Comment réussir dans la tech quand on quitte la France pour s’installer aux États-Unis ? Ilan Abehassera, entrepreneur et investisseur franco-américain basé à New York, revient sur son parcours dans l’univers des startups et de l’innovation.
Vous avez créé plusieurs startups aux États-Unis, dans des domaines allant du software au hardware. Quel fil conducteur voyez-vous dans votre parcours ?
Ilan Abehassera : Je suis arrivé aux États-Unis il y a vingt ans, à l’époque du Web 2. Depuis, j’ai monté quatre startups, dans des univers variés — logiciel collaboratif, objets connectés pour enfants, robot de brossage dentaire ou encore communication asynchrone avec Async. À chaque fois, j'ai cherché à inventer de nouveaux usages plutôt qu'à moderniser des produits existants. C’est risqué : il faut éduquer le marché, convaincre sans modèle préexistant. Mais c’est aussi ce qui me stimule. À choisir, il est sans doute plus prudent de moderniser un marché établi, mais ma nature m'a toujours poussé vers la création pure.
Vous avez longtemps observé la communauté tech française aux États-Unis. Comment a-t-elle évolué ?
En vingt ans, elle s’est considérablement étoffée. D’abord balbutiante, elle a explosé entre 2010 et 2020 grâce à des modèles de réussite comme Algolia, Datadog ou Checkr, et au soutien d’incubateurs comme Y Combinator. Aujourd’hui, même après un ralentissement dû au Covid, une nouvelle vague d’entrepreneurs arrive, notamment portée par l’essor de l’IA. New York et la Silicon Valley restent les deux pôles majeurs, et l’écosystème est plus mature que jamais.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs français qui hésitent à se lancer à l’international ?
Je les pousse à tenter l’aventure aux États-Unis. Quitte à investir autant d’énergie, autant le faire dans le plus grand marché, où l'appétence pour les nouveaux produits est forte et où les possibilités d'exit sont nombreuses. Le bon modèle reste souvent d’avoir la tech en France, mais un pied commercial aux États-Unis. C’est plus cher, oui, mais les opportunités y sont incomparables.
ilan abehassera: [0:01] Quand tu vois une nouvelle tendance techno aussi forte, aussi puissante que l'intelligence artificielle, et tout le monde le dit, en fait, c'est peut-être l'équivalent de l'arrivée du web, en termes de révolution. Au début, ça fait peur.
Monde Numérique :
[0:22] Bonjour, Ilan Abehassera
ilan abehassera:
[0:24] Hello, Jérôme.
Monde Numérique :
[0:26] Salut, salut. On est en distanciel, en visio, mais en fait, on s'est vu il y a à peine deux jours à New York, en vrai de vrai. Voilà, on n'a pas pu faire l'interview sur le coup, donc je suis ravi de t'accueillir aujourd'hui dans le podcast Monde Numérique. Tu es un entrepreneur français basé, installé aux États-Unis depuis longtemps. Tu as vécu à San Francisco, à New York, etc. Tu es également investisseur et tu es surtout très proche de la communauté tech française aux États-Unis. On va parler un peu de ça, justement. On va parler des tendances du moment dans la tech, notamment de l'arrivée de l'intelligence artificielle. Mais d'abord, quelques mots sur ton parcours, si tu es d'accord, puisque c'est pour ça que je me permets de te tutoyer. C'est un peu d'usage dans ce milieu-là, on va dire. Tu as fondé plusieurs startups dans la tech. Tu peux nous rappeler ça brièvement ?
ilan abehassera:
[1:16] Écoute, bien sûr, moi, je suis franco-américain maintenant, mais je suis arrivé aux États-Unis il y a pile 20 ans. Donc, j'ai commencé à travailler dans la tech en 2004. 2004, on se rappelle que c'est entre la première bulle et la deuxième vague, ce qu'on a appelé à l'époque le Web 2, donc les débuts du Web social, Facebook, Twitter, etc. Et puis, pour finalement monter ma première startup en 2008, quand à l'époque, il n'y avait vraiment quasiment pas de startup à New York. Alors, moi, j'ai démarré à ce moment-là. J'ai monté en tout quatre startups. La première dans le software productif qui s'est fait racheter par une boîte publique qui s'appelle Jive, qui était une boîte cotée au Nasdaq. On s'est fait racheter à peu près cinq ans après l'avoir démarré. Je suis parti habiter à Palo Alto pendant deux ans pour bosser pour eux avec toute notre équipe. Puis ensuite, je suis revenu à New York et j'ai bossé pendant un peu plus de sept ans dans le hardware, donc Consumer Electronics. J'ai monté une première boîte qui s'appelait Ely où j'ai tout appris du manufacturing, de la Chine, etc.
ilan abehassera:
[2:21] Mais on n'a pas réussi à lever, en tout cas suffisamment, pour lancer ce produit.
Monde Numérique :
[2:27] C'était quoi ce produit, Ili ?
ilan abehassera:
[2:28] Ili, c'était un espèce de téléphone fixe, donc téléphone de maison, mais complètement réinventé, à l'ère de FaceTime, à l'ère du messaging qu'on connaît sur nos téléphones. Et en fait, j'avais envie de connecter mes enfants au reste de leur famille avant qu'ils aient leur propre device. Donc, c'était un device avec un grand écran et les photos de tous les membres de la famille qui sont connectés via les applis mobiles, pour le coup, eux, les applis de Dili. Et puis, on peut faire un vidéocall, envoyer un dessin, partager des photos, etc., Donc, c'était pour les connecter sans avoir à leur donner un iPhone à 10 ans ou un iPad.
Monde Numérique :
[3:04] Oui, c'est vrai, c'était vachement ambitieux.
ilan abehassera:
[3:06] C'était très ambitieux, peut-être un peu trop à l'époque, parce qu'en fait, tous les invests qu'on voyait, on avait quand même levé 3 millions, mais tous les investisseurs qu'on voyait me disaient la même chose. Ils me disaient, ouais, mais maintenant, les enfants, ils ont tous des iPhones, ils ont tous des iPads. Pourquoi on aurait besoin d'un autre device ? C'est vrai que c'était une vraie question. Je n'avais pas forcément la réponse. Mais il se trouve que tu as eu quand même Google, Facebook et Amazon qui se sont lancés sur ce créneau avec Amazon Echo Show, Google qui avait son produit et Facebook avec le Portal. Ils sont arrivés un an ou deux après nous.
Monde Numérique :
[3:39] Dont on n'en entend plus beaucoup parler d'ailleurs.
ilan abehassera:
[3:41] Là, ils viennent effectivement de tuer Portal.
Monde Numérique :
[3:45] C'est des choses qui arrivent.
ilan abehassera:
[3:47] Effectivement.
Monde Numérique :
[3:49] Après, l'histoire continue parce que tu es vraiment ce qu'on appelle un serial entrepreneur. Tu t'es lancé dans un autre type de produit c'était une brosse à dents connectée c'est ça ?
ilan abehassera:
[4:02] Ouais c'était en fait un robot qui automatisait le brossage, donc en fait le problème qu'on voulait adresser c'est que les enfants ne supportent pas se brosser les dents et en plus ils se brossent très mal les dents et finalement si on arrivait à automatiser le brossage en gros avec une espèce de gouttière.
ilan abehassera:
[4:21] Un device qui injecte en plus du dentifrice liquide et en fait t'appuies sur un bouton et ça brosse automatiquement les dents et ben en fait on règle le problème de l'hygiène dentaire et par le.
ilan abehassera:
[4:35] Par la même on séduit les parents parce que c'est un vrai problème pour nous avec des enfants assez jeunes et donc en fait c'est monté par Hugo de Gentile et son père, Le père dentiste à Limoges, le fils Hugo qui sortait de l'EM Lyon, pareil à Limoges. Et ils développent un prototype de cette idée, parce qu'il se trouve que Jean-Marie est un inventeur un peu de génie. Et ils arrivent à faire marcher un prototype où t'appuies sur un bouton, ça te brosse les dents. Et moi, ils me contactent à ce moment-là en me disant, écoute, on ne s'est pas levés d'argent, on ne s'est pas monté une équipe, on ne connaît pas la Chine, on ne connaît pas le hardware. Mais par contre, on a un produit assez révolutionnaire. et on aimerait bien avoir un cofondateur aux Etats-Unis qui nous aide, et moi il se trouve que j'avais je pense les compétences qu'eux n'avaient pas et on était très complémentaires et j'ai rejoint cette aventure on a fait ça pendant 4 ans et demi et au bout de 4 ans et demi qui était en plein pendant le Covid etc on arrive finalement à lancer le produit c'était très dur, on arrive à lancer le produit et à vendre notre premier batch d'unité et moi j'avais je pense que j'avais assez donné dans le monde du hardware, de la Chine etc j'avais envie de passer à autre chose je me suis fait remplacer et Willow continue aujourd'hui donc a levé plus d'argent depuis mon départ, et vient de lancer et Willow.
Monde Numérique :
[5:56] WI 2 LO c'est ça.
ilan abehassera:
[5:58] ? exactement et vient de lancer sa deuxième version il y a quelques semaines, donc on verra où l'aventure se termine mais très belle technologie plus d'une cinquantaine de brevets belle équipe donc à suivre encore.
Monde Numérique :
[6:12] Donc une belle série puis c'est pas terminé tu t'es lancé également ta dernière aventure entrepreneuriale c'était encore dans la communication tu revenais un peu au produit d'avant c'est ça ?
ilan abehassera:
[6:24] C'est vrai c'est vrai que j'ai toujours touché à des choses qui touchent soit l'éducation ou les enfants soit la communication soit les deux ensemble, et mon dernier projet s'appelait Async et Async en fait c'est une réinvention de l'email mais à l'ère des notes vocales, moi j'adore les notes vocales je trouve que c'est un format qui est très productif pour expliquer quelque chose de parfois un peu complexe où on a besoin de mettre un peu d'émotion etc et je me suis dit on va amener ça on va amener les notes vocales au monde du travail, avec du transcript, avec du résumé et puis surtout une façon de répondre à plusieurs, sujets qu'il peut y avoir dans une note vocale et donc de créer finalement une conversation mais complètement asynchrone, donc éviter un zoom ou éviter un email un peu froid et assez statique, donc voilà on a monté Essink on a levé de l'argent pour monter Essink on a créé vraiment un beau produit, mais on n'a pas réussi à trouver en fait c'est des produits qui demandent beaucoup d'éducation et donc du coup d'investissement marketing, on n'a pas réussi à trouver notre marché suffisamment tôt et assez gros, et là on est en train de finaliser la vente de Essink et ça c'était ma dernière aventure entrepreneuriale qui s'est arrêtée il y a à peu près un an donc Essink a continué à vivre on the side.
Monde Numérique :
[7:40] Mais en.
ilan abehassera:
[7:41] Parallèle d'Eysing j'avais aussi monté un fonds d'investissement qui s'appelle Origins.
Monde Numérique :
[7:47] Très bien qu'est-ce que tu voilà qu'est-ce que tu retiens de tout ça à la fois bon bah à titre personnel à titre professionnel et puis ton regard sur l'évolution des technologies par rapport à tout ça parce que t'as touché un peu à tout il y avait du software du hardware ce qui encore une fois je le dis est très ambitieux de faire du hardware c'est très compliqué même si on est aux Etats-Unis, c'est quoi ta morale ?
ilan abehassera:
[8:11] La morale, c'est que tu as deux types d'entrepreneurs. Je pense que tu as un entrepreneur qui va choisir de réinventer ou de moderniser un marché ou un produit. Et là, ça demande un peu moins de créativité et ça demande beaucoup plus de savoir dans l'exécution. Donc, tu as plein d'exemples, d'ailleurs pas que dans la tech. Ça s'applique à tous les types d'entrepreneurs dans tous les secteurs, dans la restauration tu vas prendre un concept vieux comme le temps comme McDonald's et puis tu vas faire une chaîne de hamburgers juste plus healthy, plus petit peut-être moins cher, en centre-ville, et ça s'appelle Shake Shack tu vois par exemple, pareil pour les salades bar maintenant ça s'appelle Sweet Green aux Etats-Unis t'as dû les voir et dans la tech en fait c'est pareil, t'as beaucoup d'entrepreneurs qui ont repris.
ilan abehassera:
[9:08] Des softwares très vieux et qui les ont modernisés. Aujourd'hui, tu peux t'attaquer au Intel, au SAP, au Webx, et puis tu vas trouver des alternatives modernes à tous ces softwares-là. Et puis, tu as le deuxième type d'entrepreneur qui est un entrepreneur plutôt créatif qui invente ou qui essaye d'inventer un peu le futur et les prochains usages. Moi, j'ai toujours été ce type d'entrepreneur-là parce que j'ai, en fait, c'est comme ça que fonctionne mon cerveau je suis un peu je pense que je suis un peu créatif et donc du coup je vois un problème et la façon dont je vais essayer de solutionner ce problème c'est souvent avec quelque chose qui n'existe pas et ça c'est très risqué, parce qu'il faut éduquer le marché. Il faut expliquer ta façon de solutionner ton problème. Il faut expliquer ton produit, pourquoi c'est une bonne solution. Et ça, parfois, ça marche, mais souvent, ça ne marche pas parce que c'est souvent beaucoup d'investissements marketing que tu n'as pas quand tu es une petite startup. Ou alors, il faut un spark, une espèce d'étincelle d'un influenceur ou de quelqu'un de très connu qui va commencer à utiliser ton produit, en parler et finalement évangéliser à ta place. Et c'est marrant parce que moi j'ai toujours été de ce côté-là de l'équation, c'est ce qui fait qu'il y a des projets qui ont marché et d'autres qui n'ont pas marché je n'ai pas de regrets parce que c'est comme ça que je suis fait.
ilan abehassera:
[10:30] Mais c'est vrai qu'à choisir la première version d'entrepreneur qui reprend des anciens produits et qui les modernise il y a peut-être un petit peu moins de risque.
Monde Numérique :
[10:41] Donc si c'était à refaire c'est plutôt dans cette voie-là que tu irais ?
ilan abehassera:
[10:44] J'aimerais bien mais après c'est peut-être pas ma nature d'être comme ça En fait.
Monde Numérique :
[10:47] Tu n'as pas envie.
ilan abehassera:
[10:48] On ne s'invente pas.
Monde Numérique :
[10:49] Élan, je le disais, tu as ton aventure personnelle, puis tu vis dans cet écosystème tech new-yorkais, préalablement californien, au milieu de beaucoup de Français, parce que les Français sont quand même présents depuis longtemps, encore aujourd'hui. Elle en est où, cette espèce de communauté française tech aux États-Unis, aujourd'hui ?
ilan abehassera:
[11:14] Écoute, il y a eu pas mal de phases. Moi, je suis arrivé il y a 20 ans. Quand je suis arrivé, on était honnêtement quelques entrepreneurs français aux US. New York, très peu.
ilan abehassera:
[11:26] Californie, un peu plus. Mais c'était vraiment balbutiant. Donc, c'est vrai que j'ai vu un peu toutes les phases. Et puis, il y a eu, on va dire, entre 2010 et 2020, beaucoup, beaucoup d'arrivages. Pourquoi ? Parce qu'entre-temps, tu as eu des incubateurs comme Y Combinator qui ont recruté beaucoup d'entreprises françaises parce qu'on a des très bons ingénieurs en France. Et donc, du coup, tu as eu des Algolia, des Checker, des boîtes comme ça qui sont presque nées aux États-Unis. Algolia a été née en France, mais ensuite a connu son succès aux États-Unis. Checker, par exemple, c'était deux Français qui étaient déjà basés à Palo Alto. Mais en fait, tu as eu une génération d'entrepreneurs français qui ont donné envie à beaucoup d'autres de venir. Et la majorité, elle est en Californie et 10-15% qui arrivaient à New York et encore un autre 5-10% qui allaient ailleurs aux États-Unis. On va dire que c'était les deux pôles principaux. Il y a eu beaucoup, beaucoup d'arrivages parce qu'ils commençaient à avoir un playbook, tu vois, de « t'es un entrepreneur français, comment tu t'installes aux États-Unis ? Comment tu recrutes tes premiers employés ? Quels sont les VCs qui aiment bien les Français ? » qu'il faut aller voir pour pitcher et puis tu commençais à avoir un peu tout cet écosystème qui s'est mis en place naturellement et qui fait que ça a attiré beaucoup de monde depuis Covid depuis Covid, Franchement, beaucoup moins d'arrivage. Forcément, au moment du Covid, déjà.
ilan abehassera:
[12:56] Ça valait moins le coup pour un entrepreneur français de venir s'installer ici, de dépenser beaucoup d'argent pour finalement rencontrer personne. Donc, il y a eu deux ans vraiment très calmes. Et puis, depuis post-Covid, on va dire 2022, c'est plus ce que c'était. La tech, l'investissement, il y a quand même moins d'activités, les valorisations se sont un peu cassées la gueule. Et puis maintenant, tu as l'avènement de l'EI qui est arrivé il y a, on va dire, depuis deux ans, où là, tu as une nouvelle vague. Et donc, tu revois à nouveau des entrepreneurs français qui reviennent aux États-Unis, un petit peu à New York et pas mal dans la Silicon Valley, beaucoup chez YC. Chaque cohorte, tu as pas mal d'entreprises françaises. Donc là, j'ai l'impression que ça repart un peu, les phases un peu que j'ai vues.
Monde Numérique :
[13:42] Il faut le rappeler, il y a quelques beaux noms historiques qui font maintenant partie du paysage. Aux Etats-Unis, à New York ou en Californie, qui sont, qui ont été créés par des Français.
ilan abehassera:
[13:54] T'en as beaucoup maintenant. T'as des très très belles boîtes.
Monde Numérique :
[13:58] On oublie même qu'elles sont françaises parfois.
ilan abehassera:
[14:00] Oui, d'ailleurs c'est dur de savoir celles qui sont restées françaises de celles qui sont américaines ou celles qui sont nées aux Etats-Unis, mais qui sont montées par des Français. Mais t'en as vraiment pas mal. Des Billions Dollars Companies montées par des Français. T'en as maintenant quand même quelques-uns.
Monde Numérique :
[14:15] Oui, il y a quoi ? Je ne sais pas si on devait en citer. Tu penses à quoi ? Il y a Datadog ?
ilan abehassera:
[14:20] Datadog, c'est le premier qui me vient en tête. Tu as Snowflake, qui est monté par des Français, mais qui est une boîte, pour le coup, assez américaine. Aujourd'hui, tu as ContentSquare, qui fait vraiment partie de ces boîtes-là.
Monde Numérique :
[14:32] Voilà, que tu as rejoint récemment, et on va en parler.
ilan abehassera:
[14:35] Exactement. Mais qui a 40% de son chiffre d'affaires aux États-Unis. Dans la Silicon Valley, tu en as encore pas mal d'autres. t'as Algolia, t'as Checker que je citais tout à l'heure, qui pèse déjà plusieurs milliards en valorisation. Il y en a plein, en fait. Il y en a plein. Donc, ça, ça a aussi... En fait, les Français qui ont réussi à construire un vrai business aux États-Unis et qui ne sont pas juste une filiale de la boîte française parce qu'il faut
ilan abehassera:
[15:05] avoir une filiale aux États-Unis, là, maintenant, tu commences à en avoir beaucoup.
Monde Numérique :
[15:09] Et qu'est-ce que tu dirais aux jeunes entrepreneurs, ou aux aspirants entrepreneurs aujourd'hui, sachant qu'en France, il y a eu quand même aussi un mouvement très fort de création d'entreprises, notamment dans la tech, la French tech, etc. Et de la même manière, depuis le Covid et post-Covid, les temps sont beaucoup plus durs. Il y a eu des faillites très récentes, etc. Enfin, en tout cas, des baisses d'activité fortes. Qu'est-ce que tu dirais ? Tu leur dirais, restez en France ou en Europe et allez-y à fond, ou bien non, ça vaut le coup encore de venir tenter aux États-Unis parce que ça va plus vite, parce que ça se passe mieux, etc. ?
ilan abehassera:
[15:48] Non, 100%. Moi, à chaque fois qu'on me demande, je pousse tout le monde à venir aux États-Unis pour une raison assez simple, c'est qu'en fait, quitte à passer beaucoup de temps et d'énergie et de ressources et d'argent à faire réussir ta boîte, dans la tech, je parle de la tech, autant le faire là où le marché est le plus gros, le marché est le plus prêt à des nouveaux produits, des nouveaux usages, où les budgets sont là, où les Américains n'ont pas peur du risque de tester des produits. nouvelles choses, etc. Et aussi, là où il y a le plus de liquidités, là où il y a le plus d'exits, là où il y a le plus d'investissements, d'argent, de talent. Il y a beaucoup de talent en France aussi, engineering. Et souvent, d'ailleurs, le bon schéma, c'est d'avoir Tatek en France et le GoToMarket est l'un des fondateurs aux Etats-Unis. Ça, c'est ce qui marche le mieux. Ça marche encore aujourd'hui et ça marchait il y a 20 ans. C'est comme ça que j'ai démarré aussi. J'avais des ingénieurs en France. En fait, ça, c'est un excellent modèle.
Monde Numérique :
[16:47] En fait, Il faut un pied de chaque côté de l'Atlantique, en fait.
ilan abehassera:
[16:49] Moi, je trouve que ça, c'est le bon modèle. Mais après, tu peux avoir tout le monde aux États-Unis. Ça se justifie très bien aussi. Évidemment, ça a un coût. C'est plus cher de faire tourner une boîte aux États-Unis, de vivre ici pour les fondateurs, pour une petite équipe, de payer les salaires. C'est plus cher. Mais je pense, quitte à investir et si tu as suffisamment de fonds pour le faire, pour moi, il n'y a pas photo entre les États-Unis aujourd'hui et le reste du monde. Ce n'est même pas que la France ou l'Europe.
Monde Numérique :
[17:18] Ce que tu disais le discriminant l'élément important c'est ce que tu appelles l'exit c'est-à-dire la possibilité véritablement de réaliser un bénéfice notamment pour les investisseurs à un certain point c'est ça ?
ilan abehassera:
[17:28] Oui après quand on est entrepreneur je pense que ça doit pas être du tout notre focus de penser à une exit moi tout à l'heure tu disais que j'avais un profil de sarrer l'entrepreneur mais en fait, je pense qu'un vrai entrepreneur à chaque fois qu'il monte une boîte c'est sa dernière moi c'est vraiment ce que je me suis dit à chaque fois que j'ai monté ma boîte c'est pas c'est quoi la boîte d'après que je vais monter ? Et donc, en fait, tu montes une boîte, tu as envie d'avoir le maximum d'impact possible. Il se trouve que quand tu lèves de l'argent avec des investisseurs, à un moment, il faut sortir de l'argent. Mais ce n'est pas forcément une exit de vente de ta boîte. Ça peut être une IPO, mais ça, c'est très dur. Et ça peut être aussi de la vente secondaire, de stock, de faire rentrer d'autres investisseurs qui rachètent les premiers, etc. Et dans tous les cas, aux États-Unis, tu as plus de liquidité, tu as plus d'options.
Monde Numérique :
[18:14] Ilan, donc maintenant, tu as rejoint, ContentSquare, qui est une entreprise qui fait de l'analytics pour les sites web, etc. C'est ça ? Et c'est quoi le prochain défi dans ce cadre-là ?
ilan abehassera:
[18:29] Écoute, je pense que ce qui est intéressant quand tu regardes ce qui est en train de se passer aujourd'hui dans la tech, on a compris que l'intelligence artificielle était en train de tout bouleverser. Quand une boîte comme ContentSquare, qui a une boîte qui a 12 ans maintenant, 1600 employés, un très, très beau chiffre d'affaires global avec une bonne partie qui vient des États-Unis, etc., donc une boîte bien installée dans le software, quand tu vois une nouvelle tendance techno aussi forte, aussi puissante que l'intelligence artificielle, et tout le monde le dit, en fait, c'est peut-être l'équivalent de l'arrivée du web en termes de révolution. Au début ça fait peur tu te dis ok mais comment ça va révolutionner mon produit comment ça va transformer mon produit, qu'est-ce que ça doit apporter à mes clients, comment éviter de faire du AI washing, donc ça veut dire en gros comment éviter de parler d'AI sans que ça ait une vraie valeur pour nos clients tu vois ça c'est un sujet qui est très complexe et je pense qu'au début personne n'avait la solution dans les grandes boîtes tech, et d'ailleurs tu vois même des Google ont démarré tard Alors, ils ont trappé leur retard, mais quand ChatGPT est arrivé, en fait, c'était tremblement de terre partout.
Monde Numérique :
[19:45] Apple est présent en retard.
ilan abehassera:
[19:46] Apple est vraiment encore en retard. Honnêtement, c'est même inquiétant parce qu'ils peuvent vraiment perdre. Moi, j'entends en ce moment pas mal de gens, ça faisait longtemps que ce n'était pas le cas, mais qui me disent, moi, je vais passer sur Android parce qu'on est trop en retard sur Siri.
Monde Numérique :
[20:05] Alors, apparemment, ils ont pris conscience du problème. Ils sont en train de réorganiser en interne pour relancer et pour essayer d'accélérer.
ilan abehassera:
[20:13] J'en suis sûr, j'en suis sûr. Mais c'est pour dire que des boîtes comme ContentSquare, nous, on s'est vraiment posé ces questions-là.
Monde Numérique :
[20:22] Vous vous êtes dit, l'IA arrive, il faut en faire quelque chose, mais de manière intelligente. Et qu'est-ce qu'on en fait, en fait ?
ilan abehassera:
[20:28] Exactement. Je pense que tout le monde s'est posé la même question. Alors, la réalité sur l'intelligence artificielle, c'est que ta stratégie autour de l'intelligence artificielle, elle est aussi puissante que ton dataset, que les datas que tu collectes. Parce qu'en fait, l'intelligence artificielle, c'est ça. C'est le volume de data que tu as qui te permet de sortir des recommandations, les bonnes réponses, etc. Il se trouve que ContentSquare, on a un volume de data qui est extraordinaire, qui est gigantesque. Parce que nous, on collecte des centaines de data points chez tous nos clients, des datas quantitatives, la conversion sur ton site, le score de frustration, le trafic, les revenus, etc., mais aussi de la data qualitative.
ilan abehassera:
[21:10] Le NPS, les surveys que tu peux mettre sur ton site, les sondages, etc. Donc, en fait, toutes ces datas-là, on s'est dit, OK, à quoi ça peut nous servir pour construire le futur ContentSquare ? Et en fait, on part avec beaucoup d'avance grâce à ça. Et donc, en fait, on a très vite commencé à travailler sur utiliser notre data pour produire des recommandations, des insights, et un jour, même la suite, c'est-à-dire que nos recommandations, on les implémente nous-mêmes, comment des agents peuvent comprendre ce qui se passe sur ton site, pourquoi tu as perdu de la conversion, pourquoi tu convertis moins bien que la semaine dernière, peut-être que c'est à cause de ton contenu, peut-être que l'image est trop grande, peut-être que le prix est mal placé, peut-être que tout ça, l'analyser, produire des recommandations et même réagir sur ton CMS automatiquement. Donc ça, c'est les choses qu'on a commencé à développer avec pas mal d'autres voies qui, je pense, vont nous permettre de rester market leader sur des analytics pendant encore longtemps.
Monde Numérique :
[22:16] C'est ça l'enjeu, c'est qu'il n'y ait pas une petite startup qui arrive, qui soit béton sur l'intelligence artificielle et qui vienne vous disrupter, comme on dit.
ilan abehassera:
[22:25] Tu as raison, et en fait, quand tu es une grande boîte, alors nous, on est relativement grands, mais en fait, tu ne fais pas trop attention aux petits. Tu regardes plutôt les gros qui te prennent tes deals. Et moi, c'est ce que j'ai essayé de faire quand je suis arrivé, c'est de me dire, non, mais en fait, les plus dangereux, c'est peut-être les plus petits, parce que c'est eux qui ont peut-être la solution de demain que nos clients vont rechercher. Alors, il y a deux choses. Il y a deux avantages qu'on a par rapport aux petits. C'est que, un, ils n'ont pas la data qu'on a et ils vont mettre beaucoup de temps à l'avoir. Et deux, les grandes boîtes, nos clients, donc ce qu'on appelle les enterprise, clients, eux, ils ne vont pas travailler avec des petites startups. Donc, ça va prendre quand même du temps. Mais par contre, je pense qu'on a pas mal de choses à apprendre de ce qui se passe sur l'innovation early stage, c'est clair. Et on y fait attention.
Monde Numérique :
[23:13] Merci beaucoup, Ilan Abehassera, entrepreneur français aux Etats-Unis et donc aujourd'hui chez ContentSquare. Et donc, bonne chance dans ta prise à bras-le-corps de cette question de l'intelligence artificielle.
ilan abehassera:
[23:30] Merci beaucoup, Jérôme, pour l'enquête.
Monde Numérique :
[23:31] Merci, Ilan, de m'avoir consacré du temps dans un emploi du temps que je sais très, très serré.
ilan abehassera:
[23:37] Effectivement.
Monde Numérique :
[23:37] Bonne continuation Ciao Merci Ciao.