Pèse-personnes, tensiomètres, montres connectées, analyseurs de sommeil... L'entreprise française Withings, spécialiste des objets connectés pour la santé, prépare l'arrivée de l'IA dans ses produits.
Trois questions à Eric Carreel, président de Withings.
Quelle est votre vision de la santé connectée ?
Chez Withings, notre mission est de sortir la santé des hôpitaux pour la ramener à la maison, notamment en gérant les maladies chroniques grâce à des objets connectés. Nous proposons une gamme d'appareils comme des pèses-personnes, des montres et des tensiomètres qui permettent un suivi de santé continu et intégré. Nous croyons fermement que la prévention, avec des données régulières provenant de la vie quotidienne, est la clé pour une meilleure gestion de la santé.
Qu’est-ce que les IA génératives peuvent apporter à la santé connectée ?
Les IA génératives offrent des opportunités révolutionnaires. Elles vont nous permettre de proposer aux utilisateurs des contenus personnalisés, tels que des conseils de santé ou des programmes de bien-être, adaptés en fonction de leurs données personnelles et de leurs besoins spécifiques.
Le corps médical est-il prêt à adopter ces technologies ?
L'adoption des technologies par le corps médical est encore lente, car beaucoup de médecins manquent de temps pour se former et restent sceptiques quant à la précision des appareils grand public. Cependant, nous observons un changement progressif, surtout avec des dispositifs comme nos montres montres connectées avec ECG qui commencent à être acceptées et recommandées par les cardiologues.
Lien : https://www.withings.com/fr
Eric Carreel:
[0:00] Aujourd'hui, beaucoup de cardiologues nous recommandent, et je me suis même fait engueuler par plusieurs cardiologues qui m'ont dit « maintenant vous avez des montres qui sont plus chères qu'avant, moi je ne peux plus les acheter pour
Eric Carreel:
[0:11] les prêter à mes patients ». Et donc c'est bon signe quelque part. On est proche du moment où les cardiologues vont dire « finalement le halter où je mets un appareil sur ma prétrine pour enregistrer pendant 24 heures est moins utile qu'une montre qui fait une détection de CG ».
Monde Numérique :
[0:27] C'est un grand monsieur de la tech que je reçois aujourd'hui dans le monde numérique. Il a co-créé une startup qui est devenue acteur majeur de la technologie au service de la santé. Une marque désormais connue dans le monde entier avec des produits qui sont vendus un peu partout, y compris dans les Apple Store. Ça, c'est une sorte de consécration. Ingénieur, entrepreneur, visionnaire sans doute aussi. Bonjour Eric Carrel.
Eric Carreel:
[0:51] Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
[0:51] Vous êtes président de la société WeThings, entreprise française, je le disais, ex-start-up et pionnière dans les objets connectés au service de la santé. Alors ces objets connectés, ce sont des pèses-personnes, montres connectées, tensiomètres, thermomètres. On va parler de tout ça dans le détail avec vous. On va essayer de voir où ça nous emmène aussi, la tech au service de la santé. présenté. Mais comme on a un peu de temps, c'est gentil d'être venu nous voir ici dans le studio de mon numérique. J'aimerais que vous nous parliez un peu d'abord de vous et de votre parcours. Quel est votre parcours ? Je le disais ingénieur et entrepreneur, mais pourtant vous ne venez pas du tout de ce milieu-là.
Eric Carreel:
[1:34] Oui, moi je suis fils d'agriculteur Picard. Je n'aimais pas du tout l'agriculture, mais mes parents avaient un peu du mal à mettre les deux bouts et faire en sorte que ça fonctionne. Donc les enfants, nous participions toutes nos vacances aux travaux de la ferme. Je me souviens notamment des vacances de Pâques à Binet-les-Métraves qui, pour moi, étaient l'horreur absolue, l'ennui absolu. Pour moi, c'est le symbole de l'ennui.
Monde Numérique :
[2:01] P- C'est tellement nécessaire. Voilà.
Eric Carreel:
[2:04] Mais c'était une époque où on ne traitait pas autant qu'aujourd'hui. Mais il y avait quelque chose qui me passionnait, qui était l'entretien des machines agricoles. Et donc, j'aimais ça, j'aimais faire de la soudure à l'arc, des choses comme ça. Et puis, mon père, qui n'avait pas choisi son métier, a vraiment poussé ses enfants à faire des études. Donc, ça, c'était une chance. Et à travers ça, j'étais dans un lycée assez connu maintenant, Damien, parce qu'il a donné pas mal de députés, même un président de la République. Et j'ai eu la chance d'être poussé à faire des études d'ingénieur. Et donc je me suis retrouvé en région parisienne en prépa et puis à l'école de physique chimie où là j'ai eu une autre chance qui était de rencontrer Jacques Leviner.
Monde Numérique :
[2:49] Grand scientifique français.
Eric Carreel:
[2:50] Grand scientifique français qui était directeur scientifique de l'école de physique chimie de Paris et qui était aussi mon directeur de thèse donc j'ai fait une thèse dans le domaine des radiocommunications et là en fait, c'est quand même beaucoup de chance mise bout à bout je me suis retrouvé au lieu qui me passionnait. Et donc, j'ai fait de la recherche pendant quelques années. J'étais aussi maître de conférence. Et assez vite, quatre ou cinq ans après, avec Jacques Leviner, on a eu ce désir de créer une entreprise. Créer une entreprise, moi, quand j'étais en prépa, j'avais 18-19 ans.
Monde Numérique :
[3:30] Ce n'est pas vraiment ce qu'on apprend en école d'ingénieur, et sans doute encore plus à cette époque-là.
Eric Carreel:
[3:34] À cette époque, j'y reviendrai, mais à cette époque, créer une entreprise, ce n'était pas du tout à la mode. Mais c'était une époque qu'on a un peu oublié parce qu'aujourd'hui on parle moins du chômage où le chômage était omniprésent c'était, moi je le voyais dans les campagnes beaucoup de gens qui n'avaient pas de travail et donc quand j'ai compris que j'aurais la chance de faire des études je voulais absolument créer une entreprise pour aider les gens à avoir du travail c'est un peu ces rêves qu'on a quand on est un peu adolescent, bon après j'ai créé des entreprises où j'ai embauché quasiment que des ingénieurs donc ça n'a pas forcément aidé, à trouver du travail à ceux qui n'en ont pas, mais en tous les cas c'était un peu mon point de départ et c'était un peu mon point de départ avec, cette passion dans le domaine de l'électromagnétisme avec Jacques et donc on a créé cette première boîte qui était Inventel.
Monde Numérique :
[4:25] Pour tout dire, c'est à cette époque là qu'on s'est connu, Eric Carrel alors peut-être pas au début mais vous avez déjà un peu de bouteille, Inventel qui fabriquait des box pour les opérateurs Oui.
Eric Carreel:
[4:34] Alors on a fabriqué des box, mais avant ça, on a fabriqué des pagers. Alors peut-être que vous êtes trop jeune pour l'avoir connu.
Monde Numérique :
[4:42] Ah non, j'ai connu les pagers, les ancêtres du smartphone.
Eric Carreel:
[4:46] Ou les médecins qui s'occupaient des accouchements recevaient des messages d'urgence parce qu'il y avait quelqu'un, une femme allait accompagner. Ou les techniciens d'ascenseur. Enfin voilà, c'était des objets très spécifiques. Et puis à un moment donné, ils sont devenus très grand public. Et donc on était à ce moment-là, la boîte a démarré comme ça. et, On n'a pas vu que les SMS arrivaient. Les SMS, aujourd'hui, c'est évident. Mais il faut savoir qu'au départ, il n'y avait pas de SMS sur un téléphone mobile. Mais c'était une fonction qui était là parce qu'elle avait été imaginée, notamment par des ingénieurs français de France Télécom, comme un moyen d'échanger de l'information pour maintenir le réseau, etc. Et quand le SMS est arrivé, le pager n'avait évidemment plus aucune utilité. Et donc, l'entreprise a failli mourir. Et puis, elle est renée de ses cendres, pas de ses cendres, mais de vraies difficultés, avec de la téléphonie sans fil et de la téléphonie sans fil. Donc, on s'est connecté au réseau filaire qu'on avait à la maison. Et puis, on a suivi cette évolution avec l'arrivée de la DSL. Maintenant, tous les jeunes voient la fibre optique, mais on a connu assez récemment encore de la DSL. Et donc, cette arrivée de l'Internet au débit dans la maison, qui fait que l'entreprise a un peu surfé là-dessus. Et on a été les premiers à sortir la Livebox, effectivement.
Monde Numérique :
[6:05] Oui, vous avez conçu la première Livebox pour France Télécom à l'époque.
Eric Carreel:
[6:14] Et notamment parce qu'on avait une équipe qui était assez réactive, petite équipe, on était 80 personnes. Et puis qu'on a intégré assez vite le operating system Linux à l'intérieur de la box. Et donc du coup, on était plus agile que d'autres qui utilisaient encore d'anciens systèmes logiciels.
Monde Numérique :
[6:31] Et alors de Inventel à WeThinks qu'est-ce que c'est le parcours ?
Eric Carreel:
[6:36] Alors donc de Inventel à WeThinks, donc Inventel a été finalement a été racheté, par Thomson Technicolor parce que Orange voulait un peu être rassuré et donc j'ai passé deux ans et demi chez Technicolor qui pour moi a été une première dans ma vie j'avais jamais travaillé dans un grand groupe comme ça j'ai beaucoup appris, j'ai beaucoup compris aussi sur la façon dont les, relations humaines dans ces grands groupes sont complètement biaisées par les effets de cours. Maintenant que je vois un peu des hommes politiques, c'est encore... C'est très peu par rapport à ce qui se passe en politique, mais enfin, déjà, c'était une première.
Monde Numérique :
[7:15] C'est ce qu'on appelle la politique dans les entreprises.
Eric Carreel:
[7:16] Voilà, exactement. J'ai aussi rencontré plein d'opérateurs dans le monde, notamment leur CEO, et on les faisait rêver avec une slide, et c'est pour ça que j'ai compris que PowerPoint peut nous aider à être menteur, où on avait la box au milieu, qui était le soleil, qui irriguait toute la maison, l'imprimante, le réfrigérateur, tous les appareils de la maison, et qui faisait rêver les opérateurs parce qu'ils se disaient « j'amène l'internet au débit à la maison et je vais devenir le maître du monde ». Et en fait, on s'est aperçu que ça ne marchait pas comme ça, parce qu'on a essayé. On a essayé de faire des systèmes de musique de streaming à l'époque et c'était un fiasco total trop tôt, et un truc que m'a appris Steve Jobs quand il a lancé l'iPhone, c'est qu'en fait, il fallait pas passer par les opérateurs. En fait, Steve Jobs, si vous vous souvenez bien, au début, l'iPhone, on ne pouvait pas l'acheter chez les opérateurs. Il a compris que c'était tellement révolutionnaire qu'il fallait s'intéresser à l'utilisateur final et squeezer tout ce qu'il y avait entre deux parce que l'entre deux ne serait que des freins. Et après, il est venu, une fois qu'il est venu à l'attraction, il est venu et chez les opérateurs télécoms et dans les entreprises.
Monde Numérique :
[8:35] Oui, parce qu'en France, l'iPhone est sorti chez Orange pour la première fois, en fait. Il n'était pas disponible. On ne vendait pas, d'ailleurs, quasiment de téléphone en dehors des opérateurs. Voilà, exactement.
Eric Carreel:
[8:44] Au début, on allait acheter son abonnement et on prenait son téléphone chez... Et donc du coup en comprenant ça, on s'est dit ce qui s'est passé avec l'iPhone va se passer aussi dans tous les objets, mais ça doit être maîtrisé par une entreprise qui va gérer toute la verticalité de l'objet, c'est à dire l'objet lui-même sa connectivité, le service qu'il rend, etc. Et donc on a avec deux autres qui étaient aussi chez Thomson Technicolor, on a créé WeFix pour faire des objets connectés. Et là on a eu encore une chance particulière, c'est qu'on a commencé par un pèse-personne.
Eric Carreel:
[9:22] On n'était pas du tout du domaine de la santé. On était essentiellement des mecs qui n'avaient pas de problèmes de surpoids, etc. Et on a lancé ça en se disant que c'est un objet qui va aider les ingénieurs à mettre le pied à l'étrier, puis après on fera des trucs plus sérieux.
Eric Carreel:
[9:39] Et donc déjà, on a compris que c'était compliqué parce que non seulement il fallait faire un pèse-personne, mais il fallait lui mettre toute la stack internet pour qu'il puisse se connecter, mettre du wifi que ça consomme pas trop, créer des applications sur IOS puis après sur Android, créer la plateforme au milieu enfin déjà on a pris conscience que c'était du lourd, on était un peu inconscient mais enfin bon, on l'a fait et puis quand on l'a lancé on s'est dit bon ça c'est un truc pour les femmes de 25 à 45 ans etc, donc on a fait on a mis les petites économies qu'on avait dans l'entreprise pour faire des publicités dans les magazines féminins, les hebdos féminins il y en a un peu moins aujourd'hui mais il y en avait beaucoup à l'époque, Et puis là, c'était le fiasco total, parce que grosso modo, on expliquait, vous allez avoir votre poids qui va transiter par Internet. Et ce qu'on a compris...
Monde Numérique :
[10:24] La panique.
Eric Carreel:
[10:25] Voilà, la panique. Ce qu'on a compris, c'est que le rapport au poids chez les hommes et les femmes est déjà un peu différent. Et à l'époque, quand on disait que ça va transiter par Internet, ça faisait paniquer tout le monde. Et donc là, c'était un peu compliqué, mais par chance... Comme c'était un objet un peu techno, il y a pas mal de gens du côté de la Silicon Valley qui l'ont acheté. Et notamment Jacques Dorcé, fondateur de Twitter, qui a tweeté en disant ce produit génial. Je ne sais plus exactement quel était ses mots.
Monde Numérique :
[10:51] Il a acheté la première balance connectée.
Eric Carreel:
[10:52] Il a été la première balance connectée, mais il y a pas mal de gens dans la Silicon Valley qui l'ont acheté. Parce qu'à l'époque, ils achetaient un peu tout ce qui bougeait, qui permettait de se raccorder à l'iPhone, etc. Et là, on a eu des gens qui nous ont écrit en disant Eric, tu m'as changé la vie. On a fait des dizaines de millions de livebox, il n'y a jamais quelqu'un qui nous a écrit qu'on lui avait changé la vie. Et on a compris que ce sujet de la santé, en fait, c'était un sujet sérieux qui n'était pas adressé dans notre vie quotidienne. Et ce qu'on a compris, par exemple, avec le post-personne, c'est que le fait de donner un moyen d'avoir un suivi, ce qu'on appelle aujourd'hui longitudinal, c'est-à-dire sur la durée, dans la poche, qu'on puisse regarder à un moment opportun dans notre vie, c'est bien mieux que juste de voir une mesure tous les matins en montant sur la place personne et que pour des personnes ça leur changeait la vie ils avaient essayé tout le régime de la terre ils perdaient du poids, c'était stable et puis ils montaient plus haut qu'au démarrage et là ça leur donnait un vrai moyen de.
Monde Numérique :
[11:50] Contrôler ce qui se passe Mais c'est vrai que c'était pas forcément intuitif et c'était pas naturel pour beaucoup de gens moi je me souviens très bien, j'étais à France Info à l'époque, lorsqu'est sortie cette première balance et donc je couvrais toutes les nouveautés high tech, on était venu me la présenter j'avais parlé de ça, et aussi bien autour de moi que les retours des auditeurs, c'était non mais n'importe quoi, à quoi ça sert ? C'était un peu mitigé, il y avait un peu d'interrogations et beaucoup de moqueries, on ne comprenait pas quel pouvait être l'intérêt d'avoir une balance connectée en fait.
Eric Carreel:
[12:18] Et moi je me souviens qu'un de mes enfants, une de mes filles, m'a dit un matin, papa jusqu'ici je comprenais ce que tu faisais, je trouvais que ça avait un intérêt, mais là je ne comprends pas quoi.
Monde Numérique :
[12:28] Ah ouais c'est dur.
Eric Carreel:
[12:29] Donc c'était assez dur. Et en fait, il faut du temps pour comprendre ce que peut apporter une évolution et un nouvel outil. Effectivement, il peut avoir plein de côtés négatifs et il peut avoir aussi des côtés positifs. Et ce que j'ai appris, c'est qu'il ne faut pas juger a priori quand on fait quelque chose de nouveau. Et donc, finalement, ce qui doit être le moteur, c'est plus la passion. Que l'idée de « je vais faire un truc bien ». Bien sûr, on essaye de faire un truc bien, mais juger a priori que quelque chose va être bien ou pas bien, comme à chaque fois, ce qu'on fait, ce sont toujours des outils, c'est un peu présomptueux.
Monde Numérique :
[13:12] Donc vous, vous saviez évidemment au départ que c'était bien, que ça avait un intérêt ?
Eric Carreel:
[13:17] Nous, on avait l'impression que ça avait un intérêt, on avait l'impression qu'apprendre à gérer des objets... On voulait regarder deux sujets, on voulait regarder ces sujets liés un peu à la santé, et puis des sujets liés à la gestion de l'énergie. Donc c'est des sujets qui, a priori, étaient pas mal. Mais on n'avait pas la conscience de l'importance du changement qu'il y a à faire dans le domaine de la santé, conscience qu'on a aujourd'hui, dont je pourrais te reparler après.
Monde Numérique :
[13:43] Oui, on va en parler. Ce qui veut dire que votre modèle, c'est plus Steve Jobs, quoi. Pas d'études de marché, mais une vision, une vista, l'idée d'un produit et des usages qu'on pourra en faire.
Eric Carreel:
[13:57] Effectivement, c'est-à-dire que faire une étude de marché à l'époque, c'est sûr qu'on nous aurait convaincus de ne pas faire ça. Parce que la réaction dont je vous parlais tout à l'heure sur les premières personnes qui entendaient que leur poids allait transiter sur Internet, c'était effectivement une conviction qu'il ne fallait pas faire.
Monde Numérique :
[14:20] Alors, il y a quand même beaucoup de chemin qui a été parcouru. Je ne sais pas de quoi on parle ? Est-ce qu'on parle d'abord des produits ou d'abord un petit mot de WeThinks ? L'entreprise WeThinks, elle a déjà une longue vie.
Eric Carreel:
[14:33] Création en 2008, c'est ça ? Exactement, création en 2008.
Monde Numérique :
[14:36] Et puis vous avez fait un truc de fou, vous l'avez vendue ou vous l'avez rachetée ?
Eric Carreel:
[14:39] Alors ça, c'était pas prévu. Moi, grosso modo, j'ai participé à la vente de trois entreprises dans ma vie. Il y en a deux où je voulais absolument pas vendre, donc Inventel et WeThinks.
Eric Carreel:
[14:52] Mais il y a des moments où on n'est pas tout seul dans une entreprise et des investisseurs il ya des cofondateurs et donc cette entreprise a été rachetée et deux ans après le nokia m'a donc racheté les rangs en disant on va arrêter on va la vendre on met un process de rachat en place donc il ya eu pas mal d'entreprises qui sont intéressés il.
Monde Numérique :
[15:14] Savait pas quoi en faire en fait il savait.
Eric Carreel:
[15:16] Pas qu'ils savaient pas quoi en faire nokia et vit traverser une période pas facile donc ils voulaient vraiment se recentrer sur leur métier. Et puis, l'arrêter, c'était compliqué parce qu'il y avait quand même des millions de personnes qui étaient connectées. C'est-à-dire arrêter une entreprise d'objets connectés, ça fait forcément hurler parce qu'il y a plein de gens qui ont certainement plus de services. Et donc, pour la notoriété de la marque, c'est difficile. Donc, il fallait absolument qu'ils trouvent un repreneur. Et le board voulait que ça se fasse très vite. Donc, ça a été ma chance parce que moi, comme je connaissais l'entreprise, Je pouvais prendre la décision rapidement. Je n'avais pas besoin de faire des due diligence pendant des mois et des mois. Et c'est ce qui a été ma chance.
Monde Numérique :
[15:50] Donc, vous avez repris WeThings et aujourd'hui, ça vous occupe à plein temps.
Eric Carreel:
[15:53] Ça m'occupe à peu près à plein temps et ça me passionne parce que, en fait, ce qu'on n'avait pas réussi à faire dans le premier WeThings, c'était cette transition vers le monde plus médical. Et nos investisseurs s'impatientaient un peu du fait que ça mettait un peu trop de temps à arriver. Mais avec le temps la chose est maintenant beaucoup plus comprise et donc on peut en parler plus précisément mais cette idée que la santé sort du milieu hospitalier pour se passer à la maison et que l'explosion des maladies chroniques fait qu'il faut accompagner les personnes, maintenant elle est bien admise et c'est le boulot de We Things Un.
Monde Numérique :
[16:29] Boulot que vous faites donc avec maintenant toute une gamme d'objets c'est quoi celui dont vous êtes le plus fier ou celui qui vous plaît le plus ?
Monde Numérique :
[16:37] Il y a des tensiomètres, thermomètres il n'y en a pas tant que ça non plus.
Eric Carreel:
[16:41] On a grosso modo aujourd'hui 4 familles d'objets qu'on est en train de compléter on a effectivement les pèses-personnes les montres, les tensiomètres le sleep analyzer l'analyseur du sommeil et puis il y a 2 objets qu'on est en train de sortir qui sont l'analyseur d'urine et puis, un appareil qu'on appelle BIMO qui est un multiscope qui fait à la fois thermomètre mesure de saturation d'oxygène ECG et puis stéthoscope pour permettre justement de téléconsultation à distance. Et peut-être pour répondre à votre question sur quel est l'objet dont je suis le plus fier, ce n'est pas celui qu'on vend le plus, c'est probablement celui qu'on appelle le Sleep Analyzer qui se met sous le matelas et qui est en fait un objet assez extraordinaire parce qu'il est complètement passif. Comme il est sous le matelas, on le met et il reste des années et il capte des données pendant un tiers de notre vie et ces données qu'ils captent sont d'une richesse absolument incroyable quand on voit leur évolution d'un point de vue longitudinal. Typiquement, Le fait de savoir, d'analyser les évolutions des heures de coucher, de lever, le nombre de fois où on se lève la nuit, la profondeur de notre sommeil, l'évolution du rythme cardiaque, l'évolution de la variabilité du rythme cardiaque, l'évolution du rythme respiratoire.
Monde Numérique :
[18:01] Oui, il nous dit le matin si on a ronflé, si on a fait des apnées du sommeil, etc.
Eric Carreel:
[18:06] Oui, alors plus que ça, c'est-à-dire que, par exemple, si on commence à être malade, en fait notre rythme cardiaque va augmenter puisque notre corps va réagir avant même qu'on en soit conscient et donc on peut voir une pathologie qui est en train d'arriver si on boit de l'alcool on voit comment on cuve notre alcool durant la nuit et.
Eric Carreel:
[18:31] Effectivement vous mentionnez l'apnée c'est important on a qualifié la détection de l'apnée et aujourd'hui des laboratoires, hospitaliers australiens ont montré qu'on était meilleur que la polysomnographie qui est l'appareil officiel, l'appareil de référence pour mesurer l'apnée. Pourquoi ? Parce qu'on est là plusieurs nuits. Et le fait d'être là plusieurs nuits, ça fait que on peut comprendre qu'il y a une évolution et que toutes les nuits ne sont pas pareilles. Quand on fait à l'hôpital un test pendant une nuit, on peut passer à côté. Et hier, j'ai rencontré des personnes qui vivaient en Allemagne, et une personne m'a raconté qu'elle avait un problème d'apnée, elle a vu des médecins et ces médecins lui ont expliqué qu'il faisait d'apnée et qu'il fallait mettre un masque à pression positive. En fait, il s'est aperçu qu'il était encore plus mal avec ce masque à pression positive. Et donc, il est allé voir un peu un spécialiste. Il lui a montré les résultats de notre produit avec notre sleep analyzer. Et là, il a compris qu'en fait, il avait une autre maladie qui n'était pas grave, mais qu'il fallait un peu prendre en compte. Mais ça l'a sauvé. Et des cas comme ça, on en a des dizaines et des dizaines. Donc, ce produit complètement passif apporte aux gens quelque chose absolument extraordinaire. C'est pour ça que j'en suis très fier. La difficulté, c'est comme il est sous le matelas, on le voit pas. Si vous allez dîner chez des amis, ils vont pas vous montrer votre Sleep Analyzer sous le matelas. Vous allez en général...
Monde Numérique :
[19:53] Donc ça donne pas envie aux autres ?
Eric Carreel:
[19:54] Ça se communique pas facilement. Alors que porter une montre comme je l'ai aujourd'hui, cette montre, les gens vont voir, tiens, qu'est-ce qu'elle fait ta montre ?
Monde Numérique :
[20:03] C'est plus viral.
Eric Carreel:
[20:03] Et donc là, c'est plus viral. Donc c'est une des difficultés, mais c'est un produit absolument extraordinaire. L'autre produit que j'aime beaucoup, c'est le PES Personne. Parce qu'en fait, aujourd'hui, c'est un objet qui est considéré par les gens comme un pèse-personne, qui est un form-facteur de pèse-personne, mais qui mesure beaucoup plus, puisqu'on mesure la rigidité des artères, on mesure l'état de santé du système nerveux autonome, on fait un électrocardiogramme et donc on mesure l'eau intracellulaire, extracellulaire, qui dit beaucoup de choses sur ce qui se passe à l'intérieur de notre corps. Donc, par un geste simple qui est considéré par tout le monde comme facile à faire, en rentrant, en sortant de la douche, on monte dessus, Et typiquement, les gens en montent dessus trois fois par semaine. On va capter une information qui est très importante pour la santé des personnes.
Monde Numérique :
[20:47] Alors, ça donne aussi des analyses qui sont de plus en plus longues. Moi, mon pèse-personne, maintenant, il lui faut une minute le matin pour me dire si je suis en forme. Avant, ça prenait cinq secondes. Ce n'est pas un peu une limite du truc ?
Eric Carreel:
[21:00] Alors, effectivement, il faut qu'on fasse très attention à ça. Et il faut qu'on utilise cette minute intelligemment. c'est-à-dire comment l'attention qui est demandée pendant 7 minutes peut être aussi utilisée pour passer de l'information. On le voit par exemple sur d'autres produits comme les tensiomètres, où l'attention parmi tous les produits que l'on fait, la mesure de l'attention, c'est la mesure la plus invasive, puisqu'il faut se poser, c'est un geste qui n'est pas naturel, et donc les gens ont beaucoup de mal à prendre régulièrement l'attention. Or, pour les hypertendus, c'est absolument essentiel. Donc on essaye de les motiver, et on y arrive d'ailleurs avec des SMS, avec des rappels, etc. Et ce qu'on voit, c'est qu'il y a un cercle vertueux, c'est-à-dire que le simple fait de prendre sa mesure de tension fait prendre conscience aux personnes hypertendues qu'il faut qu'elles fassent attention. Donc elles vont faire attention à ce qu'elles mangent, etc. Et on a des études cliniques qui montrent clairement qu'une personne qui se mesure régulièrement va améliorer sa tension, même sans prendre de médicaments. Mais du coup quand on demande cette attention pendant 30 secondes pour faire une mesure d'attention, on est en train de travailler là aujourd'hui sur qu'est-ce qu'on met sur l'afficheur, qu'est-ce qu'on essaye d'avoir comme autre information pour motiver la personne dans sa vie quotidienne En.
Monde Numérique :
[22:16] Plus le risque, on sent bien que vous l'avez à l'esprit, c'est de ne pas être anxiogène c'était souvent les remarques qu'on avait, au début où sont arrivés ces produits, c'était « Ah non, mais moi, je ne veux pas me contrôler tout le temps, sinon on va tous devenir hypochondriaques.
Eric Carreel:
[22:32] » Voilà, c'est ça. Le côté hypochondriaque fait beaucoup parler. En réalité, il concerne très peu de gens. Et par contre, on parle peu des gens que ça aide ou que ça sauve. Puisque ces gens-là, en général, ne parlent pas. C'est-à-dire que on ne va pas expliquer qu'on a eu tel problème, etc. On ne le dit pas si facilement. Mais, Mais tous les jours, nous, on a des témoignages de gens qui ont été sauvés parce que leur montre a détecté une fibrillation auriculaire ou parce qu'ils ont vu une évolution dans leur apnée, etc.
Monde Numérique :
[23:06] C'est formidable.
Eric Carreel:
[23:07] Donc ça, c'est ce qui motive les équipes. Mais avec une ampleur qu'on n'imaginait pas. Mais ça ne veut pas dire qu'on est arrivé. Il reste encore un boulot absolument énorme à faire. Donc fondamentalement, si vous voulez, ce qui est important, c'est que la santé, elle nous rejoint. Et pourquoi c'est important qu'elle nous rejoigne ? Parce que notamment pour les maladies chroniques, c'est des maladies au long cours qui sont là toute la vie. Et quand elles sont là toute la vie, c'est pas en voyant un médecin trois minutes tous les six mois qu'on va pouvoir être accompagné. Deuxièmement, C'est des maladies qui se gèrent par le changement de comportement, c'est-à-dire comment j'adopte un style de vie qui va faire en sorte que je vais pouvoir vivre mieux avec ma maladie. Et ça, c'est assez compliqué, c'est assez long, et ça demande un accompagnement. Et comment faire cet accompagnement s'il n'y a pas de la mesure qui remonte ? Il y a des centaines de milliers d'applications sur les smartphones qui essayent d'accompagner les gens, leur donner des conseils, etc. Mais avec la crise économique, on m'a proposé pas mal de boîtes à racheter dans ce type. On voit que les rétentions d'utilisation de ces applications, parfois elles sont de quelques jours.
Monde Numérique :
[24:23] Une semaine.
Eric Carreel:
[24:24] Les gens sont fiers que les patients les utilisent pendant une semaine. Et on sait qu'un changement de comportement...
Monde Numérique :
[24:31] Et après, ils le mettent dans un tiroir et c'est fini ?
Eric Carreel:
[24:32] Après, ils n'utilisent plus l'application.
Eric Carreel:
[24:36] Ce qui est important pour un changement de comportement, c'est d'être accompagné pendant trois ans. Parce qu'on n'est pas des machines et donc le changement de comportement il s'apprend aussi par les moments où ça ne va pas c'est à dire qu'on ne va pas d'un point A à un point B de façon linéaire on y va avec des rechutes on est des êtres psychologiques et c'est pendant ces rechutes qu'on apprend le plus mais pour, être en capacité d'accompagner la personne pendant ces rechutes, il faut être là et donc il faut avoir de la mesure et la force des objets WeThinks je pense que c'est là où on est à peu près unique au monde monde, c'est qu'on a une rétention pendant des années. On a 72% de nos utilisateurs qui sont toujours là après trois ans. Et ça, c'est à peu près unique au monde. Et ça, ça nous permet de rejoindre la personne avec des vraies données, puisqu'on a de la mesure à lui dire, tiens, vas-y, on t'encourage. Mais on n'est pas arrivé encore parce que la fermeture de cette boucle de motivation...
Eric Carreel:
[25:35] Qu'est-ce que je dis à la personne aujourd'hui, ce matin, pour la motiver ? Eh bien, il y a encore énormément à apprendre. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a une révolution en cours, qui est l'LLM. Donc l'intelligence artificielle. L'intelligence artificielle, donc c'est générative. Donc ces LLM vont être absolument primordiaux pour nous aider à créer du contenu qui va être analysé en fonction de l'intérêt qu'a créé ce contenu, pour ce patient-là les jours précédents, en fonction des données qu'il a, et donc un contenu qui va être complètement personnalisé.
Monde Numérique :
[26:09] Donc, c'est comme ça que vous allez utiliser les IA génératives, c'est par la production de contenu pour motiver, pour soutenir, pour accompagner, etc.
Eric Carreel:
[26:19] Alors, on essaye déjà, on a déjà des programmes, on a des programmes qu'on appelle We Things Plus, qui permettent d'envoyer des insights, d'inviter à faire de l'exercice physique, d'inviter à faire des recettes qui soient meilleures, etc.
Monde Numérique :
[26:34] Il faut préciser que tout ça, c'est dans l'application l'application WeThings qui centralise les données venant de tous les appareils qu'on peut avoir, et du coup c'est vrai qu'elle est très bavarde, votre application il y a beaucoup de choses, elle est riche il y a des données, il y a des conseils, etc. Comment vous allez le dire là-dedans ?
Eric Carreel:
[26:50] Elle est bavarde peut-être elle est bavarde d'une façon qui n'était pas encore assez personnalisée, c'est-à-dire qu'on sent que c'était très compliqué d'ailleurs je pense que personne au monde a craqué ça, on peut avoir des programmes mais à chaque fois c'est avec une logique qui est écrite par une façon un peu générale c'est générique pour être en bonne santé il ne faut pas trop.
Monde Numérique :
[27:18] Manger de gras, pas trop de sucre et.
Eric Carreel:
[27:19] Puis basta exactement et donc on dit le premier jour on va dire ça le deuxième on va dire ça etc mais du coup ça ne s'adapte pas et ça finit par être lassant pour la personne comment on rejoint la personne dans son intimité dans son psychologique pour vraiment l'accompagner et l'aider, ça c'est encore à craquer. Probablement que les LLM vont nous aider à le craquer.
Monde Numérique :
[27:37] D'accord, c'est-à-dire que demain, l'application pourra me dire vraiment, en fonction de mes données personnelles, d'avoir adopté tel ou tel type de comportement, de surveiller telle ou telle chose, etc.
Eric Carreel:
[27:49] C'est vers ça que l'on veut aller. Et c'est vers ça aussi que l'on veut aller avec les données qui remontent. C'est-à-dire que sans données, on parle dans le vide. Et la grosse erreur du système médicale, probablement, jusqu'ici, ça a été de parler dans le vide. C'est-à-dire que si je n'ai pas de la donnée régulière qui vient de la vie quotidienne, finalement, je vais donner des choses un peu génériques qui pourraient s'appliquer aussi bien à vous qu'à moi. Et probablement qu'on n'a pas besoin d'entendre la même chose ce matin, en fonction de ce qui s'est passé hier, en fonction de ce qui s'est passé la semaine dernière, en fonction des maladies qu'on a eues il y a deux mois, etc.
Monde Numérique :
[28:25] Alors ça, ça pose vraiment tout le sujet que vous évoquiez au début, de la transformation de la médecine et de la surveillance de sa santé personnelle, ou de plus en plus, ça se passe et ça va se passer à la maison sur le long terme plutôt qu'à court terme dans le cabinet du médecin ?
Eric Carreel:
[28:44] Oui, alors ça, c'est vraiment fondamental de l'entendre. C'est-à-dire, moi, je suis émerveillé par ce qu'a fait la médecine. Il faut commencer par dire ça, parce qu'après, je vais le critiquer. J'ai été opéré du cœur il y a dix ans, j'ai passé trois jours dans un service d'urgence à l'hôpital. c'est fantastique, enfin c'est le dévouement des personnes, les instruments, enfin tout ce que l'humanité a inventé, moi j'en pleurais d'émerveillement. Mais on a inventé une médecine qui est une médecine de réparation, on n'a pas inventé une médecine de prévention. Et c'est comme pour les incendies, je prends souvent ce parallèle, on fait rêver avec des échelles de pompiers, avec des systèmes pour éteindre les incendies etc. C'est très bien, c'est absolument génial, mais le travail de fond, c'est quand même de prévenir les incendies. C'est de mettre des systèmes d'alarme, c'est de d'aller défricher les forêts, etc.
Monde Numérique :
[29:38] Pour qu'il n'y ait pas de feu.
Eric Carreel:
[29:40] Et c'est pareil chez l'humain. Le travail de fond, maintenant, il faut le faire. En fait, dans nos pays occidentaux, on ne l'a pas fait. On ne l'a pas fait et on a même empiré ça puisque... On a créé des outils qui s'appellent Netflix, qui s'appellent la livraison de pizza à domicile. Et donc cet effet Netflix-pizza, il est absolument délétère pour la santé. Et en fait, il amplifie la déconnexion entre ce qui se passe dans notre physique et ce qui se passe dans notre intellectuel. Je peux très bien avoir un intellectuel qui a envie de regarder le prochain épisode de la série et puis me faire livrer une pizza et manger la pizza, même sans me rendre compte que je suis en train de manger la pizza. Et quand on fait ça plusieurs années, on a le problème de la population américaine aujourd'hui où 44% des 20-40 ans sont malades chroniques. 44% des 20-40 ans. Je le répète parce que on a l'impression que c'est les vieux parfois qui sont malades chroniques mais 44% des 20-40 ans. Et donc comment on réunifie la personne, comment on travaille à ce que ces maladies chroniques soient gérées, il faut se recentrer complètement sur le patient et sur sa vie, ce qui se passe dans sa vie. Et cette prévention elle ne peut pas être faite par le corps médical parce qu'il n'a pas le temps et donc comment on crée une nouvelle médecine qui va prendre ça en charge c'est le défi qu'on a devant nous Mais.
Monde Numérique :
[31:00] Est-ce que vous n'avez pas l'impression que il y a un peu encore de réticence par rapport à ça ? Moi je suis étonné que quand je vais chez le docteur et que je dis moi j'ai plein d'appareils connectés je peux vous apporter mon historique de poids ils regardent ça d'un oeil comme ça oui oui c'est bien mais enfin c'est beaucoup ou vos appareils sont beaucoup moins précis que les miens. Et puis, ils y attachent, on a l'impression, pas beaucoup d'importance. Et pire, ils ne nous incitent pas à utiliser ces objets-là. Alors que maintenant que je les utilise, j'aurais aimé qu'on m'encourage plutôt à le faire.
Eric Carreel:
[31:33] C'est vrai, vous avez raison. Alors, il y a un problème fondamental, qui est que le corps médical est un corps qui travaille énormément, qui est saturé en temps et qui, du coup, a peu de temps pour se former. C'est-à-dire, j'ai lu récemment les chiffres, je ne m'en souviens plus par cœur, mais du nombre de médecins qui ne suivent aucune formation durant leur vie professionnelle, c'est quand même assez fou, alors que la médecine a quand même énormément évolué. Ceci dit, il y a quand même des évolutions, c'est-à-dire sur des professions, par exemple, qui sont assez spécialisées comme les cardiologues, quand on a sorti les électrocardiogrammes avec détection de fibrillation auriculaire, qui sont des fibrillations qui peuvent être dangereuses puisqu'elles peuvent créer, conduire à des caillots qui vont créer à des avc et donc des arrêts beaucoup de beaucoup de gens nous ont critiqué aujourd'hui beaucoup de cardiologues nous recommande et je me suis même fait engueuler par plusieurs cardiologues qui m'ont dit maintenant vous avez des montres qui sont plus chers qu'avant moi je peux plus les acheter pour les prêter à mes patients et donc c'est bon signe quelque part là oui c'était des médecins qui était plutôt favorable à la série mais mais mais on est on est proche du moment où, où les cardiologues vont dire finalement le halter où je mets un appareil sur ma pétrine pour enregistrer pendant 24h est moins utile qu'une montre qui fait une détection de CG.
Monde Numérique :
[32:52] Mais il est plus précis, l'argument c'est de dire oui c'est médical, c'est plus précis, etc.
Eric Carreel:
[32:56] Alors il n'est pas plus précis, il n'est pas plus médical puisqu'il a les reconnaissances médicales par contre, effectivement, il n'est pas entré dans le mental du corps médical. Et donc c'est ce travail-là qui forcément va prendre du temps et c'est ce qui moi me pousse à dire il faut rapidement reconsidérer la façon dont on forme les médecins. Et ce qui se passe aujourd'hui dans les LLM, qui est quand même, entre vous et moi, la plus grande révolution qu'on a pu vivre depuis 30 ans, même après l'accès à l'Internet, l'arrivée des smartphones.
Monde Numérique :
[33:27] P- Donc chat GPT et consorts.
Eric Carreel:
[33:29] Voilà. C'est encore plus urgent puisqu'on voit bien que la médecine doit être complètement disruptée par cette arrivée-là.
Monde Numérique :
[33:36] P- Absolument. Il y avait une étude il y a un an ou deux, je crois, qui montrait comment des IA avaient fait de meilleurs diagnostics que des médecins pour un certain nombre de...
Eric Carreel:
[33:47] Il en sort tous les jours de ses études. Et les tchats de GPT et consorts...
Monde Numérique :
[33:53] Alors c'est bien ou il faut s'inquiéter de ça ? Il faut se réjouir ou il faut s'inquiéter ?
Eric Carreel:
[33:56] C'est comme l'arrivée de tout nouvel outil. Tout nouvel outil, on peut en faire des choses mal, on peut en faire des choses bien. L'humanité n'a pas arrêté d'améliorer les outils qu'elle invente. Et moi j'entends souvent des gens qui me disent c'est ces nouveaux outils, c'est terrible machin etc, et des gens qui en général sont très attachés à leur bagnole je leur dis, quel est l'outil que l'humanité a inventé qui a été le plus mauvais pour l'humanité, c'est quand même la bagnole c'est là où il y a le plus de morts c'est là où il y a plein de gens estropiés etc, enfin c'est génial aussi c'est génial aussi mais il faut apprendre à l'utiliser et on voit bien que là il y avait une urgence climatique a changé la façon d'utiliser la voiture donc tout outil peut être bien utilisé ou mal la difficulté que l'on a c'est de l'accélération du temps qui fait que ces outils arrivent de plus en plus vite et que du coup le temps d'apprentissage au niveau de l'humanité et pas uniquement les 10% les plus connectés ou les plus addicts à la technologie pour que l'ensemble des personnes apprennent à utiliser ces outils et on le voit bien avec l'arrivée des smartphones aujourd'hui chez les jeunes, vous avez probablement des enfants et c'est pas simple vous pensez.
Monde Numérique :
[35:16] Que demain parce que c'est vrai que si on dit bientôt on passera peut-être plus de temps à décrire sa maladie un chatbot par écrit ou par oral d'ailleurs qui a parlé à un médecin on interagira plus avec une IA qu'avec un médecin la première réaction risque d'être, assez négative mais d'après vous.
Eric Carreel:
[35:35] Si on corrèle.
Monde Numérique :
[35:37] Ça au fait le fait qu'il y ait de moins en moins de médecins, qu'ils n'ont pas beaucoup de temps, etc. Finalement, on se dit « ce serait peut-être pas mal ».
Eric Carreel:
[35:43] Non seulement ça serait peut-être pas mal, mais c'est déjà pas mal. C'est-à-dire qu'il y a notamment beaucoup de maladies rares qui sont beaucoup mieux diagnostiquées en dialoguant avec un GPT ou un LLM qu'avec un médecin. Parce qu'en fait, il y a deux difficultés avec un médecin. Un humain ne peut pas prendre en compte plus de cinq paramètres.
Eric Carreel:
[36:07] C'est Laurent Alexandre qui raconte ça et qui est médecin lui-même. Je pense qu'il a tout à fait raison. au-delà de ça, notre cerveau en oublie, on n'arrive pas à réfléchir avec plus de paramètres en même temps et deuxièmement il faut du temps, pour que la personne donne tous les indices qui peuvent aider à diagnostiquer et en fait c'est l'une des forces de ChatGPT par exemple c'est d'être assez empathique ce qui fait que le dialogue avec un utilisateur va être assez long, et va permettre de poser des questions et du coup d'enrichir les éléments qui vont permettre de poser un diagnostic. Et quand ce sont des maladies très rares qui ne sont pas faciles à diagnostiquer parce qu'il n'y a pas un truc qui devient vert ou un truc qui devient rouge à un moment donné, il faut prendre en compte des petits paramètres qui ne sont pas forcément évidents à voir au départ pour faire ce diagnostic. Et là, on voit que ces NLM sont absolument extraordinaires. Donc, je pense que pour le diagnostic, il n'y a pas photo. Maintenant, ça sera beaucoup ça. La question qui reste derrière, moi, c'est une question un peu philosophique et j'ai pas la réponse ?
Eric Carreel:
[37:14] C'est le côté humain. C'est-à-dire, moi, ce qui.
Eric Carreel:
[37:21] M'interroge, c'est par exemple qu'au Japon, des femmes seules sont aujourd'hui appelées par des LLM. Elles ont une conversation de cinq minutes avec cette personne, qui est une conversation très à propos. La boulangerie qui est au coin de chez vous sera fermée aujourd'hui, il va pleuvoir, ne sortez pas à cette heure-là, etc.
Monde Numérique :
[37:39] Cette personne qui n'est pas une personne.
Eric Carreel:
[37:41] Qui n'est pas une personne. Et du coup, ça pose question. J'ai parlé à quelqu'un, j'ai l'impression d'avoir échangé, mais en fait, j'ai échangé avec personne. Donc, je pense qu'on a à reconsidérer la place de l'humain dans cette histoire de la médecine. Et Eric Topol, qui est un grand médecin américain, écrit beaucoup de bouquins là-dessus, parce que les médecins s'inquiétaient de l'arrivée du numérique. C'était même avant les LLM, ça. Et il écrivait, mais ne vous inquiétez pas, vous allez pouvoir retrouver les racines de votre métier, qui est le contact humain. Et je pense qu'il faut vraiment qu'on explique aux médecins aujourd'hui que vous avez une chance absolument extraordinaire, mais par contre, formez-vous à ce contact humain. Ce côté psychologique, qui ne peut pas être géré totalement par la machine, ça va être le cœur de votre métier demain. Ça va être beaucoup moins le diagnostic, bien sûr, il faut que vous ayez des formations générales, etc. Mais travaillez ce côté-là, ça va être le coeur de votre métier et c'est la partie la plus belle de votre métier.
Monde Numérique :
[38:47] Éric Carrel, encore un mot, au-delà de la santé, sur la technologie d'une manière générale, est-ce que vous n'avez pas l'impression que malgré ces perspectives réjouissantes, on est un peu quand même, on est dans une phase où aujourd'hui la tech fait beaucoup moins rêver, le techno-solutionnisme n'a plus la cote, parce qu'avant on parlait beaucoup au futur et des futurs réjouissants, des lendemains qui chantent, Et puis aujourd'hui, il y a beaucoup de choses qui sont devenues réalité, avec beaucoup de choses négatives. La voiture qui a plein de défauts, Internet, les réseaux sociaux, l'abus d'écran, etc. Est-ce que c'est juste un petit problème collatéral ou bien ça peut faire mal quand même à la perception qu'on risque d'avoir tous de la technologie et peut-être même les plus jeunes ?
Eric Carreel:
[39:41] Oui, je pense que les élections récentes nous l'ont montré il y a une fracture et cette fracture elle peut s'amplifier de façon un peu dramatique s'il n'y a pas un énorme travail de fait pour, ressouder réexpliquer, faire comprendre partager la technologie je rencontrais Gilles Babinet récemment, qui est en train de lancer C'est une initiative sur Café IA pour justement se faire rencontrer les personnes.
Monde Numérique :
[40:15] Du Conseil National du Numérique qu'on a reçu plusieurs fois dans le numérique.
Eric Carreel:
[40:18] Et donc je pense que c'est des initiatives comme ça qui peuvent ressouder. Il faut bien que nous, dans la technologie, on se rappelle qu'on fait des outils, des outils qui sont au service. Et pour qu'ils soient au service, il faut aussi expliquer ce service, c'est-à-dire qu'il y a du travail. Par contre, je pense qu'il faut faire attention parce qu'on pourrait basculer de l'autre côté. On a assez de technologies, etc. On l'a vu dans le traitement de la crise climatique. Il y a un certain nombre de gens qui sont des ayatollahs. Il ne faut plus rien, il ne faut plus d'outils. L'intelligence artificielle, c'est une connerie parce que ça consomme beaucoup d'énergie, etc. Tout ça est complètement faux ne repose sur rien et, la technologie va être un élément essentiel de la résolution de la crise climatique mais aussi il faut que chacun y soit associé donc on a les deux les deux doivent aller de pair il.
Monde Numérique :
[41:16] Faut accepter ce risque et accepter ces effets pervers sans tout jeter à la poubelle.
Eric Carreel:
[41:20] Et donc du coup il faut probablement travailler beaucoup plus que ce que l'on fait sur expliquer, rencontrer, partager. Et je pense que ce que vous faites en fait partie. C'est-à-dire que comment on explique l'IA, comment on explique l'intérêt des objets connectés, comment on explique sa transformation de la médecine. Parce qu'on parle de crise climatique, mais en fait, c'est une crise de la planète. Sur la planète, il y a les humains. Donc, il y a à la fois la crise de la santé humaine et la crise de la santé de la planète. On a les deux crises en même temps. et donc ça on a absolument besoin des outils, Mais il faut réconcilier tout le monde avec ces outils. Et ça, ça passe par ce que vous faites, par des blogs, ça passe aussi par des rencontres. Moi, j'ai vécu, en allant en vacances dans les Pyrénées, des rencontres comme ça, qui étaient organisées par des philosophes, où on parlait de sujets techniques. Et en fait, on voit qu'à partir du moment où il y a des rencontres, que les gens se parlent, finalement, les gens bougent. Je me souviens d'une conférence sur l'énergie nucléaire, où au début, les gens étaient très opposés, etc. Et puis, une fois qu'ils ont entendu quelqu'un qui leur a expliqué les avantages, pourquoi, les dangers, machin, etc. Ils ressortaient complètement apaisés et ils comprenaient et finalement leur
Eric Carreel:
[42:34] avis avait complètement changé.
Monde Numérique :
[42:36] Qu'est-ce qui vous fait avancer ? Qu'est-ce qui vous tient debout et qui vous, aide à avoir un cap dans ce monde technologisé ?
Eric Carreel:
[42:48] Alors, moi, il y a quelque chose qui était fondamental dans ma vie, c'est la lecture de Théâtre de Chardin. Théâtre de Chardin, c'est c'est un paléontologue jésuite qui a beaucoup écrit pour expliquer qu'il y a une espèce de force d'évolution dans l'histoire de la Terre qui a conduit de la première cellule aux animaux, aux êtres humains, et que cette évolution, elle se poursuit. L'évolution, la prochaine évolution, ce n'est pas le fait qu'on va avoir un cerveau plus gros ou trois mains, etc. C'est le fait que l'unité va s'unifier. et on voit bien que l'humanité va s'unifier. On voit bien que l'humanité s'unifie, c'est-à-dire que la mondialisation, quelque part, c'est le fait qu'on est de plus en plus dépendants les uns des autres. Alors, on peut avoir des mouvements de repli sur soi en disant « je m'emmerde de tout cela, etc. C'est compliqué, ce serait plus simple s'il n'y avait pas d'étrangers, si on n'achetait pas en Chine, etc. » Mais en fait, non, ce n'est pas ça l'histoire. L'histoire, c'est que l'humanité, elle n'a pas d'autre choix que d'apprendre à vivre d'une façon unifiée et d'une façon la plus harmonieuse, en reconnaissant chacun ses différences. Et ça, Teilhard le dit de façon admirable.
Eric Carreel:
[44:00] Il le disait d'ailleurs avant l'arrivée d'Internet. Donc il avait compris que quelque chose allait arriver là. Et moi, c'est ça qui me fait me lever le matin, c'est de dire que finalement, on doit tous travailler au fait qu'on apprenne à vivre ensemble et que de là, quelque chose va naître de nouveau.
Eric Carreel:
[44:22] Mais moi, dans mon quotidien, après ça passe par mon boulot dans mon entreprise, qui est plus spécifiquement sur le domaine de la santé, mais avec cette perspective devant vent qui pour moi est absolument essentiel. Mais il y a des jours où moi je suis démoralisé quand même, c'est-à-dire que je ne veux pas faire référence à des événements récents, mais, je pense qu'on a un travail absolument gigantesque à faire pour réunifier nos sociétés.
Monde Numérique :
[44:48] Merci beaucoup. Eric Carrel, président et cofondateur de la société WeThink spécialisée dans les objets connectés. Merci d'avoir été l'invité de Monde Numérique.