Fake news, bots de réseaux sociaux, hacking... Plusieurs États sont à la manoeuvre sur les canaux numériques pour déstabiliser les démocraties occidentales. Décryptage d'un phénomène délirant.
Trois questions à : Bernard Benhamou, secrétaire général de l'Institut de la souveraineté numérique.
Vous avez été récemment auditionné par la commission du Sénat sur les ingérences étrangères dans le numérique, quel est l’ampleur de ce phénomène ?
Ce phénomène a augmenté ces derniers temps et il est de grande ampleur aujourd’hui. Des pays comme la Russie et la Chine, entre autres, utilisent des techniques de manipulation pour favoriser des partis politiques extrêmes, tant de gauche que de droite, afin de semer le chaos et affaiblir les démocraties. Ces pays exploitent des méthodes d'ingérence, inspirées du manuel russe d’opérations psychologiques, pour influencer les élections et manipuler l'opinion publique, notamment via les réseaux sociaux.
Comment ces ingérences se manifestent-elles concrètement ?
Des campagnes de désinformation sont menées sur les réseaux sociaux à travers des faux comptes à grande échelle, souvent avec l'aide de l'intelligence artificielle. Cela permet de propager des messages de manière automatique et à moindre coût, comme l'a démontré un rapport sur le système CounterCloud, qui montre que pour seulement 400 dollars par mois, une campagne de désinformation massive peut être lancée. Parmi les réseaux utilisés, TikTok est perçu comme particulièrement dangereux à cause de son opacité et de la difficulté à tracer et comprendre les contenus diffusés.
Que peuvent faire les gouvernements pour contrer ces ingérences ?
Les gouvernements doivent aller au-delà des solutions purement juridiques et encourager la création d'acteurs alternatifs aux géants technologiques existants, notamment en développant des plateformes respectueuses des données et de la vie privée. Il est essentiel de renforcer la régulation des réseaux sociaux pour limiter la création de faux comptes et la propagation de la désinformation. Par ailleurs, la mise en place de politiques favorisant les PME technologiques locales et la création de régulations environnementales pour le secteur technologique sont des mesures cruciales pour réduire la dépendance aux acteurs étrangers et protéger la souveraineté numérique.
Bernard Benhamou :
[0:01] Les russes ne favorisent pas uniquement, par exemple, ce qu'on pourrait imaginer, des partis de droite ou d'extrême droite. Non, ils favorisent aussi l'extrême gauche pour qu'il y ait un affrontement, une condition de chaos. Et effectivement, c'est ce sur quoi jouent des pays comme la Chine, comme la Russie, mais pas que.
Monde Numérique :
[0:17] Bonjour Bernard Benhamou.
Bernard Benhamou :
[0:19] Bonjour.
Monde Numérique :
[0:20] Vous êtes spécialiste du numérique auprès de plusieurs grandes administrations. Vous êtes secrétaire général de l'Institut de la Souveraineté Numérique. Vous avez été auditionné plusieurs fois avec d'autres spécialistes par la Commission d'enquête du Sénat sur les ingérences étrangères. La dernière fois, c'était à la mi-juin 2024. Alors, ces ingérences étrangères dans le numérique français, quelle est l'ampleur du phénomène aujourd'hui ?
Bernard Benhamou :
[0:43] C'est une ampleur qui s'est démultipliée ces derniers mois et ces dernières années. C'est-à-dire depuis que la question est arrivée, je dirais, dans l'actualité publique, en particulier avec Cambridge Analytica, donc l'élection de la première et de Donald Trump, Mais par définition, on s'est rendu compte que les États montaient en puissance. Par exemple, je vous donne un exemple qu'on a eu l'occasion d'aborder, puisque j'ai eu l'occasion de travailler dans le cadre des États généraux de l'information sur ces phénomènes, justement, qui ont été d'ingérence.
Bernard Benhamou :
[1:10] C'est la Chine. La Chine qui a auparavant se contentait de promouvoir son régime et qui maintenant interagit dans les élections en promouvant ses candidats. Et quand je dis candidat aux États-Unis, par exemple, c'est Donald Trump. Aussi étrange que ça puisse paraître, on l'imaginait très hostile à la Chine, mais pour la Chine, c'est la bonne personne puisqu'elle introduirait une notion de chaos qui serait forcément favorable à la Chine. Donc ce que l'on voit, c'est qu'en fait les Russes, qui ont été à l'origine de beaucoup d'actions ces dernières années et qui le sont toujours, ont fait école et que beaucoup de pays empruntent au manuel entre guillemets russe d'opérations psychologiques et d'ingérence pour justement modifier les conditions du débat et faire en sorte effectivement que les parties les plus extrêmes s'affrontent. Et quand je dis les parties les plus extrêmes, c'est-à-dire des deux côtés du spectre. C'est-à-dire que les russes ne favorisent pas uniquement, par exemple, ce qu'on pourrait imaginer des parties de droite ou d'extrême droite, non. Ils favorisent aussi l'extrême gauche pour qu'il y ait un affrontement, une condition de chaos, qu'a très bien décrit un très grand auteur, Giuliano De Ampoli, dans son bouquin, que je conseille toujours, qui s'appelle « Les ingénieurs du chaos », où il décrit effectivement que la politique s'est radicalisée au point qu'on ne peut plus gagner au centre, et que maintenant, effectivement, on gagne dans les marges, et que c'est l'agrégation de ces marges qui peut constituer un mouvement majoritaire. Et effectivement, c'est ce sur quoi jouent des pays comme la Chine, comme la Russie, mais pas que, on peut rajouter la Corée du Nord, on peut rajouter l'Iran, on peut rajouter beaucoup d'autres,
Bernard Benhamou :
[2:34] qui effectivement ont un intérêt à achèvrir des démocraties.
Monde Numérique :
[2:38] Ça prend quelle forme exactement, concrètement Bernard ? C'est les réseaux sociaux essentiellement ?
Bernard Benhamou :
[2:42] Alors, pas que, mais évidemment les réseaux sociaux sont un vecteur extraordinaire. J'ai eu l'occasion beaucoup de me pencher sur TikTok et les relations effectivement avec les autorités chinoises lors justement de précédentes commissions d'enquête. L'idée pour eux, c'est de ligner tous les canaux des démocraties libérales, c'est-à-dire tous les canaux d'ouverture qui leur sont disponibles. Le plus immédiatement disponible, je rappellerai pour vos auditeurs, que Facebook en moyenne efface entre 1 milliard et 1 milliard et demi de faux comptes par trimestre. Sur l'année précédente, c'était plus de 6 milliards sur l'ensemble de l'année. Donc, par définition, les outils de la création et de la dispersion des informations, propagandes, etc., sont extraordinairement simples pour des gens qui ont un bagage technique minimum. Et donc, on voit, là où auparavant il fallait qu'on fasse justement la période Wagner et Internet Research, donc en Russie, on voyait effectivement des équipes de quelques dizaines de personnes. Aujourd'hui, quelques personnes, voire une personne, peuvent animer une campagne de désinformation massive grâce à l'intelligence artificielle. Vous avez un article excellent sur ce type de méthode qui a été fait par The Debris, qui parlait d'un système qui s'appelle CounterCloud, et qui montrait qu'avec 400 dollars par mois, on pouvait animer à l'échelle d'un pays tout entier, à partir de quelques prompts, donc de quelques textes.
Bernard Benhamou :
[4:06] Pour effectivement irriguer des dizaines de millions de comptes automatiquement et répondre automatiquement par des systèmes VIA sans qu'il soit besoin de faire intervenir des humains. C'est la nouveauté effectivement de ces dernières années, avec évidemment l'intelligence artificielle générative, c'est de pouvoir automatiser la chose sans passer par un intermédiaire humain. Et ça, c'est de la part des groupes terroristes. On n'en a pas parlé. Il n'y a pas que les États qui souhaitent agir sur les démocraties. Il y a aussi évidemment les groupes extrémistes, terroristes partout dans le monde. Ils ont un vecteur qui est maintenant démocratisé dans le plus mauvais sens du terme, c'est-à-dire à très bas coût, utilisable rapidement et qui donne l'impression, vu l'utilisateur, qu'il a bien en face de lui des gens. Pas quelques personnes, mais des dizaines de milliers de personnes, ce qu'on appelle dans notre jargon de l'astro-perfing, c'est-à-dire créer un faux mouvement spontané de foule là où il n'y a personne.
Monde Numérique :
[4:59] C'est ainsi que quand on scrolle son fil d'actualité sur X, sur Instagram peut-être moins, mais Facebook, TikTok, etc.
Bernard Benhamou :
[5:10] Aussi, Instagram est beaucoup utilisé.
Monde Numérique :
[5:11] Aussi Instagram ? Oui, absolument.
Bernard Benhamou :
[5:14] Les Russes avaient beaucoup utilisé dans la campagne de 2016 ces outils-là pour motiver en particulier les populations afro-américaines à ne pas voter. C'était, vous ne serez pas correctement représenté parce qu'Hillary Clinton n'est pas votre candidat de cœur, vous auriez né Bernie Sanders, à quoi bon aller voter ? Donc le but, vous voyez, c'est un but complexe, c'est propager des messages pour son candidat, à l'époque Trump, mais aussi étalre le vote hostile à son candidat.
Monde Numérique :
[5:42] Donc en fait, ce sont des commentaires qui apparaissent, on a l'impression qu'ils sont de vraies personnes, mais qui sont de plus en plus générés par l'intelligence artificielle.
Bernard Benhamou :
[5:49] Absolument, avec des faux profils qui sont générés. Alors, il y a là aussi un très bel article du New York Times qui montrait comment les faux profils étaient générés par IA avec des visages qui n'existaient pas, des visages que l'on pouvait modifier à volonté. Il y avait d'ailleurs le système, la démo dans l'article où l'on pouvait modifier la teinte des cheveux, la carnation de la peau, etc. à l'infini. Et effectivement, on peut créer à la volée ce que je disais, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers, voire des millions de faux profils de façon très simple et très rapide.
Monde Numérique :
[6:19] Ce qui est étonnant, c'est qu'ils ne sont pas très malins, parfois, ces pirates. Il y a une affaire récemment où on a détecté des messages publiés, je crois, sur X, où il y avait la signature de ChatGPT, un petit message de ChatGPT qui disait « vous n'avez pas payé votre cotisation ». Et ils avaient fait un copier-coller.
Bernard Benhamou :
[6:37] C'est incroyable on a pu le voir avec les russes en croyant des moldaves pour aller faire des pochoirs sur les murs de Paris ou plus récemment au monument effectivement de la Shoah il n'y a pas toujours effectivement des équipes de haute volée c'est à dire que les tout meilleurs ne sont pas forcément ceux que l'on voit sur le terrain là je ne connaissais pas cette anecdote je vous dirais ça me rappelle une autre en tant que professeur à Panthéon de Sorbonne j'ai eu un étudiant qui a répondu à un de ses devoirs en mettant le prompt de ChatGPT. Et je lui ai dit, vous savez, l'élégance aurait été de ne pas mettre le prompt, de ne mettre que les réponses. Et donc, à quoi je lui ai répondu, je vais noter ChatGPT, mais je ne vais pas noter vous.
Monde Numérique :
[7:17] Non, mais on est clairement, voilà, ça a donné un coup d'accélérateur, les IA génératives.
Bernard Benhamou :
[7:23] Oui, les IA génératives sont un outil de démocratisation dans le plus mauvais sens du terme, puisqu'on est capable de faire des campagnes qui auparavant auraient réclamé des dizaines de petites mains pour essayer de répondre et d'entretenir effectivement entre les différents faux comptes, d'entretenir les conversations. Là, on n'a plus besoin de ça. On est capable effectivement de le faire industriellement pour un coût modique. Je parlais tout à l'heure de Count of Cloud, c'est 400 dollars par mois, c'est-à-dire rien. Et à l'échelle de pays, ou même de groupes hostiles ou de groupes terroristes, c'est une somme dérisoire. Là où auparavant, entretenir des techniciens, des psychologues, des petites mains pour écrire et tout ça dans une infrastructure technique, modérée, certes, mais quand même, ça demandait quand même des moyens. Là, pas du tout. Pas du tout. Donc, je répète, tant qu'on n'agit pas sur les phénomènes d'absence de frein à la création des comptes, c'est-à-dire, vous vous souvenez, quand Twitter, par exemple, a installé un délai avant de pouvoir retweeter un message, c'est-à-dire de ne pas, permettre aux gens de faire dans l'instantanéité. Moi, je crois que c'est surtout au niveau de la création de ces comptes qu'on devra s'interroger dans les tarifs miens, parce que leur business model,
Bernard Benhamou :
[8:34] c'est l'acquisition de clientèle.
Monde Numérique :
[8:36] Voilà, c'est ça. C'est la question que j'allais vous poser. Face à ça, que font les plateformes de réseaux sociaux ? Que peuvent-elles faire ? Et que ne peuvent-elles pas ou ne veulent-elles pas faire ?
Bernard Benhamou :
[8:46] Alors, deux choses. Elles sont obligées de réagir parce qu'en termes d'image, et de relation avec les gouvernements, elles sont contraintes. D'où le DSA en particulier pour les limitations de la parole d'aide. Mais vous remarquerez quand même qu'on parlait de l'X, donc ex-Twitter, que toutes les équipes de modération ont été licenciées par Elon Musk l'un seul tenant, que globalement, il est en train d'ouvrir les vannes concrètes au contenu pornographique en grand sur la plateforme. Donc on voit bien effectivement que c'est compliqué. C'est-à-dire que l'application, et là je vous en parle en tant qu'ancien technicien, rédacteur de textes de régulation, c'est dans l'application que se jouent les choses. Ce n'est pas seulement dans l'élaboration d'un texte. Un très long texte, massacré dans son exécution, c'est comme s'il n'existait pas. Donc par définition...
Monde Numérique :
[9:24] Vous parlez d'un texte de réglementation.
Bernard Benhamou :
[9:27] Absolument, d'un texte législatif.
Monde Numérique :
[9:29] Législatif.
Bernard Benhamou :
[9:30] Non, pas simplement au niveau français, au niveau européen, au niveau international. Donc, par définition, c'est la volonté d'appliquer de façon intelligente ces textes qui peuvent pêcher. Et comme on voit, par exemple, pour l'AIA, Artificial Intelligence Act, entre en fonction maintenant, depuis quelques jours, on verra comment les choses sont appliquées. C'est de ça que dépendra, je veux dire, l'impact réel de ces lois. Donc là, c'est une première chose. Qu'est-ce qu'ils font ? Je vous l'ai dit tout à l'heure, ces plateformes tentent d'effacer des centaines de millions, voire des milliards dans le cas de Facebook, de faux comptes par an. Le problème, c'est qu'effectivement, c'est un jeu du chat et de la souris. C'est-à-dire que le fait qu'on soit obligé d'en effacer un milliard et demi, ça veut dire qu'il y en a effectivement au moins un milliard et demi qui ont été créés, voire plus. Et derrière, ces plateformes, comme je vous le disais, n'ont pas intérêt à limiter l'accès à de nouveaux utilisateurs. Je ne dirais pas de nouveaux clients, parce qu'on n'est pas client de Facebook, on est utilisateur de Facebook. Le vrai client, c'est l'annonceur. Et donc, tout est là, en fait. Et tant qu'on ne remet pas en cause le modèle économique.
Bernard Benhamou :
[10:33] Extraordinairement survivable à la captation d'informations, comme le dit l'excellente Sosha Nazuboff dans le livre derrière moi, l'âge du capitalisme et du surveillance, tant qu'on ne remet pas en cause ce modèle d'extraction de données, l'idée que l'on pourra contraindre ces plateformes d'une manière ou d'une autre, et là je vous en parle justement en tant qu'ancien régulateur, ça ne fonctionnera pas. Sachant que là aussi, pour reparler de nos sujets dans le cadre de l'Institut, le but c'est aussi d'aider à développer d'autres plateformes dans les temps à venir sur l'IA, différentes technologies, pas reproduire, pas faire du mauvais MeToo avec effectivement un anti-Google, comme on allait tenter de le faire il y a bien longtemps, ou un anti-Facebook. Non. L'idée, c'était bien effectivement de se positionner sur des plateformes sur lesquelles les Européens auront une autre attitude que le tout données personnelles et le tout captation et micro-ciblage. En fait, le terme technique dans nos métiers, c'est le micro-ciblage, le micro-targeting. Tant qu'on est dans le micro-targeting, je pense qu'on n'y arrivera pas. Et donc, ils sont obligés de réagir, Mais je pense que, d'une part, ils ne me le souhaitent pas. Et donc, il y a une forme de complaisance par rapport à ces actions politiques, parce que ça crée du buzz et donc ça crée de l'engagement, donc ça crée de la publicité. Et d'un autre côté, effectivement, on n'a pas de plateforme alternative, ce qui est notre vrai problème à nous, Européens.
Monde Numérique :
[11:51] Oui, mais c'est un peu aveupieux, non, Bernard Benhamou, d'espérer.
Bernard Benhamou :
[11:54] D'habitude, un équivalent européen. Non, non, non.
Bernard Benhamou :
[11:58] Moi, je dis une chose, c'est que, d'abord, je vous donne un exemple. Dans le cadre des états généraux de l'information, donc il y a une initiative gouvernementale sur la régulation de l'espace informationnel, je fais partie de ceux, par exemple, qui considèrent qu'on doit interdire TikTok. Au départ, on a commencé nos travaux il y a 6 ou 7 mois. Au départ, j'étais le seul à tenir ce discours. Par la suite, tous les représentants d'Arte, de Radio France, étaient d'accord sur ce point. En disant, le danger est trop grand. On l'a vu en Nouvelle-Calédonie, mais pas que. On l'a vu ailleurs.
Monde Numérique :
[12:28] Pourquoi TikTok plus que les autres ?
Bernard Benhamou :
[12:30] Alors, TikTok, c'est parce qu'il y a un degré d'opacité qui est infiniment plus grand. C'est-à-dire que, contrairement au fil d'actu de Facebook ou le fil général de Twitter, On ne sait pas ce que les gens voient. C'est-à-dire qu'on ne peut pas reproduire. D'abord, on n'a pas accès aux API. Je vais parler un peu technique. On n'a pas accès aux données. On n'a pas accès aux API. On ne sait pas ce que les gens voient. Et prenez un exemple. Une personne, durant nos débats, avait eu l'occasion de dire « Mais est-ce que ce sont les comptes les plus importants qui sont les plus dangereux de nous ? » Parce que vu d'une personne comme TikTok, si elle voit un contenu qui peut effectivement être favorable aux idées ou à la doctrine qu'elle souhaite mettre en avant, même un compte avec 10 abonnés pourrait être amplifié auprès de centaines de millions d'utilisateurs. Et ça, de manière totalement opaque. Sachant en plus que les Chinois ne s'en cachent pas, ils ne permettent pas la réciprocité. Rappelons quand même que Douyin, l'équivalent de TikTok en Chine, c'est de la pédagogie, des sciences éco, du management. Ça n'a rien à voir avec le TikTok qu'on a ici.
Monde Numérique :
[13:29] Oui, on a une espèce de sous-TikTok abétissant.
Bernard Benhamou :
[13:32] Absolument. Regardez quand même, ils ont failli faire passer TikTok Lite qui aurait récompensé les enfants, les gamins, s'il passait du temps dessus. Donc là, on était dans l'abjection absolue. Heureusement, la Commission européenne a mis le haut là, et ils ont rétropédé très très vite. Heureusement. Mais ce que je veux dire, c'est que, d'une part, nos réseaux sociaux ne sont absolument pas accessibles en Chine. D'autre part, ils ont un agenda politique, parce que les gens ont fini par oublier, pensant que les Chinois étaient juste l'usine à créer des produits pour l'Occident. Non, ils ont un agenda politique qu'ils défendent et que l'on voit maintenant au travers de leurs actions sur les campagnes une politique aux Etats-Unis et en Europe. Et donc, par définition, penser qu'ils mettront cet agenda politique derrière leur intérêt à l'économie, qui a bien montré que Xi Jinping, en bannissant, en déportant le patron et homme le plus riche de Chine, qui s'appelait Jack Ma à l'époque, on a bien vu où était le pouvoir.
Monde Numérique :
[14:28] Fondateur d'Alibaba ?
Bernard Benhamou :
[14:29] Absolument, excusez-moi, je ne l'ai pas précisé. Donc, par définition, et il n'y a pas que lui, il y a eu Bao Feng, l'un des banquiers principaux de la Chine en matière de technologie, qui lui aussi a disparu du jour au lendemain, parce qu'il avait osé avoir des propos qui n'allaient pas dans le sens du régime. Donc par définition, on voit bien, Pour une plateforme comme la Chine, moi j'ai eu l'occasion de le dire justement au Sénat il y a quelque temps, pour les services chinois, ne pas utiliser les données TikTok auprès d'un milliard et demi d'utilisateurs à des fins de propagande, d'espionnage, d'ingérants, serait une faute professionnelle pour ces services. Et ça a même été repris, c'est amusant, par le patron de la DGS qui a dit « je suis entièrement d'accord avec le propos, pour les Chinois ce serait impossible que de ne pas utiliser ces données ». Donc, on voit bien, on a des problèmes avec les Américains, c'est le premier à venir, et effectivement, il y a des dérives de Facebook, de Twitter et d'autres, mais elles sont d'une autre nature. Je pense qu'on ne peut pas renvoyer dos à dos la Chine et les États-Unis en matière de dangerosité politique.
Monde Numérique :
[15:23] Bernard Benhamou, vous pouvez nous en dire un peu plus sur le micro-ciblage que vous avez évoqué ?
Bernard Benhamou :
[15:28] C'est sûr.
Monde Numérique :
[15:28] Ça fonctionne comment ? En quoi ça consiste ?
Bernard Benhamou :
[15:30] Alors, le micro-ciblage, je vais te faire un tout petit peu d'histoire. Je promets de ne pas être long. Au départ, quand Google s'est créé, ils ont souhaité améliorer leur moteur de recherche en analysant les requêtes des utilisateurs, mais uniquement en ne conservant que les requêtes qui étaient pertinentes pour l'amélioration du moteur. Puis un jour, ils se sont dit, on va tout conserver et on va profiler nos utilisateurs pour savoir ce qu'ils pensent. Je reprends le propos justement de Shoshana Zuboff qui disait qu'on croyait chercher sur Google, mais c'était en fait Google qui cherchait en nous. Et quelque part, c'est important, c'est-à-dire que quelque part, on se rend compte qu'ils en savent plus sur nous que nous. Et au fur et à mesure, ils ont créé des profils qui ont été agrégés, complétés par ce qu'on appelle les data brokers, les courtiers en données, et qui contiennent, entendez bien, plusieurs dizaines de milliers de paramètres par individu. On est très loin du questionnaire d'antan âge, sexe, localisation, profession non non non, là on est dans l'hyper intime sur la santé sur les convictions idéologiques les orientations sexuelles, on peut multiplier à l'infini et donc...
Monde Numérique :
[16:31] Même des gens qui ne sont pas utilisateurs...
Bernard Benhamou :
[16:33] Absolument on me l'a fait remarquer l'excellente Cathy Castor la représentante floridienne au congrès qui avait eu l'occasion d'arponner Mark Zuckerberg en lui disant vous créez ce qu'on appelle là-bas des shadow profiles de gens qui simplement vont vont interagir sur des pages où il y a un like de Facebook, etc. Donc, par définition, ils ont une étendue d'informations qui s'est accrue de
Bernard Benhamou :
[16:55] manière considérable ces dernières années. Et effectivement, l'idée pour les annonceurs, C'est qu'on puisse leur recommander de cibler, d'où le nom, de façon ultra-passive, d'où le nom micro-ciblage. Ce n'est pas on va cibler tous les hommes qui s'intéressent au foot. Non, on va, et je cite un exemple réel de Facebook, citer les gens qui se déclarent assis dans tel état ou dans telle ville, dans le cadre d'une campagne politique. Et ça a fonctionné et ça fonctionne encore pour partie. Donc, il faut bien comprendre que l'idée, c'est de pouvoir envoyer des messages à des populations en fonction de critères extraordinairement précis. Ça, c'est le côté pile, c'est-à-dire le côté annonceur. Le côté phare, c'est quand on détient autant d'informations sur une personne, on est capable d'utiliser le clavier de ces différentes caractéristiques, paramètres d'une personne pour la manipuler. Et il ne s'agit plus de l'inciter à acheter tel ou tel produit, mais c'est de faire en sorte qu'elle modifie ses convictions politiques.
Bernard Benhamou :
[17:52] Philosophiques, religieuses et ça fonctionne. Ça ne fonctionne pas sur le très gros de la population, mais sur une frange qui peut être déterminante pour une élection. On l'a vu avec Cambridge Analytica.
Monde Numérique :
[18:03] Oui, ça s'est passé dès 2016 avec l'élection de Trump.
Bernard Benhamou :
[18:07] Le premier qui a inventé ça d'un point de vue politique, c'est Obama. Il faut rappeler qu'il a été C'est le premier à déployer des campagnes ciblées, avec des messages ciblés en fonction des pathologies dont les personnes souffraient, en fonction de l'activité ou de la même activité de la personne, en fonction de ses centres d'intérêt, pour justement cibler la chose. Évidemment, Cambridge Analytica a augmenté la chose, au point, je le rappelle, que l'élection de Trump s'est jouée à 90 000 voix, c'est-à-dire 0,03% du corps électoral. Vous voyez, ce n'est pas des grandes franges, ce n'est pas le 5% qui va basculer,
Bernard Benhamou :
[18:39] non. Non, mais aux États-Unis, 90 000 voix, si on gagne une élection, ça c'est vu. Et je précise que plus près de nous, le Brexit s'est joué là aussi grâce à un système de ce genre, au point que le patron de la campagne du Brexit a dit si notre responsable logiciel, qui était une femme, était passé sous un bus, jamais l'Angleterre n'aurait quitté l'Union européenne.
Monde Numérique :
[19:01] Donc ces outils qui ont été développés à des fins commerciales pour les annonceurs sont aujourd'hui utilisés d'une part par les politiques, mais aussi, vous l'expliquez, par des États, des puissances étrangères. Ça, c'était en 2016. Ça veut dire qu'aujourd'hui, on est à 10 puissances, je ne sais pas combien, de ces outils. Et on peut imaginer que nous, en France, on est micro-ciblés de cette manière actuellement.
Bernard Benhamou :
[19:26] En permanence. Et il est évident que pour qui se penche sur ces questions, moi, je les sais au travers justement des étudiants avec lesquels j'ai eu l'occasion de travailler, par exemple, sur la présence, dans le cadre du conflit russo-ukrainien, de messages pro-russes ou pro-ukrainiens, par exemple pour ce qui est effectivement d'un fil sans filtre aucun, c'est-à-dire un filtre brut, sur TikTok, c'était de l'ordre de 50 pour 1. 50 messages pro-russes pour 1 message pro-ukrainien. Et par la suite, certains me disent que ça a même diminué. Donc,
Bernard Benhamou :
[19:56] il faut bien comprendre que c'est la nature d'émettre ça et pas l'émetteur. Contrairement à Facebook qui met en avant effectivement des émetteurs en fonction du graphe social. Vous savez, on appelle le graphe social les liens. Non, là, c'est vraiment du ciblage sur l'analyse, y compris l'analyse comportementale, physique. Il y avait toute une série d'actions pour décider. Ah bah oui, évidemment.
Monde Numérique :
[20:20] C'est des photos de profil ?
Bernard Benhamou :
[20:22] Pas simplement des photos, des caméras, quand les gens activent la caméra. Et pour voir s'ils sont déprimés, pour voir s'ils ont tel ou tel type de problème, on peut même détecter des pathologies comme l'apnée du sommeil, qu'on est capable de détecter en fonction de l'évolution physique de la personne sur la durée. Il ne faut pas le considérer à un instant T, il faut le considérer dans la durée. Et donc, effectivement, on voit qu'il y a énormément de choses et je rappelle à un coin, vos collègues, vos confrères, pardon, du Financial Times, ils ont fait une étude sur justement le ciblage et sur les data brokers, et le journaliste disait, j'ai regardé mon profil, c'était chez Axiom, les grands data brokers, et il disait, on m'indiquait dans mon profil que j'étais à risque pour une maladie du rat. Je suis allé voir mon médecin, tu me l'as confirmé. C'est-à-dire que le prof, il connaissait plus de choses sur sa santé que lui-même.
Monde Numérique :
[21:10] Wow.
Monde Numérique :
[21:13] Bon, il y a ce que peuvent faire tous ces outils. Après, Après, il n'est pas dit non plus que les petits hackers ou les petits barbouzes dont on parlait tout à l'heure savent utiliser tout ça à pleine puissance.
Bernard Benhamou :
[21:27] Ils le savent de plus en plus. Oui, parce qu'il y a une logique, on l'a vu aux États-Unis avec TikTok, il y a une logique de maximisation de l'audience. Et ils savent justement analyser le fonctionnement pour leur bénéfice. C'est-à-dire de manière à faire en sorte que les gens interagissent avec eux aussi. Donc non, je veux dire, il y a un intérêt économique. Et là où il y a un intérêt économique, il y a toujours des gens pour essayer de le poursuivre.
Monde Numérique :
[21:52] Bernard Benhamou, face à tout ça, qu'est-ce que peuvent faire les pouvoirs publics ? En France, on a un organisme maintenant qui s'appelle Viginum, qui est censé un peu nous protéger contre ces ingérences étrangères. Et puis vous, vous connaissez bien... Nous avons rencontré d'ailleurs. Voilà, vous connaissez bien les arcanes à la fois françaises et européennes,
Monde Numérique :
[22:12] de la réglementation, etc. Est-ce que c'est un constat d'échec ? De toute manière, on sera toujours dépassé ? Je vous l'ai dit.
Bernard Benhamou :
[22:19] Ce que j'ai eu l'occasion de dire au Sénat et ce que je ne me cesse de répéter ces dernières années au niveau européen, c'est qu'il n'y aura pas de solution qui ne soit que juridique. Le mode défensif ne fonctionne pas. Tant que nous n'aurons pas des acteurs alternatifs. Et je le répète, sur les prochaines générations de techno, surtout pas en essayant de faire comme Alibaba dont on parlait qui a reproduit Amazon ou d'autres, pour marquer par exemple les Chinois, ont eu toute une série d'autres critiques qu'on appelle les BATX qui reprenaient point par point des sociétés existantes aux États-Unis. Non. Le but pour nous, Européens, c'est de créer nos propres lettres et notre propre acronyme sur les technologies qui sont plus protectrices de la vie privée, on fait un GPD mais aussi plus protectrice des libertés plus protectrice effectivement de la démocratie ça n'a l'air de rien, et quand on regarde je citais Elon Musk, ta conception de la démocratie n'est clairement pas la nôtre, en tout cas clairement pas la mienne.
Bernard Benhamou :
[23:10] Et on est en mesure de le faire, regardez la nouveauté pour l'IA, puisqu'on parlait de l'IA c'est qu'on a des sociétés où, essentiellement on a des cerveaux, on n'a pas besoin d'infrastructures en direct c'est-à-dire que ces gens-là peuvent se faire héberger par des tiers, y compris des tiers européens pas que du Amazon ou du ou du Microsoft Azure et faire en sorte effectivement de développer une activité. Je crois que les effets de seuil ont changé. Regardez ce qui s'est passé avec OpenAI qui du jour au lendemain en est venu quasiment à menacer Google, l'empire Google. C'est quand même extraordinaire. Ces technologies qui en sont à, si vous me permettez l'expression, à ringardiser Apple qui est obligée de faire appel à OpenAI pour introduire son Apple Intelligence dans les prochaines générations d'iPhone. C'est une chose, honnêtement, ni vous ni moi, en tout cas à moi, n'aurait pu prévoir en si peu de temps un rebattage de cartes. Hier, j'apprenais, vous voyez, c'est le prédat d'hier, que Nvidia, le moteur, le vendeur de piottes, je dirais, d'IA, dans la rue vers l'ordre...
Monde Numérique :
[24:09] Des cartes accélératrices pour les calculs.
Bernard Benhamou :
[24:11] Et des puces, voilà. Et qui est devenue la première capitalisation mondiale devant Microsoft. Donc à plus de 3 trillions. Donc par définition, c'est-à-dire, certes, il y a des mouvements qu'on peut prévoir, mais Mais penser que l'Europe est destinée à n'être que suiveuse et utilisatrice, ou comme le dit mon excellente amie, la sématrice Morin de Sailly,
Bernard Benhamou :
[24:34] une colonie numérique de deux continents, non. Je considère que ce n'est pas... D'abord, un, ce n'est pas une fatalité. Et deux, c'est parce qu'on a... Vous me posez la question, quelles sont les mesures qui permettraient d'eux ? Moi, je dirais qu'il y en a des simples, qui sont quasiment à euro zéro. Le Small Business Act, c'est-à-dire orienter la commande publique, plus préférentiellement vers les PME du secteur technologique, que font les Américains depuis 1953.
Bernard Benhamou :
[25:01] 70 ans ! Et ça marche remarquablement pour eux. Et quand j'ai des arguments hostiles à ça, je leur dis, mais pourquoi les Américains nous conservent-ils pendant 70 ans et nous pas ? Parce que nous avons très mal négocié les accords de l'OMC, les accords internationaux en matière de commerce. Le European Buy Act, alors là on est dans un mot que j'ai peur, c'est le mode protectionnisme. Mais quand on regarde les Américains qui font l'IRA, Internet, non, pardon, Inflation Reduction Act, qui est un outil de distorsion de la concurrence évident en fonction de leurs intérêts, les Chinois qui bloquent totalement les marchés aux étrangers, par définition, nous ne pouvons plus être naïfs et dire nous devons être le marché libre et parfait, vous voyez, libre et non faussé, que nous sommes censés être. Non, à un moment donné, ça me passe par des mesures de régulation, y compris un point que je vous soumets.
Monde Numérique :
[25:54] Oui, de fixer un cadre économique.
Bernard Benhamou :
[25:57] Absolument, et un point important au vu justement des évolutions du secteur, y compris justement sur l'IA, c'est la maîtrise environnementale, le contrôle des émissions carbone, et je suis évidemment favorable, j'ai eu l'occasion de le dire dans un rapport précédent, à une taxe carbone aux frontières pour les technologies. À l'heure qu'il est acheté une voiture chinoise qui a été conçue et construite, avec une énergie 10, 15, 20 fois plus carbonée que la nôtre, parce que reposant essentiellement sur le charbon, c'est une aberration environnementale. On la vend comme écologique, alors que son bilan carbone totale, Il sera quasiment impossible à équilibrer. Donc, vous voyez, je crois qu'il y a des mesures de bon sens dans les pas à venir qui deviennent
Bernard Benhamou :
[26:34] possibles du fait des crises, Ukraine et Covid, que nous avons vécues.
Monde Numérique :
[26:38] Est-ce que les responsables politiques, que vous connaissez bien, ont pris l'ampleur, ont pris la mesure de l'ampleur du problème ?
Bernard Benhamou :
[26:46] Tacoma. Je vais vous dire, Tacoma est pour une bonne raison. Et là, là, quelque part, ce n'est pas la raison la plus vertueuse, mais je pense que c'est la plus efficace, parce qu'il sent que leur métier politique est en danger. OK. Quand des responsables politiques, quand vous leur parlez de choses philosophiques, d'actions sur le long terme, vous avez une très forte chance qu'ils ne vous entendent même pas. Quand vous leur dites votre élection a remis en cause, voire impossible du fait d'une manipulation étrangère ou d'une manipulation de tel ou tel groupe d'intérêts qui vous empêchera d'être élu ou de continuer vos mandats, je peux vous assurer
Bernard Benhamou :
[27:16] que vous avez toute leur attention immédiatement. Or, c'est exactement ce qui s'est produit avec Macron, souvenez-vous, des Macron-Li, donc les fuites pendant la campagne avant son élection. Puis après, évidemment, l'action qu'il a menée contre Spoutnik et Rochatoudé, je veux dire, avec les interlocuteurs européens au moment de la guerre en Ukraine. N'oublions pas que ces chaînes ont été interdites d'un seul tenant au niveau des 27.
Monde Numérique :
[27:40] Vous pensez que le résultat des dernières élections européennes s'explique en partie par cette ingérence, ces ingérences étrangères ?
Bernard Benhamou :
[27:48] Alors, je vais vous répondre, j'en suis hautement persuadé, sachant que pour certains acteurs, ils ne s'en sont pas cachés. Steve Bannon, qui je crois est sur le point d'aller en prison, l'ancien conseiller, l'ancienne éminence grise de Trump, quand il était venu en Europe, a dit « notre métier, c'est de faire en sorte que des mouvements de droite dure soient présents sur l'ensemble des pays européens ». Évidemment, on l'a vu avec Orban, on l'a vu avec d'autres pays, effectivement, dans l'espace européen. Donc là, on parle d'il y a 6, 7, 8 ans. Est-ce qu'il y a eu action durant cette élection ? C'est évident. Est-ce que ça a été déterminant ? Dans quel niveau et à quel pourcentage ? C'est évidemment incapable de vous le dire.
Monde Numérique :
[28:27] C'est vertigineux, Bernard Benhamou. Qu'est-ce qu'on peut faire à titre individuel quand on veut utiliser gentiment les réseaux sociaux ? Est-ce qu'il faut tout lâcher ou bien il y a des petites mesures de sûreté, de sécurité Sécurité pour ne pas être totalement victime et enfermé dans des bulles de filtres ?
Bernard Benhamou :
[28:46] C'est une excellente question. D'abord, il y a des réseaux qui sont devenus quasiment... Essentiellement toxiques. Je pense en particulier à Twitter, même si effectivement ça a été et ça reste l'une des places d'opinion les plus importantes. Tous les influenceurs politiques, agissent. Mais je maintiens effectivement que pour l'utilisateur.
Bernard Benhamou :
[29:09] Épisodique, il ne vaut mieux pas. Il ne vaut mieux pas. C'est-à-dire qu'il y a des utilisateurs comme vous et moi qui sommes obligés d'y aller de temps à autre parce qu'effectivement ça fait partie de nos métiers. Mais pour l'utilisateur autre, je dirais qu'il y a des réseaux moins moins toxiques, surtout depuis la prise de pouvoir d'Elon Musk sur Twitter, évidemment, enfin sur X maintenant. Donc ça, c'est une première chose. TikTok, ai-je besoin de le dire ? Pour ce qui est des enfants, c'est niais. Ah oui, il y a une mesure de bon sens, sur laquelle on m'interroge beaucoup en tant qu'ancien de l'Université de l'Éducation, à partir de quelle âge ? Quand je dis qu'il faudrait effectivement que les enfants ne puissent pas s'y
Bernard Benhamou :
[29:45] inscrire avant 15 ans, je passe pour un affreux censeur, un affreux... Je veux dire, Non, moi je dis, pour des parents, Basic Phone, le retour du Basic Phone, c'est-à-dire du Nokia Phone, pour les enfants avant 13 ans. Évidemment. Évidemment. Après, effectivement, avoir une consommation modérée. Je parlais tout à l'heure de l'équivalent chinois de TikTok, il est limité à 40 minutes par jour. Et eux, on le comprit. Nous, on ne comprend toujours pas. Et quand on évoque une mesure de ce genre, on se dit, mais c'est totalement réactionnaire. Non, ce n'est pas réactionnaire.
Monde Numérique :
[30:19] C'est la Chine. Il y a beaucoup de restrictions qu'on a peu de chances de voir en Europe.
Bernard Benhamou :
[30:24] Et Dieu merci. Et Dieu merci pour ce qui est du crédit social.
Bernard Benhamou :
[30:27] Je vous suis. Et Dieu merci, nous n'avons pas ça. Mais est-ce qu'à un moment donné, nous devrons limiter structurellement l'accès à ce genre de réseau ? Moi, je pense qu'il y a de favorable. Je parlais tout à l'heure de TikTok Live qui aurait rémunéré le fait de rendre les enfants accros à la plateforme.
Bernard Benhamou :
[30:45] Je pense qu'effectivement, le fondement même, on en parlait tout à l'heure sur le C-Blind, le fondement même de ces 400, c'est de rendre accro. Et donc, de faire en sorte de maximiser le temps passé pour consommer de la pub.
Bernard Benhamou :
[30:57] Par définition, je crois qu'effectivement, dès qu'il est possible d'éviter de rentrer dans une logique de eyeballs, c'est-à-dire de consommation publicitaire, et moi, je suis par exemple très favorable à des systèmes d'abonnement par rapport à des systèmes publicitaires. C'est-à-dire que les modèles économiques d'abonnement me semblent beaucoup moins dangereux sur le long terme que ne le sont les modèles publicitaires. Pourquoi ? La fausse gratuité. Parce qu'à un moment donné, quand vous achetez, d'abord, un, vous n'êtes pas censé être soumis à des publicités, sauf quand vous vous appelez Amazon et que vous remettez de la publicité sur Prey, alors qu'effectivement, les gens paient. Là, on est dans le sublime. On est dans le sublime. C'est affreux. Mais bon, oui.
Bernard Benhamou :
[31:40] Globalement, l'intérêt de l'abonnement, c'est que la structure du contenu a moins d'importance que l'expérience globale par rapport au produit. En fait, ceux qui nous ont appris ça, c'est Canal+. C'est-à-dire que, par définition, le fait qu'ils avaient une structure par abonnement les rendait beaucoup plus interméables à la publicité même s'ils en avaient aussi un peu. Quelque part, on est moins obsédé par le ratio publicitaire quand on est sur abonnement que quand on est effectivement sur un modèle de gratité où vous devez monétiser à tout prix et le plus vite possible et de la façon la plus la moins éthique possible, comme le font effectivement les structures marketing de ces grands groupes.
Monde Numérique :
[32:17] Merci Bernard Benhamou, secrétaire général de l'Institut de la Souveraineté Numérique.