Carlos Diaz, entrepreneur français installé à San Francisco et animateur du podcast Silicon Carne, parle de l'ambiance dans la Silicon Valley à l'approche des élections américaines.
Interview
Carlos Diaz, entrepreneur et podcasteur (Silicon Carne)
La Silicon Valley est-elle toujours le cœur du réacteur de la tech ?
Oui, la Silicon Valley reste le cœur du réacteur de la tech. Depuis 15 ans, on me dit que la Silicon Valley a perdu de sa superbe, mais elle continue d'être à la pointe de l'innovation. La révolution actuelle de l'intelligence artificielle en est un parfait exemple. Les entreprises et les investisseurs de la Silicon Valley sont les principaux acteurs de cette transformation. Même si des écosystèmes tech émergent ailleurs, comme à New York ou à Tel Aviv, la Silicon Valley reste incontournable en termes de capitaux et de pensée innovante.
Comment expliquer le ralliement de la Silicon Valley à Donald Trump ?
Le ralliement de certains investisseurs de la Silicon Valley à Donald Trump est pragmatique. Bien que la majorité reste démocrate, les investisseurs sont déçus par la présidence de Joe Biden, jugée anti-tech. Trump est perçu comme ayant une politique économique plus favorable, notamment en termes de moins de régulations et plus d'acquisitions, ce qui pourrait augmenter les profits. Il y a aussi une montée du courant libertarien dans la Silicon Valley, incarnée par des figures comme Peter Thiel et David Sachs, qui soutiennent Trump.
Quel regard portez-vous sur l'innovation en France ?
La France manque de culture économique et capitalistique, comparée à la Silicon Valley. En France, il y a une névrose autour de la richesse et du capital. On privilégie plus le travail que le capital. Les entreprises françaises devraient offrir plus de stock options pour permettre aux salariés de devenir actionnaires. Cela aiderait à créer une culture où l'on peut s'enrichir non seulement par le salaire, mais aussi par la prise de capital. Malgré tout, la French Tech a évolué positivement, surtout sous l'ère Macron, avec un esprit entrepreneurial plus dynamique qu'avant.
Carlos Diaz :
[0:01] La Silicon Valley reste démocrate et progressiste, sauf qu'elle ne le dit plus. Et elle ne le dit plus, pourquoi ? Parce qu'on a vu un spectacle de Biden qui était absolument déplorable. C'est-à-dire que la Silicon Valley, qui incarne l'énergie, la vivacité, la modernité, le candidat démocrate qu'on proposait était l'inverse, finalement, de cela. Et en plus, a pris des positions ultra anti-tech.
Monde Numérique :
[0:31] Bonjour Carlos Diaz.
Carlos Diaz :
[0:33] Salut Jérôme.
Monde Numérique :
[0:34] Alias El Gringo, c'est ça ?
Carlos Diaz :
[0:37] Oui, c'est un jeu de mots en fait. D'ailleurs, je pense que pas beaucoup de personnes ont compris l'origine du jeu de mots. Parce que El Gringo, en fait, les gens pensent que c'est parce que je suis dans la Silicon Valley, que c'était anciennement le Mexique et que j'ai un nom à consonance hispanique. Mais en fait, El Gringo, l'origine du mot gringo, ça veut dire « green go ». Les verts doivent partir, en fait. Et les verts, c'était la couleur de l'uniforme des Américains en Amérique latine. Et les gens d'Amérique latine disaient aux « green », c'est-à-dire aux militaires, de partir. Donc, ils leur disaient « green go ».
Monde Numérique :
[1:12] — Ah ouais.
Carlos Diaz :
[1:13] Il y avait un vrai message politique.
Monde Numérique :
[1:14] Derrière.
Carlos Diaz :
[1:15] — Il y avait un vrai message politique. Et en fait, j'ai l'impression de porter un peu la parole de la Silicon Valley et de l'Amérique en France. Et j'ai pris ce sobriquet parce que je me suis dit les Français vont me dire dégage quoi en fait, toi l'Américain quoi en fait, c'était ça quoi en fait. Donc c'est pour ça que j'avais choisi ce mot de gringo.
Monde Numérique :
[1:34] Alors voilà, tu l'as dit donc que tu es Français installé dans la Silicon Valley depuis très très longtemps, depuis combien de temps ? 15 ans. Et c'est vrai que tu es un petit peu l'une des voix françaises qui portent les échos de la Silicon Valley. On t'entendait à une époque sur France Info, où moi j'étais également. Et puis aujourd'hui, essentiellement en podcast et sur ta chaîne YouTube, avec un podcast qui cartonne, qui s'appelle Silicon Carnet. Donc autre jeu de mots. Que j'écoute régulièrement, je vais l'avouer. Présente-moi un petit peu Silicon Carnet.
Carlos Diaz :
[2:07] Oui, c'est ça. Il y a beaucoup de podcasts en France qui parlent de la Silicon Valley, mais qui regardent la Silicon Valley avec un prisme culturel très européen et à distance, à 10 000 kilomètres de distance, ce qui est intéressant. Puis il y a aussi beaucoup de podcasts qui parlent de la Silicon Valley depuis la Silicon Valley, mais ceux-là sont en anglais. Et moi, j'ai voulu faire un podcast biculturel, c'est-à-dire je suis dans la Silicon Valley, Je pense avoir un regard américain sur ce qui se passe dans la Silicon Valley, mais aussi un regard européen. Et donc, j'ai voulu réunir... C'est un talk show. C'est plus qu'un podcast, c'est plus un talk show. On est quatre à chaque fois. Il y a moi.
Carlos Diaz :
[2:45] Généralement, cette saison, on a un invité spécial. Et puis, j'ai des pensionnaires, un petit peu comme dans les grosses têtes, qui reviennent régulièrement. Et on essaie de décortiquer l'actualité de la Silicon Valley avec à la fois des gens qui sont des Français dans la Silicon Valley, mais aussi des Français restés en Europe, et d'essayer de confronter nos points de vue, notre vision. C'est assez picante, comme on dit, c'est-à-dire qu'on n'est pas souvent d'accord, on s'engueule quelques fois. Ça marche super bien, je suis très content, on fait 40-50 000 écoutes par mois, et ça grandit. Et puis maintenant, on a une chaîne YouTube, j'ai la chance d'avoir une équipe des gens de la communauté qui sont fans de Silicon Carnet qui m'aident à créer ce contenu-là en vidéo et maintenant en YouTube et faire des montages. Tu sais, quand je fais une émission de Silicon Carnet, quand je finis une émission,
Carlos Diaz :
[3:35] je me pose deux questions. Je me dis, est-ce qu'on a appris quelque chose et est-ce qu'on s'est marré ? Est-ce que c'était drôle ? Donc j'essaye de faire de la tech quelque chose un peu d'entertainment tout en parlant de sujets sérieux avec des gens je l'espère experts et qui connaissent aussi le sujet.
Monde Numérique :
[3:50] Je peux te confirmer que le pari est réussi avec un montage, c'est vrai, avec un habillage très original, très sympa. J'invite les gens à aller écouter.
Carlos Diaz :
[3:57] C'est Baptiste Martineau, il faut que je le cite parce qu'il travaille pour moi et que ce n'est pas grâce à moi qu'il gagne sa vie. C'est Baptiste Martineau qui est un monteur génial avec qui je partage le même sens de l'humour et qui rajoute tous ces petits trucs dans le montage YouTube qui sont très réussis, qui sont très drôles.
Monde Numérique :
[4:13] Il faut dire que Silicon Carnet, c'est une émission qui est très marquée à entrepreneurs, on est d'accord. Si on n'a pas, si on ne maîtrise pas le jargon des entrepreneurs, on est un peu perdu quand même. Il faut bien se l'avouer.
Carlos Diaz :
[4:29] Ma mère, écoute...
Monde Numérique :
[4:32] Oui, mais elle doit être bien ambiancée, déjà, ta mère.
Carlos Diaz :
[4:35] Non, non, non. Écoute, ce n'est pas du tout une techie et une entrepreneur. Non, mais oui, tu as raison. On parle de la tech. On parle de la tech, mais on ne parle pas de... Moi, je parle rarement de produits. On ne fait pas de démos, de trucs comme ça.
Monde Numérique :
[4:49] Non, je veux dire, c'est vraiment le vocabulaire startup, en plus. Oui. Vous jonglez avec les séries A, les séries B, les trucs, les machins.
Carlos Diaz :
[4:55] Oui, c'est vrai.
Monde Numérique :
[4:56] Ils ne sont pas forcément les notions les mieux partagées, notamment.
Carlos Diaz :
[5:01] Mais justement, l'idée aussi, c'est d'éduquer. Je pense qu'il y a un truc dont je me rends compte énormément. Et puis là, j'ai fait un hors-série où j'ai posé mes bagages à Paris et j'ai enregistré six émissions. Je pense que la France manque cruellement d'une culture économique sur, pas simplement le monde des startups, mais de façon générale.
Carlos Diaz :
[5:23] Moi j'ai pas du tout fait des études ni de business ni d'économie et je pense que tout mon vernis, économique et comprendre comment fonctionne le monde capitaliste parce que c'est quand même celui qui nous gouverne aujourd'hui je pense qu'on n'est pas super au fait et on connait pas vraiment ces trucs là j'espère que les gens en écoutant ces Icon Carnet même s'il y a effectivement comme tu le dis un vocabulaire à s'approprier on essaye de faire en sorte, mais si tu écoutes, régulièrement tu vas t'approprier ces trucs là.
Monde Numérique :
[5:53] Oui il y.
Carlos Diaz :
[5:53] A quelques anglicismes mystérieux je le déplore certaines fois mais sinon oui l'idée c'est aussi de raconter la texte sous l'angle de la société de l'économie du business.
Monde Numérique :
[6:04] À part ça Carlos tu n'as pas toujours fait ça et on s'était d'ailleurs rencontré à San Francisco il y a très très longtemps, sous ta casquette d'entrepreneur également et puis après on va rentrer dans le vif du sujet mais pour bien savoir, voilà tu as, Tu as et tu as eu différentes activités entrepreneuriales et en termes d'investissement également.
Carlos Diaz :
[6:29] Oui, j'ai créé plusieurs startups. Je me définis d'ailleurs, je pense, plutôt comme un entrepreneur. En tout cas, c'est ça qui m'a fait vivre et c'est ça qui m'a enrichi. Ce n'est pas du tout un podcaster, ce n'est pas ça qui fait bouillir la marmite. Je te confirme. Oui, tu sais de quoi je parle. Mais par contre tu sais il y a plusieurs nutriments dans la vie, bien évidemment on a besoin d'un nutriment financier pour vivre mais on a aussi besoin d'un nutriment social, de rencontrer des gens un podcaster m'a permis de rencontrer beaucoup de monde et puis aussi un nutriment intellectuel c'est à dire ça m'oblige toutes les semaines à réfléchir, à prendre des notes à écrire et à restituer J'étais prof avant, donc je pense qu'il y a aussi cette notion de restitution. Elle me vient de cette approche un peu pédagogique. Donc, on a besoin de ces trois nutriments. J'ai été entrepreneur au départ. Je le suis toujours. D'ailleurs, j'ai encore une startup aujourd'hui dans le domaine de l'art digital. J'ai créé ma première startup à l'âge de 23 ans avec mon frère qui lui en avait 18 et qui est devenue une agence digitale qui est rentrée en bourse,
Carlos Diaz :
[7:41] qu'on a finalement revendue à une boîte du New York Stock Exchange il y a quelques années.
Monde Numérique :
[7:45] Aux Etats-Unis donc ?
Carlos Diaz :
[7:46] Aux Etats-Unis. J'ai ensuite créé le premier éditeur de logiciels en SaaS en France qui s'appelait Blue Kiwi qu'on a revendu à Atos. Et puis j'ai créé des startups qui n'ont pas marché aux Etats-Unis notamment une startup je pense qu'on s'était rencontré à cette époque là qui s'appelait Quarter qui faisait du mobile gaming à l'époque c'était la mode en 2017, et voilà ça n'a pas marché, puis après j'ai fait aussi beaucoup d'investissements avec Géraldine Le Meur Pierre Gobile, on a monté un programme d'accélération à San Francisco qui s'appelait The Refiners qui s'est arrêté avec le Covid On s'était rencontré.
Monde Numérique :
[8:20] Dans le cadre de.
Carlos Diaz :
[8:21] The Refiners absolument Absolument. Voilà. Et j'ai continué mon activité en tant que business angel. Et aujourd'hui, j'ai investi dans plus d'une centaine de startups à peu près. J'attends le retour sur investissement.
Monde Numérique :
[8:33] C'est ça qui est étonnant. C'est que dans la Silicon Valley, il faut le rappeler, une partie du business, ça consiste à parier sur les autres.
Carlos Diaz :
[8:43] Oui, peut-être aussi parce qu'à un moment, en tant qu'entrepreneur, la ménopause te guette. Peut-être que je suis un entrepreneur ménopausé et qu'il faut investir sur les autres. C'est aussi give back. Il y a certainement ça aussi. Je pense que j'ai une expérience, un réseau que je peux partager et pas forcément non plus la capacité d'engendrer moi-même. Donc c'est aussi une façon de passer le relais, c'est très typique effectivement de la Silicon Valley et quelquefois tu gagnes plus d'argent en investissant sur les autres qu'en créant tes propres startups.
Monde Numérique :
[9:16] Et quand tu dis que la France n'a pas cette culture, économique et capitalistique c'est ça aussi, c'est un discours qui est quand même totalement surréaliste et extraterrestre en France, dans beaucoup de milieux à part, je parle du milieu des startups, parisiens ou autres Mais ce n'est pas le discours le plus répandu.
Carlos Diaz :
[9:38] Je pense qu'il y a une... Oui, absolument, même si ça change. Et moi, la Sentec que j'ai quittée, la Sentec française que j'ai quittée en 2010, elle n'a rien à voir avec la Sentec aujourd'hui. Il s'est passé beaucoup, beaucoup de choses, et notamment sous l'ère Macron,
Carlos Diaz :
[9:55] avec cette Startup Nation. Je suis assez critique de cette Startup Nation aussi, mais c'est vrai que les choses ont évolué quand même, majoritairement dans le bon sens, et que les gens se sont éduqués là-dessus. Mais il reste quand même clairement une névrose pour la richesse et pour le capital, en fait. On privilégie plus le travail que le capital en France, je pense. On a plus de sympathie pour le travail que pour le capital. Ce n'est pas du tout le cas aux États-Unis. Si on prend une pyramide en France, au sommet de la pyramide, il va y avoir les employés, au milieu, il va y avoir les clients. Et tout en bas, il va y avoir les actionnaires. Aux États-Unis, la pyramide est inversée. Au sommet de la pyramide sont les actionnaires. Au milieu sont les clients. Les employés sont en bas de la pyramide. Ça, c'est évident. Donc clairement, c'est un schéma qui est très différent.
Carlos Diaz :
[10:47] Je pense qu'effectivement, aux États-Unis, il y a une vision beaucoup plus pragmatique. C'est-à-dire que moi, ce que j'ai compris dans la Silicon Valley, c'est que tu ne deviens pas riche par ton travail.
Carlos Diaz :
[10:57] Tu ne deviens pas riche grâce à ton salaire. Tu deviens riche parce que tu prends du capital, parce que tu es actionnaire, en fait. Et c'est vrai aussi, et je pense que ça, ça manque aussi dans l'éducation en France, peut-être aussi auprès des salariés. Il faut absolument prendre des stock options dans les boîtes dans lesquelles vous travaillez, quoi. Il faut devenir actionnaire des boîtes dans lesquelles vous travaillez. À minima, il faut mettre en place de l'intéressement pour les salariés sur le profit des entreprises, peut-être. Mais en tout cas, il faut donner de plus en plus d'accès au capital aux travailleurs, à tout le monde, parce que c'est comme ça qu'on devient riche. C'est pas simplement avec un salaire. Avec un salaire, plus ton salaire augmente, plus ton niveau de vie augmente. Et donc, il te reste toujours zéro à la fin, quoi.
Monde Numérique :
[11:39] Et d'ailleurs, j'en vois un de tes épisodes où vous débattiez un peu des avantages comparés, avantages-inconvénients comparés entre la France et les États-Unis, où c'était intéressant, vous remettiez bien les choses en perspective pour dire qu'évidemment, il y a des avantages, des inconvénients des deux côtés, où aux États-Unis, on peut faire fortune, véritablement, ce qui n'est pas possible en France, ou très peu, ou réserver à des familles qui ont déjà fait fortune. Enfin non, il y a des cas particuliers.
Carlos Diaz :
[12:04] C'est toujours un peu les mêmes qui font fortune. Oui, voilà, il y a un modèle un peu... Il y en a bien évidemment, il en faut, parce que sinon, ça serait la Corée du Nord, en fait. Et donc, on en laisse quelques-uns réussir. Mais c'est souvent un peu les mêmes qui réussissent. Et d'ailleurs, quand on regarde des études sociologiques, c'est toujours les mêmes catégories qui réussissent et qui ont accès à cette richesse. Et quand ils réussissent, souvent, ils se cachent. À l'inverse de la Silicon Valley. C'est pour ça qu'il y en a qui redonnent, qui réinvestissent. Mais il y a beaucoup moins de philanthropie, j'ai envie de dire, de la part des gens qui ont réussi en France qu'il peut y en avoir aux US. Mais ça, ça vient du début du XXe siècle. C'est le modèle de Carnegie, au début du capitalisme aux États-Unis, qui prônait que la société américaine laisse les gens s'enrichir et que les riches deviennent très riches, mais qu'on mette en place un système de philanthropie pour permettre ce ruissellement c'est ce qu'on a permis aux Etats-Unis c'est beaucoup moins le cas en France c'est beaucoup plus tabou je dirais je ne dis pas que les US ont entièrement réussi là-dessus mais en tout cas il y a beaucoup plus de philanthropies aux Etats-Unis qu'il y en a en France il nous faudrait beaucoup plus de Xavier Niel en fait, on en a un mais il en faudrait dix et ce.
Monde Numérique :
[13:26] Que vous rappeliez notamment dans l'épisode auquel je fais allusion c'est qu'on peut aussi tout perdre très vite et.
Carlos Diaz :
[13:31] Beaucoup sont.
Monde Numérique :
[13:32] Montés très haut et sont redescendus très bas.
Carlos Diaz :
[13:33] Même si Il.
Monde Numérique :
[13:35] Ne faut pas.
Carlos Diaz :
[13:36] Généraliser.
Monde Numérique :
[13:37] Mais bon.
Carlos Diaz :
[13:37] Non, mais c'est dingue. En fait, on parle beaucoup des homeless à San Francisco et qu'il y a beaucoup de homeless à San Francisco. Mais parmi eux, il y a des gens de la tech. Il y a des gens qui ont tout perdu, en fait. Ce n'est pas seulement... Non, non, c'est une société qui est très brutale. Je n'en fais pas l'apologie. Elle a ses côtés positifs, elle a ses côtés négatifs. La France est un merveilleux pays aussi sur plein de sujets, sur plein de dimensions. La société américaine est très, très brutale. On peut réussir et on peut tomber dans le caniveau très, très vite et en l'espace de quelques mois.
Monde Numérique :
[14:15] Carlos Diaz, est-ce que la Silicon Valley, c'est toujours le cœur du réacteur de la tech aujourd'hui ?
Carlos Diaz :
[14:23] Je le pense. C'est marrant que tu me poses cette question, parce que ça fait 15 ans qu'on me pose cette question. Ça fait 15 ans que je suis dans la Silicon Valley, ça fait 15 ans qu'on me dit « la Silicon Valley, c'est plus ça, c'est plus ce que c'était, etc. » Elle est toujours là, et quand on regarde notamment ce qui se passe aujourd'hui, cette grande révolution de l'intelligence artificielle, qui pour moi est un changement de paradigme presque anthropologique, civilisationnel, il nous vient encore de la Silicon Valley. C'est-à-dire que les acteurs qui trustent, en fait, non seulement la technologie, mais aussi la pensée qui est derrière, sont des acteurs de la Silicon Valley et des investisseurs de la Silicon Valley.
Monde Numérique :
[15:05] Mais on sait qu'il y a eu aussi un peu des migrations vers New York, la Floride, le Texas, etc.
Carlos Diaz :
[15:13] Quand on regarde les écosystèmes, le premier écosystème en tête largement en termes de start-up, sur plein de critères, c'est la Silicon Valley. Le deuxième, c'est New York et Londres, ex-aequo d'ailleurs. La France arrive en quatorzième position et Tel Aviv est en quatrième position, la vraie start-up nation. Je pense que ce qui s'est passé depuis 15 ans que j'y suis, c'est qu'effectivement, il y a eu une forme de dématérialisation de la Silicon Valley. La Silicon Valley est devenue plus un courant de pensée qui s'est expatrié au-delà des frontières de la Silicon Valley. Parce que quand on regarde l'écosystème de la French Tech, c'est une sorte de réplique finalement de la Silicon Valley, avec quelques subtilités, comme on vient de parler, et des héritages culturels différents. Mais c'est très inspiré de la Silicon Valley. Je pense que le parallèle à faire, c'est avec Hollywood. Ça fait très longtemps qu'on ne filme plus de films à Hollywood. Les films sont filmés partout dans le monde. Les réalisateurs viennent du monde entier. Mais la production du cinéma d'Hollywood reste à Hollywood. Et je pense que tant que les capitaux et les penseurs seront dans la Silicon Valley, peu importe où se créent les startups, peu importe d'où viennent les entrepreneurs, ça restera la Silicon Valley.
Monde Numérique :
[16:37] Aller. Malgré, je le disais, des départs, des tentatives de créer des pôles ici et là. Vu de France, ce qu'on a vu ces derniers mois, ces dernières années même, c'est le prisme déformant des réseaux sociaux. Mais c'est des images pas très belles de San Francisco, de la Silicon Valley, des retours qui expliquent que la vie a changé, que c'est beaucoup moins sympathique qu'avant. Et beaucoup ont fui à cause de ça.
Carlos Diaz :
[17:08] Ça a été le cas pendant le Covid. Et aujourd'hui, on voit beaucoup de retours. D'abord parce qu'il y a beaucoup d'argent à nouveau qui est déployé, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle. Et donc, assez ironiquement, on voit beaucoup de gens qui étaient partis avec
Carlos Diaz :
[17:23] beaucoup de fracas revenir dans la Silicon Valley. Je pense par exemple à quelqu'un comme Keith Rabwa, qui était un investisseur historique de chez Costla Venture, qui était parti dans le fond de Peter Thiel et qui s'était enfui à Miami en disant que la Silicon Valley était devenue une sorte de dépotoir démocrate, progressiste, woke, etc. Aujourd'hui, il est de retour.
Carlos Diaz :
[17:50] Et donc, tu n'empêcheras jamais les papillons de revenir à la lumière. Et la lumière, elle brille encore aujourd'hui dans la Silicon Valley. Donc, on voit énormément de retours. Après, la vie à San Francisco, moi, j'y suis depuis 15 ans. Et certes, il y a quelques quartiers qui sont compliqués. Mais enfin, si tu vas à Stalingrad, ce n'est pas mieux.
Carlos Diaz :
[18:14] Sauf que dans la presse et dans les médias on essaye de faire croire que c'est toute la ville qui est comme ça, non c'est pas vrai c'est quelques zones, où on a Walking Dead et quelques zombies c'est les ravages de la drogue, et c'est terrible mais rappelez-vous que San Francisco a toujours été une ville refuge ça fait partie de la culture de la ville de San Francisco que d'accueillir des gens qui dans cette société américaine qui est très brutale et très polarisante, San Francisco est un peu la dernière ville où si vraiment ta vie est en train de s'effondrer Où tu peux aller et où la ville va s'occuper Toi ça coûte énormément d'argent d'ailleurs la ville de San Francisco Ce genre de choses là quoi Et puis il y a beaucoup de problèmes de santé mentale En fait c'est ça Et on récupère aussi beaucoup de gens qui sont malades mentalement Et effectivement San Francisco s'en occupe Les autres villes non.
Monde Numérique :
[19:08] — Alors si on revient un peu à la tech, en ce moment, quelles sont les pépites qui te font vibrer en Californie ?
Carlos Diaz :
[19:16] — Moi, je suis très très impressionné par ce que fait OpenAI. C'est hallucinant, en fait. Comment est-ce que cette boîte qui existe depuis un petit bout de temps maintenant, temps, mais en lançant un produit comme ChatGPT a complètement changé le discours, le paradigme. Ces agents intelligents, cette intelligence artificielle devient une nouvelle interface. Je pense qu'on est... Certains disent que c'est du même acabit que quand le mobile et l'iPhone est sorti. Moi, je pense que c'est encore plus grand que ça. Ça change tout, en fait. C'est-à-dire que... On se rappelle que Marc-André Senn avait cette phrase très fameuse dans les années 2010 où il disait « Software is eating the world ». Le software est en train de manger le monde. Aujourd'hui, AI... Marc-André Senn, créateur de Netscape.
Monde Numérique :
[20:12] Est aujourd'hui grand investisseur dans la Silicon Valley.
Carlos Diaz :
[20:15] Et nouveau supporter de Trump.
Monde Numérique :
[20:17] Oui, on va en parler, oui.
Carlos Diaz :
[20:19] Absolument. Et aujourd'hui, AI is eating software. C'est-à-dire que vraiment, on n'a plus besoin moins de certains logiciels et qu'une intelligence artificielle, et si tant est qu'on arrive à une general intelligence, vont nous permettre de coder. Parce que les gens ne se rendent peut-être pas compte de ça, mais quand vous dialoguez avec une intelligence artificielle, cette interface homme-machine, vous êtes finalement en train de coder des choses en langage naturel. C'est ça ce que vous êtes en train de faire. Vous êtes en train d'activer du GPU, c'est-à-dire cette force, cette mémoire, cette puissance de calcul à travers du langage naturel pour faire des choses. Donc peut-être que le software is dead. C'est ça qui est dingue. Et que l'individu... Enfin, je serai parent aujourd'hui, je me poserai la question de savoir si j'ai besoin... Si mes enfants font computer science aujourd'hui... On se rappelle qu'il y a quelques années il disait il faut que vraiment les gamins aillent faire du computer science je ne sais plus aujourd'hui je pense qu'il vaudrait mieux faire de la philosophie du droit et de l'éthique.
Monde Numérique :
[21:29] Alors, ce n'est pas l'avis de tout le monde. Quand même, malgré la déferlante IA, au contraire, des voix qui s'élèvent pour dire que non, non, non, il faut continuer à apprendre à programmer les machines, parce que finalement, les vrais maîtres du monde restent pour l'instant encore un peu, au moins pour un certain temps, les humains. Ceux qui pilotent, qui sont aux manettes.
Carlos Diaz :
[21:51] Derrière ces machines, il y a toujours un humain. En fait, ça, c'est... De toute façon, c'est... Les gens se posent beaucoup de questions, notamment en France, là j'y étais, où je disais l'intelligence artificielle va nous remplacer, mon boulot est foutu, etc. J'essaye de rassurer les gens. La Silicon Valley, c'est ça qui est très intéressant, a un regard beaucoup plus pragmatique, en fait, sur les choses. Je trouve que, toi là, j'étais en France, on est en train de perdre.
Carlos Diaz :
[22:18] Ce pragmatisme. En se posant des questions morales, de qu'est-ce qui est bien et qu'est-ce qui est mal, c'est très intéressant. Le débat est intéressant, mais il risque de nous faire perdre. Parce que de l'autre côté, la Silicon Valley, elle a une vision beaucoup plus pragmatique des choses. Ce n'est pas l'intelligence artificielle qui va venir vous remplacer, vous remplacer votre boulot. C'est quelqu'un d'autre qui utilise l'intelligence artificielle qui va venir vous remplacer. C'est pas... Une machine n'a absolument aucun intérêt à vous remplacer. Là, je rentre à San Francisco le 8 août. Elon Musk nous a promis les robotaxis. Donc j'ai hâte de voir l'annonce de Tesla. Voilà une autre société qui me... Je trouve hallucinant. C'est-à-dire que cette boîte qui est colossale, cotée en bourse, qui s'est positionnée comme un fabricant de véhicules électriques et qui, aujourd'hui, pivote complètement parce qu'elle sait qu'elle a perdu la bataille du véhicule électrique face aux Chinois, notamment, et qui pivote complètement pour devenir une robot factory, quoi, en fait, pour devenir une robot company, et qui nous dit... La clé c'est pas la voiture la voiture sera peut-être notre premier robot et encore, je veux équiper le monde de robots au service des humains et on va acheter des robots comme on achète un aspirateur doté d'intelligence artificielle et Tesla est très très bien positionné pour le faire parce qu'ils ont l'énergie, ils ont les gigafactory ils ont la capacité de fabriquer.
Carlos Diaz :
[23:46] En masse en fait des produits que ce soit soit des voitures ou des robots, ils ont l'intelligence artificielle, etc. Et ils ont surtout un Musk aux commandes qui est un visionnaire. Donc voilà, pour citer deux sociétés qui, aujourd'hui, m'inspirent énormément. Ce qui m'inspire le moins pour le moment, c'est les acteurs traditionnels du software, les Oracle, les Salesforce, etc., etc., qui, je trouve, ont pris un coup de poussière absolu, en fait, depuis quelques mois.
Monde Numérique :
[24:15] Et ils sont devenus les anciens Big Blue, quoi.
Carlos Diaz :
[24:18] C'est ça, exactement.
Monde Numérique :
[24:21] Les IBM des années 80. Elon Musk, il n'est plus trop en odeur de synthé en France en ce moment.
Carlos Diaz :
[24:29] C'est dingue, oui, c'est vrai.
Monde Numérique :
[24:30] Pour X raisons, c'est le cas de le dire. Qu'est-ce que tu en penses ?
Carlos Diaz :
[24:36] Je pense que le personnage éclivant, pour moi, c'est Littlefinger dans Game of Thrones. C'est quelqu'un qui se nourrit du chaos.
Monde Numérique :
[24:49] Super intelligent, mais pas très sympa.
Carlos Diaz :
[24:52] Et qui surtout a besoin du chaos parce qu'il a compris que le chaos était une échelle, et je pense qu'il a raison parce que quand on regarde son parcours et sa fortune et ce qu'il fait donc il a besoin de créer du chaos et il le fait très très très bien avec d'énormes dommages collatéraux, mais quand on regarde rétrospectivement tous les personnages clés de la Silicon Valley était un peu des connards, en fait. Aujourd'hui, en encens, on dit Steve Jobs, c'était un mec formidable. Moi, je me rappelle à l'époque, et j'ai des copains qui bossaient chez Apple, qui me disaient que c'était un sombre salaud, en fait. Donc, génial, mais horrible personnage, en fait.
Monde Numérique :
[25:38] Humainement, oui.
Carlos Diaz :
[25:39] Voilà. Et maintenant, aujourd'hui, il est élevé au rang de demi-dieu. Bill Gates aussi. si on avait exactement la même vision de Bill Gates à l'époque, qui aujourd'hui a donné sa fortune à sa fondation et qui aujourd'hui est devenue une sorte de samaritain, etc. Un est mort, l'autre est un peu rangé des bagnoles.
Carlos Diaz :
[26:05] Elon Musk est toujours aux commandes, est toujours à la manœuvre. Et donc, je me demande s'il n'y a pas besoin... Il faut comprendre que le succès de la Silicon Valley, c'est pas simplement de la technologie, c'est un mix de technologies relayées par les médias. C'est ça la force en fait de la Silicon Valley. C'est du storytelling. C'est du storytelling. Donc je pense que Musk a choisi un angle de storytelling. Il raconte une histoire avec des rebondissements. Il a besoin de créer des rebondissements. Il a très bien compris qu'il fallait à la fois de la tech et ce storytelling et qu'il avait besoin des médias et donc il utilise ces choses-là. Je pense qu'il s'amuse, je pense que c'est un jeu dangereux, effectivement. Je pense que le mec est peut-être compliqué, mais il n'en reste pas moins que, en tout cas pour moi, c'est quelqu'un qui fait avancer le débat et qui nous permet de nous interroger. C'est pas grave si on n'est pas d'accord avec lui, mais au moins, à la limite, il se passe quelque chose.
Monde Numérique :
[27:04] Après, il faut se méfier toujours, il y a un discours un peu public, médiatique. Et puis, moi, j'étais à Vivatech quand il est venu faire son show il y a deux ans, et où il avait une salle de 5000 personnes totalement acquises, et qui étaient complètement fans, mais qui ne devaient pas être forcément des fans idiots et aveugles, qui faisaient la part des choses et qui devaient tirer le même bilan que toi, en fait, la même vision. Il y a une chose Carlos aussi qui peut-être contribue encore une fois à vue de France aujourd'hui à ce que Musk soit un peu tombé de son piédestal c'est son ralliement à Donald Trump il n'est pas le seul il est surprenant d'ailleurs.
Carlos Diaz :
[27:46] Il est surprenant parce que je.
Monde Numérique :
[27:49] Rappelle que quand.
Carlos Diaz :
[27:51] Donald Trump était président des Etats-Unis Musk.
Monde Numérique :
[27:55] Était très virulent.
Carlos Diaz :
[27:57] Très très chaud.
Monde Numérique :
[27:58] Alors qu'est-ce qu'il se passe ?
Carlos Diaz :
[28:00] Ils ne peuvent pas se voir.
Monde Numérique :
[28:01] Qu'est-ce qui se passe en ce moment dans la Silicon Valley ? Pourquoi la Silicon Valley roule pour Donald Trump ?
Carlos Diaz :
[28:08] C'est vrai qu'on a vu récemment beaucoup d'investisseurs injecter énormément d'argent dans MAGA, Make America Great Again, qui est le véhicule de financement de la campagne de Trump. On a vu Marc Andresen, on a vu Ben Horowitz, Sean Maguire, David Sachs, bien évidemment, dont on parlait juste avant, et Elon Musk, qui vient d'annoncer qu'il allait donner 45 millions par mois jusqu'aux élections. Qu'est-ce qui se passe ? Je pense que fondamentalement, la Silicon Valley l'est toujours encore, démocrate. Il y a eu un sondage il n'y a pas longtemps dans The Information sur les lecteurs de The Information. C'est sur un panel de 2500 lecteurs.
Carlos Diaz :
[28:53] Les démocrates arrivent en tête à 59% contre 27% pour Trump. Donc la Silicon Valley reste démocrate et progressiste, sauf qu'elle ne le dit plus. Et elle ne le dit plus. Pourquoi ? Parce qu'on a vu un spectacle de Biden qui était absolument déplorable, c'est-à-dire que la Silicon Valley, qui incarne l'énergie, la vivacité, la modernité. Le candidat démocrate qu'on proposait était l'inverse, finalement, de cela. Et en plus, a pris des positions ultra anti-tech pendant sa mandature. Et puis, il y a beaucoup moins aussi de militants progressistes au sein des entreprises de la Silicon Valley qu'il n'y avait avant, parce qu'on a beaucoup licencié dans la Silicon Valley. Et que bien évidemment, tu imagines bien que les premiers qu'on a licenciés, c'était les emmerdeurs de services, en fait, qui faisaient plus de militantisme que de codes à l'intérieur de ces boîtes-là. Donc il y a moins de militantisme aussi au sein d'Icingode. Puis là, le marché est moins favorable. Donc il y a ça. Et puis il y a aussi le fait que les investisseurs ont compris que Trump aurait une politique beaucoup plus favorable pour leurs intérêts économiques.
Carlos Diaz :
[30:21] Aux États-Unis, les gens tournent le robinet à gauche ou à droite selon le débit de pognon qu'il leur est proposé. Donc là, tourner le robinet vers Trump, c'est augmenter le potentiel profit économique, c'est clair. Joe Biden a complètement bloqué les acquisitions, notamment avec la FTC et les lois anti-Trump, anti- anti-trust, anti-Trump aussi, mais anti-trust, l'absurde révélateur. Et je pense que les investisseurs ont besoin aujourd'hui de créer plus de liquidités pour leurs LPs, pour leurs investisseurs, et qu'ils pensent qu'avec Trump, les acquisitions vont repartir à tour de bras et que ça va créer plus de liquidités. C'est ça dont ils ont besoin.
Monde Numérique :
[31:10] — Oui, c'est ce que tu disais. C'est le pragmatisme. C'est le choix de l'économie et du dynamisme économique. Et c'est vrai que moi, quand je vais aux États-Unis, j'entends un discours qui n'est pas du tout anti-Trump. Et on comprend pourquoi il est vraiment bien parti. Parce que le bilan de son premier mandat, vu de France, on ne retient que le capital. Mais vu des États-Unis, on retient essentiellement sa politique économique, qui finalement, on a l'impression que dans la tech, les gens veulent revoir ça.
Carlos Diaz :
[31:41] Une forme de liberté. Je pense qu'il y a un courant aussi libertarien qui émerge dans la Silicon Valley. Qu'on entend plus. Il y a eu une époque, notamment à l'époque d'Obama, c'est-à-dire que l'âge d'or, finalement, des démocrates dans la Silicon Valley, il était au temps d'Obama, où il était impossible à cette époque-là de dire que tu étais républicain. C'était impossible. Cette parole, elle était impossible. Obama avait fait un travail absolument remarquable pour phagocyter la Silicon Valley, avec des lois favorables à la tech. La tech, et aussi la tech s'était mise au service de l'administration d'Obama. Avec Trump, on a vu la tech reprendre un discours politique, d'ailleurs anti-Trump à une certaine époque. Et puis avec Biden, la grosse déception, la douche froide. Et donc ils ont changé un petit peu de camp et on a vu émerger une parole libertarienne qui est minoritaire dans la Silicon Valley, mais qui est très vocale. C'est essentiellement la bande à Peter Thiel, aujourd'hui incarnée par David Sachs. Mais j'ai envie de vous dire un truc, c'est que tous ces gens-là que vous voyez prendre la parole, pour Trump, c'est la PayPal mafia, en grande partie, à part Reid Hoffman, qui, lui, reste un démocrate convaincu et qui, lui, continue à soutenir Biden. Biden, bon, maintenant, ce n'est plus Biden, c'est Kamala Harris, en fait. Mais je pense que d'ailleurs, l'arrivée de Kamala Harris va changer un petit peu l'équilibre.
Monde Numérique :
[33:10] La Paypal Mafia, donc les créateurs de Paypal, effectivement, Peter Thiel, etc., qui sont aux manettes des plus grandes boîtes aujourd'hui.
Monde Numérique :
[33:18] Elon Musk, également, c'est ça ?
Carlos Diaz :
[33:20] On faisait partie, bien évidemment. Mais on se rappelle qu'Elon Musk critiquait énormément Trump. D'abord, les deux personnages ne peuvent pas se voir. Et il avait quitté le conseil numérique que Trump avait mis en place avec fracas. Il avait claqué la porte, etc. Rita Stings, le cofondateur de Netflix, qui est un éminent défenseur des démocrates, avait essayé de virer Peter Thiel du conseil d'administration de Facebook parce qu'il soutenait Trump. On se rappelle aussi que Facebook avait viré Palmer Luckey, qui était le cofondateur d'Oculus. Parce qu'il avait donné de l'argent à un groupe pro-Trump.
Carlos Diaz :
[34:06] Mais cette En fait, ces démocrates, ces fervents défenseurs démocrates, aujourd'hui, face à l'image de Biden, qui nous a été livrée ces derniers mois, n'osent plus prendre la parole, en fait, pour les démocrates. C'est pour ça que je dis que ça peut changer avec Kamala Harris. La campagne est relancée. Et du coup, dans ce vide, on a une minorité très vocale, plutôt libertarienne, largement porté par un podcast qui s'appelle The All-In Podcast avec Jason Calacanis, David Sachs, Chamath et David Friberg, qui ont depuis des mois remonté l'image de Trump. Un Trump qui d'ailleurs a beaucoup changé aussi. Ce n'est plus le Trump d'avant.
Monde Numérique :
[34:50] Voilà, c'est ce que j'allais te demander. Est-ce qu'il est dédiabolisé aujourd'hui, Donald Trump ?
Carlos Diaz :
[34:55] Oui, je pense. Et encore plus depuis qu'il a échappé à la mort.
Monde Numérique :
[35:00] Oui, là, il a marqué des points.
Carlos Diaz :
[35:02] Il s'est divinisé, en fait. C'est-à-dire que vraiment, il y a beaucoup de gens aux États-Unis qui voient là la main de Dieu, en fait. Et puis, je pense aussi que quand on échappe à la mort, on n'est plus la même personne, forcément. Il l'avait déjà changé pendant la campagne. Il a un discours tout aussi provocateur, mais ce n'est plus du tout le même Trump. On sent que c'est quelqu'un qui essaye de rassembler beaucoup plus qu'avant. Et d'ailleurs, il y arrive, puisque les gens de la tech, en tout cas certains, le rejoignent. Les populations noires aussi, de plus en plus afro-américaines, se rallient aussi de plus en plus à Trump. Les populations latino, il les avait déjà parce qu'il a un discours très fervent défenseur du christianisme et des choses comme ça. Et que ces populations latino qui dénigrent d'ailleurs largement votent Trump malgré.
Monde Numérique :
[36:03] Ses positions contre.
Carlos Diaz :
[36:04] L'immigration migration clandestine etc. Donc je pense qu'il est beaucoup plus rassembleur et puis là le fait qu'il ait échappé à la mort fait que il devient un héros, cette photo absolument incroyable qu'on a vue avec ce point en l'air, le visage plein de sang avec le drapeau américain derrière, enfin bon là il coche toutes les cases C'est-à-dire qu'il est devenu une sorte de Che Guevara de la cause américaine. Donc, ça va être très, très difficile de le battre. Et puis, tu as Vance aussi qui arrive.
Monde Numérique :
[36:34] Oui, voilà. Alors, le numéro 2.
Carlos Diaz :
[36:38] Exactement.
Monde Numérique :
[36:38] Donc, ce Vance, J.D. Vance, il est vraiment connu dans la Silicon Valley ?
Carlos Diaz :
[36:44] Ah ben oui, parce que J.D.
Monde Numérique :
[36:46] Vance… Il vient de là.
Carlos Diaz :
[36:47] Il vient de la Silicon Valley. C'est un ancien investisseur. C'est un ancien VC de la Silicon Valley. Allez. Donc quand la Silicon Valley a entendu que J.D. Vance serait le colissier de Donald Trump, ils ont tous sauté de joie. Ils se sont dit « Ça y est, un ancien VC à la Maison-Blanche. On a gagné ». Et donc... Bon, après, c'est pas si simple. C'est-à-dire que je pense que là, la Silicon Valley, elle fait preuve de pragmatisme d'abord, mais aussi d'une euphorie qui est dangereuse. Et je rappelle quand même que Trump, il n'y a encore que quelques semaines,
Carlos Diaz :
[37:26] a dit qu'il allait foutre en taule Zuckerberg et certains dirigeants de la Silicon Valley. Donc quand je vois toute cette Silicon Valley qui s'engouffre derrière Trump, je me dis « Est-ce qu'ils ne sont pas en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis ? ».
Carlos Diaz :
[37:47] Et puis, Jay Devens, oui, c'est un ancien VC, mais il a été aussi très, très critique envers la tech, notamment envers les grosses boîtes de tech. C'est plutôt un fervent défenseur de la régulation et de mettre en place plus de régulation pour les grosses entreprises. Je ne suis pas certain que ça aide aux lois antitrust. On sait aussi que beaucoup de startups dans la Silicon Valley, notamment en Dégroisse, ont un paquet de procès aux fesses. Donc, est-ce que là, tout l'argent qu'ils sont en train de mettre, c'est une façon d'essayer de mitiguer, je ne sais pas comment dire en français, mais de jouer sur ces procès qui sont intentés par le département de la justice américaine contre des Apple, des Alphabet, des choses comme ça. C'est possible aussi.
Monde Numérique :
[38:33] Qu'est-ce qu'ils veulent aujourd'hui, les gens de la Silicon Valley ? C'est moins de réglementation, moins de procès, comme tu dis, plus d'immigration. À un moment, c'était un discours très fort. On disait mais il faut... La Californie, la Silicon Valley a besoin d'immigrés du monde entier pour fonctionner.
Carlos Diaz :
[38:52] Absolument. Et ça, c'est pas gagné parce que, bien évidemment, Trump et Jay Devens, pareil aussi, sont pas les fervents défenseurs de l'immigration, y compris de l'immigration qualifiée.
Monde Numérique :
[39:05] Oui, choisie, entre guillemets.
Carlos Diaz :
[39:07] Voilà, c'est ça, dont dépendent notamment les entreprises technologiques, effectivement, parce qu'il n'y a plus de talent dans la Silicon Valley. Open AI, aujourd'hui, est en train de faire des offres pour des ingénieurs en IA qui ont 4-5 ans d'expérience avec un salaire de base de 800 000 dollars et un package avec du stock option de 2 millions de dollars. Donc, 800 000 dollars par an. donc ça veut bien dire que si on est obligé d'augmenter les prix et les salaires de cette façon c'est qu'il n'y en a plus quoi, il n'y en a plus de disponibles donc la Silicon Valley a, terriblement besoin qu'on ouvre les frontières et qu'on fasse venir des talons, de l'étranger pour travailler pour ces boîtes là.
Monde Numérique :
[39:43] C'est pour ça que Sam Altman a dit qu'il allait piquer tous les ingénieurs en IA français d'ailleurs.
Carlos Diaz :
[39:46] Bien sûr, et il va le faire, Parce que je vois bien qu'on soit patriote et qu'on aime la France, mais comment est-ce qu'on résiste à des offres qui, non seulement en termes d'argent, sont très intéressantes, mais aussi en termes d'employabilité future, de bosser chez OpenAI, et c'est génial.
Monde Numérique :
[40:05] Nous, en France, on est ministral. — Ça va pas être bon pour le niveau de vie en Californie. Les loyers vont jumper encore.
Carlos Diaz :
[40:12] Mais bon, ça ne change pas, ça, en fait. Donc, qu'est-ce que veut la Silicon Valley ? Effectivement, elle veut plus de liberté. Je pense que la Silicon Valley réussit parce qu'elle est loin de Washington. Donc, en fait, elle veut que Washington s'éloigne d'elle et qu'on lui foute la paix. Je pense que c'est ça ce qu'ils veulent. Donc, moins de réglementation, ce n'est pas gagné. Plus d'immigration, c'est clair. Je pense qu'ils veulent aussi, notamment Marc-André Sen et Ben Horowitz, qui sont les investisseurs d'André Sen Horowitz, ce fonds, qui a beaucoup investi dans la crypto et qui aujourd'hui est complètement bloqué, ce secteur, parce que l'administration Biden s'est montrée très agressive contre la blockchain et les crypto-monnaies.
Monde Numérique :
[41:03] Trump, c'est le candidat des cryptos.
Carlos Diaz :
[41:06] Trump, c'est le candidat des cryptos. Et Jay Devens aussi, son colistier, est plutôt en faveur des cryptos. Donc ça, je pense que derrière ça, il y a beaucoup d'investissements, il y a beaucoup d'argent sur la table dans le monde des cryptos et que c'est peut-être aussi là un intérêt. Donc voilà, je pense qu'il y a ça. C'est ça ce qu'ils recherchent. Et puis, plus d'entrées en bourse, on a besoin que les startups rentrent en bourse, qu'il y ait plus d'acquisitions qui soient faites pour créer plus de liquidités, pour que de l'argent revienne dans la machine, parce qu'aujourd'hui il y a peu d'argent qui est revenu dans la machine pendant l'administration Biden.
Monde Numérique :
[41:45] Merci Carlos Diaz. On aurait pu passer encore une heure ensemble, mais on va s'arrêter là. Merci pour ce coup d'œil sur cette carte postale de la Silicon Valley.
Carlos Diaz :
[41:55] Écoute, merci. Je t'écoute moi aussi régulièrement et religieusement. Tu fais partie de mes podcasts que j'écoute. On a un ton différents mais on parle de la même chose et c'est super intéressant de t'écouter donc merci et merci de m'avoir invité ça.
Monde Numérique :
[42:08] Me fait plaisir. Merci beaucoup et je renvoie tous les auditeurs vers Silicon Carnet donc J'espère qu'on te verra.
Carlos Diaz :
[42:14] Dans Silicon Carnet ça serait marrant que tu viennes.
Monde Numérique :
[42:15] Ah bah écoute avec plaisir Ah ouais c'est cool.
Carlos Diaz :
[42:17] Écoute je t'invite alors à la rentrée Ça marche, j'accepte dès maintenant, ciao ciao Ciao ciao.