L'intelligence artificielle bouleverse de nombreux secteurs, et le monde du droit ne fait pas exception. Maître Pierre Hoffman, bâtonnier du Barreau de Paris, explique comment l'IA arrive dans la profession d'avocat.
Depuis octobre, 6 000 avocats parisiens utilisent un outil d'IA juridique, fruit d'un partenariat entre le Barreau de Paris et un éditeur privé. Pourquoi cette initiative ? Comment l'IA change-t-elle la pratique du droit ? Quels sont les risques, notamment en termes de fiabilité des résultats et d'hallucinations ? Pierre Hoffman partage les premiers retours d'expérience, l'accueil de cette technologie par la profession et les enjeux d'adaptation face à des clients de plus en plus informés.
0:08 Introduction
0:23 L'intégration de l'IA au barreau de Paris
1:44 Utilisation quotidienne de l'IA par les avocats
4:34 Accueil de l'IA par la profession
5:54 L'impact sur la relation client-avocat
6:44 Bénéfices pour les clients et l'avenir
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Invité :
[0:01] Depuis le mois d'octobre, 6 000 avocats du barreau de Paris ont accès à cet
Invité :
[0:07] outil et l'utilisent au quotidien. L'idée surtout, c'était de mettre le pied à l'étrier parce qu'on parle d'intelligence artificielle matin, midi et soir. Mais moi, mon sujet, c'est utilise l'outil, point final.
Monde Numérique :
[0:23] Bonjour, Maître Pierre Hoffman.
Invité :
[0:25] Bonjour.
Monde Numérique :
[0:25] Vous êtes bâtonnier du Barreau de Paris. Merci de m'accorder cette interview à l'occasion du sommet sur l'intelligence artificielle. Parce que vous avez initié une opération qui est assez étonnante. Vous êtes le premier barreau de France à vouloir intégrer l'IA et à faciliter l'intégration de l'IA dans les cabinets d'avocats. De quelle manière exactement ?
Invité :
[0:46] Effectivement, merci pour votre invitation. Au mois d'octobre dernier, on a lancé une offre, c'est-à-dire que 14 000 avocats du barreau de Paris, on est 34 000 à Paris, 14 000 sont seuls ou à deux. Et pour 14 000 avocats du barreau de Paris, ils ont accès gratuitement pendant 15 mois à un outil d'intelligence artificielle. L'idée, justement, était de leur mettre le pied à l'étrier pour qu'ils puissent utiliser l'outil et un outil de qualité.
Monde Numérique :
[1:15] Donc, c'est un chatbot conversationnel ? Que vous avez entraîné spécialement à partir d'un corpus juridique, c'est ça ?
Invité :
[1:23] Alors, effectivement, le code rouge d'Aloz, qui est très connu par les juristes, ils ont créé leur outil d'intelligence artificielle. Et l'idée, justement, c'était comme le barreau de Paris, ils ne pouvaient peut-être pas le faire en interne, d'avoir un partenariat avec un éditeur privé. Et on a une offre avec eux.
Monde Numérique :
[1:39] Qu'est-ce que ça apporte dans la pratique de votre métier ?
Invité :
[1:42] Alors, aujourd'hui, il y a un recul puisqu'on est au mois de février. On a lancé ça au mois d'octobre. depuis le mois d'octobre. 6000 avocats du barreau de Paris, accès à cet outil et l'utilise au quotidien. Et j'ai même un retour d'expérience, puisqu'on a interrogé plusieurs avocats en propriété intellectuelle, en droit du travail, en fiscal, et qui leur racontent comment au quotidien ils l'utilisent. Là où ils sont contents, mécontents, mais l'idée surtout c'était de mettre le pied à l'étrier, parce qu'on parle d'intelligence artificielle matin, midi et soir, mais moi mon sujet c'est utilise l'outil, point final.
Monde Numérique :
[2:16] Vous pouvez me donner un exemple, typiquement, quel type de requête vous pouvez formuler, quel type de réponse vous recevez, et puis est-ce qu'il n'y a pas des problèmes d'hallucination ?
Invité :
[2:26] Alors, quelle que soit la matière, vous êtes pénaliste, vous êtes fiscaliste vous êtes de la propriété intellectuelle, vous avez une question ah j'ai une question en droit du travail et on doit, on peut prompter, poser la question et là vous avez posé la bonne question l'hallucination, seul compte l'avis de l'avocat in fine il ne va pas prendre in extenso et recracher à son client que la machine lui a donné. Il y a une responsabilité. S'il y a une erreur, c'est l'erreur de l'avocat, comme ça sera l'erreur du médecin lors de sa consultation.
Monde Numérique :
[2:54] Mais est-ce que vous avez constaté des hallucinations ? Est-ce que c'est dans une proportion raisonnable ?
Invité :
[3:01] Alors, c'est aussi l'idée, justement, d'investir le barreau de Paris avec un outil dit de qualité, parce qu'il faut comprener aussi une chose, c'est que vous avez des gros cabinets sur la place parisienne, qui investissent dans leur IA maison. Donc, ils ont les moyens de le faire. Et je ne voulais pas laisser sur le bord de la route des avocats qui n'avaient, entre guillemets, que le CHAP-GPT classique. Donc, ils ont accès à des bases de données classiques de qualité. C'était ça le point de départ aujourd'hui. Après, l'avocat est responsable de la consultation qu'il va envoyer à son client.
Monde Numérique :
[3:35] Parce qu'on se souvient que la première fois que ce genre d'initiative avait été faite avec CHAP-GPT aux États-Unis, ça avait été une catastrophe. Sauf qu'il y avait un avocat qui avait fait une plaidoirie se basant sur des textes totalement inventés, en fait.
Invité :
[3:50] Alors, vous avez raison. D'où la responsabilité de l'avocat. Et je dis avocat du barreau de Paris, c'est très bien. D'abord, ne mettez pas le nom de vos clients dans la machine. Posez juste la question juridique. Et vous êtes responsable signataire de ce que vous allez avoir. Mais entre le moment où vous citez cet exemple, et aujourd'hui, il s'est passé un an, les outils ne sont pas les mêmes. Le CHAP-GPT 3.5 et le 4, ce n'est pas le même. Donc aujourd'hui, les offres que je vous indique, ils les ont sorties il y a 7-8 mois. On est les premiers à avoir investi. Dans 6 mois, 1 an, elles seront de meilleure qualité. Peut-être d'autres seront meilleures, mais ce n'était pas le sujet. D'ailleurs, mon sujet n'était pas de savoir qui était le meilleur. C'était de mettre le pied à l'étrier, comme vous aviez Yahoo qui était le premier,
Invité :
[4:31] c'est Google qui a fini, peu importe. On utilise un outil d'intelligence artificielle.
Monde Numérique :
[4:35] Comment est-ce que c'est accueilli dans votre profession ?
Invité :
[4:37] C'est très intéressant ce que vous vous posez parce qu'après des réticences, moi, ce que j'observe, c'est que rien ne remplacera l'humain et l'échange, comme nous avons un échange en ce moment. Ce n'est pas chaque GPT qui répond aux questions, donc je m'adapte à ce que vous dites. Mais il va falloir avoir une autre technicité, c'est-à-dire celui qui fait un peu de tout. Un recouvrement de créances, voilà, on me doit 400 euros, des choses un peu standards. Ça, la machine, elle va le faire et on n'aura pas vraiment de valeur ajoutée. Mais si on monte en gamme dans quelque chose d'un peu plus technique, là, l'avocat a sa valeur. Donc, justement, dans une journée, on peut avoir 10 demandes dans la journée pour un avocat. Il y en a 8 sans grand intérêt et 2 fondamentales. Mais ça va prendre le même temps entre les 8 ou la fondamentale. C'est pas mon recouvrement de créances de 400 euros parce que pour vous faire plaisir, je vais vous le faire. La machine va m'aider. Et puis après, je vais monter en gamme sur autre chose. Et puis, il faut faire aussi une chose. C'est qu'on est challengé par nos clients eux-mêmes. Nos clients, eux, ils ont outils, alors peut-être pas à l'accès, ils ont peut-être l'outil zéro, mais eux-mêmes vont nous challenger parce qu'ils ne voudront pas payer. Donc, ils vont faire des choses eux-mêmes de la même manière que les médecins ont la même chose. J'ai vu sur Internet, je sais que j'ai un cancer,
Invité :
[5:53] mais le médecin, il dit c'est n'importe quoi. Donc, il va falloir aussi monter en gamme.
Monde Numérique :
[5:57] Vous ne traînez pas qu'un jour, les clients s'adressent directement à cet outil sans passer par les avocats, notamment pour des petits cas ?
Invité :
[6:07] Alors, si c'est sans représentation obligatoire, s'il faut un procès, il y a un moment, il faudra bien que l'avocat aille devant la juridiction. Mais vous avez parfaitement raison, ils vont pouvoir se passer de nous. Et c'est l'exemple que je reprends systématiquement, que j'ai eu il y a un an et demi. C'est une anecdote, mais véridique. J'ai un client qui me dit « Pierre, c'est une lettre de mise en demeure sans intérêt, une affaire de contrefaçon. » Il me dit « Pierre, est-ce que c'est toi qui l'as fait ou est-ce que c'est moi qui l'envoie ? » Et il avait trouvé sur HGPT un truc qu'il avait fait lui à sa sauce. Donc, tu te dis « si je ne prends pas le train en main, je vais mourir. » Donc, comment on le réadapte pour lui dire que ce que tu m'as fait, c'est erroné pour telle raison et je vais le retravailler.
Invité :
[6:42] Mais il va falloir monter en gamme.
Monde Numérique :
[6:44] Dernière question. Pour le client, quel bénéfice ? Avocat plus intelligence artificielle. Est-ce que le client en tire un réel bénéfice ?
Invité :
[6:53] Bah écoutez, je pense que de toute manière, l'avocat a toujours travaillé avec des sources. Avant, il allait dans le jurisclasseur, là il va avec l'IA. Le sujet aussi, c'est peut-être le coût. Faire baisser les coûts parce qu'on peut avoir sa réponse un tout petit peu plus vite, orientée. Donc je pense que c'est dans l'intérêt. De toute manière, les étudiants en faculté, j'y vais tout à l'heure, ils font quoi ? Ils utilisent les outils d'intelligence artificielle. Donc, nous, on a une certaine génération, mais eux ne nous ont pas attendus pour l'utiliser. Donc, on n'aura pas le choix parce qu'on va être challengé par nos propres, les propres futurs avocats l'utilisent et les futurs clients également.
Monde Numérique :
[7:29] Merci beaucoup, Pierre Hoffman, Bâtonnier de Paris.