EDITO | La chute d'un robot dans un escalier en Corée, présentée comme un suicide, en dit long sur notre rapport inquiétant aux machines.
L'incident a eu lieu le 20 juin dernier à la mairie de Gumi, en Corée. Travaillant comme employé municipal, pour porter les plis d'un bureau à l'autre, ce robot de conception américaine a été retrouvé "mort" en bas d'un escalier. Des témoignages ont fait état un comportement étrange de l’engin avant sa chute, évoquant même un éventuel burn-out.
Anthropomorphisme
Soyons sérieux : l’hypothèse d’un suicide est complètement farfelue. Il faut plutôt mettre cela sur le compte d'un problème technique, tel qu'un dysfonctionnement de capteur dû à un manque d'entretien ou un défaut logiciel. N’empêche, cette affaire témoigne de l'anthropomorphisme excessif dont nous faisons preuve parfois. Avec le développement des robots, il serait peut-être nécessaire de protéger les humains contre le risque de projeter des émotions inappropriées sur de simples machines.
Transcription
[0:00] Un robot qui se suicide. Vous avez peut-être vu passer cette info il y a quelques jours. En Corée, en Corée du Sud, un robot se serait suicidé. En tout cas, c'est comme ça que ça a été présenté dans pas mal d'articles de presse. C'était un robot qui travaillait dans une mairie dans la ville de Gumi, en Corée. C'était une sorte de grosse machine qui ressemblait un peu à un bidon sur roue. Il travaillait vraiment comme un employé dans cette mairie. et il transportait du courrier, des fournitures. Il avait la particularité, en plus, de pouvoir prendre l'ascenseur et de naviguer entre les étages. Il était en place depuis un an environ. C'était un robot fabriqué par une firme californienne qui s'appelle Beer Robotics. Et donc, le 20 juin dernier, il a été retrouvé en bas d'un escalier cassé.
[0:49] Visiblement, il s'était passé quelque chose. Le robot aurait mis fin à ses jours. En tout cas, c'est comme ça que ça a été présenté dans la presse et sur les réseaux sociaux en Corée, où l'affaire, visiblement, a fait beaucoup de bruit. Parce que c'est vrai que dans ce pays, comme au Japon, et puis comme en Chine aussi, de plus en plus, il y a énormément de robots. Il paraît qu'en Corée, il y aurait un robot pour 10 employés dans les entreprises. Donc, ce n'est pas quelque chose de totalement insolite, le fait d'être avec des robots au travail. Et du coup, s'il se passe une histoire comme ça, eh bien oui,
[1:22] ça peut faire la une des journaux. Alors ça a été repris du coup par l'agence France Presse et ensuite par les médias occidentaux et notamment pas mal de sites d'information français. Et à chaque fois, sous l'angle du suicide supposé, même si c'était avec des points d'interrogation et parfois même du second degré. Alors que s'est-il passé exactement ? eh bien, l'un des employés témoigne du fait qu'il avait vu le robot avoir un comportement bizarre. Il était en haut de l'escalier, paraît-il, et tout d'un coup, il s'est mis à tourner sur lui-même et il s'est laissé tomber. Mais qu'est-ce qui est donc passé par la tête de ce robot ? Est-ce qu'il travaillait trop ? Est-ce qu'il était surmené ? Est-ce qu'il a fait un burn-out ? Puisqu'il paraît qu'il bossait tous les jours de 9h à 18h comme un employé normal.
[2:06] C'est toute la question. Une enquête a même été ouverte pour en savoir plus. Bon, alors ce qu'il faut savoir, c'est que ce n'est pas la première fois qu'un robot tombe d'un escalier.
[2:16] Déjà en 2017, aux États-Unis, à Washington, dans un centre commercial, un robot de surveillance était tombé dans une fontaine. Lui, ça avait fait, là encore, beaucoup de bruit dans les médias. Et on avait parlé de suicides potentiels. Un autre robot aussi, c'est celui, le petit robot domestique d'Amazon, lancé en 2023, qui a été retrouvé, plusieurs exemplaires ont été retrouvés morts, entre guillemets, à chaque fois en bas d'un escalier. Tout comme un être humain dépressif pourrait être tenté de se jeter par la fenêtre,
[2:52] et bien les robots, eux, ils se jettent dans les escaliers. Alors évidemment, tout ça, c'est complètement bidon, car un robot ne se suicide pas.
[3:03] Quand même raison garder et remettre un peu les choses à leur place. C'est très sympathique comme histoire, ça fait de jolis articles avec de beaux titres, mais ça n'a aucune réalité. Le vrai problème qui a pu se passer, très certainement, c'est tout simplement un problème technique, peut-être, par exemple, un problème de capteur. On sait que ces robots qui roulent sont équipés de détecteurs comme les aspirateurs robots pour, justement, ne pas tomber dans les escaliers dès qu'il y a une marche, en fait, Dès que le sol se dérobe, ils font demi-tour ou ils s'arrêtent. Il y avait des jouets aussi comme ça. Moi, quand j'étais petit, des trains, des locomotives ou des camions automatiques, c'était assez formidable parce qu'on les mettait sur une table. Et quand ils arrivaient au bord de la table, ils faisaient demi-tour et repartaient dans l'autre sens. Ça paraissait magique. Donc là, visiblement, c'est l'un de ces capteurs qui n'a pas dû fonctionner ou bien peut-être un problème logiciel, même si ça paraît moins probable parce
[3:59] qu'il n'y a pas d'usure sur le logiciel. Donc ça, c'est peut-être l'enquête qui le dira.
[4:05] Mais ce qu'il faut retenir de cette histoire, c'est que c'est incroyable de voir à quel point, parfois, on fait vraiment trop d'anthropomorphisme, c'est-à-dire que l'on projette sur des machines des comportements humains qui, évidemment, en réalité, n'ont pas lieu d'être. Alors, on peut être embêté si on casse un robot qui coûte plusieurs dizaines de milliers d'euros, oui, Oui, mais il ne faut surtout pas développer des sentiments et de l'affection à l'égard de ces machines. Les robots ne se suicident pas, ils ne se suicideront jamais.
[4:36] Les robots n'ont pas de conscience, l'intelligence artificielle n'existe pas, comme dirait Luc Julia. Et on peut dormir sur nos deux oreilles. Mais cette histoire montre bien que si les robots sont amenés à se développer de plus en plus dans notre environnement, il faudra peut-être prendre certaines dispositions pour éviter que l'on développe des sentiments à l'égard de ces appareils qui ne sont pas des êtres vivants.