borne wifi va constamment être sollicitée, la borne wifi elle ne
Guest:
[11:35] va fonctionner que s'il y a quelqu'un dans la pièce. Donc en termes d'usage, c'est très intéressant. On estime aujourd'hui qu'on va économiser pratiquement la moitié en termes de consommation par rapport à du wifi traditionnel.
Monde Numérique :
[11:47] Oui, c'est une sorte de wifi hyper directionnel en fait.
Guest:
[11:51] Exactement. C'est une connexion intime qui reste dans la pièce. Et par le fait qu'elle reste dans la pièce elle permet donc elle est beaucoup plus vertueuse en termes de sécurité mais également en termes de consommation pas.
Monde Numérique :
[12:02] De risque de du coût d'interception d'espionnage de piratage.
Guest:
[12:07] Tout à fait quand vous êtes chez vous à la maison vous allez voir tous les wifi de vos voisins avec le petit cadenas et ce petit cadenas pour un pour un hacker c'est à peu près 17 secondes en moyenne pour pouvoir le craquer donc évidemment dans Dans tous les bâtiments où il y a une nécessité d'avoir de la sécurité, comme par exemple des bâtiments publics de certains ministères, le Wi-Fi est strictement interdit puisqu'il ne permet pas d'atteindre les niveaux de sécurité qui sont requis dans ces environnements-là.
Guest:
[12:38] D'où le Wi-Fi qui représente une solution très intéressante pour eux.
Monde Numérique :
[12:42] Et pas d'effet sur la santé ?
Guest:
[12:45] Alors, le lifinon, bien sûr, c'est de la lumière, c'est aussi dangereux et aussi peu nocif que peut l'être la lumière de façon générale. Nous utilisons, nous, des fréquences, ou plutôt des longueurs d'onde qui sont dans le proche infrarouge, et donc, évidemment, tous nos produits ont été testés en termes d'impact photobiologique pour être sûrs et certains qu'il n'y a aucun impact sur la santé. Voilà, donc oui, oui, c'est totalement sécurisé pour l'usage, pour les humains, notamment.
Monde Numérique :
[13:21] Un dernier mot, l'expérimentation à bord d'Ariane 6, vous en attendez quelque chose, des résultats encore ? Ou ça y est, l'affaire est pliée, ça a marché ?
Guest:
[13:32] J'attends quand même les résultats qu'on va nous donner dans 2-3 jours. Voilà, donc a priori ça a marché, on n'a pas de déco négatif, mais vous savez on va avoir les données de transmission entre nos deux transceivers qui sont sous la coiffe de la fusée. Donc on a tout un protocole qui permet de vérifier que nos bords nos produits se comportent bien en termes de température en termes de vitesse de transmission et les équipes d'Ariane Group nous ont promis des résultats dans les 2-3 jours donc on est assez impatients d'avoir ces résultats là Et.
Monde Numérique :
[14:08] C'était juste un test de faisabilité, ça n'avait pas d'application concrète pour le fonctionnement des appareils à bord C'était.
Guest:
[14:18] Un test de faisabilité, qui s'il est bien sûr positif, nous permet d'envisager du remplacement de câbles entre les étages du lanceur à la prochaine version d'Ariane 6, c'est ce que nous espérons.
Monde Numérique :
[14:33] Eh bien, c'est tout ce qu'on vous souhaite. Donc, une bonne réussite pour ce Lifi français dans l'espace. Merci beaucoup, Benjamin Azoulay, président de la société OLED.com.