[En partenariat avec EDF] La startup Marny Energy récupère les batteries des véhicules électriques pour leur donner une seconde vie.
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(Image Marny Energy)
Interview : Pierre-Antoine Preynat, dir des opérations de Marny Energy
En quoi consiste votre activité ?
Nous donnons une seconde vie aux batteries de véhicules électriques en les revalorisant dans des systèmes de stockage d'énergie stationnaires. Cette approche ne remplace pas le recyclage mais permet de prolonger de 10 à 15 ans leur durée d’utilisation avant leur fin de vie.
En quoi est-ce innovant ?
Nous avons développé notre propre carte électronique qui nous permet de communiquer directement avec les packs batterie de divers constructeurs. Nous vendons nos batteries sous forme de conteneurs modulaires de 2,5 m x 2,5 m x 3 m, offrant une capacité de stockage de 120 à 900 kWh et jusqu'à 200 kW de puissance. Tout est pensé pour être modulable : ces conteneurs peuvent être connectés en série, permettant aux entreprises d’augmenter facilement la capacité de stockage et la puissance en fonction de leurs besoins énergétiques.
A qui est-ce destiné ?
Nos batteries s’adressent aux entreprises, afin de couvrir des usages variés, comme les stations de recharge, le stockage d’énergie renouvelable, ou même comme alternative aux générateurs thermiques, ce qui permet une importante réduction d’émissions de CO2.
Guest:
[0:00] Monde numérique, On estime rallonger la durée de vie des batteries entre 10 et 15 ans, c'est plutôt prometteur.
Monde Numérique :
[0:08] La technologie ne sauvera pas le monde, mais on ne sauvera pas le monde sans la technologie. Chaque mois, Objectif 2050 explore les innovations au service de l'environnement et du monde de demain. Une série spéciale de Monde numérique en partenariat avec EDF, acteur majeur de la transition énergétique. Et on parle de batterie dans cet épisode. Le boom de la voiture électrique contribue fortement à la réduction de la pollution, que ce soit la pollution par les gaz d'échappement, la pollution sonore, et même, contrairement aux idées reçues, la pollution au CO2 sur l'ensemble du cycle de vie d'un véhicule électrique. Longtemps présenté comme le point noir malgré tout de la voiture électrique,
Monde Numérique :
[0:49] les batteries sont aujourd'hui recyclables à 90%. Mais avant de parler de recyclage, on s'est aperçu ces dernières années que ces batteries qui perdaient en efficacité pour les véhicules pouvaient encore être très utiles pour d'autres applications. La start-up lyonnaise Marnie Energy a développé une technologie innovante qui permet de donner une deuxième vie aux batteries de véhicules électriques. Entretien avec son directeur des opérations, Pierre-Antoine Prena.
Guest:
[1:14] Donc nous, on se place comme étant une seconde vie des batteries, donc qui n'est pas une alternative au recyclage, mais plutôt qui permettent de prolonger la durée de vie de ces batteries de véhicules électriques avant qu'elles soient recyclées. Parce qu'il faut savoir qu'aujourd'hui, les véhicules sont assez facilement orientés vers les cases automobiles et il y a assez peu de débouchés derrière, si ce n'est du recyclage ou du broyage pour de l'enfouissement. Donc nous, on propose de récupérer ces batteries et de les revaloriser dans des solutions de stockage d'énergie stationnaire avec une puissance industrielle.
Monde Numérique :
[1:49] Et alors ces batteries, qu'est-ce qu'elles deviennent après ? Vous les utilisez pour faire quoi ?
Guest:
[1:53] Il y a beaucoup d'usages possibles. Nous, on les a catégorisées en trois. D'abord, il va y avoir ce qu'on appelle de la batterie tampon. Typiquement, à nouveau pour développer et déployer des flottes de véhicules électriques ou notamment des stations de bandes de recharge. Souvent, il faut intervenir pour venir renforcer le réseau, ce qui peut être long, coûteux, polluant, etc. Donc nous, ce qu'on propose, c'est d'utiliser notre conteneur directement pour gérer les besoins lors des pics de recharge. Donc il se branche directement sur le réseau existant, il se charge de façon linéaire, et c'est lui qui va générer l'énergie pour les pics de recharge. Ensuite, le cas un peu classique va être du stockage et de l'optimisation de production d'énergie renouvelable. Notamment soit pour pouvoir gérer sa réinjection sur le réseau, soit pour pouvoir être complètement autonome. Je pense à une industrie qui fonctionnerait 24 heures sur 24 sur le modèle D3-8. Elle peut tout à fait produire son énergie la journée et fonctionner de façon autonome 24 heures sur 24 grâce à notre batterie Shelter. Et le dernier cas d'usage, c'est le cas du générateur. En fait, on propose des capacités et des puissances qui permettent d'être une alternative à n'importe quel groupe électrogène thermique. Donc sur une semaine d'utilisation, on a estimé que ça pouvait représenter jusqu'à une tonne de CO2 économisé.
Monde Numérique :
[3:16] Et à qui s'adressent vos solutions ?
Guest:
[3:18] Alors nos solutions sont plutôt à destination des entreprises, parce qu'on est sur des puissances, donc en termes de capacité de stockage, on commence à 120 kWh et on va jusqu'à 900 kWh, et on propose jusqu'à 200 kW de puissance. Donc c'est un petit peu gros pour du particulier, ça va être plutôt effectivement soit pour du groupement de copropriétés, donc plutôt à l'échelle d'un immeuble ou d'un lotissement, soit directement effectivement pour les professionnels.
Monde Numérique :
[3:42] Alors comment vous faites ? Vous récupérez des véhicules électriques et puis vous les démontez et vous retirez les morceaux de batterie ?
Guest:
[3:50] Dans l'idée, c'est ça effectivement. Donc il faut savoir que Marny Energy est une jeune société. On a été créé en avril 2023, mais en fait on s'appuie sur un savoir-faire qui est beaucoup plus ancien. Marc Arrheny, le fondateur du projet, avait déjà fondé une première société qui s'appelle EV Shop, qui a été fondée en 2014 et qui est spécialisée dans le rétrofit de véhicules thermiques en véhicules électriques. Donc on a une forte expérience et connaissance de ces batteries-là. Et donc en fait, c'est ces 10 ans d'ancienneté et d'expérience qui nous ont permis d'avoir un produit qui était opérationnel assez rapidement et qu'on peut commercialiser aujourd'hui.
Monde Numérique :
[4:24] Ça concerne n'importe quel type de véhicule électrique. Vous pouvez récupérer les batteries de n'importe quelle voiture ?
Guest:
[4:29] Alors nous, on a travaillé pour développer notre propre carte électronique qui nous permet de communiquer avec l'ensemble des packs batteries qui sont disponibles sur le marché aujourd'hui. Ça va plus avoir un impact au niveau de l'intégration physique des batteries dans nos solutions parce que la spécificité qu'on a nous chez Marnier Energy, c'est qu'on travaille directement avec les packs batteries. Et non pas avec les modules. Beaucoup d'acteurs qui travaillent avec la seconde vie travaillent à l'échelle du module.
Monde Numérique :
[4:54] C'est ce qu'on appelle les cellules, c'est ça ?
Guest:
[4:57] Un pack batterie, c'est une grande boîte en aluminium qui est fixée sous le châssis des voitures électriques. Et à l'intérieur de cette grande boîte en aluminium, il y a des compartiments un peu plus petits qu'on va appeler des modules. Donc, ils sont présents dans le pack batterie directement. Et à l'intérieur de ces modules-là, c'est là que sont situées les cellules qui sont ni plus ni moins que des piles alignées les unes à côté des autres. Beaucoup travaillent à l'échelle des modules. Ils ouvrent les packs batteries et sortent les modules à l'intérieur pour les réassembler dans des nouveaux contenants, pour les réintégrer dans des solutions. Nous, chez Marnier Energy, on travaille directement avec les packs batteries, ce qui nous permet de diminuer grandement les manipulations et aussi de diminuer au maximum les déchets générés par ces batteries.
Guest:
[5:42] Finalement, on réutilise la batterie, on réutilise le casing en aluminium, Il y a simplement une partie de l'électronique qu'on ne réutilise pas, notamment parce que les constructeurs automobiles ne nous donnent pas accès à leur électronique et la communication avec ces systèmes-là. Notre plus-value, ça a été de pouvoir développer notre propre carte électronique qui nous permet d'échanger directement avec le pack batterie au complet. Effectivement, on est capable de communiquer avec la plupart des packs batterie qui sont en circulation aujourd'hui sur le marché européen. Simplement, en termes d'intégration physique, on s'est concentré plutôt sur des packs batterie de chez Tesla et de chez Volkswagen, parce que c'est les plus grosses flottes en circulation aujourd'hui, donc c'est les batteries qu'on va pouvoir se procurer le plus facilement.
Guest:
[6:27] Et ça, ça va surtout avoir un impact au niveau de l'hardware de notre solution.
Monde Numérique :
[6:32] Mais pourquoi est-ce qu'on change une batterie sur une voiture ? C'est parce qu'elle ne marche plus ? Enfin, parce qu'elle est trop vieille, elle a fait trop de cycles de rechargement, c'est ça ?
Guest:
[6:39] Alors, il y a des cas qui sont effectivement des batteries qui sont usagées, et qu'il faut effectivement changer. Donc, elles peuvent être usagées pour un usage mobile dans une voiture et être encore bonnes et tout à fait valables pour un usage stationnaire qui est beaucoup moins contraint et où la contrainte de place n'est pas forcément aussi importante que dans un véhicule. Mais il y a aussi nombre de véhicules qui sont orientés vers la casse de par des accidents. Et de par l'intégration de la batterie dans le véhicule, qui est sous le châssis, il faut se dire que s'il n'y a pas eu de dommages corporels lors de l'accident, il y a de fortes probabilités que la batterie soit encore en très bon état. Enfin, on a un exemple qui est assez parlant. Très récemment, on a intégré une batterie dont le véhicule avait seulement 38 km au compteur. Donc, le véhicule était à la casse. La batterie était vouée à être broyée, soit recyclée, soit enfouie. Et il n'y avait aucun avenir pour cette batterie-là. Et donc, nous, on l'a récupérée, on l'a réintégrée dans nos solutions. Et a priori, sa seconde vie va être bien plus longue que la première, qui n'a duré que 38 km.
Monde Numérique :
[7:47] Oui, parce qu'en plus, elle est quasiment neuve, donc elle sera encore plus performante.
Guest:
[7:52] C'est ça, exactement. Et donc, en fait, nous, on a commencé à échanger avec les différents acteurs de la filiale et il y a un consensus selon lequel seulement 3 à 5 % des batteries de seconde vie sont réellement défectueuses.
Guest:
[8:06] Donc, c'est aussi pour ça qu'on a décidé de développer des solutions comme la nôtre, parce qu'avec le développement des flottes de véhicules électriques, il y avait besoin de trouver une débouchée, quoi faire de ces batteries effectivement une fois qu'elles étaient mises sur le côté. Et de par les objectifs aussi ambitieux de décarbonation de nos économies, forcément ça va passer par un changement, une révolution un petit peu au niveau de la production d'énergie, et notamment la part croissante des énergies renouvelables dans la production mondiale d'électricité, ça nécessite d'avoir des solutions de stockage.
Monde Numérique :
[8:41] Et vos batteries, ensuite, elles ont une durée de vie de combien d'années, par exemple ?
Guest:
[8:46] Alors nous, on peut difficilement promettre plus que le recul qu'on a aujourd'hui. Notre expérience personnelle nous dit qu'on peut relonger la vie des batteries de manière significative. On exploite notamment des batteries de Tesla depuis 2013. Et après près de 100 000 heures de fonctionnement, elles sont encore à 88% de leur capacité. Donc ça aurait été quand même dommage de les détruire. On garantit nos produits pièces et mains d'oeuvre pour 5 ans. On estime rallonger la durée de vie des batteries entre 10 et 15 ans. Mais reposez-moi la question dans 10 ans et je vous dirais probablement qu'on rallonge de 25 ans. En tout cas, c'est plutôt prometteur. Et en fait, comme l'usage est beaucoup moins contraint et qu'on est beaucoup plus apte à gérer les charges et les décharges avec des seuils fixes, en fait on va beaucoup moins abîmer ou forcer la batterie et la contraindre et donc en fait elle dure donc beaucoup plus longtemps.
Monde Numérique :
[9:42] Concrètement dans une usine, une entreprise comme vos clients, les batteries il faut qu'elles aient au minimum quelle puissance, quel pourcentage enfin je veux dire elles sont utilisables quand elles fonctionnent encore à 80, 70, 50% de leur capacité réelle ?
Guest:
[10:01] Ça, ça va être surtout la contrainte liée à la place parce qu'un pack batterie a une certaine taille et si on accepte qu'il soit à 50% de sa capacité pour la taille qu'il représente, ça peut être tout à fait contenable pour un certain nombre d'entreprises. Effectivement, quand on a du foncier, ce n'est pas forcément problématique d'aligner 3, 4, 5 conteneurs les uns à côté des autres et de pouvoir proposer des solutions de stockage à moindre coût parce que c'est effectivement des batteries qui n'intéressent plus grandement dans ces cas-là. Mais nous, la plupart des batteries qu'on intègre dans notre solution... Au moins 90, voire un peu plus en termes de capacité. C'est pour ça qu'il y a vraiment aujourd'hui beaucoup de possibilités avec ces batteries-là et c'est quand même assez dommage de les détruire.
Monde Numérique :
[10:51] Oui, en effet. Par exemple, vous vendez ensuite un conteneur. Dans ce conteneur, il y a combien de batteries de véhicules, de voitures ?
Guest:
[10:58] Nous, on intègre entre 2 et 10 batteries dans nos conteneurs. Dans un conteneur de 10 pieds qui fait 2,5 m par 2,5 m par 3 m à peu près.
Monde Numérique :
[11:07] Et qui offre quelle puissance ?
Guest:
[11:09] Donc entre 120 et 900 kWh de stockage et jusqu'à 200 kW de puissance. Tout a été conçu et pensé pour être branchable et connectable en série et donc
Guest:
[11:19] pouvoir décupler la capacité et la puissance de ces conteneurs.
Monde Numérique :
[11:24] C'est à quelle échelle votre activité ? Vous récupérez combien de batteries de voiture par an et vous produisez et vous équipez combien d'entreprises ?
Guest:
[11:31] Nous, à l'échelle de Marnier Energy, aujourd'hui, on a conçu et mis en service 5 batteries shelter. Nous, on est sur une phase vraiment de développement et de déploiement commercial au niveau de Marnier Energy. En termes d'expérience vis-à-vis de la batterie de seconde vie, côté EV shop et donc côté rétrofit de véhicules, on a acheté et intégré dans des véhicules plus d'une centaine de batteries. Donc, on a un petit peu de recul par rapport à ça aujourd'hui. Et après, en termes d'opportunités de marché, le stockage dans la batterie de seconde vie n'est pas si anecdotique que ça. Notamment, si on considère qu'en 2023, il y avait plus de 2,8 millions de véhicules électriques en circulation au sein de l'Union européenne, cela représenterait 10% du besoin d'ici 2032, d'après Wood Mackenzie, qui estime le besoin à environ 55 GW en termes de besoin de stockage supplémentaire.
Monde Numérique :
[12:29] Merci beaucoup, Pierre-Antoine Prénat, responsable des opérations de Marnie Énergie.