[Edito] J'ai testé Bluesky, le nouveau concurrent de Twitter
Monde Numérique04 mai 2023x
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[Edito] J'ai testé Bluesky, le nouveau concurrent de Twitter

Bluesky, le nouveau réseau social créé par Jack Dorsey, se veut une alternative à Twitter plus apaisée. À quoi ressemble cette appli qui est encore en test ?

Si vous en avez assez de Twitter, de ses trolls, de ses haters, de ses indignés professionnels, de ses fake news et de sa violence verbale, il existe un endroit où il est possible de se réfugier, un endroit bien plus calme où les gens se croisent et postent des messages mais sans vraiment se parler,. J’ai nommé : BlueSky, ce nouveau réseau social qui commence à faire pas mal parler de lui. 

Bluesky apparaît de plus en plus comme une alternative à Twitter. Son créateur n’est autre que Jack Dorsay, le co-fondateur de Twitter (aujourd’hui en rupture de ban avec son ancienne maison). Patiemment développée depuis 2019, BlueSky Social – c’est son nom exact – est disponible depuis quelques semaine sous la forme d’une application mobile, mais seulement sur invitation. Plus d’un million de candidats seraient actuellement en attente. J’ai eu la chance de récupérer un précieux code d’accès (merci à mon camarade podcasteur québécois Bruno Guglielminetti) et je suis donc sur BlueSky depuis quelques jours.

Au lancement, l’application BlueSky affiche juste une belle image de ciel bleu avec quelques nuages. C’est déjà plus apaisant que Twitter. Ensuite, le principe est exactement le même. Après avoir créé son profil, on s’abonne à d’autres personnes que l’on veut suivre et les autres s’abonnent à vous. A l’heure où je vous parle, j’ai déjà environ 25 followers. Évidemment, comparé à Twitter, c’est peu. Sur Bluesky, on repart à zéro.

L’ergonomie de l’appli est vraiment très similaire à celle de Twitter. Deux onglets : « Following » permet de voir seulement ce que disent les personnes que l’on suit tandis que « What’s hot » permet d’élargir le cercle et de voir tous les sujets qui buzzent. On ne sait pas trop pour l’instant comment fonctionne l’algorithme de recommandation des contenus. Quand quelqu’un vous parle ou parle de vous, cela s’affiche dans la rubrique « Notifications ».

Des "skeets" au lieu des tweets

Sur BlueSky, on ne poste pas de tweets mais des skeets. Au lieu de twitter, on skeete. En anglais, le skeet, c’est du ball-trap ou du tir aux pigeons. Faut-il y voir une délicate plaisanterie, rapport au fait de tirer sur Twitter ? Peut-être.

Blueksy autorise des messages écrits de 300 caractères, soit plus que les 280 de Twitter dans la version de base. On peut aussi poster des liens, des émojis et des images. En revanche, pas de vidéos, en tout cas pour l’instant, ni de hashtags. Comme sur Twitter, on peut se répondre les uns les autres, on peut liker et reposter des skeets (on reskeete ?).

Tout cela est donc vraiment très similaire à Twitter, mais avec plein de fonctions en moins. Pour l’instant, pas de trace d’audio, de badges, ni d’abonnement payant.

Protocole décentralisé

Au-delà de l’aspect visible, la grosse différence avec Twitter se situe au niveau du fonctionnement interne de la plateforme. Bluesky est basé sur le protocole AT dit décentralisé. Comme Mastodon, par exemple, cela veut dire qu’il n’y a pas de serveur central unique mais une agrégation de serveurs. Dans le futur, cela devrait permettre plus de portabilité et d’interopérabilité. Par exemple, il devrait être possible de créer d’autres applications pour se connecter à Bluesky sans utiliser forcément l’appli officielle ni les API. Car une API, comme on l’a vu avec Twitter, cela peut s’arrêter du jour au lendemain.

Bon, pour l’instant, on note surtout des lenteurs et des ralentissements dans l’affichage des messages et lorsque l’on poste un skeet. A noter : BlueSky est disponible uniquement sous forme d’appli mobile, iOS et Android, pas de version Web pour l’instant.

Y’a quelqu’un ?

Voilà pour l’aspect technique. Maintenant, sur le fond, concernant l’intérêt de l’application, il faut bien l’avouer, c’est encore très limité. Il ne se passe pas grand-chose sur Bluesky car il y a encore peu d’utilisateurs. Comment sur Twitter au début, on croise surtout des early adopters technophiles, des développeurs et des journalistes tech. J’ai vu passer les comptes de quelques célébrités, comme Monica Lewinksy (« LA » Monica de l’affaire Lewinsky sous Bill Clinton) ou de Chelsea Manning, la lanceuse d’alerte de Wikileaks.

L’ambiance est bon enfant. Pas vraiment de discussions enfiévrées comme sur Twitter, mais seulement des petits messages à caractère très personnel, à base de chats, de chiens et de plats cuisinés, sans oublier des mèmes, plutôt amusants, et quelques nudes. A noter qu’il y a encore très peu de francophones et Bluesky est donc pour l’instant essentiellement anglophone.

Tout cela mis bout à bout - le côté tranquille, un peu ennuyeux, le faible nombre de followers et l’impression de se retrouver à une fête à laquelle on n’a pas vraiment été invité - rappelle beaucoup le Twitter des débuts, celui des années 2006-2007. Cela a un côté rafraichissant. Ça change des empoignades furieuses de Twitter où le moindre mot de travers peut déclencher des torrents de boue. Ce qui plaît surtout, c’est que ce n’est pas Twitter.

Une modération à la demande

Reste à savoir ce que cela va donner en matière de modération des contenus. Bluesky aurait l’intention de proposer quelque chose de nouveau, avec une modération minimum assurée par la plateforme (pour filtrer les contenus manifestement illégaux) + un système de filtres personnalisés. Une modération « composable », autrement dit sur mesure. Chaque communauté pourrait fixer ses propres règles. Un système conforme à la philosophie de Jack Dorsay qui a toujours dit que ce n’était pas aux plateformes sociales elles-mêmes de fixer les règles. On verra concrètement ce que cela pourra donner.

En attendant que Bluesky se peuple, il faut donc se contenter de cette ambiance de village où semblent se croiser essentiellement des touristes venus de Twitter faire un petit tour avant de repartir dans la mêlée de l’oiseau bleu.

Il faut dire que Twitter est devenu un média beaucoup plus difficile à utiliser car inondé de fausses informations, d’offensés systématiques au cuir sensible et de trolls hyper agressifs. C’est sans doute cette ambiance de plus en plus pesante explique l’intérêt croissant pour une alternative en apparence plus paisible. Jack Dorsay lui-même enfonce le clou en estimant que depuis l’arrivée d’Elon Musk Twitter est « parti en vrille ».

Reste à savoir si Bluesky pourra réellement s’imposer comme une véritable alternative alors même que Twitter multiplie les innovations pour continuer à rester attractif malgré ses défauts. Il est trop tôt pour le dire.

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