[PARTENARIAT] On revient sur la "flamme électrique" qui a illuminé le ciel de Paris durant les Jeux Olympiques et Paralympiques avec Axel Morales, chef de projet innovation chez EDF.Interview : Axel Moralès, chef de projet innovation chez EDF Pulse Design.
Comment est né ce projet de “flamme électrique” pour les JOP de Paris 2024 ?
L'idée est née chez EDF bien avant les JO de Paris, dès les Jeux de Londres en 2012. En 2021, l’équipe Pulse Design d’EDF a repris cette réflexion. Après plusieurs expérimentations, nous avons trouvé la solution : une brume d’eau ultra fine éclairée par des LED puissantes pour simuler une flamme. Le défi était de rendre cet effet visuellement aussi convaincant qu'une vraie flamme. C’était plutôt réussi puisque, lors d’un test, les pompiers ont été appelés par des gens qui pensait qu’ils s‘agissait d’un vrai feu.
Quels défis techniques avez-vous rencontrés ?
Le projet avait plusieurs difficultés. D'abord, la miniaturisation pour les prototypes, puis l'adaptation à une plus grande échelle pour la vasque olympique. La flamme devait fonctionner de manière fiable pendant toute la durée des JO, sans interruption. La météo représentait un autre défi, surtout pour le ballon qui supportait la flamme. Les équipes ont travaillé sur des solutions innovantes comme l'ombilical, une gaine qui fournissait l'eau et l'électricité tout en s’adaptant aux mouvements du ballon.
En quoi cette flamme est-elle respectueuse de l'environnement ?
La flamme utilisait exclusivement de l'électricité 100 % renouvelable, fournie par EDF. Bien que l'installation impliquait une forte consommation lumineuse, elle restait modeste par rapport à l'ensemble des infrastructures des Jeux. Ce projet a symbolisaé la capacité à réinventer des usages avec des énergies décarbonées, reflétant l’engagement des Jeux de Paris 2024 pour l'écologie
Monde Numérique :
[0:03] La technologie ne sauvera pas le monde, mais on ne sauvera pas le monde sans la technologie. Chaque mois, Objectif 2050 explore les innovations au service de l'environnement et du monde de demain. Une série spéciale de mondes numériques en partenariat avec EDF, acteur majeur de la transition énergétique. Dans cet épisode, on revient sur l'événement de l'été, les Jeux Olympiques et notamment la flamme qui a illuminé le ciel de Paris une bonne partie de l'été. Une prouesse technique qui paraissait tout d'abord impossible à réaliser.
Axel Moralès :
[0:35] Je pense que la plus grosse surprise pour nous, ça a été de voir en fait ce qu'on pensait être des obstacles tomber l'un les uns après les autres. Et puis cette date du 26 juillet se rapprocher, puis les choses se faire.
Monde Numérique :
[0:52] Allumée pour la première fois le 26 juillet 2024 pour l'ouverture des Jeux, définitivement éteinte le 14 septembre pour la fin des Jeux paralympiques, la Vasque aura illuminé les JO de Paris 2024, suspendue à son ballon qui montait dans le ciel chaque soir lorsque la météo le permettait. Une vraie fausse flamme en réalité, qui était une combinaison insolite d'eau et d'électricité. Une réalisation d'EDF, Axel Morales, chef de projet au sein d'EDF Pulse Design, Stein, concepteur de la flamme, nous rappelle tout d'abord comment elle fonctionnait.
Axel Moralès :
[1:26] Oui, donc cette flamme, cette nouvelle flamme qu'on appelle nous la flamme électrique, est issue d'une recherche assez longue, mais on pourra détailler, qui s'est arrêtée en fait sur un principe qui utilise une brumisation d'eau, donc l'émission d'un nuage de gouttelettes d'eau particulièrement fines, qui vient nous donner un support en fait pour accrocher de la lumière, qui est faite par des éclairages LED haute puissance, qui viennent mettre en lumière cette brume, et qui est complété par plusieurs ventilations qui vont venir animer cette brume, lui donner son mouvement, la faire se lever plus haute et finalement l'ensemble de ce mouvement de la brume, de sa mise en lumière et en couleur et même du panache résiduel arrive à la création de cet effet de flamme convaincant et qui était une des contraintes lors des recherches des équipes qui a été posée par le CIO, c'était vraiment d'obtenir une flamme dont on puisse vraiment penser, en tout cas pendant les premiers moments et avant les explications, qu'il soit une vraie flamme aussi vivante, aussi naturelle que celle qu'on connaît traditionnellement.
Monde Numérique :
[2:35] Alors, on le sait aussi maintenant, c'était un vrai défi technologique de mettre au point cette vraie fausse flamme.
Axel Moralès :
[2:43] Oui, c'est une histoire qui vient de loin, avec déjà des premières intentions à l'époque chez EDF, lorsque EDF Énergie, la filiale UK, était partenaire de l'onde 2012.
Axel Moralès :
[2:54] Il y a eu des prémices de réflexion à ce moment-là et qui ont été réactivées en 2021. Au sein de notre équipe Pulse Design, avec un groupe de trois designers et trois ingénieurs, plus aidés d'autres chercheurs, qui ont travaillé d'abord à réfléchir quelles solutions techniques mettre en place puisque la question de la brume et de la lumière ne s'est pas directement imposée, Et à partir du moment où ils ont trouvé ça, il y a vraiment eu aussi derrière, j'ai toujours dit que c'est beaucoup un travail d'expérimentation, de réglage, d'affinement, parce que ce n'est pas simplement avoir le principe, mais après c'est vraiment être capable d'aller loin dans la finesse de sa mise en œuvre pour obtenir l'effet le plus convaincant possible.
Monde Numérique :
[3:39] Et c'est une installation extrêmement sophistiquée, c'est ça qui est assez étonnant.
Axel Moralès :
[3:44] C'est ça, donc ce que je disais, une recherche qui a eu lieu en 2021-2022 au laboratoire, qui était d'abord sur des prototypes d'assez petite échelle, puisqu'on ne savait pas si cette flamme, si le cojo avait entre-ouvert une porte, mais est-ce qu'elle rejoindrait une torche, est-ce qu'elle rejoindrait un chaudron du relais, est-ce qu'elle rejoindrait la vase, qu'à l'époque les choses étaient ouvertes. Nous, on travaille plus à l'échelle de l'objet ou du gros objet, traditionnellement par nos formations de designers. et au moment où cette porte s'est ouverte de manière plus concrète sur la vasque, là s'est posé un nouveau défi. Le défi qu'on avait eu avant était un peu celui de la sophistication et de la miniaturisation et s'est posé ensuite le défi de l'échelle et de la, fiabilité d'un tel dispositif pour une flamme qui doit fonctionner durant quinze jours d'affilée pour les Jeux Olympiques puis douze jours d'affilée durant les Paralympiques sans jamais à être éteint, quoi qu'on fasse dessus, quelles que soient les maintenances ou les opérations.
Monde Numérique :
[4:43] Et alors, racontez-nous, donc, c'est des milliers de LED qui sont reliés au sol, forcément, par des connexions électriques, sans oublier même les arrivées d'eau, j'imagine ?
Axel Moralès :
[4:56] C'est ça. Alors, on a, dans la partie qui vole, donc dans l'anoflame, on a 40 projecteurs qui émettent au total environ 4 millions de lumens. Donc, l'ampoule Pour le traditionnel domestique, on a 800 à 1200 lumens pour avoir des échelles. Donc on a vraiment une puissance lumière très forte installée. Auquel s'ajoutent une trentaine de ventilateurs et 200 bus de brumisation. Donc ça c'est la partie qu'on a en vol, et effectivement qui réside sur un apport continu d'eau sous pression et d'électricité, qui a fait l'objet d'un développement assez long sur comment réussir à faire quelque chose qui puisse s'élever avec le ballon, redescendre, le suivre, assumer tous ses mouvements, et au final on a ce qu'on appelle un ombilical, qui est donc une gaine qui intègre les flexibles hydrauliques et les câbles électriques et qui vient s'enrouler autour du câble mécanique du ballon et se déployer naturellement avec lui, avec en plus cette demande qu'avait faite Paris 2024 que notamment lors des cérémonies au moment de l'envol on n'ait pas de technicien visible sur la plateforme qu'on puisse avoir voilà le le spectacle le plus poétique et naturel et fluide possible. Donc voilà, c'est un court travail de mise au point des équipes qui ont travaillé sur cet ombilical.
Monde Numérique :
[6:14] J'ai vu des images d'installations souterraines. C'est quoi ?
Axel Moralès :
[6:18] Alors, comme je disais, j'ai descrit ce qu'il y avait dans l'anneau. Évidemment, tout n'est pas dans l'anneau. Et en fait, une grosse partie de la machinerie, notamment hydraulique, mais aussi toutes les installations et les armoires électriques, se trouvent donc au sol. Là ce qui a été dessiné et conçu par le designer Mathieu Lehanner et les équipes de Paris 2024, c'est cette installation dans le bassin où en fait au centre on a ce promontoire qui cache un local technique de 2 mètres de haut dans lequel on vient trouver donc j'ai dit des armoires électriques mais aussi tout ce qu'il faut pour purifier l'eau et ainsi que les pompes pour la mettre sous pression donc on a vraiment des composants importants et auquel s'ajoutent aussi les composants notamment, du ballonnier aérophile qui permet de faire s'élever et descendre ce ballon chaque soir. Qui permettait, puisque c'est fini.
Monde Numérique :
[7:09] Oui, qui permettait, puisqu'à l'heure où on se parle, effectivement, c'est terminé. Elle a fait son dernier envol. On ne sait pas encore trop ce qu'elle va devenir aujourd'hui, cette installation.
Axel Moralès :
[7:19] Non, effectivement, de toute façon, aujourd'hui, ce que j'en sais, c'est que des scénarios sont sur la table, mais en fait, aujourd'hui, personne ne peut dire quel sera son avenir ou si elle en aura un. Donc, pour le moment, La seule chose qui est sûre, c'est le souvenir qu'on a de cette vase qui est de ce moment. Il ne faut pas sous-estimer que ça a été un très beau travail de conception réalisé, mais ça a aussi été un beau travail d'exploitation de la part des équipes depuis le 26 juillet dernier. C'est un objet qui nécessite une présence et un appui humain important pour assurer le spectacle.
Monde Numérique :
[7:55] Je reviens un instant sur le fonctionnement. On sait que la volonté, c'était de faire une flamme écologique, on va dire.
Monde Numérique :
[8:02] Mais en quoi est-ce que cette installation électrique, même si c'est des LED, on imagine qu'il y avait quand même une consommation électrique non négligeable, en quoi est-ce que c'est particulièrement respectueux de l'environnement ?
Axel Moralès :
[8:13] Donc déjà, la première chose que EDF a fait ou fait dans ce partenariat avec Paris 2024, c'est la fourniture d'une électricité 100% renouvelable, garantie d'origine par EDF, pour l'ensemble des installations de Paris 2024 et cette vasque s'inclut en fait dans ces sites Paris 2024 qui ont donc une énergie 100% renouvelable. Effectivement on a une puissance installée qui est relativement importante mais bon qui reste à la mesure d'un événement comme celui-ci et puis notamment aussi des stades et des choses qu'on voyait autour donc on reste sur un objet qui, qui déploie quand même des moyens qu'on a essayé de garder les plus sobres et limités possibles, sachant qu'on ne disposait pas forcément d'ACV, d'ailleurs sur les vasques de jeux précédents, puisque à chaque fois la vasque varie de taille, de format à chaque Olympiade. Nous, dans ce cadre-là, c'était vraiment d'abord montrer la capacité de réinventer tous les usages par l'électricité, de manière décarbonée, et même jusqu'à la flamme, ce qui paraissait pourtant un vrai challenge, mais c'est vraiment un symbole, et c'était aussi un symbole de ces premiers jeux électriques, puisque du coup, ce sont les premiers jeux où tous les sites comme ça sont sous une alimentation électrique, sachant que l'événementiel repose souvent aussi sur des générateurs ou des technologies plus émettrices de carbone.
Monde Numérique :
[9:34] Vous étiez énormément tributaire de la météo, des conditions météo. D'ailleurs, le dernier renvol n'a pas pu avoir lieu à cause de la météo. Comment ça se fait ? C'est quoi ? C'est la partie ballon ou c'est aussi la partie électrique qui était vulnérable ?
Axel Moralès :
[9:46] Alors effectivement ça a été le suspense tout le long sachant qu'on a vécu une année même dans cette année 2024 une météo qui était toujours sur un tipping point d'un côté ou de l'autre donc on ne savait vraiment jamais trop à l'avance. Les conditions en fait nous elles sont celles du ballon voilà le ballon d'autant plus qu'il vole au-dessus de Paris et des tuileries il a, Il a une capacité de voler jusqu'à une certaine vitesse de vent, homologué pour une certaine vitesse de vent, sinon au-delà de ça il n'aura pas l'autorisation de décoller. Donc la flamme est un objet globalement robuste et qui s'accommode très bien du vent et de la pluie pour la partie anoflame et pour la flamme qu'on a prenue. Mais pour ce ballon, il faut respecter les conditions météo d'emploi. On a été malheureux ce dernier dimanche soir, mais sur la Paralympique, je crois qu'il n'y a eu qu'un seul autre soir où ils n'ont pas réussi du tout à lever.
Axel Moralès :
[10:41] Donc, il y a quand même eu des équipes qui ont fait le maximum pour que chaque soir, les gens puissent voir la Vasque dans le ciel.
Monde Numérique :
[10:48] Une petite anecdote, une petite chose qui vous a marqué durant cette période, un imprévu ?
Axel Moralès :
[10:54] Je pense que la plus grosse surprise pour nous, ça a été de voir ce qu'on pensait être des obstacles tomber l'un après les autres. Et puis cette date du 26 juillet se rapprocher, puis les choses se faire. Lors des derniers tests, on a été très heureux parce qu'à un moment, des pompiers ont été dépêchés sur le site parce que le feu avait été aperçu de loin. Donc on s'est dit que c'était bon, on testait cet objet final et qu'a priori, l'effet était suffisamment convaincant. Et non, l'autre anecdote, c'est qu'il y a eu tout ce travail de beaucoup d'équipes pendant 18 mois. Mais il faut savoir que le 26 juillet, on n'avait jamais levé la flamme fonctionnelle sous un ballon à 60 mètres, ce qui était le but du projet, puisqu'on avait pu répéter les différentes parties, mais il avait été impossible d'imaginer une répétition générale du dispositif qui ne soit pas vue ou aperçue. Et on ne voulait vraiment pas gâcher la surprise puisqu'il a, tout le monde a essayé de maintenir ce secret pendant tout le temps de ce développement.
Monde Numérique :
[11:59] Axel Morales, encore une question. Donc, cette équipe à laquelle vous appartenez, EDF Pulse Design, qu'est-ce que c'est exactement ? On ne s'attend pas forcément à trouver une équipe de designers chez EDF. Qu'est-ce que vous faites ? D'autres ?
Axel Moralès :
[12:13] Oui, donc en fait, les premiers designers sont arrivés à la R&D d'EDF il y a une vingtaine d'années. Le laboratoire de design a été créé, Et lui, en 2013, et puis il y a trois ans, on a rejoint la direction innovation à sa création. On a plusieurs casquettes, deux principales. Une, c'est d'appuyer les métiers et les filiales et aussi des fois les start-up partenaires sur des projets innovants.
Axel Moralès :
[12:38] Par exemple, actuellement, sur du déploiement de solaire sur des canaux hydrauliques EDF pour renforcer l'utilisation et la production d'énergie possible sur le foncier EDF. Nous, la réflexion qu'on va apporter dans des sujets comme ça, qui peuvent être digital, infrastructure, produits et services grand public ou pro, c'est très varié comme les EDF, c'est vraiment un complément de ce que font les ingénieurs. C'est-à-dire que notre focus ne va pas forcément être technique ou économique, mais il va être plutôt de penser la question des usages, Je pense que c'est la question de l'intégration sociale, de l'intégration paysagère, de la manière dont l'acceptabilité de ces nouvelles propositions, comment les gens vont aussi s'adapter à ces usages nouveaux, à ces services nouveaux qu'on propose. Et donc la discipline du design c'est vraiment un regard holistique porté sur le projet qui tient en compte vraiment de toutes les parties prenantes, ceux qui le mettent en place, ceux qui le construisent, ceux qui vont l'utiliser et essayer finalement d'accompagner la transition énergétique qui a lieu aujourd'hui et tous les impacts qu'elle trouve à la fois dans ce que propose EDF à ses clients mais même en interne aussi chez EDF sur les pratiques, les outils internes qu'utilisent différents salariés ou différents métiers d'EDF.
Monde Numérique :
[14:02] Merci beaucoup Axel Morales, chef de projet chez EDF Pulse Design. Et merci d'avoir écouté Objectif 2050, une série spéciale de Monde Numérique en partenariat avec EDF. Retrouvez tous les épisodes sur toutes les plateformes de podcast, sur la chaîne YouTube de Monde Numérique et sur le site mondenumerique.info.