Sommet IA - Ce qui manque encore à l'Europe (André Loesekrug-Pietri, Jedi)
17 février 202506:47

Sommet IA - Ce qui manque encore à l'Europe (André Loesekrug-Pietri, Jedi)

L'intelligence artificielle peut-elle redonner à l'Europe son leadership technologique ? André Loesekrug-Pietri, président de la Joint European Disruptive Initiative (JEDI), tire le bilan du sommet pour l'action sur l'IA.

Emmanuel Macron au Grand Palais à l'occasion du Sommet pour l'action sur l'IA (image JC)

Interview : André Loesekrug-Pietri, président de la Joint European Disruptive Initiative (JEDI)

Quel bilan tirez-vous du Sommet sur l’IA ?

André Loesekrug-Pietri : Ce sommet a eu le mérite de rassembler des acteurs clés de l’innovation en Europe et de faire émerger un réel optimisme. Mais l’enthousiasme ne suffit pas : il faut maintenant passer aux actes. Ce que j’attendais, ce sont des décisions concrètes, comme des simplifications immédiates pour accélérer le développement et l’application de l’IA en Europe. Les annonces sont positives, mais elles doivent se traduire rapidement en résultats tangibles.

L’Europe peut-elle vraiment rivaliser avec les États-Unis et la Chine, tout en maîtrisant l’impact environnemental de l’IA ?

L’Europe a des atouts indéniables : un réservoir de talents exceptionnels et une approche technologique alignée avec nos valeurs humanistes. Mais pour rivaliser, nous devons être plus audacieux. Il faut investir massivement dans la recherche et l’innovation, simplifier la réglementation et éviter la bureaucratie qui freine nos entreprises. En parallèle, nous devons anticiper les défis énergétiques. L’IA ne doit pas devenir un gouffre énergétique. L’Europe doit montrer l’exemple en développant des modèles plus sobres et des infrastructures durables. C’est un projet de société qui dépasse la simple technologie.

Votre casquette “Make Europe Great Again” attire l’attention. Quel message souhaitez-vous transmettre ?

Ce slogan est un clin d’œil, mais il porte un vrai message : l’Europe doit retrouver confiance en elle et arrêter de subir les avancées technologiques des autres. Nous avons tout pour réussir, à condition de nous fixer des objectifs clairs et ambitieux. Plutôt que de nous interroger sur notre place dans le monde, agissons pour redevenir un moteur d’innovation.

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Monde Numérique :
[0:02] André Loesekrug-Pietri, bonjour.

André Loesekrug-Pietri :
[0:03] Bonjour Jérôme. Vous représentez le mouvement Jedi. Ça signifie quoi déjà Jedi ? Déjà, c'est une fondation. Jedi, c'est la Joint European Disruptive Initiative. On finance des programmes de recherche avancés pour s'assurer que la France et l'Europe restent à la tête du développement scientifique et technologique. Comment est-ce que vous voyez cet événement, ce sommet pour l'action sur l'IA ? Quel bilan vous en faites ? Alors, moi, je ne suis d'habitude pas un grand fan de ces grands raouts, mais il faut dire qu'il y a véritablement un esprit d'optimisme positif qui, en ce moment, notamment en France, fait du bien. Maintenant, la vraie question, comme toujours, c'est les annonces, c'est bien, l'enthousiasme, c'est bien. La clé du succès aujourd'hui, c'est la mise en œuvre et la rapidité de la mise en œuvre. Je donne un exemple. Hier, j'étais avec la commissaire européenne, avec une trentaine de grands patrons à la fois d'entreprises et de startups. up, là où elle aurait pu avoir un impact, ce n'est pas de dire à nouveau, comme tout le monde, il faut simplifier. Elle serait venue en disant, voilà les cinq ou six mesures que dès aujourd'hui, 10 février, je simplifie et je prends le courage de le faire. Ça, ça aurait eu un impact. Donc, il faut qu'on soit vraiment beaucoup plus dans l'action.

Monde Numérique :
[1:18] Ça veut dire quoi, simplifier ? C'est un dodge à l'américaine avec de l'IA partout et une tronçonneuse et des LLM ?

André Loesekrug-Pietri :
[1:26] Non, je pense en fait que c'est un vrai projet de société. Je crois qu'en fait, il faut redonner l'IA, cette capacité d'abord de faire comprendre un monde où la plupart de nos concitoyens ont en fait perdu le sentiment où est-ce qu'on va, est-ce qu'on a encore le contrôle de nos vies ? Quelle que soit, on va dire, l'origine, votre métier, etc. Vous sentez bien aujourd'hui que cette accélération fait qu'on ne maîtrise plus notre futur. Et ça, je crois que ça ne parle pas à 2%, mais ça parle à 100% de la population. Et ça c'est la promesse de l'IA, c'est que dans ce monde complexe où on est, submergé par la donnée, l'information etc, ça peut donner une certaine, on peut trier ce qui est important de ce qui n'est pas important donc ça c'est quand même la promesse maintenant ce qu'il faut c'est que tout ça, ça s'applique sur des grands enjeux de société on n'est pas là pour faire de la technologie pour la technologie c'est que c'est, est-ce que ça va nous permettre d'avoir de meilleurs médicaments, est-ce que ça va nous permettre de circuler mieux, est-ce que ça va nous permettre de mieux, d'avoir une éducation de meilleure qualité pour nos enfants. Ça, c'est des projets de société dont l'Europe, la France d'abord, mais l'Europe, doit s'emparer. C'est un vrai projet où on peut revenir en tête.

Monde Numérique :
[2:32] Alors, quand même, ce sommet, c'est une grosse auto-célébration où tout le monde est content, on se félicite, des talents français, des investissements. Est-ce que vous pensez que c'est un enthousiasme qui peut être partagé par le plus grand nombre ?

André Loesekrug-Pietri :
[2:48] Je crois qu'effectivement, il y a le petit risque et peut-être la petite chose qui m'a choqué, c'est le côté, effectivement, le Grand Palais qui ressemblait où se passait cet événement. C'était une espèce de forteresse où il y avait des forces de police. Alors, je peux tout à fait comprendre et merci aux forces de sécurité pour ce qu'elles font. Mais le côté, on va parler d'IA inclusive dans une espèce de forteresse accessible à personne où toutes les rues autour étaient bouclées. Évidemment, l'image n'est pas terrible.

André Loesekrug-Pietri :
[3:17] Mais je veux rester sur quand même le sentiment qu'il y a quelque chose qui se passe, c'est que quand on arrive à mettre la science, le monde politique, les grandes entreprises, les associations dans une salle en se disant, juste pas se célébrer, mais se disant c'est quoi les grands enjeux de société qu'on veut régler ensemble, là en fait tout est possible. Ce que j'attendais aussi un tout petit peu, puisque tu me pousses, Jérôme, à me dire qu'est-ce qu'on aurait pu faire mieux. J'attendais un petit moment Kennedy, c'est-à-dire où le président dise qu'on a un enjeu avec l'IA, c'est l'énergie. Et ça touche tout le monde parce que si demain, on met toute l'énergie sur les data centers et qu'on en a moins pour, on va dire, nos usines locales ou même pour la consommation locale, on va avoir un vrai problème politique. C'est de dire aujourd'hui, comment est-ce qu'on peut faire un grand programme de société où on va faire de l'IA, mais qui va consommer 10, 100, 1000 fois moins d'énergie ? Ça, c'est l'objectif de société et que les meilleurs talents s'épanouissent. Et ça, ça va nous toucher tout le monde. Donc, il y avait un petit côté où vraiment, avec une échéance, on l'a bien fait sur Notre-Dame. Essayons de le faire. C'est quelque chose qui touche toute la population.

Monde Numérique :
[4:34] Alors, c'est ce qu'il a dit. Le président, il faut...

André Loesekrug-Pietri :
[4:37] Il a comparé ça au projet Notre-Dame ? Justement, développons ce truc. Sur Notre-Dame, il a fallu faire une loi d'exception.

André Loesekrug-Pietri :
[4:46] En fait, il faudrait que ça devienne la règle. Et là, on vient sur le sujet de simplification et qui touche tout le monde. C'est qu'aujourd'hui, on a le sentiment qu'on a perdu le contrôle de nos vies parce que tout est devenu compliqué. La bureaucratie est devenue compliquée. Remplir des papiers administratifs est devenu compliqué. Il faut réussir à ce que l'État soit se vivre ensemble, se donnent quelques sujets qui, grâce à la représentation nationale, se donnent c'est quoi nos grands objectifs de société, comment on veut vivre ensemble. Dans une société fracturée, c'est important. Et ensuite, donnent ce contexte où il y a beaucoup de liberté pour chacun de s'épanouir.

Monde Numérique :
[5:24] Vous portez une superbe casquette qui attire beaucoup les regards ici à Station F. Make Europe great again. C'est également l'expression employée par Elon Musk il y a quelques semaines sur X.

André Loesekrug-Pietri :
[5:35] Alors, la bonne nouvelle, c'est qu'on l'a utilisé avant lui. C'est évidemment un jeu de mots et antithétique parce que la casquette, tu ne l'as pas dit, mais elle est de couleur verte. Donc vert, couleur de l'espoir, l'antithèse du rouge qui est la casquette de Maga. Là, l'idée est juste de dire c'est quoi notre projet de société ? Est-ce qu'on a une vision positive du futur sans être naïf et idéaliste ? Est-ce qu'on a envie de se dire qu'on reprend le contrôle et qu'on n'est pas cette espèce de boxeur groggy qui prend des coups une fois de la Chine, une fois des États-Unis ? Il ne s'agit pas d'être dans le défensif, mais il s'agit de se dire est-ce qu'on peut ensemble construire un avenir qui correspond à nos valeurs humanistes,

André Loesekrug-Pietri :
[6:14] françaises, européennes. Et je pense que c'est un projet de société qui peut embarquer tout le monde. Donc, nous, notre cœur d'activité, c'est financer la science et les technologies les plus pointues. Mais autour de ça, on est aujourd'hui 6 000 dans toute l'Europe, mais autour de ça, l'objectif, c'est de créer un mouvement beaucoup plus large, citoyen, qui va appuyer cette démarche et qui va être une force de proposition.

Monde Numérique :
[6:36] Merci beaucoup.

André Loesekrug-Pietri :
[6:37] Merci Jérôme.

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