Au Vénézuéla, dans un contexte de répression croissante, des journalistes innovent pour continuer à informer en utilisant des avatars créés par intelligence artificielle.
Face aux risques d'arrestations et de violences au Vénézuéla, depuis l'élection de Maduro, les journalistes utilisent des présentateurs virtuels alimentés par le récit de leurs enquêtes. Cette initiative, baptisée "Opération Retweet", permet aux reporters de mener des enquêtes sur le terrain tout en préservant leur anonymat lors de la diffusion des informations.
Cette méthode, qui utilise notamment la plateforme Connectas, est une réponse créative à la menace qui pèse sur la liberté de la presse dans le pays. Ironiquement, elle détourne une technologie précédemment utilisée par le régime de Chavez pour diffuser de la propagande. Les journalistes vénézuéliens espèrent ainsi continuer à exercer leur métier malgré les pressions du gouvernement de Nicolas Maduro.
Jérôme Colombain:
[0:02] Comme toujours, on s'aperçoit que la technologie nous apporte le pire comme le meilleur, et souvent avec les mêmes outils. Prenez par exemple les avatars, ces personnages virtuels plus vrais que nature qu'on peut aujourd'hui créer par intelligence artificielle. Il y a pas mal de sites qui proposent ça. On peut produire des vidéos sur toutes sortes de sujets, avec des personnages qui ont l'air plus vrais que nature, Et puis des voix qui ont été générées initialement par des promptes, simplement à partir d'un texte écrit. Au début, quand c'est apparu, on a un peu regardé ça de manière un peu effrayée, en se disant qu'on allait voir, et on commençait à voir d'ailleurs, proliférer de faux influenceurs, de faux conférenciers et même de faux journalistes. Car le pire de cette technologie, évidemment, c'est la diffusion de contenus douteux, de fake news ou encore de publicité pour des produits bidons, des escroqueries, etc. Mais il n'y a pas que ça et il y a aussi parfois le bon côté des choses. Exemple, au Venezuela, selon un article passionnant du média britannique The Guardian, eh bien au Venezuela, des journalistes utilisent désormais des avatars pour pouvoir continuer à informer le public malgré la répression qui est de plus en plus forte de la part du régime autoritaire du président Nicolas Maduro.
Jérôme Colombain:
[1:20] Élu en juillet dernier. Donc des journalistes ont décidé, des reporters ont décidé de ne plus se montrer à la télé, de ne plus apparaître sous leur véritable nom, mais d'utiliser à la place des avatars, des personnages virtuels animés par IA pour passer de l'information. Parce qu'il faut savoir que des centaines de personnes ont été arrêtées de manière plus ou moins arbitraire au Venezuela depuis l'élection de Maduro.
Jérôme Colombain:
[1:42] Certaines brutalisées ou même tuées par la police ou par des forces paramilitaires,
Jérôme Colombain:
[1:46] et parmi ces personnes un certain nombre de journalistes. Donc cette initiative s'appelle l'opération Retweet et elle permet d'un côté d'aller faire des reportages sur le terrain et ensuite... De rendre compte de ces reportages, mais sous la forme d'avatar. Dans l'article du Gardanne, l'un des responsables de cette initiative explique qu'il n'est plus raisonnable d'être filmé aujourd'hui quand on est journaliste, parce qu'on risque gros. Alors il y a par exemple une plateforme de journalisme qui a été créée, qui s'appelle Connectas, et qui met à disposition des professionnels de l'information un outil d'IA pour leur permettre de diffuser des contenus, notamment sur X, sans apparaître sous leur véritable identité. Je vous mets le lien dans la description de cet épisode.
Jérôme Colombain:
[2:29] Ce qui est intéressant également, et ce qu'il faut savoir, c'est que cette initiative, en fait, est un peu une réponse du berger à la bergère avec les mêmes armes. Car ce que ne précise pas l'article du Guardian, c'est que le régime vénézuélien d'avant Maduro, c'est-à-dire du temps de Chavez, avait eu lui aussi recours à des avatars, mais cette fois pour faire de la propagande d'État. Et là, il s'agissait carrément de faux journalistes, notamment un duo baptisé Noah et Darren, créé à l'aide d'un logiciel qui s'appelle Synthesia, et qui proposait des bulletins d'informations sur YouTube, sur TikTok, etc., pour expliquer que tout allait bien, par exemple, notamment un reportage pour expliquer que l'économie du Vénézuélien n'allait pas si mal que ça, puisque de nombreuses chambres d'hôtels dans des hôtels des Caraïbes venaient d'être réservées pour les vacances par des Vénézuéliens. Voilà donc une utilisation assez insolite des avatars par intelligence artificielle. D'un côté pour de la propagande de l'autre côté pour de l'information.
Jérôme Colombain:
[3:26] En espérant qu'on ne sera pas obligé d'en arriver là, y compris sous nos latitudes, où évidemment dans les pays démocratiques, on ne risque pas de sanctions de la part des autorités, mais en revanche on a vu et on voit de plus en plus souvent que des journalistes peuvent également être pris à partie on l'avait vu au moment des gilets jaunes lors des manifestations, espérons donc que demain, les journalistes français ou européens ou autres n'auront pas, eux aussi, à se cacher derrière des avatars. Allez, je vous dis à demain. Et demain, samedi 31 août, c'est le retour de l'hebdo de Monde Numérique. Salut !