Cette semaine, focus sur l'impact de l'intelligence artificielle sur la création. Inquiétude des professionnelles face aux avancées de l'IA.
Bienvenue à l'écoute de Monde Numérique L’hebdo du 7 décembre 2024 !
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L’IA face aux créateurs, cette fois c’est du réel
L’étau se resserre pour les créateurs, qu’ils soient écrivains, compositeurs, réalisateurs, etc. L’IA est en train de tout bouleverser. J’avais envie de vous en parler cette semaine parce qu’on n’est pas tous créateurs mais on est tous spectateurs, auditeurs ou spectateurs, et plusieurs infos qui se télescopent. D’abord, une étude sur l’impact de l’IA sur les revenus de la création. Ensuite, un projet de mini-série réalisée par IA qui secoue Arte. Enfin, parce que j’ai eu la chance de rencontrer l’écrivain de science-fiction Alain Damasio. Connu pour ses positions “technocritiques”, celui-ci se dit persuadé que l’intelligence artificielle remplacera, au moins en partie, le métier d’écrivain dans les années à venir. Au delà, il décortique l’impact des technologies sur nos vies et on parle notamment de son dernier livre consacré à la Silicon Valley. Une interview à écouter absolument ! (version complète la semaine prochaine ou bien dès à présent dans L’Hebdo Premium). (01:46)
Egalement dans l’actu
Le smartphone du ministre Jean-Noël Barrot piraté.
Crise chez Intel : démission du PDG. (04:34)
Meta veut son propre réseau de câbles sous-marins. (07:16)
Nouveau modèle GPT o1 d'OpenAI, hyper puissant… mais hyper cher. (07:47)
Une IA super prévisionniste météo
L'innovation de la semaine, signée Google et son laboratoire DeepMind, est GenCast, une intelligence artificielle capable de prédire la météo sur 15 jours avec une précision inégalée. Elle utilise des décennies de données météorologiques pour générer des prévisions fiables en seulement 8 minutes, même pour des événements extrêmes. Open source, ce modèle pourrait transformer la gestion des risques liés au changement climatique à l'échelle mondiale. (24:22)
Bientôt, des GPS sans satellite grâce au quantique
Interview [PARTENARIAT]
Patrice Duboé, Directeur de l’Innovation pour l’Europe du sud de Capgemini
Pourquoi assiste-t-on à une course mondiale à l'informatique quantique ? Patrice Duboé rappelle les fondamentaux de cette technologie d’avenir et les enjeux qu’elle soulève. Il évoque notamment les avancées possibles dans le domaine des GPS. Le quantique pourrait permettre de créer des systèmes de localisation d'une précision extrême sans satellites, grâce à l’analyse en temps réel hyper précise des déplacement à partir d’un point de départ. (28:49)
Alain Damasio : “L’IA remplacera certains écrivains”
Interview
Alain Damasio, écrivain de science-fiction
Alain Damasio estime que l'intelligence artificielle générative représente une révolution qui va transformer profondément les relations humaines et les pratiques culturelles. Il reconnaît l'impact impressionnant de l'IA sur la créativité, admettant qu'elle pourrait concurrencer ou remplacer les auteurs pour produire des œuvres. Connu pour ses positions technocritiques, il analyse l’influence de la Silicon Valley à laquelle il a consacré son dernier livre. (10:38)
Transcription :
Monde Numérique :
[0:11] Les artistes et créateurs sont inquiets face à l'intelligence artificielle. Beaucoup de perspectives, mais aussi beaucoup de risques. On en parle cette semaine dans l'hebdo. On s'intéressera à une étude qui prévoit une baisse des revenus des créateurs à cause de l'IA. On évoquera une mini-série qui arrive sur Arte, en partie réalisée par l'intelligence artificielle et qui inquiète les professionnels. Enfin, un invité exceptionnel, l'écrivain de science-fiction Alain Damasio, qui se dit persuadé que l'IA remplacera un jour les écrivains. En tout cas certains. Il nous parle aussi de son rapport à la technologie à l'occasion de son dernier livre consacré à la Silicon Valley. Et ce n'est pas triste.
Monde Numérique :
[0:49] Avant cela, l'actu de la semaine. Le smartphone du ministre français des Affaires étrangères, piraté. Aux Etats-Unis, ça va mal chez Intel, le géant du microprocesseur. Meta qui veut ses propres câbles sous-marins. Et un nouveau modèle GPT, ultra puissant mais ultra cher. Avec Bruno Guglielminetti, qui revient de la grande fête d'Amazon à Las Vegas, on parlera des IA Nova lancées par le géant américain. L'innovation de la semaine, c'est une IA signée Google qui prédit la météo mieux et plus vite que tous les météorologues du monde. Enfin, on va parler d'informatique quantique avec Patrice Duboé de Capgemini. Vous allez tout savoir sur le chat de Schrödinger et aussi sur le GPS du futur qui fonctionnera sans satellite. Bienvenue à l'écoute de Monde Numérique, c'est l'hebdo du 7 décembre 2024.
Monde Numérique :
[1:47] Et oui, l'étau se resserre, pourrait-on dire, pour les créateurs, compositeurs, réalisateurs, musiciens, etc., face à l'intelligence artificielle. Alors j'avais envie de vous en parler cette semaine, parce qu'on n'est pas tous créateurs, mais on est tous spectateurs, auditeurs, etc. Alors c'est pas vraiment un dossier spécial sur le sujet, mais il y a plusieurs infos qui se télescopent, vous allez le découvrir dans un instant. Bienvenue à l'écoute de ce nouvel épisode de Monde Numérique, que vous soyez un habitué ou un nouveau venu. Monde Numérique, c'est chaque samedi plus d'une heure de podcast si vous êtes abonné à la version premium sur Apple Podcasts, pour l'hebdo. Puis c'est aussi tous les autres jours de la semaine des chroniques sur l'actu tech, des éditos, des interviews long format, disponibles sur toutes les plateformes de podcast, sur YouTube et même sur les assistants vocaux. Monde Numérique, c'est également une newsletter et un site web mondenumérique.info. Quelques remerciements cette semaine à des auditeurs qui m'ont envoyé des messages. Je vous en remercie. Lol5457 Boris Blent ou encore Fucat83 qui au passage me dit qu'il n'arrive pas à me joindre alors je suis un peu surpris sur le site mondenumérique.info il y a un formulaire vous pouvez m'envoyer un mail et vraiment dans la mesure du possible je réponds à tous les messages bon un numéro décentralisé cette semaine ce week-end je suis à Aix-en-Provence et à Marseille voilà vous savez tout je vous salue vous auditeurs du sud de la France mais ça ne change rien on fait comme d'habitude voici les principales news que j'ai sélectionnés pour vous.
Monde Numérique :
[3:15] C'est la boulette, la boulette qui fait des ordres et qui pourrait aussi avoir de graves conséquences pour la souveraineté française. Selon Mediapart, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barraud, s'est fait pirater son smartphone. Ça s'est passé au mois de novembre. Alors que s'est-il passé ? Eh bien, il semblerait que le ministre ait fait entrer lui-même un code malveillant dans son téléphone en cliquant un peu trop vite sur un lien reçu via la messagerie chiffrée Signal. C'est son homologue, le ministre des Affaires étrangères de Baragne, qui s'en est aperçu en recevant un message semblant provenir du téléphone de Jean-Noël Barraud et disant « Bonjour, c'est Jean Barraud, est-ce qu'on peut se parler ? » Ça lui a mis la puce à l'oreille, il a fait remonter ça aux Français, les services de sécurité français se sont saisis de l'affaire.
Monde Numérique :
[4:00] Mais problème, toujours selon Mediapart, le ministre Barraud aurait refusé de donner son téléphone pour permettre des investigations en expliquant qu'il contenait des conversations diplomatiques confidentielles. Et puis, autre problème également, tout cela se serait donc passé avec un smartphone personnel standard, car, et ça c'est pas nouveau, la plupart des membres des gouvernements successifs refusent le plus souvent d'utiliser des smartphones sécurisés qui sont pourtant mis à leur disposition, notamment le fameux théorème de Thalès, car ces appareils ne permettent pas
Monde Numérique :
[4:32] d'installer toutes les applications habituelles. Voilà, on ne sait pas si l'intrusion dans le téléphone du ministre a pu avoir des conséquences graves, mais en tout cas, ça fait un peu désordre, en plus pour un ministre qui a été lui-même secrétaire d'État au numérique.
Monde Numérique :
[4:47] Du côté des big tech américaines, Intel ne va pas très bien. L'inventeur du microprocesseur est dans la tourmente. Il a perdu cette semaine son PDG, Pat Gelsinger, qui a démissionné le 1er décembre, officiellement pour prendre sa retraite. Il était en poste depuis 4 ans. Alors il faut remettre ça dans le contexte. Ça ne va pas bien chez Intel pour plusieurs raisons. La firme est en perte de vitesse devant d'abord la concurrence chinoise, ou du moins taïwanaises, qui fabriquent aujourd'hui les processeurs les plus efficients du monde, gravés en quelques nanomètres à peine. Et puis concurrence également de l'intérieur, si on peut dire, avec des firmes comme Qualcomm ou Nvidia ou AMD, qui explosent tout sur différents marchés, le marché du mobile, de l'intelligence artificielle, deux secteurs où Intel a un peu raté le coche. La firme vient d'annoncer le licenciement de 18 000 salariés, malgré des atouts évidents comme son savoir-faire, ses brevets, sa capacité de production car c'est l'un des rares du secteur à réaliser encore une partie de sa production sur le sol américain plutôt qu'à Taïwan ou en Chine. Et bien Intel va devoir se réinventer, ça paraît urgent et cela pourrait passer par un mariage avec son concurrent de toujours, l'autre américain AMD.
Monde Numérique :
[6:04] Toujours du côté des big tech, voilà que Mark Zuckerberg veut ses propres caps sous-marins pour se construire son petit Internet à lui.
Monde Numérique :
[6:11] Meta, la maison mère de Facebook, a en effet dévoilé un projet titanesque de câbles de communication sous-marins. Le groupe veut construire son propre réseau sous les mers, un réseau de 40 000 kilomètres qui relierait 5 continents pour connecter la côte Est des Etats-Unis à la côte Ouest, en passant par l'Afrique du Sud, l'Inde et le Nord de l'Australie. Pour cela, Meta investirait plus de 10 milliards de dollars. Alors pourquoi ? Pourquoi faire ? En fait, comme tous les géants du numérique aujourd'hui, Meta utilise des réseaux partagés. Il y en a 16 dans le monde, il n'y en a pas beaucoup. Et le groupe voudrait s'affranchir de cette dépendance aux opérateurs qui gèrent les fameux câbles en possédant son propre Internet, en tout cas en partie.
Monde Numérique :
[6:52] Les big tech sont déjà présents sous la mer. Ils possèdent certaines fractions de câbles. C'est le cas notamment de Google. En ce qui concerne Meta, ça lui permettrait de mieux sécuriser, de mieux optimiser le trafic pour ses propres plateformes, évidemment, c'est-à-dire Facebook, Instagram, WhatsApp, qui représentent déjà 10% du trafic Internet mondial, en tout cas le trafic fixe.
Monde Numérique :
[7:12] Un énorme chantier qui s'étendrait sur plusieurs années. Cela dit, rappelons que les câbles sous-marins sont aussi des éléments vulnérables, comme on l'a vu récemment avec des incidents sur deux câbles en mer Baltique qui ont été mystérieusement interrompus, coupés. Et on a repéré un étrange navire chinois dirigé par un commandant russe aux environs. Ça arrive tout le temps. Ces câbles sont en permanence menacés et soumis aux tensions géopolitiques internationales. Donc on souhaite bien du plaisir à la mise Zuckerberg pour sécuriser tout seul tous ces câbles une fois qu'il les aura construits.
Monde Numérique :
[7:47] Comme chaque semaine, dans Monde Numérique, quelques nouvelles de l'IA. Et on commence par OpenAI, qui a lancé cette semaine un nouveau chat GPT. En tout cas, un nouveau modèle GPT. Nouveau, pas tout à fait, car il s'agit du fameux modèle O1, qui était disponible en version preview et dont la version complète a été lancée il y a quelques jours. O1, c'est une version de GPT censée pouvoir « raisonner », c'est-à-dire décomposer les problèmes qu'on lui pose pour les analyser par petits bouts, ou un petit peu comme l'esprit humain. Donc, plus puissant que les GPT-4, GPT-4O, etc.
Monde Numérique :
[8:22] O1 est aussi multimodal, c'est-à-dire qu'il peut traiter aussi bien du texte que des images. La version preview était disponible depuis le mois de septembre. La version complète arrive maintenant, pour les abonnés payants à 20 dollars par mois. Mais ce n'est pas tout. OpenAI a aussi lancé une version ultra-luxe de ce GPT-O1, baptisée version pro. Et là, tenez-vous bien, elle est proposée à un prix qui n'était jamais apparu comme ça sur le marché, de 200 dollars par mois. Ça fait 10 fois l'abonnement Chagipiti Premium. Pourquoi ? Parce que ce nouveau modèle est censé être le plus fort de tous, avec un accès illimité. L'abonnement d'ailleurs donne accès à l'ensemble des modèles d'OpenAI. On peut donc dire qu'on franchit un nouveau cap. Et puis, ça montre une chose, c'est que la segmentation marketing est de plus en plus marquée pour tous ces outils d'intelligence artificielle qui sont désormais des produits commerciaux à part entière et plus seulement des objets de curiosité.
Monde Numérique :
[9:20] L'intelligence artificielle, c'est donc aussi cette étude que j'évoquais dans le sommaire, une étude de la CISAC, la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs, qui prévoit que les créateurs vont perdre d'ici 5 ans en moyenne 20% de leurs revenus. 24% pour la musique, 21% pour l'audiovisuel. La cause, c'est l'intelligence artificielle générative. Les Chajipiti, Dali, Suno, Epidemic Sound, Sora, etc. Tous ces outils qui permettent de générer du texte, des images fixes, des images animées, de plus en plus des vidéos, des films entiers et bien sûr du son, de la musique. Et le problème, c'est que la perte de revenus se situe à deux niveaux. D'une part, le manque à gagner, car on va de plus en plus recourir à ces IA pour créer du contenu au détriment des créateurs humains, mais aussi et surtout l'absence de rémunération alors même que les œuvres produites par ces humains, le plus souvent, servent à entraîner les modèles d'intelligence artificielle sans qu'il y ait toujours une contrepartie financière. Voilà, les créateurs face à l'IA, ça devient un vrai sujet. Si vous voulez en savoir plus, vous trouverez le lien qui mène vers cette étude dans la description de cet épisode.
Monde Numérique :
[10:39] Salut Bruno Guglielminetti.
Guest:
[10:41] Salut Jérôme Colombin.
Monde Numérique :
[10:42] Alors, on est sous la neige?
Guest:
[10:44] Oui. Ça a bien l'air qu'on est sous la neige. En même temps, c'est le Canada. Oui, il ne fallait pas être surpris. Mais c'est quand même un choc. Parce que moi, j'arrive à l'instant. Il y a quelques heures, j'étais encore dans les airs. Et il faisait beau à Las Vegas. Il faisait chaud. C'était le beau soleil. Et puis là, j'arrive. C'est la tempête.
Monde Numérique :
[11:07] Montréal sous la tempête. mon pauvre ami bon tu vas sortir les doudounes non mais t'aimes ça de toute façon la neige c'est une seconde nature pour vous ben oui j'ai hâte d'aller pelleter ah oui c'est vrai mais de toute façon j'aime mieux avoir.
Guest:
[11:20] Une tempête de neige que vivre dans un pays où il n'y a pas de gouvernement.
Monde Numérique :
[11:25] Oh ça c'est une basse attaque ah et ben voilà ouais j'avoue en plus j'ai rien à répondre à ça qu'est-ce que tu veux que je te dise on va se lapper le sujet parce que mais Jérôme je te rassure.
Guest:
[11:36] Il n'y a pas de vote de confiance entre nous.
Monde Numérique :
[11:39] Entre nous.
Guest:
[11:39] Totalement, ma confiance.
Monde Numérique :
[11:41] Il n'y a que de la confiance.
Guest:
[11:42] Mais pas de votre. Exactement. Alors, pas de votre.
Monde Numérique :
[11:43] Bon, donc, tu étais à Las Vegas.
Guest:
[11:48] Oui.
Monde Numérique :
[11:48] Non pas pour prendre le soleil, mais pour encore... Pour prendre des nouvelles d'Amazon.
Guest:
[11:54] Oui, mais plus particulièrement de son aile infonuagique, AWS.
Monde Numérique :
[11:59] AWS Amazon Web Services.
Guest:
[12:01] Oui, et c'est dans le cadre d'un événement annuel. C'est la grande fête, un peu l'équivalent des grandes keynotes de Apple ou celle de Microsoft à une autre époque, quoique Ignite, c'est quand même important. Mais là, c'est une fois par an, c'est un rendez-vous qui se fait au début décembre chez les gens de AWS. Pour te donner une idée, c'est assez couru, 60 000 personnes étaient là. Et pendant qu'il y avait des annonces… C'est vraiment impressionnant.
Monde Numérique :
[12:27] C'est un mini-CES.
Guest:
[12:28] Oui. Tu vois, ça me rappelait les premières éditions. Moi, j'ai commencé en 1996 à aller au CES et où il y avait la crise où le CES voulait devenir gros. Alors, il y avait plein, plein, plein de kiosques qui étaient tous collés un sur l'autre. Et c'est un peu ça. Alors, il y a énormément de choses à voir sur un territoire qui est assez réduit parce que ça se passe essentiellement l'espace de conférence d'exposition au Venetian.
Monde Numérique :
[13:00] Mais qui est l'espace d'expo du CES. Enfin, l'un des espaces du CES.
Guest:
[13:04] Oui, d'une partie du CES. C'est exactement au même endroit. Et donc, ça donne des airs, pour les gens qui ont déjà connu le CES, ça donne des airs déjà vus. Mais donc, c'est ça. Alors, c'est 60 000 personnes qui sont là, à la fois pour aller prendre des nouvelles de ce que AWS prépare pour l'an prochain, mais aussi, il y a une bonne partie de ces gens-là qui viennent obtenir leur certification pour des formations qui sont offertes par AWS pour travailler avec différents de leurs outils. Mais c'est donc l'occasion pour l'entreprise d'annoncer les nouveaux services, les améliorations, et il y en avait beaucoup.
Monde Numérique :
[13:35] Notamment l'annonce de l'IA fait par Amazon. Ça y est, ils sortent à leur tour leur modèle d'IA.
Guest:
[13:42] Oui, et ce qui est intéressant, c'est qu'ils sont déjà présents dans le domaine de l'IA depuis longtemps parce qu'ils l'utilisent même pour faire fonctionner l'info nuagique. qu'à un moment donné, tu as besoin d'algorithmes pour arriver à te retrouver là-dedans. Donc, ça fait longtemps qu'ils l'utilisaient. L'an dernier, ils avaient présenté Bedrock, qui était un peu comme leur catalogue d'intelligence artificielle générative. Là-dedans, on trouvait Anthropik avec son cloud. On trouvait les gens de Mistral qui faisaient partie du lot. Il y avait la mode de Meta, puis plein d'autres. Mais là, parallèlement, ils se sont dit, peut-être qu'avec l'expérience qu'on a de développer notre savoir-faire à l'interne. Peut-être qu'on pourrait le partager. Alors, ils nous ont présenté, cette semaine, six... Langage, un modèle de langage et ça couvre vraiment différents domaines et c'est ça que je trouve intéressant moi là-dedans donc il y en a un qui fait que de l'écriture il y en a un qui fait que du calcul l'autre la programmation il y en a un qui travaille juste sur les images il y en a un autre qui travaille juste sur la vidéo, et là ce qu'on est en train de préparer, peut-être avant la fin 2025 on va le voir c'est un, ce qu'ils appellent en anglais il va falloir trouver l'appellation en français, c'est « any to any ». Donc, tu mets ce que tu veux au départ, que ce soit du texte, que ce soit des photos, que ce soit de la vidéo, que ce soit un graphique, et tu lui dis en quoi tu veux que ça sorte de l'autre côté.
Monde Numérique :
[15:12] D'accord.
Guest:
[15:13] Mais c'est fou, là. Donc, c'est vraiment un multimodal. Donc, tu mets ce que tu veux au début et tu demandes à l'IA de te la transformer en ce que tu veux ensuite.
Monde Numérique :
[15:24] Oui, c'est fou. Donc, ça s'appelle Nova, c'est ça?
Guest:
[15:26] Oui, la famille des outils s'appelle Nova.
Monde Numérique :
[15:28] La famille s'appelle Nova. Comme tu dis, il y a plein de briques, mais en fait, ils couvrent tout ce qui existe déjà chez d'autres. Le texte, l'image, la vidéo, tout ça, c'est des choses qu'on trouve déjà. Et eux, ils ont l'ambition de tout faire, alors.
Guest:
[15:42] Oui, mais avec des petits outils qui sont là. Et là, moi, personnellement, ce que je trouve intéressant dans cette offre-là, c'est le fait qu'on offre des outils spécifiques pour faire des tâches spécifiques. Et donc, contrairement à, par exemple, un chat GPT, évidemment, c'est l'éléphone dans la pièce, qui demande énormément d'énergie pour te faire un petit texte. Si tu veux un petit texte, tu peux juste prendre une petite intelligence artificielle qui va avoir appris à 2 millions de tokens, plutôt qu'une qui roule à 175 milliards de tokens. À un moment donné, c'est...
Monde Numérique :
[16:19] Oui, ce n'est pas la peine d'avoir une Ferrari pour aller acheter le pain au coin de la rue. Exactement.
Guest:
[16:23] Quel bel exemple, c'est à ça que je pensais. Mais donc, c'est ça. Alors, moi, je trouve qu'ils sont arrivés avec ça, avec des outils très nichés. Sinon, très rapidement, la plupart des gros outils qui sont déjà des outils que les gens connaissent, c'est les travails dans l'environnement WS, cette année, tout est bonifié avec l'intelligence artificielle. Et j'avais une pensée, et d'ailleurs, j'en parle un peu plus tard dans mon podcast, J'avais une pensée pour tout ce qui est développeurs, codeurs. Eux, c'est vraiment, s'ils travaillent dans le monde d'AWS, c'est leur anniversaire cette année parce qu'il y a tellement d'outils qui sont faits en fonction de ces gens-là pour leur permettre de passer moins de temps à faire autre chose que de coder. Alors, l'IA maintenant génère des tests. Donc, elle teste elle-même ce que les gens sont en train de coder. Elle est capable de faire un historique, donc un peu le manifeste de ce qui est fait en codage. L'IA va te le faire sur le côté pendant que tu es en train de travailler.
Guest:
[17:21] Et puis même quand vient le temps de prendre des grands systèmes et de les faire migrer sur d'autres plateformes, je pense par exemple à des vieilles versions de Java et de les mettre dans les nouveaux standards. Maintenant, il y a une IA chez Amazon qui est capable de faire ça. Et un peu plus tard, je ne veux pas vendre mes punchs, mais un peu plus tard dans mon carnet, il y a le grand patron de AWS Canada qui nous raconte, combien d'années ça prendrait pour faire migrer certaines choses et on est passé maintenant à quelques semaines. C'est fou le temps que les gens vont gagner.
Monde Numérique :
[17:54] Mais dis-moi Bruno, donc là c'est des applications professionnelles, est-ce que Nova, c'est une IA qu'on pourra toucher du doigt en tant que particulier?
Guest:
[18:02] Si vous ouvrez un compte, dans l'environnement professionnel de AWS, vous pourriez y avoir accès. Vous la branchez avec votre compte d'Amazon et puis vous aurez à payer un abonnement parce que c'est un outil payant comme ChatGPT est un outil payant.
Monde Numérique :
[18:20] Donc, c'est vraiment destiné en priorité aux clients de AWS.
Guest:
[18:23] Oui, mais tous peuvent devenir clients chez AWS.
Monde Numérique :
[18:28] Oui, bien sûr, mais ce n'est pas le cas de tout le monde non plus.
Guest:
[18:31] Non.
Monde Numérique :
[18:32] Puis, ce n'est pas comme il y a beaucoup d'outils qui sont en libre accès. Il y a une version gratuite, ChatGPT, Cloud, etc. Donc là, il n'y a pas de version gratuite, on est d'accord.
Guest:
[18:39] Pour le moment, il n'y a pas de version gratuite, mais il y a les versions qui sont embarquées juste dans l'environnement de travail. Puis on s'entend, les plus gros utilisateurs sont déjà, en tout cas qui vont être intéressés par cet outil-là, ce sont vraiment déjà des clients de chez AWS. C'est des centaines de millions.
Monde Numérique :
[18:59] Pour toi, c'est vraiment une… parce qu'en plus, tu suis Amazon depuis longtemps. On avait déjà parlé d'IA ensemble, mais il n'y a pas longtemps. Parce que c'est vrai que c'est un acteur qui est incontournable et qui prend une place phénoménale dans ce domaine. Pour toi, on fait vraiment un pas en avant important là?
Guest:
[19:14] Ben oui, puis d'autant plus, je pense rapidement, il y a un autre truc qui me vient en tête, mais j'en parle beaucoup plus longtemps dans mon podcast, c'est Q4Business. L'année passée, Q, ça avait été présenté, c'était un peu comme leur intelligence artificielle générative privée qui fonctionne en silo. Donc, une compagnie peut balancer tout son contenu là-dedans, c'est sécuritaire. Maintenant, Q4Business, ils font des passerelles avec tout ce qui est outils de traitement d'informations, que ce soit Word, que ce soit la suite Google, que ce soit tes courriels, que ce soit ton agenda en ligne, donc Salesforce, bref, tous les endroits où tu pourrais avoir du contenu. Maintenant, la solution Q for Business, qui est l'évolution de Q, elle permet d'accéder à toute l'information, peu importe où elle réside. Alors, évidemment, pour des grands groupes ou des petites entreprises qui veulent avoir accès à toute leur information quand on vient de temps de leur demander, va me chercher les ventes de la semaine dernière ou va me chercher ce qu'on appelle les leads, donc des possibilités de vente, mais qui n'ont pas été complétées. Il va aller chercher partout et pas seulement dans les trucs qui ont été classés dans le répertoire.
Monde Numérique :
[20:24] Mais ça va faire confiance à Copilot, non, de Microsoft, ça?
Guest:
[20:29] Ben, Copilot, de la façon qu'il est embarqué, il réside dans l'écosystème de Microsoft. Et Gemini réside dans l'écosystème de Google. Tandis qu'AWS, comme ils n'ont pas d'écosystème à eux, ils se branchent partout. Et c'est ça que je trouve très habile de leur part.
Monde Numérique :
[20:44] Préhant.
Guest:
[20:45] Mais sinon, toi, écoute, parle-moi, t'es très documentaire toi de ce temps-ci, là il y a une nouvelle histoire avec Arte TV, c'est quoi cette histoire-là?
Monde Numérique :
[20:54] Eh bien, c'est encore une histoire d'IA, bien sûr. Mais si, si, si. Ouais, c'est une affaire dont on ne parle pas encore beaucoup, mais que j'ai dénichée dans un... En fait, c'est un site d'actualité spécialisé. Je vais les citer parce que c'est des amis. Il s'agit d'Electron Libre et qui a levé un lièvre là. En fait, la chaîne de télé Arte va très bientôt, à partir du 16 décembre, diffuser une mini-fix, une série de fictions et qui a été construite en partie par l'intelligence artificielle. D'ailleurs, ça s'appelle Prompt, c'est des petits épisodes de 2 minutes 30.
Monde Numérique :
[21:29] Et comme on pouvait le deviner, ça ne passe pas comme une lettre à la poste. C'est-à-dire qu'en fait, le directeur d'Arte qui s'appelle Bruno Patineau, qui est pourtant un pionnier du numérique en France et dans les médias, il connaît très bien tous ces sujets-là. Mais là, il se retrouve face à une fronde de la part des professionnels, les organisations qui représentent les créateurs tout le monde artistique, musicien, réalisateur réalisatrice, scénariste etc qui l'ont interpellé parce qu'ils sont très inquiets voilà, ils veulent en savoir plus ils se demandent si c'est pas la porte ouverte vers quelque chose qui va les menacer, et ils réclament une utilisation éthique de l'intelligence artificielle et je trouve ça intéressant parce que en fait on est vraiment sur un sujet qui est crucial, on l'a déjà évoqué, ça a déjà posé des problèmes aux Etats-Unis, ben voilà, ça arrive en France. L'autre jour, il y avait également un reportage sur France 2 concernant les doubleurs de cinéma qui commencent eux aussi à se plaindre, à être mécontents parce qu'ils sentent qu'ils vont être remplacés ou en tout cas concurrencés par l'intelligence artificielle. Voilà, il ne s'agit pas du tout de dire c'est bien ou c'est mal, de toute façon, toi comme moi, on sait que c'est un train qui est parti, qui ne s'arrêtera pas. Maintenant, c'est comment on va aménager tout ça, comment on va faire cohabiter tout ça, et ça risque de faire mal, malgré tout.
Guest:
[22:53] Mais revenons à la genèse, c'est quand même, c'est une série documentaire qui a été commandée par Arte, à quelqu'un.
Monde Numérique :
[22:59] C'est une fiction, c'est une fiction.
Guest:
[23:01] Non, mais c'est ça.
Monde Numérique :
[23:01] C'est des histoires.
Guest:
[23:03] Mais ça a été commandé à quelqu'un. Il y a donc des producteurs, il y a un créateur, il y a un réalisateur là-dessus. Absolument. Il y a des artistes, c'est des humains qui ont travaillé là-dessus, qui ont fait des requêtes pour arriver à ce que c'est. Moi, je trouve ça intéressant que je comprends qu'il y a des gens qui veulent continuer à faire comme on faisait depuis longtemps, mais il y a une nouvelle façon de faire. Et c'est un peu ce que Arte est en train de montrer.
Monde Numérique :
[23:27] Exactement, parce qu'en fait, c'est pas du tout une IA qui a tout fait du début à la fin. C'est l'auteur de cette série à utiliser de l'intelligence artificielle comme un outil, Mais c'est son travail à lui, malgré tout.
Guest:
[23:40] Imagine si on avait dit à Godard, non, non, il faut filmer comme ça, parce qu'on a toujours filmé comme ça. On n'aurait pas eu la nouvelle vague, elle n'aurait jamais existé.
Monde Numérique :
[23:48] Mais on est presque au passage du cinéma noir et blanc à la couleur ou du cinéma noir au cinéma parlant.
Guest:
[23:55] Exactement.
Monde Numérique :
[23:56] Et rappelle-toi, quand le cinéma parlant est arrivé, il y avait des acteurs qui ne l'ont pas du tout apprécié.
Guest:
[24:02] Ben oui, eux, ils perdaient leur carrière parce qu'ils n'avaient pas la voix. Ils n'avaient pas la voix du physique.
Monde Numérique :
[24:09] Exactement. Bon, voilà. Donc, affaire à suivre. Et comme on est en France, enfin, comme tu l'as dit, on a d'autres chats à fouetter actuellement en termes de polémiques et de gros sujets qui fâchent.
Guest:
[24:20] Vous avez à vous réglementer vous-même, c'est déjà beaucoup. Mais Thérop, mis à part cette polémique-là, toi, tu vas parler de quoi dans ton édition?
Monde Numérique :
[24:27] Alors, cette semaine, je suis ravi de proposer à mes auditeurs une interview assez exceptionnelle. En fait, c'est l'interview d'un écrivain, mais pas n'importe lequel. Il s'agit d'Alain Damasio, qui est un auteur de science-fiction très connu en France et qui a beaucoup écrit, qui a écrit des romans assez critiques contre les technologies. Mais il est lui-même complètement geek et complètement baignant dans la tech. Et son dernier livre, en fait, se passe dans la Silicon Valley. Alors, tu vois, la Silicon Valley, on n'en sort pas. On en parlait récemment ensemble dans le Grand Débrief avec François Sorel et bien là c'est aussi le récit d'un voyage dans la Silicon Valley avec une vision très très critique de ce que font les GAFAM, c'est super intéressant donc Alain Damasio et puis sinon avec Capgemini que je retrouve tous les mois dans Monde Numérique, et bien on s'intéresse cette semaine au quantique à quoi va servir l'informatique quantique et où en sont les progrès dans ce domaine, donc on voit tout ça avec mon invité et Patrice Duboé que l'on retrouve tous les mois dans Monde Numérique.
Guest:
[25:30] Sur ce, Jérôme, j'invite mes auditeurs à aller faire un tour de ton côté quand ils auront terminé mon carnet. Et puis, je serai heureux d'accueillir les tiens pour en savoir un petit peu plus sur AWS cette semaine.
Monde Numérique :
[25:43] Voilà, je t'envoie tout de suite mes auditeurs dès qu'ils en ont fini avec moi, Bruno. Et puis, je te dis à la semaine prochaine.
Guest:
[25:49] Allez, je te souhaite une bonne semaine. Bye.
Monde Numérique :
[25:51] Moi, je ne suis pas sous la neige, je suis au soleil. Enfin non, il ne fait pas beau là, mais tu vois, je suis à Aix-en-Provence, mon pote, ce week-end.
Guest:
[25:57] Moi, je te souhaite au gouvernement. Salut, bye.
Monde Numérique :
[25:59] Allez, ciao, bye.
Monde Numérique :
[26:07] L'innovation de la semaine. Une intelligence artificielle meilleure que les meilleurs prévisionnistes du monde, capables de prédire le temps qu'il va faire durant les 15 prochains jours, avec une précision exceptionnelle, et cela en à peine quelques minutes, 8 minutes pour être précis. C'est l'innovation de la semaine, elle est signée Google, elle a été dévoilée cette semaine. 8 minutes à peine pour effectuer des calculs qui prennent habituellement plusieurs heures. C'est la prouesse de ce modèle baptisé GenCast, un modèle d'IA créé par DeepMind, le laboratoire de recherche en intelligence artificielle de Google basé à Londres.
Monde Numérique :
[26:44] Contrairement au modèle météo traditionnel, GenCast fonctionne comme une sorte de collège de météorologues qui discutent entre eux pour aboutir à une discussion, à une décision finale. Pour chaque prévision, en effet, le modèle génère une cinquantaine de scénarios et ensuite une synthèse est établie et elle est réputée hyper fiable. Plus fiable en tout cas que le système européen qui s'appelle ECMWF, qui est considéré comme la référence mondiale et auquel ce modèle de Google a été comparé. Sur 1320 combinaisons de variables météorologiques testées, Gencast s'est montré plus précis dans 97,2% des cas et même 99,8% pour les prévisions au-delà de 36 heures. Car on sait que pour les prévisions météo, ce qui est difficile, c'est de prévoir à long terme, évidemment. Sa particularité, c'est notamment de prendre en compte la rotondité de la Terre pour être capable de comprendre les mouvements météorologiques à l'échelle planétaire.
Monde Numérique :
[27:42] Alors, GenCast a été, comme c'est une IA, été entraîné sur des données, des données de plusieurs décennies qui datent d'une période allant de 1979 à 2018. Et c'est ainsi qu'il serait capable de fournir les meilleures prévisions météo du moment, y compris, bien sûr, pour des événements extrêmes. C'est là que ça prend tout son intérêt. Les applications sont évidemment nombreuses aujourd'hui, dans un contexte de changement climatique et notamment de multiplication des tempêtes. Ça devrait donc permettre, on l'espère, d'éviter des catastrophes. Enfin, cerise sur le gâteau d'un point de vue technologique et informatique.
Monde Numérique :
[28:20] Gencast est proposé totalement en open source, ce qui veut dire qu'il pourra être librement et largement utilisé à travers le monde. Si vous voulez en savoir plus, là encore, comme d'habitude, le lien en description de cet épisode. Monde numérique, le meilleur de la tech.
Monde Numérique :
[28:50] On passe aux interviews de la semaine de Monde numérique, avec cette semaine une rencontre exceptionnelle avec l'écrivain de science-fiction Alain Damasio. On va prendre un peu de recul sur la technologie. Et ça vaut vraiment le coup que vous restiez écoutés jusque-là. Mais avant cela, je vous propose de plonger dans l'univers incroyable de l'informatique quantique, l'infiniment petit au service du futur, avec le directeur de l'innovation de Capgemini, que l'on retrouve chaque mois dans Monde Numérique. Les interviews qui vont suivre sont proposées en version intégrale si vous écoutez Monde Numérique, l'hebdo premium sur Apple Podcast. Sinon, retrouvez-les en épisodes séparés, longs formats, la semaine prochaine sur toutes les plateformes de podcast. Bonjour Patrice Duboé.
Guest:
[29:31] Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
[29:32] Directeur de l'innovation pour l'Europe du Sud chez Capgemini, ravi de vous recevoir dans Monde Numérique pour ce rendez-vous mensuel en partenariat dans le cadre du rapport annuel Technovision. Et on parle ce mois-ci d'un gros, gros sujet, l'informatique quantique. Concrètement, c'est quoi le quantique ?
Guest:
[29:49] Alors c'est quoi le quantique ? Le quantique, en fait, c'est essayer de se rapprocher de la nature. La nature, elle n'est pas digitale, la nature n'est pas 0-1, la nature, elle a plein de nuances. et le quantique en fait au niveau atomique. Donc on va essayer dans les ordinateurs de passer d'un état où on n'a que deux états, 0 et 1, où dans le quantique on peut avoir un infini nombre d'états. Et donc on voit que c'est exponentiel. Si on arrive à mesurer, à gérer cette information au niveau de l'atome, on peut aller beaucoup plus loin. Donc on est encore dans les prémices. On parle aujourd'hui d'ordinateurs avec un nombre de qubits, dont le Q de quantum. Et aujourd'hui on a plusieurs technologies. Soit on est dans l'extrêmement froid, donc avec des supraconducteurs, donc on doit maintenir les atomes au niveau de moins de 273 degrés, donc on comprend derrière déjà un challenge de l'énergie, comment réussir à garder des ordinateurs très très froids, ou alors on va passer au niveau du magnétique, on va capter des photons, des neutrons, donc là encore une fois, beaucoup d'énergie nécessaire, mais on est dans des états où on est dans le semi-conducteur, dans la chimie, où on va essayer d'avoir des probabilités sur des états 0, 1, où ça peut être à la fois 0 et 1. C'est ça qui amène un infini nombre de possibilités.
Monde Numérique :
[31:01] Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu'est ce fameux chat de Schrödinger dont on parle toujours à propos du quantique ?
Guest:
[31:08] Effectivement, Erwin Schrödinger avait eu cette image pour essayer de vulgariser. On sait que ce n'est pas facile de l'expliquer. Il disait, je vais enfermer le chat dans une boîte. Et puis, il y a un mécanisme, s'il détecte un certain état, il va tuer le chat. Mais les chats, ils peuvent être morts ou pas. et pour savoir, il faut ouvrir la boîte. Donc, c'était un petit peu cette dualité de savoir tant qu'on n'a pas regardé, on ne connaît pas l'état du chat. Alors, je n'aime pas trop cette image parce que, comme on l'a dit, Le quantique, c'est l'extrêmement petit. On ne peut pas dire qu'un chat se soit extrêmement petit. Donc, c'est la première raison pour laquelle je n'aime pas cette analogie. La deuxième, il faut savoir qu'on est dans l'extrêmement petit. Donc, dès qu'on va prendre la mesure d'un qubit, on va changer son état. C'est-à-dire que si on ouvre la boîte, normalement, ça devrait changer l'état du chat. Alors, une fois qu'on a ouvert la boîte, il est mort, il est vivant, mais ça n'a pas changé. Mais effectivement, l'idée, c'était de dire, voilà, on peut avoir un état 0, 1 ou entre les deux. Et tant qu'on n'a pas regardé, on ne sait pas. Et c'est ça qui amène beaucoup de choses intéressantes.
Monde Numérique :
[32:07] Alors, voilà pour l'aspect presque scientifique. Maintenant, ce qui est intéressant surtout, c'est la promesse de l'informatique quantique. On n'aura pas tous des ordinateurs quantiques sur nos bureaux dans 10 ans. En revanche, ça va quand même sacrément bousculer les choses. Il y a beaucoup d'attentes, il y a beaucoup de promesses.
Guest:
[32:25] Tout à fait. Aujourd'hui, les ordinateurs quantiques, ils sont dans les centres de recherche. Il y en a dans pratiquement tous les pays du monde, avec quelques qubits. Il y a ces quelques dizaines aujourd'hui. Et pourquoi c'est intéressant ? Dans les épisodes précédents, on a parlé de semi-conducteurs, de batteries. Et vous vous souvenez que la loi de Moore disait depuis les années 70, tous les deux ans, on double la capacité des ordinateurs et on baisse le prix par deux. Et on sait que depuis pratiquement un an, deux ans, cette loi n'est plus possible. Pourquoi ? Parce qu'on est arrivé à des limites physiques, le nanomètre pour les semi-conducteurs et puis des questions de coût. Et le quantique peut permettre de relancer cette loi. C'est pour ça que c'est intéressant parce qu'on voit qu'on passe au niveau exponentiel par rapport à une artière classique.
Guest:
[33:05] Imaginez tous les métiers, on a besoin de beaucoup de calculs, de puissance de calculs, ce qu'on appelle le quantum computing. La météo, les prévisions météo, aujourd'hui, on sait prévoir à 14 jours, pratiquement, voire plus, parce qu'on simule des milliers, millions de données. Dans la chimie, dans la recherche médicale, on a besoin de simuler, dans la recherche contre le cancer, on doit aller au niveau de l'atome. Et donc là, on voit, il y a beaucoup de promesses également tout ce qui est calcul, tout ce qui est simulation également. Dans l'avion, on travaille aujourd'hui avec Airbus sur un projet européen sur la simulation de la corrosion. Pourquoi ? Parce qu'on sait très bien que pour imaginer à quelle vitesse va évoluer la corrosion d'un avion, c'est compliqué, ça dépend de plein de paramètres, le trajet, la pression, l'humidité, les chocs. Donc tout ce qui nécessite beaucoup de calcul dans la simulation, en fait, va trouver des usages très forts dans le quantique. Donc ça, c'est le premier usage, le quantum computing. Mais il y a d'autres usages.
Monde Numérique :
[34:08] Par exemple, on s'est parlé précédemment des batteries automobiles. Le quantique pourrait également permettre d'améliorer les batteries de véhicules électriques ?
Guest:
[34:16] Tout à fait. Pourquoi ? Une batterie, en fait, c'est de la chimie. Donc, on est encore dans l'extrêmement petit. Aujourd'hui, on voit qu'on essaie de trouver des nouveaux composants. On a le nickel, le cadmium, l'ion, on avait parlé du sodium. Et donc, si on peut simuler l'extrêmement petit, en fait, on peut aller plus loin dans la puissance des batteries, dans la durée de vie d'une batterie, dans la capacité de charge d'une batterie, qu'elle soit plus rapide à charger. Et dans le fait qu'on se rapproche du niveau de l'atomique, ça nous permet d'être au plus proche de l'objet de la simulation et donc d'aller plus vite. Donc effectivement, l'automotive, l'automobile, aujourd'hui, étudie le quantique pour essayer de trouver plus rapidement des nouvelles façons, des nouveaux procédés pour produire des nouvelles batteries.
Monde Numérique :
[35:01] Alors, il y a plein de choses positives, mais il y a aussi des éléments qui font peur. C'est notamment la menace sur les systèmes de chiffrement, tout ce qu'on appelle la cryptographie.
Guest:
[35:11] Tout à fait. On a parlé du quantum computing, mais dans les autres usages, il y a tout ce qui est la partie télécom et sécurité. Pourquoi ? Si on a une puissance de calcul qui est très, très forte, aujourd'hui, nous avons tous des clés de cryptage dans nos échanges. En ce moment, lorsqu'on échange des fichiers, lorsqu'on crypte des fichiers, et aujourd'hui c'est protégé par des clés, très souvent à 128 ou 256 bits, et pourquoi ? On considère qu'aujourd'hui, un ordinateur classique, même un super computer, ne peut pas casser ses clés à 256 bits, ou alors il faudrait des moyens énormes et des années. Le problème, c'est qu'avec la puissance du quantique, si on a des ordinateurs qui sont un million, un milliard de fois plus puissants, ils peuvent simuler beaucoup de combinaisons, et donc ils peuvent décrypter beaucoup plus facilement nos fichiers. Et dont les experts s'entendent aujourd'hui pour dire que l'année où le quantique va réussir à déchiffrer toutes nos clés d'aujourd'hui, ce qu'on appelle le Y2Q, l'année du quantum, on est entre 8-10 ans, 5-10 ans. Donc aujourd'hui, il y a beaucoup de recherches là-dessus et de risques. Pourquoi ? Certaines organisations volent beaucoup de fichiers aujourd'hui pour le décrypter plus tard. Et ça, c'est embêtant. On pourrait se dire, ben non, mon fichier décrypté, ce n'est pas grave. Si, parce que s'il est décrypté dans 5 ou 10 ans, imaginez vos données personnelles de santé, vos données bancaires, bon, à l'aimit, c'est de la curiosité.
Guest:
[36:34] On met par contre des brevets. Alors, il peut être protégé par le juridique, mais la connaissance peut être décryptée dans des brevets, dans le nucléaire, dans l'aérien, dans le satellite. Donc là, le risque, il est réel. Donc, il y a des standards qui sont mis en place.
Guest:
[36:51] Les Américains sont clairement en avance. Donc, il y a un organisme qui s'appelle le NIST, qui a publié quatre standards qui permettent d'être quantum proof. C'est-à-dire que si on met ces nouveaux systèmes de cryptage, ils résisteront au quantique. Donc déjà, c'est une première chose. Donc, quatre standards choisis. Depuis deux semaines, quatre de plus. L'Europe est en retard là-dessus. Donc, il faut qu'on arrive à rattraper ce retard pour être safe par rapport à ces risques par rapport au quantique.
Monde Numérique :
[37:21] Oui, parce qu'on le comprend, il y a des enjeux économiques, des enjeux de souveraineté. Vous avez évoqué aussi les questions énergétiques, d'où cette espèce de course mondiale au quantique aujourd'hui.
Guest:
[37:32] Oui, donc comme d'habitude, beaucoup d'acteurs sur le marché, tous les acteurs des semi-conducteurs et de l'informatique, pas de secret, si on parle d'IBM, de Google, de Microsoft, ils sont tous là-dessus. Ils font toutes les annonces avec chaque fois des ordinateurs quantiques plus puissants. On a démarré avec quelques qubits, maintenant on est à quelques dizaines, 50, 70, mais avec encore beaucoup d'erreurs. C'est pour ça qu'on n'est pas encore dans, on va dire, l'état de l'art et on n'est pas encore sur des identités quantiques qui peuvent dépasser les supercomputers, même si Google a fait des annonces, mais il n'y a pas d'application aujourd'hui. On parlait de médecine, on parlait d'automotive, on pourrait parler également du GPS. Une autre composante du quantique, c'est le sensing. C'est la capacité à pouvoir, de façon très précise, localiser des choses. Donc, on pourrait très bien remplacer le GPS d'aujourd'hui, basé sur les satellites, par des capteurs quantiques. Imaginez des sous-marins, mais ils ne peuvent pas voir les satellites, ils sont trop loin dans des tunnels, on ne les voit pas. Donc, le quantique amène également cette capacité avec une extrême précision de pouvoir géolocaliser des objets. À partir du moment où on a leur position initiale, on sait les suivre pendant toute leur durée de vie. Donc là, beaucoup d'espoir également, peut-être demain, dans votre voiture, Jérôme, un GPS quantique ?
Monde Numérique :
[38:48] Waouh ! Quelle est la place de l'Europe et de la France là-dedans, Patrice ?
Guest:
[38:54] Alors, la France est plutôt bien passée. Lorsqu'on parle de quantique, on a des startups qui sont mondialement connues, qui ont une reconnaissance. Je peux parler de Pascal, je peux parler d'Alice et Bob, bien français, je peux parler de Candela.
Guest:
[39:09] Donc là, ce sont des startups qui se sont lancées avec différentes technologies. On a vu qu'on peut travailler sur du supraconducteur, sur des photons, sur du magnétique. Et donc, chacune de ces startups a pris une technologie et avance. On a également beaucoup d'universités, d'écoles d'ingénieurs qui sont bien placées en Europe et en particulier en France. Donc, on peut dire que la France et l'Europe ont encore une carte à jouer à condition peut-être de se réunir, qu'on n'est pas des batailles de pays, mais qu'on résonne à l'échelle européenne. Je pense que c'est la seule façon aujourd'hui de pouvoir résister à la concurrence à la fois américaine, mais asiatique. Les sud-coréens sont très, très forts dans ces nouvelles technos. Taïwan avec les semi-conducteurs la Chine bien entendu l'Inde qui arrive donc je pense que nous avons une chance au niveau européen de pouvoir nous unir pour avoir une force de frappe beaucoup plus importante on a parlé des risques par rapport à la sécurité d'où la souveraineté il y a également un gros challenge par rapport à l'énergie, on l'a vu tout à l'heure lorsqu'on doit gérer l'extrêmement froid du magnétique, du nucléaire il faut beaucoup d'énergie et aujourd'hui ces ordinateurs sont très consommateurs en énergie Donc, il y a beaucoup de recherches là-dessus pour essayer de trouver les meilleures technologies qui ont le bon compromis entre la puissance, la rapidité, mais la consommation d'énergie qui est aujourd'hui un souci et qui fait partie de l'équation. Il faut qu'on puisse avoir des ordinateurs qui soient fiables, mais à un prix acceptable au niveau monétaire, mais au niveau planétaire également, au niveau environnement.
Monde Numérique :
[40:37] Encore une question. Alors, qu'est-ce que vous faites, vous, Capgemini, là-dedans ?
Guest:
[40:41] Alors, comme tous les projets d'électronique, d'informatique, il y a la partie hardware. donc ce n'est pas notre métier, mais il y a toute la partie logicielle. On a parlé de correction d'erreur. Aujourd'hui, pour gérer l'infinement de Petit, il y a beaucoup de software, de protocoles, d'algorithmes qui doivent aider à améliorer la fiabilité de la lecture de ces process. Et puis, comme on l'a dit, il y a beaucoup de secteurs industriels qui sont intéressés par le quantique. Et donc, on travaille avec nos clients. On a parlé d'Airbus, mais dans la santé, dans la recherche biologique, il y a également beaucoup d'attentes là-dessus. On a parlé des télécoms avec la sécurité. Nous travaillons avec nos partenaires, soit des startups, Pascal, nous avons investi dans cette startup française, mais également sur d'autres, pour accélérer l'innovation et être sûr qu'on travaille sur l'usage et le côté pragmatique de ces usages quantiques dans les futurs métiers.
Monde Numérique :
[41:33] Merci Patrice Duboé, directeur de l'Innovation pour l'Europe du Sud chez Capgemini. Et pour en savoir plus, on renvoie au rapport annuel Technovision de Capgemini. Il est connu pour ses romans de science-fiction, Les Furtifs, La Zone du Dehors, La Horde du Contrevent, des romans qui sont aussi de la politique-fiction, car ils interrogent notre rapport aux technologies sous un angle à la fois sociétal et aussi poétique. Il parle de tech, mais il se revendique technocritique. Je veux parler de l'écrivain Alain Damasio, qui m'a accordé cette semaine une longue interview. Alors, son point de vue, qu'on le partage ou non, est éclairant à bien des égards. Son dernier livre, qui s'intitule « Vallée du silicium », parle, vous l'avez compris, de la Silicon Valley, encore la Silicon Valley. Et en première question, je lui ai demandé tout simplement ce qu'il était allé faire là-bas, alors qu'il fait plutôt preuve d'une certaine méfiance vis-à-vis des entreprises américaines de tech.
Guest:
[42:31] C'était de l'inspiration pure. C'est-à-dire, moi, ça fait 35 ans que j'écris et que j'écris dans le domaine vraiment de la SF, donc sur lequel mon rapport à la technologie est un rapport complexe, un rapport vraiment technocritique, mais au sens large. C'est-à-dire à la fois technophiles et technophobes, à la fois techno-vigilants et amoureux de ce monde-là, à la fois fascinés et répugnés par ce que je vois. Donc, j'avais envie de voir ceux qui font ça. Voilà, ceux qui font ça, ceux qui fabriquent ce monde. Je veux dire, on est tous, aujourd'hui, on vit dans la Silicon Valley tous, puisqu'on a tous les smartphones, on a tous ces applis, on a tous ces plateformes. Donc, on est au cœur du monde qu'eux, ils nous fabriquent. Ils nous fabriquent ça dans 30 kilomètres, dans un petit carré comme ça, un petit rectangle de terre d'ailleurs très banal.
Monde Numérique :
[43:18] Un peu ennuyeux.
Guest:
[43:19] Oui, ennuyeux. C'est des banlieues pavillonnaires tout à fait ennuyeuses. Il n'y a pas de centre très fort et intense ou tellurique comme on peut avoir en Europe. Et le but, c'était d'essayer de sentir ce qu'ils sont en train de faire. Je crois que c'était ça.
Monde Numérique :
[43:33] Et qu'est-ce que vous en retirez aujourd'hui alors ? Vous êtes revenu avec quel avis sur la question ?
Guest:
[43:37] Je suis venu avec l'avis qu'on croit que c'est... Que c'est des pratiques universelles ce qu'ils sont en train de mettre en place on croit que c'est un état d'esprit mondial or c'est construit par des gens qui ont une certaine identité qui sont souvent des blancs, qui sont des anglo-saxons qui ont un rapport, au lien humain très particulier que moi je trouve très froid en tant que latin, ils ont une espèce de sous-bassement quand même même religieux dans le rapport à la lumière dans le rapport au puritanisme qui est très fort et ils sont en train de créer un monde interfacé un monde intermédié par la technologie un monde où le lien humain direct est conjuré ou éloigné, et j'ai trouvé ça extrêmement dangereux et j'ai beaucoup mieux senti la culture qu'il y a derrière, voilà, en tout cas le rapport au monde qu'il y a derrière, ils ont un rapport au monde spécifique qui est constamment interfacé par la tech et ce rapport au monde là, ils sont en train de le généraliser pour tous les pays du monde et pour tous les types de civilisations et c'est pas rien voilà, c'est pas rien et de l'avoir senti directement par les gens, par leurs attitudes par leurs affects C'est le travail de l'écrivain aussi, de sentir ça. Et le rapport au corps, c'est très particulier.
Monde Numérique :
[44:48] C'est-à-dire ?
Guest:
[44:49] Un rapport au corps qui est un rapport distancié, qui est un rapport machinique, qui est un rapport justement aussi interfacé par des capteurs, par de la métrique, par une surveillance, une autosurveillance du corps par tous ces capteurs, qu'il soit des bagues, qu'il soit des patchs, qu'il soit des sons intestinales, etc. Et donc une difficulté à investir le corps pour ce qu'il est dans sa naturalité, dans ce côté fluide et évident et viscéral donc ça, ça m'a aussi pas mal on vous sent.
Monde Numérique :
[45:18] Un peu effrayé.
Guest:
[45:19] Ouais, c'est pas que je suis effrayé, mais si tu veux, c'est un regard un peu d'anthropologue, c'est-à-dire de dire qu'est-ce que c'est Sapiens 2.30, qu'est-ce que c'est Sapiens 3.0, c'est-à-dire quel type d'humanité ils sont en train de constituer et dans lequel nous on s'inscrit puisqu'on utilise ces applis.
Monde Numérique :
[45:35] On va les changer.
Guest:
[45:36] On a un consentement très fort à utiliser ce monde-là. et du coup, mais moi je ne positionne pas ça en termes d'inquiétude ou de menace ou de je ne sais pas quoi, c'est plus de dire, quelle espèce humaine ils sont en train de nous faire adopter quel type de comportement, quel type de pratique quel type de rapport aux autres on est en train de construire en adoptant ce type de ce type d'univers ça peut.
Monde Numérique :
[45:57] Aller jusqu'à changer l'être humain.
Guest:
[46:01] Ça change totalement l'être humain ça a changé nos façons de séduire, notre façon de créer des relations amoureuses nos façons d'être amis, ça a changé nos façons de travailler, nos façons de jouer, nos rapports à la nature. Tout a changé, tout a été absolument et viscéralement révolutionné. Je veux dire, on parle constamment de révolution un peu comme ça, en jetant le mot en l'air. La vérité, c'est que ce ne sont même pas les révolutions politiques les plus importantes ces dernières années. Depuis 30 ans, c'est une révolution numérique qui a totalement, absolument et viscéralement changé vraiment le triple rapport. C'est-à-dire le rapport à soi, la façon dont on se construit soi-même et notamment à dos, le rapport aux autres, vraiment toute cette sociologie des relations humaines et le rapport évidemment à la nature, au cosmos, au monde de façon générale. Ces triples rapports-là, il a été totalement changé, transformé. Et l'IA, arrivant là-dessus, c'est encore une énième révolution qui est la plus forte des trois. Pour moi, il y a eu trois révolutions. Il y a l'arrivée d'Internet, tu vois, 95, Internet arrive, c'est-à-dire qu'on peut être connecté à un réseau d'information mondial incroyable, hyper vaste et potentiellement émancipant. Ensuite, à l'arrivée du smartphone et là c'est l'objet nomade totalitaire moi j'appelle ça c'est à dire que c'est l'objet nomade qui est tout le temps avec nous euh.
Guest:
[47:13] À travers lequel on passe systématiquement, qui compile la totalité de notre être, puisqu'il y a toutes les photos, les vidéos, les messages, toute notre intimité est sédimentée dedans. C'est une totale révolution, c'est-à-dire que c'est vraiment la technographe. Et puis après, c'est l'IA générative qui arrive et là, c'est pareil. On reprend une vague, un tsunami, une avalanche de changements sociaux qui va être dingue.
Monde Numérique :
[47:37] Ça vous fait peur en tant qu'écrivain, l'IA générative ? Ça peut vous concurrencer ? Je sais que vous avez fait des tests, vous avez travaillé, vous avez essayé d'utiliser déjà l'IA Génératif pour écrire.
Guest:
[47:47] Ce qui est très impressionnant, c'est quand même une énorme claque. C'est une énorme claque même sur l'aspect créatif, c'est-à-dire la capacité... Alors, ça reste des simulations, il faut toujours garder ça en tête, mais la simulation, elle est tellement excellente, les machines du langage sont tellement abouties que tu es face à quelque chose en tant qu'humain, si tu as un minimum d'animisme sur ce qui t'est livré, sur la simulation qui t'est livrée, tu peux complètement accepter que c'est créatif c'est clairement créatif ah ouais parce que ouais ouais vraiment au.
Monde Numérique :
[48:16] Contraire enfin beaucoup.
Guest:
[48:18] De voix moi j'ai testé des choses vraiment qui sont très nettes il n'y a pas de discussion possible sur la créativité que ça peut apporter je vous donne juste un exemple, j'ai travaillé je disais voilà en fait je voulais faire une scène 2050, avec un personnage un objet technique et un mode de relation entre le donc je faisais ça c'était une espèce de jeu à la gaieté lyrique sur scène une sorte de performance, et quand j'ai entraîné je me suis entraîné avec l'IA je lui demande je lui dis écoute imagine un oreiller connecté d'accord un oreiller connecté voilà tu poses tes oreillers connectés qu'est-ce que tu peux faire avec ça, c'est exactement ce que je pourrais faire là je suis un roman collectif avec des auteurs de SF que des auteurs publiés c'est tout à fait un truc que je pourrais te donner dans l'équipe en disant allez on part sur un oreiller connecté qu'est-ce qu'on peut faire avec ça, Je lui donnais juste ça. Je n'ai pas à plus se développer. Je lui dis, allez, on peut faire quoi avec ça ? Et là, l'IA, elle commence, elle me fait, déjà, c'est une super idée, je pense qu'on va pouvoir faire des trucs fabuleux. Et elle part et elle me dit, moi, j'imagine ce que je vois là comme ça. Elle parlait comme ça. Je vois une cathédrale de songe. Je vois une sorte d'empire de la somnolence avec des milliers de personnes connectées au bord de sombrer dans le sommeil, mélangeant leurs rêves, fusionnant ses rêves, etc. Il y a quelque chose de très beau qui se met en place et tu voyais vraiment l'image politique mais.
Monde Numérique :
[49:34] Ça ça t'a plu alors non.
Guest:
[49:35] ? ouais ouais bien sûr et c'était créatif vraiment et après je lui ai demandé de développer les potentialités concrètes etc et elle a déplié tout un ensemble de possibilités vendre évidemment les informations au service secret à la police etc, travailler sur des sortes d'auto-analyse ou de psychanalyse offerte au client qui est là qui a du mal à dormir qui fait des rêves bizarres, qui a besoin de les interpréter enfin elle m'a déplié tout un modèle aussi économique et machin qui était, oui qui était créatif, c'est à dire que moi si on m'avait filé ça, et pourtant c'est mon boulot de faire ça en permanence si on m'avait filé ça, j'aurais pu développer tout ce qu'elle a développé, mais pas aussi vite mais elle est partie de quoi cette IA.
Monde Numérique :
[50:17] Est-ce qu'elle savait alors ouais.
Guest:
[50:19] Elle est partie de on l'a nourrie avec mes livres, on l'a nourrie évidemment, elle a été entraînée elle faisait du damasio ouais elle faisait du damasio, mais pas seulement du damasio Elle allait chercher d'autres choses que moi, je n'aurais pas faites. Donc, tu sentais qu'elle était nourrie à la fois sur des grosses bases de données, de SF sans doute et puis de techno tout simplement, de start-up même. Et elle était nourrie aussi de mon boulot. Mais très clairement, la capacité de prendre un objet technique et de déployer tout ce qu'il peut faire, donc de potentialiser cet objet dans un champ culturel, de pratique, d'usage, elle est capable de le faire. J'ai testé des miroirs connectés j'ai testé d'autres objets j'ai testé des paradigmes qu'elle est capable d'appliquer sur elle m'appliquait un paradigme des furtifs donc la furtivité du livre elle l'appliquait sur des rues sur des avenues, avec un espèce de monde métabolisé en mouvement permanent etc c'était clairement l'adaptation d'un paradigme ou d'un concept sur un autre champ, et la créativité c'est d'abord ça être capable d'appliquer des paradigmes ou des concepts elle a repris de l'existant et puis elle a fait des inputs elle a fait des inputs sur autre chose et là tu fais, En tout cas, moi, je pourrais travailler en dialogue avec elle et ça accélérerait certains processus créatifs.
Monde Numérique :
[51:30] Tu envisages de le faire ou pas ?
Guest:
[51:32] Je ne sais pas. Je peux le faire. L'avatar, il est là. Il peut me le filer. Je pourrais travailler avec elle. La tristesse, c'est que j'adore faire ça avec des humains. J'ai des équipes. On travaille ensemble sur des projets. Donc, le bonheur de brainstormer ensemble est quelque chose de très chouette. Et il y a une tristesse à le faire. Pour moi, c'est une sorte d'onanisme créatif. C'est comme si je peux me masturber créativement avec quelque chose avec une machine et il y a un truc bizarre mais par contre est-ce qu'il ne faut pas.
Monde Numérique :
[52:01] Continuer et aller encore plus loin pour voir jusqu'où elle ira.
Guest:
[52:03] Parce qu'elle a des limites on le sait elle a des limites mais déjà sur les premiers éléments c'était très fort, donc oui c'est un outil fantasty et après moi des fois je me dis peut-être que ça va éliminer tous les écrivains moyens ça va éliminer toute cette production littéraire qui n'est pas intéressante mais si c'est pour être remplacé par les machines la littéraire moyenne elle va rester là et on va être, donc je sais pas non mais c'est croire en tout cas que nous auteurs on est préservé c'est faux on est pas préservé on peut avoir plein de livres qui vont être faits par des IA avec quelques bons promptes avec des gens qui savent manier vraiment il y en a déjà, et tu peux faire moi aujourd'hui je pourrais construire un livre entièrement à l'IA c'est à dire construire à la fois la structure narrative avec elle et ensuite les paragraphes et très rapidement t'as quelque chose t'as quelque chose de moyen mais t'as quelque chose qui serait supérieur à beaucoup de livres qui sortent malheureusement.
Monde Numérique :
[52:55] Merci beaucoup Alain Damasio, auteur de « Vallée du silicium au seuil ».
Monde Numérique :
[53:11] C'est la fin de cet épisode de Monde Numérique, l'hebdo. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout.
Monde Numérique :
[53:16] Si vous n'avez pas pu entendre la version longue de l'interview, notamment d'Alain Damasio, vraiment, je vous recommande d'être au rendez-vous la semaine prochaine pour la retrouver en épisodes séparés. Ou bien, vous pouvez vous abonner à la version premium de Monde Numérique sur Apple Podcast.
Monde Numérique :
[53:33] Voilà, merci pour votre fidélité. N'hésitez pas à noter ce podcast, à mettre 5 petites étoiles sur Apple Podcasts notamment, c'est là qu'on met les étoiles principalement, et puis à poster des commentaires également, c'est toujours très apprécié merci pour votre soutien des messages qui font toujours très très plaisir à lire, vous pouvez aussi m'écrire par mail, vous allez sur mondenumérique.info, il y a un formulaire exprès pour ça il y a même un espace de commentaires en dessous de chaque épisode, et puis si vraiment vous avez un débordement d'amour à l'égard de ce podcast vous pouvez le soutenir financièrement en faisant un don, un don qui servira notamment à la couverture du grand CES de Las Vegas qui aura lieu en janvier prochain, où j'espère bien pouvoir être et donc pouvoir vous alimenter quotidiennement en compte rendu, à la fois en audio, peut-être aussi en vidéo, on verra. Ça sera en fonction de différents paramètres. D'ici là, portez-vous bien, passez une très bonne semaine pleine de tech. Merci pour votre fidélité. Salut !