Le Français Bruno Maisonnier, créateur des robots Nao et Pepper, travaille sur un projet surprenant d’intelligence artificielle organique, semblable à celle du cerveau humain.
Une vision organique et souveraine de l’intelligence artificielle
Vous publiez un livre intitulé Organic AI, où vous défendez une thèse intrigante : l’IA du futur pourrait être "organique". Qu’entendez-vous par là ?
L’expression "organique" fait référence à un fonctionnement bio-inspiré, à l’image du cerveau humain ou animal. Contrairement aux IA actuelles qui consomment énormément d’énergie et de données, une IA organique serait frugale et efficace. Les modèles actuels, comme les grands modèles de langage, montrent leurs limites en termes de durabilité. Nous pensons qu’en nous inspirant du fonctionnement naturel des cerveaux – notamment du cortex, composé de 200 millions de colonnes corticales collaborant comme une colonie d’abeilles – nous pouvons créer une IA véritablement innovante et performante.
Travaillez-vous déjà concrètement sur ce projet au sein de votre entreprise Another Brain ?
Absolument. Nous travaillons à modéliser les fonctions de base de l’intelligence en nous inspirant du cerveau. Ces fonctions sont traduites en algorithmes, et notre objectif est de les assembler pour aboutir à une IA qui fonctionne comme un cerveau. Nous sommes sur le point de finaliser un démonstrateur pour juin. Ce prototype prouvera que notre approche unique est viable et ouvre la voie à une véritable IA organique.
Pourquoi parlez-vous d’un intérêt stratégique à développer cette nouvelle forme d’IA ?
L’Europe est largement dépassée par les investissements massifs des États-Unis et des géants technologiques dans l’IA. Nous ne pouvons pas rivaliser sur leur terrain. Il faut donc changer de paradigme, explorer une voie différente, comme celle que nous proposons avec l’IA organique. Cette approche nous permettrait de développer des technologies uniques et souveraines, sans dépendre des solutions américaines ou chinoises.
Organic AI est disponible aux éditions Hermann.
Transcription :
Bruno Maisonnier :
[0:01] On utilise ce qu'on a compris du cerveau, on le modélise, et après,
Bruno Maisonnier :
[0:05] on traduit ça dans un algorithme. Et cet algorithme, on le programme. Et donc, on réalise à Another Brain les fonctions de base de l'intelligence. Et quand on aura suffisamment de fonctions assemblées ensemble, on aura réalisé une véritable intelligence artificiellement et qui fonctionnera comme le cerveau.
Monde Numérique :
[0:26] Bonjour Bruno Maisonnier.
Bruno Maisonnier :
[0:28] Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
[0:30] Fondateur de Another Brain, société spécialisée en intelligence artificielle. Et avant cela, Bruno, il faut le rappeler, vous êtes le papa des petits robots Pepper et Nao qui ont connu une longue carrière que l'on croise encore de temps en temps, ici et là. Et vous publiez un livre au titre énigmatique qui s'appelle Organic AI, paru chez Herman. C'est un livre qui défend une thèse étonnante, c'est-à-dire que selon vous, l'IA du futur pourrait être organique. Ça veut dire quoi ? C'est pour nous faire peur ou c'est une hypothèse sérieuse ?
Bruno Maisonnier :
[1:05] C'est organique au sens bio, au sens américain. Ce n'est pas organique au sens d'un organe.
Monde Numérique :
[1:11] D'accord.
Bruno Maisonnier :
[1:12] Et c'est bio parce que c'est très frugal en données, c'est très frugal en énergie, et ça fonctionne comme les cerveaux, comme les cerveaux animaux. La thèse du livre, c'est qu'aujourd'hui, on arrive à des grands succès avec les IA, le Tchad GPT, les LM, etc. On arrive à des grands succès, mais on arrive un peu au bout d'un chemin. Ces succès sont à un coup, je vais dire juste en empreinte carbone pour résumer tout ça, colossal. Et donc, il faut essayer de trouver d'autres solutions. Or, on a à notre portée des cerveaux naturels, le cerveau humain, le cerveau des animaux. On a des idées sur comment ça fonctionne, pourquoi ne pas s'en inspirer ? Pourquoi ne pas essayer de faire un nia qui fonctionne comme ses cerveaux ? Alors la réponse globale de tout le monde, c'est de dire, on ne sait pas comment ça marque l'intelligence. Mais ce n'est peut-être pas vrai. Peut-être qu'on en sait beaucoup, beaucoup plus que ce qu'on veut bien croire. Donc nous, c'est ça qu'on a choisi de faire, en s'inspirant de ce qu'on sait
Bruno Maisonnier :
[2:10] sur le cerveau, de faire une intelligence artificielle qui fonctionne comme le cerveau.
Monde Numérique :
[2:15] Alors, c'est vrai que dans votre livre, vous vous inspirez, vous montrez à quel point vous vous inspirez de la nature. Vous parlez d'abeilles, de termites, vous parlez des arbres, etc. Donc déjà, c'est une réflexion sur l'intelligence elle-même. De quelle manière est-ce que cette intelligence organique pourrait devenir de l'intelligence artificielle ?
Bruno Maisonnier :
[2:35] En fait, le début de ce genre de courant de pensée, on va dire comme ça, vient de quelque chose qui est étonnant. En 1981, il y a eu un prix Nobel de médecine, 1981, c'est il y a longtemps, qui explique le fonctionnement de base du cortex cérébral. Or, le cortex, c'est là qu'est traité l'essentiel de l'intelligence, des fonctions d'intelligence du cerveau humain. L'essentiel de l'intelligence est faite par le cortex et il y a quelqu'un qui décrit le cortex. Le cortex est une espèce de surface uniforme, comme une espèce d'étoile cirée de 65 cm de diamètre qui est froissée pour tenir dans le crâne, sinon ça ne tiendrait pas.
Bruno Maisonnier :
[3:17] Et quand on regarde au microscope électronique, on se rend compte que sur cette surface, sur le cortex, il y a une espèce de truc qu'on appelle un agrégat de neurones, une colonne corticale, une petite colonne corticale, et qu'il y en a 200 millions côte à côte et qu'ils travaillent tout ensemble. Ces 200 millions de colonnes corticales qui sont toutes les mêmes, font toutes les fonctions de l'intelligence, et c'est là que je fais un peu le parallèle avec, non pas 200 millions d'abeilles, mais avec des abeilles, des thermies, des fourmis, des tas d'agents, des insectes qui sont des agents élémentaires, ou des individus qui fonctionnent chacun séparément dans leurs points, mais qui coopèrent, comme le font les colonnes corticales. Donc il y a un parallèle qui est assez fort et assez intéressant, et même assez fécond à creuser, sur la comparaison entre la façon dont les abeilles fonctionnent, par exemple, et les colonnes corticales fonctionnent.
Monde Numérique :
[4:07] Donc, il y a ce livre qui explique tout ça. Est-ce que ça veut dire que derrière, vous êtes déjà sur ce type de travaux au sein de votre entreprise Another Brain ?
Bruno Maisonnier :
[4:18] Absolument. C'est-à-dire, non seulement on essaie de comprendre le cerveau, on utilise ce qu'on a compris du cerveau, on le modélise, et après, on traduit ça dans un algorithme. Et cet algorithme, on le programme. Et donc, on réalise à another brain les fonctions de base de l'intelligence. Et quand on aura suffisamment de fonctions assemblées ensemble, on aura réalisé une véritable intelligence artificiellement. Une intelligence artificielle, c'est une vraie intelligence, mais faite artificiellement. Et qui fonctionnera comme le cerveau. Oui, c'est ça qu'on est en train de réaliser.
Monde Numérique :
[4:50] Et vous en êtes où aujourd'hui ?
Bruno Maisonnier :
[4:52] On pense qu'avant juin, on aura un démonstrateur. C'est-à-dire qu'on est suffisamment avancé pour dire qu'on va faire quelque chose qui fait une partie des fonctions, il n'y aura pas tout, mais il y aura une partie qui est suffisamment probante pour qu'en voyant ça, on se dise « Bon sang, mais ils ont effectivement compris comment on achète l'intelligence et ils sont effectivement capables de le traduire en algorithme. Donc, donnons-leur les moyens. C'est un des objectifs du livre. Donnons-leur les moyens pour qu'ils transforment ça en une intelligence complète. On est un démonstrateur en joueur.
Monde Numérique :
[5:21] D'accord. Et donc, clairement, aujourd'hui, vous êtes en quête de soutien, de financement aussi, etc.
Bruno Maisonnier :
[5:28] Non, aujourd'hui, je ne suis pas en quête de soutien. Aujourd'hui, je suis focalisé sur traduire nos algorithmes en un démonstrateur opérationnel. Et je ne fais que ça et rien d'autre. Et quand j'aurai ça, que je serai capable de montrer, à ce moment-là, j'irai frapper à différentes portes en disant, voilà où on en est, on a vachement avancé, on a quelque chose qui prouve que le chemin qu'on suit est très original, très différent et très puissant. Et donc, ça vaut un coup de le financer pour les pouvoirs publics, mais en particulier, parce qu'il est très différent. Si on fait la même chose que tous les autres, c'est difficile d'avoir de la souveraineté. Mais si on fait complètement autrement, par définition,
Bruno Maisonnier :
[6:03] c'est souverain ce qu'on fait. Ça joue une autre voie sur faire de l'intelligence artificielle.
Monde Numérique :
[6:07] C'est-à-dire que pour vous, derrière ça, il y a cette notion encore de souveraineté numérique, de rendre de redonner de l'indépendance et de l'autonomie technologique à la France et à l'Europe ?
Bruno Maisonnier :
[6:21] Je ne sais pas si c'est derrière ça, mais en tout cas, c'est quelque chose qui me tient à cœur. Je suis choqué, peiné par les réactions que j'entends ici ou là, quand on voit les réactions françaises face aux développements pour les Américains, les petits moyens ridicules qu'on y met sans se préoccuper. Mais qui sont suffisants, qui donnent suffisamment de résultats, des petits résultats, pour qu'un ministre puisse sortir la tête haute en disant « mais nous, regardez, on a ci, on a ça, on n'est pas d'huile, on est bon, on avance ». T'as vu comme moi, j'imagine les annoncières de Trump et les autres, les Américains, ils vont mettre 500 milliards de dollars.
Monde Numérique :
[6:59] Mais voilà.
Bruno Maisonnier :
[7:00] En plus de ce que mettent les GAFA, qui sont 200 milliards de dollars chacun, tous ensemble les GAFA, ils mettent 200 milliards de dollars chaque année. Oui. Ce sont des sommes colossales. Et nous, on met le centième de ça. Et on les rattraper.
Monde Numérique :
[7:15] Donc, les rattraper, c'est pas possible. Du coup, il faut prendre un autre chemin, quoi.
Bruno Maisonnier :
[7:18] Oui. Ben oui. Si on essaye, enfin, Sun Tzu nous l'avait expliqué, il y a 2500 ans. Si on essaie de faire comme les autres, en leur courant après, faire la même chose qu'eux, mais en allant moins vite, en étant moins intelligent, moins riche, etc. Quand je dis moins intelligent, c'est que tous les gens les plus intelligents, même de chez nous, ils les embauchent. Donc globalement, ils sont plus intelligents, plus riches et ils avancent. Qu'est-ce qu'on a comme espoir de les rattraper sur leur terrain ? La seule solution, c'est de changer de terrain, c'est d'aller sur le terrain
Bruno Maisonnier :
[7:45] d'après, de prendre de l'annonce sur le terrain d'après. C'est la seule solution.
Monde Numérique :
[7:49] Pour revenir à cette IA organique de manière plus précise, Bruno Maisonnier, ça ressemble à quoi ? Ça se programme avec un ordinateur classique, c'est conversationnel comme un chat GPT, ce serait quoi ?
Bruno Maisonnier :
[8:02] Ça serait plutôt conversationnel, mais en fait, c'est multimodal. C'est-à-dire que notre cerveau, lui, il traite de la même façon les informations qui viennent des yeux, des oreilles, du soi, etc. Il a le même algorithme de base qui fait tout. Et donc, c'est ça qu'on aura, nous, au bout du chemin. et du coup, on sera capable, petit à petit, de lui parler. Il reconnaîtra les mots, les paroles et les phrases, mais on pourrait lui faire la gestion et lui montrer des trucs. On pourrait lui montrer des vidéos en lui disant qu'est-ce que c'est que ça, qu'est-ce que c'est... Donc, enfin, on interagira de façon naturelle avec ce système-là. La même possibilité, c'est un élément clé pour nous. C'est-à-dire, le système, il va... En fait, notre site, il va apprendre tout seul à partir d'exemples, Il va partir d'être exposé à plein d'expériences, à plein de situations, et tout seul, il va en tirer des leçons, il va en tirer l'essence des situations en question. Pour être capable de proposer des réponses. C'est un peu ça le principe.
Monde Numérique :
[8:58] C'est la théorie que défend Yann Lequin qui dit que les LLM actuels sont forcément limités, atteindront des limites, parce qu'ils ne fonctionnent pas comme nous-mêmes qui, finalement, il suffit qu'on tombe une fois dans les escaliers pour comprendre qu'un escalier, c'est dangereux.
Bruno Maisonnier :
[9:14] Ben oui, ben oui. Quand on voit un film d'alien nouveau qu'on n'a jamais vu, la première fois qu'on voit l'alien, on est surpris, la deuxième fois, on le reconnaît, on sait ce que c'est. On a pris un seul fringon.
Monde Numérique :
[9:23] Et c'est ça que vous voulez faire. C'est une IA qui apprendrait en une seule fois.
Bruno Maisonnier :
[9:27] Oui, en deux fois plutôt. C'est un nombre qui apprendrait en plus. D'ailleurs, le demonstrateur qu'on va faire au mois de juin, ce qu'on voudrait, c'est montrer que notre système est capable d'apprendre en live, en real time. Il apprend des nouvelles choses qui arrivent en permanence. Et il apprend sans effacer les précédents qu'il avait appris avant. Il y a un des problèmes du deep learning. Les autres systèmes ne savent pas faire de l'apprentissage real time et ne savent pas faire de l'apprentissage incrémental.
Monde Numérique :
[9:53] Du coup c'est pour ça qu'ils ont ça aurait besoin de beaucoup moins de données en fait ah.
Bruno Maisonnier :
[9:57] Bah oui oui en fait il faut que ce soit plus précis que ça euh, Ça a besoin de beaucoup, beaucoup moins de données pour être capable de prendre des décisions, de donner des réponses qui ne sont pas déconnantes. Mais je l'aurai enrichie avec une grande quantité de données, les réponses seront précises et il n'y a pas de limite. Mais dès le début, même avec très peu de données, le système sera capable de prendre des décisions pas déconnantes.
Monde Numérique :
[10:23] Est-ce qu'on aurait des problèmes d'hallucination comme on l'a aujourd'hui avec les IA génératives ?
Bruno Maisonnier :
[10:29] Alors, on n'a pas celle-là, on n'aura pas du tout celle-là. Par contre, on aura d'autres problèmes qui sont les mêmes que ce à quoi le cerveau nous expose. Par exemple, de temps en temps, tu regardes dans un nuage et tu reconnais un visage. Il n'y a pas de visage. N'empreche que tu reconnais un visage. Notre système, il aura le même genre de défaut.
Monde Numérique :
[10:44] Ouais. Si on se projette encore plus loin, Bruno Maisonnier, c'est à la fois fascinant, attirant et encore plus flippant, je dirais, que ce qu'on voit aujourd'hui. parce que là, on s'approcherait vraiment d'une vraie intelligence artificielle. On dit souvent que l'IA actuelle n'est pas intelligente, elle est purement statistique. Mais là, votre ambition, c'est de créer véritablement une intelligence. Donc, in fine, quoi ? Une conscience, après ?
Bruno Maisonnier :
[11:14] Alors, moi, je pense que oui. C'est-à-dire que je pense, moi, je pense, mais on peut être profondément croyant au sens où, dans l'homme, il y a une âme, il y a autre chose qu'un organe. Le cerveau, c'est autre chose qu'un organe. Et si c'est ça, ça, je ne pourrais pas, on ne pourra pas le faire. Mais toute la partie organique, là, au sens organique d'un cerveau, toutes ces fonctions-là, on pourra petit à petit les faire. Bien sûr, il n'y a pas de limite. Donc, un jour, on aura un cerveau, une intelligence artificielle qui aura les mêmes fonctions, les mêmes capacités. On les dotera d'émotions, mais d'émotions réelles, pas des recopies d'émotions. Parce que l'émotion est un truc que la nature a inventé, a sélectionné, pour quelque chose, dans un but bien précis. Pourquoi on a la peur ? Parce que la peur, c'est un sentiment, une émotion qui te permet de te protéger.
Monde Numérique :
[12:03] Oui, survie.
Bruno Maisonnier :
[12:04] L'amour, c'est une émotion qui te permet d'aller vers l'autre, qui te permet de se reproduire.
Monde Numérique :
[12:09] De se reproduire.
Bruno Maisonnier :
[12:09] Et donc, c'est des choses qui sont utiles, des fonctions utiles. On aura besoin de donner les mêmes genres de fonctions à nos intelligences artificielles, à nos robots. Donc, oui, bien sûr qu'on aura ça. Maintenant, sur le chemin sur lequel l'humanité avance, on aura des intelligences réelles, complètes, avec toutes les fonctions et qui ne seront pas limitées en taille.
Bruno Maisonnier :
[12:30] À certains, ça peut faire peur. À d'autres, ça peut faire, au contraire, plaisir parce qu'elles vont être capables de régler les problèmes qu'on n'est pas capables de régler. Ce que je voudrais mettre en perspective, c'est que c'est une situation à laquelle l'humanité a été confrontée en permanence des nouvelles inventions qui offrent des possibilités incroyables mais avec des risques incroyables. Alors, il y a très très longtemps, on a, entre guillemets, inventé le feu.
Bruno Maisonnier :
[12:52] On peut dire qu'il y a eu des millions de mort par le feu. Ce n'est pas pour ça que c'était un mal. On a inventé la vapeur, on a inventé l'électricité, on a inventé les voitures, les avions. L'humanité a rendu des tas de trucs qui est systématiquement présent des risques. Les risques arrivent. Donc les risques de l'intelligence artificielle et de la robotique vont arriver. Il y aura des situations dramatiques qui vont arriver. Mais ce que l'humanité sait très, très bien faire, c'est d'encadrer les choses pour globalement en tirer plus de bien que de mal. Et l'intelligence artificielle va nous permettre de résoudre des problèmes qu'on ne s'est pas réglé autrement. Et je prends l'exemple de corriger les maladies génétiques. Ça fait 50 ans qu'on nous explique qu'avec les ciseaux génétiques, CRISPR, Cas9, etc., on va être capable de corriger les maladies génétiques. On n'y est pas encore parce que c'est hyper compliqué et que si on avait de l'intelligence complémentaire, ça nous aiderait bien. Les problèmes d'environnement, les problèmes... Donc, l'intelligence artificielle vraiment intelligente va nous aider à régler les problèmes qu'on ne s'est pas réglés autrement. Mais en attendant d'avoir bien mis toutes les contraintes, il y a des risques. Et ces risques, de temps en temps, ils seront là. Et on sait qu'il y a aussi des individus qui vont sciemment détourner ces technologies.
Monde Numérique :
[14:02] Eh oui, bien sûr.
Bruno Maisonnier :
[14:03] Bien sûr, l'humanité est comme ça.
Monde Numérique :
[14:06] Vous, vous êtes un homme de la robotique. Le but du jeu, après, c'est de mettre tout ça dans un robot humanoïde ?
Bruno Maisonnier :
[14:12] Alors, je suis aussi un homme de la robotique, oui, et le jeu, ce n'est pas juste ça, les voitures autonomes m'intéressent, ou comme la défense spatiale me l'a demandé, d'avoir des satellites qui sont capables de se défendre tout seuls, ça serait bien, parce qu'aujourd'hui, nos satellites sont attaqués par d'autres satellites, donc ça se passe loin, on ne sait pas, et on découvre trop tard ce qui s'est passé, donc ça devrait servir à bien d'autres choses que de la robotique, mais oui, je suis convaincu, mais ça fait 20 ans que je le suis, qu'il y aura des robots humanoïdes un peu plus dans nos vies, pour nous accompagner, pour nous aider dans les usines, dans les mines, dans tout un tas de travaux pas agréables, etc. Et pour accompagner les gens, bien sûr, et que ça suppose tout un tas de technologies qui ne sont pas encore disponibles aujourd'hui. Alors, ils arrivent petit à petit. On avait déjà commencé avec Naoi et Pepper. Et l'autre, maintenant, on les met dans les usines. Et les Chinois les mettent dans les usines. Il y a beaucoup plus de Chinois, d'ailleurs, que Elon Musk, ils font. Mais ça va continuer à aller, après, dans les hôpitaux, chez les gens, ce que fait Enchanted Tools une boîte française à Paris pilotée par Jérôme Mousseau va dans ce sens là-bas donc oui bien.
Monde Numérique :
[15:14] Sûr c'est beaucoup de l'intelligence là-dedans Oui Enchanted Tools qui s'est beaucoup fait remarquer au CES de Las Vegas d'ailleurs, dernièrement Bruno Maisonnier les annonces récentes justement de Tesla il y a d'autres il y a Figures AI etc, tout ça ça va dans le bon sens c'est du ça va vraiment déboucher quand Elon Musk promet un robot humanoïde à 20 000 ou 30 000 euros qu'on pourra acheter d'ici 2026, vous y croyez ou pas ?
Bruno Maisonnier :
[15:44] La question, c'est une question d'horizon de temps. Je ne suis pas sûr de croire. Je n'ai pas d'éléments pour croire ou ne pas croire dans les dates qu'il annonce. La seule information que j'ai, c'est qu'il a quand même régulièrement dépassé ses échéances et pas ses objectifs en matière de date. Mais j'ai une certitude totale que ça va arriver. Peut-être un peu après, mais que ça va arriver. Oui, bien sûr.
Monde Numérique :
[16:04] Et c'est une bonne voie, le robot humanoïde ?
Bruno Maisonnier :
[16:07] Il y a eu des grandes discussions, je pense. On a mis Bruno Bonnet là-dessus. À des grandes discussions sur humanoïde, pas humanoïde. La meilleure forme pour faire une tâche, ce n'est pas l'humanoïde. La meilleure forme pour laver la vaisselle, un cube qui lave la vaisselle, ça marche bien. Ou la meilleure forme pour nettoyer chez soi, c'est un aspirateur qui se trouve plat et qui aille sous les mains. Donc ça, c'est sûr. Et sur chacun des postes de travail dans une ligne de production industrielle, il y a un robot adapté qui serait bien plus efficace que si c'est un humanoïde. Maintenant, si dans une ligne de production, il y a 50 postes de travail qui suivent, vous voulez tout automatiser, vous allez devoir inventer 50 robots différents. Alors que tous ces postes de travail ou tous vos outils à la maison ont été conçus pour être manipulés par un humain. Donc si vous faites un robot humanoïde, alors c'est plus compliqué à faire, c'est clair, mais si on y arrive à faire un robot humanoïde, il va lui être capable d'utiliser tous les outils qui ont été faits pour les humains, donc toutes les lignes de production automatiquement. Donc oui, bien sûr, c'est une très bonne solution. Et on va aller vers ça, il y aura des robots humanoïdes partout. ou c'est une certitude.
Bruno Maisonnier :
[17:11] Je vais m'en aller un tout petit peu plus loin. Si la fonction, c'est de nettoyer le sol, on n'a pas besoin d'une forme humanoïde. La fonction première, c'est d'interagir avec des gens. C'est quoi la bonne forme pour interagir avec des gens ? Est-ce que l'interaction, ça passe uniquement par la voix ? Ou est-ce que les gens de communication comme toi et comme d'autres nous disent que le body language, c'est la plus grande partie, c'est vraiment bien plus de la moitié des messages et des communications gens passent par le body language, par l'intonation. Donc, si la première fonction d'un robot, c'est d'interagir avec des gens, ce que j'espère pour un robot qui accompagne des personnes âgées au hôpital, il faudra qu'il soit capable de comprendre et de jouer du body language.
Monde Numérique :
[17:54] Ce qui est assez injuste, d'ailleurs, parce que certains sont plus à l'aise avec le body language que d'autres.
Bruno Maisonnier :
[18:01] C'est vrai.
Monde Numérique :
[18:03] Bon, super. C'est passionnant. Merci beaucoup, Bruno Maisonnier donc je rappelle le titre de ce livre qui vient de sortir et qui explique tout ça en détail donc Organic AI, paru aux éditions Erman et merci d'avoir été dans Monde Numérique Merci Jérôme.