L'idée paraît folle : créer des processeurs à partir de neurones humains afin de répondre aux besoins en puissance de l'intelligence artificielle ! C'est le projet de l'entreprise suisse FinalSpark.
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Interview
Fred Jordan, co-fondateur de FinalSpark
Qu’est-ce qu’un bioprocesseur ?
Un bioprocesseur est un système de calcul qui utilise des neurones biologiques pour traiter des informations, contrairement aux processeurs traditionnels à base de transistors. Chez FinalSpark, nous cultivons des cellules souches neurales obtenues, par exemple, à partir de cellules de peau. Ces cellules sont ensuite multipliées et connectées pour former des organoïdes cérébraux, des petites structures sphériques contenant environ 10 000 neurones. Grâce à des électrodes, nous pouvons communiquer avec ces neurones de manière bidirectionnelle, c’est-à-dire envoyer et recevoir des signaux.
Quel est l’intérêt de cette technologie ?
Notre objectif à long terme est de concevoir des bioserveurs capables d’exécuter des calculs similaires à ceux utilisés pour l’IA aujourd’hui, qui consommeraient entre 1000 et 10 000 fois moins d’énergie que les serveurs traditionnels. En effet, les neurones biologiques ont une efficacité énergétique incroyable : là où le cerveau humain fonctionne avec 20 watts, une simulation équivalente nécessiterait une petite centrale nucléaire.
Où en êtes-vous aujourd’hui dans vos recherches ? Cela relève-t-il encore de la science-fiction ?
Pendant longtemps, ce sujet appartenait à la science-fiction, mais aujourd’hui, il s’agit d’une réalité scientifique. Bien que nos résultats soient encore embryonnaires, comme les premiers transistors dans les années 1950, nous parvenons déjà à des avancées concrètes, comme stocker un bit d’information ou modifier la manière dont les neurones répondent. Le plus grand défi réside dans l’apprentissage : il faut trouver comment faire apprendre quelque chose d’utile à ces réseaux biologiques, un peu comme ce qui a été fait avec l’intelligence artificielle il y a 30 ans.
Transcription :
Fred Jordan :
[0:01] L'idée, c'est de faire des bioserveurs et l'application la plus évidente,
Fred Jordan :
[0:06] c'est que vous pourrez faire de l'IA comme vous faites aujourd'hui. Ce sera transparent pour vous, mais vous consommerez, je ne sais pas, 1000 à 10 000 fois moins d'énergie.
Monde Numérique :
[0:19] Bonjour Fred Jordan.
Fred Jordan :
[0:21] Bonjour.
Monde Numérique :
[0:22] Vous êtes cofondateur de la société FinalSpark, basée en Suisse, et qui est donc spécialisée dans la conception de bioprocesseurs. Expliquez-nous ça, de quoi s'agit-il ?
Fred Jordan :
[0:34] D'abord, il faut dire que c'est d'abord un domaine de recherche fondamental à l'heure actuelle. Donc, ce n'est pas opérationnel. Il n'y a pas des processeurs auxquels vous pouvez accéder pour faire des calculs. Mais dans le principe, schématiquement, on travaille déjà avec des cellules souches neurales qui sont obtenus à partir, par exemple, de cellules de peau. Donc, il y a un process qui a été inventé par un prix Nobel, Yamalaka, en 2012 déjà, qui permet de transformer vos cellules de peau en cellules souches neurales. Et à partir de là, dans notre labo, on les multiplie et on les connecte ensemble pour faire ce qu'on appelle des organoïdes cérébraux. C'est des petites boules d'un demi-millimètre de diamètre qui comportent 10 000 neurones. Et ensuite, ça ne suffit pas, il faut communiquer avec ses neurones et pour ça on utilise en particulier et entre autres des électrodes les électrodes permettent de recevoir les potentiels d'action donc les signaux que les neurones émettent et également d'envoyer des signaux donc comme ça on peut avoir une communication bidirectionnelle.
Monde Numérique :
[1:35] Bon alors on a évidemment envie de vous poser plein de questions la première
Monde Numérique :
[1:41] on l'a compris c'est que pour l'instant ce n'est que de la recherche Mais l'objectif, ce serait quoi ?
Fred Jordan :
[1:48] Alors, un des objectifs à terme qu'on a en tête, c'est de faire des serveurs de calcul. Au même type que vous avez des serveurs en cloud computing aujourd'hui, en particulier pour l'IA, qui consomment d'ailleurs de plus en plus d'énergie, l'idée, c'est de faire des bioserveurs. Et l'application la plus évidente, c'est que vous pourrez faire de l'IA, comme vous faites aujourd'hui, ce sera transparent pour vous, mais vous consommerez je ne sais pas mille à dix mille fois moins d'énergie.
Monde Numérique :
[2:19] Donc, le premier avantage, finalement, ce serait une plus faible consommation d'énergie. Pourquoi ? Parce que les neurones consomment moins que les transistors, que les semi-conducteurs ?
Fred Jordan :
[2:31] Un million de fois moins. Un million de fois moins. C'est énorme. En fait, votre cerveau, rien de particulier à vous, c'est 100 milliards de neurones avec 10 000 connexions par neurone. Et pour ça, vous consommez une puissance d'environ 20 watts. Si on voulait faire une simulation de votre cerveau, il nous faudrait quelque chose qu'une petite centrale nucléaire. Donc, le rendement d'un circuit neuronal biologique est extraordinaire,
Fred Jordan :
[3:02] totalement hors de portée des composants digitaux comme des transistors.
Monde Numérique :
[3:06] Où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? C'est encore uniquement de la science-fiction ou vous êtes véritablement déjà sur des résultats tangibles ?
Fred Jordan :
[3:13] C'est intéressant que vous parlez de science-fiction parce que longtemps, ça a été de la science-fiction. Ça n'était que des idées. Aujourd'hui, effectivement, c'est une réalité dans le sens où on travaille dessus. Alors, les résultats tangibles ne vont pas être très impressionnants. Ça ressemble un peu à ce qu'on faisait, je ne sais pas, dans les années 50 ou 40-60, quand on a fait les premiers transistors solides. Mais on arrive, par exemple, à stocker un bit d'information ou à changer la manière que les neurones nous répondent, par exemple. Il faut savoir que le vrai problème ici, ce n'est pas de les cultiver, ce n'est pas de communiquer avec eux, c'est de leur faire apprendre quelque chose d'utile. Ce qu'on doit bien comprendre, il y a 30 ans, on ne parlait pas tellement d'IA. Il y a 30 ans, quel problème on avait ? On avait comment connecter ensemble des réseaux de neurones artificiels. L'IA aujourd'hui, c'est ça, c'est des réseaux de neurones artificiels. Qu'est-ce qu'on a fait il y a 30 ans ? On a trouvé des manières de leur faire apprendre quelque chose. Et c'est le même problème aujourd'hui, mais avec des réseaux biologiques.
Monde Numérique :
[4:21] D'accord. Est-ce que vraiment on peut espérer obtenir la même puissance de calcul avec ces neurones biologiques ?
Fred Jordan :
[4:29] Oui, on peut obtenir la même puissance de calcul. Par contre, il y a des choses qui vont être assez fondamentalement différentes. La latence d'un neurone est fondamentalement plus grande que celle d'un transistor. C'est-à-dire qu'un neurone...
Monde Numérique :
[4:42] Ça va moins vite, alors ?
Fred Jordan :
[4:43] Ça va moins vite. Ça, ça ne changera jamais. Ça va être difficile de faire tourner Windows 10 sur un biocomputer. Ce n'est pas fait pour ça. D'accord ? Par contre, la conversation qu'on a actuellement, ça, c'est à des échelles qui sont totalement compatibles avec des circuits nerveux et ça ne doit pas être étonnant puisqu'on utilise nos propres circuits nerveux pour communiquer ensemble en ce moment. D'accord ? Donc, là, c'est une des différences mais il y a d'autres différences au-delà du rendement énergétique. C'est la scalabilité. C'est de la vie. C'est-à-dire que nous, des neurones, dans notre laboratoire qui est juste en dessous là où je vous parle, on en fait des millions. Donc, c'est virtuellement gratuit.
Monde Numérique :
[5:24] Il suffit de prendre un petit bout de peau et vous fabriquer des neurones autant que vous voulez.
Fred Jordan :
[5:30] C'est un peu plus compliqué que ça, mais dans le principe, oui, on les cultive. En fait, on a fait littéralement des millions. On bloque le process pour ne pas en avoir trop.
Monde Numérique :
[5:42] Ah oui, d'accord. Question très naïve. Si vous partez d'un neurone humain, c'est de l'humain. Il y a de l'ADN humain là-dedans.
Fred Jordan :
[5:52] Oui.
Monde Numérique :
[5:54] Ça veut dire quoi ? C'est qu'il y a des caractéristiques propres à chaque individu qu'on va retrouver ensuite dans l'ordinateur ?
Fred Jordan :
[6:02] Je ne sais pas. Et c'est le problème.
Monde Numérique :
[6:04] Ah ouais, d'accord.
Fred Jordan :
[6:05] Je ne sais pas où vous allez.
Monde Numérique :
[6:06] En fait.
Fred Jordan :
[6:07] La plupart des questions qu'on peut poser sur le biocomputing, on n'a pas les réponses et personne n'a les réponses. On est en train de découvrir. En fait, c'est une nouvelle industrie qui est en train de se créer ici.
Monde Numérique :
[6:19] Ça a un côté un peu effrayant, non ?
Fred Jordan :
[6:21] Alors, ça a un côté déstabilisant, c'est vrai.
Fred Jordan :
[6:24] Et c'est pour ça qu'on s'est mis aussi en relation avec des groupes d'éthique et des groupes de philosophes de milieu académique pour leur dire, qu'est-ce que vous pensez de ça ? Voilà ce que nous, on en connaît au niveau scientifique, mais nous, on n'est pas des éthiciens. On n'a pas d'expertise là-dedans. Commencez à réfléchir là-dessus parce que ça va devenir de plus en plus gros. Ça, ce n'est pas quelque chose qui va disparaître. C'est certain. On va vivre avec des biocomputers. Dans 10, 15 ans, on aura des biocomputers autour de nous.
Monde Numérique :
[6:51] Ah, vous en êtes certain ?
Fred Jordan :
[6:52] Ah, c'est certain.
Monde Numérique :
[6:53] C'est pas juste une piste parmi d'autres.
Fred Jordan :
[6:56] C'est la piste la plus triviale en fait, bien plus triviale si on réfléchit que le quantum computing. Donc, parce que ça marche déjà.
Fred Jordan :
[7:06] On sait que ça marche.
Monde Numérique :
[7:07] Oui, ça marche de manière théorique et en laboratoire. Mais pour l'instant, il n'y a pas encore d'ordinateur à base de neurones biologiques.
Fred Jordan :
[7:14] Non, vous devez considérer autre chose. Des circuits nerveux capables de processer l'information, de traiter l'information, c'est prouvé que ça marche, puisque ça existe. Les intellects savent faire ça. On sait faire ça. Ça fait plusieurs millions d'années d'évolution que c'est prouvé que les circuits nerveux savent traiter l'information de manière parfaitement efficiente.
Monde Numérique :
[7:33] C'est ce qu'on fait au quotidien, en fait.
Fred Jordan :
[7:34] Mais bien sûr, en fait, si on réfléchit, on se dit mais c'est tellement évident, ça fait longtemps qu'on aurait dû commencer à faire ça. C'est une approche, quelque part, on dit que c'est la science-fiction, mais c'est profondément conservateur comme approche.
Monde Numérique :
[7:47] Oui, enfin, c'est vrai que jusqu'à présent, on a toujours été dans une logique un peu de séparation des pouvoirs. D'un côté, il y a le biologique et l'humain, et de l'autre côté, il y a les machines et l'électronique, etc. Et là, vous faites un peu la passerelle entre les deux.
Fred Jordan :
[8:02] Vous avez raison. En fait, ce que vous venez de dire, c'est incroyable, c'est vraiment, il y a des fondamentaux dans l'innovation, des barrières qu'on s'impose. On dit, voilà, on avait fait deux choses différentes et tout le monde pensait comme ça. D'ailleurs, en science-fiction, les gens ne pensaient pas comme ça. Ça fait longtemps que la science-fiction en parle. Mais dans le milieu scientifique, c'est vrai qu'on était câblés comme vous dites. Et moi-même, moi j'ai un doctorat en traitement du signal. Je fais des maths en fait et c'était un énorme effort pour oser penser des choses comme ça.
Monde Numérique :
[8:35] Alors, vous en êtes aujourd'hui, vous l'avez dit. Est-ce que vous avez un peu une roadmap, une visibilité, même des dates d'un horizon à annoncer ?
Fred Jordan :
[8:46] Oui, on espère, dans 10 à 15 ans, on espère avoir effectivement des bioserveurs opérationnels pour servir du calcul.
Monde Numérique :
[8:55] Ça ressemblerait à quoi ?
Fred Jordan :
[8:57] Alors, vu de l'extérieur, ce sera totalement transparent, comme j'ai dit. Mais vu de l'intérieur, si vous venez...
Monde Numérique :
[9:04] Ce sera des boîtes comme ce qu'on a aujourd'hui.
Fred Jordan :
[9:06] Alors, de votre côté, ce sera transparent, ce sera pareil. Mais de notre côté, par contre, il faut imaginer, ce qu'on a dans notre laboratoire, c'est beaucoup de tuyaux, d'accord, pour toute la fluidique, parce qu'on doit les garder vivants, des incubateurs pour les garder en température, en plein de câbles pour traiter des informations en entrée et en sortie. C'est tout ce qu'on a actuellement dans notre laboratoire, mais à l'échelle XXL. Parce qu'il ne s'agit pas de connecter seulement 10 000 neurones comme on fait actuellement, mais on va aller vers des milliards et des centaines de milliards de neurones connectés ensemble.
Monde Numérique :
[9:41] Et à l'arrivée, vous dites pour l'instant que ça ne pourrait pas faire tourner Windows 10, mais est-ce qu'un jour ça pourra faire tourner Windows 10 ou ce n'est carrément pas le but du jeu ?
Fred Jordan :
[9:49] Je crois que ce n'est pas le but du jeu. Je crois qu'on va voir coexister différentes formes de calculs. Ça ne va pas remplacer le calcul digital. Par exemple, pour faire des opérations arithmétiques, je crois que le top, c'est vraiment l'approche digitale. Et peut-être pour la crypto, le top, ça pourrait être le quantum computing. Mais pour le traitement de l'information, en fait, tout ce qui est fait en IA aujourd'hui, l'idéal, a priori, c'est de le faire avec des neurones vivants et pas avec des neurones artificiels.
Monde Numérique :
[10:19] Donc, ça pourrait être une réponse à ce problème qui est en train de naître et de prendre de plus en plus d'importance qui est l'impact environnemental de l'IA puisqu'on sait que tous les outils d'IA, récemment il y a eu le lancement de Sora le système d'OpenAI qui permet de faire des vidéos, ChatGPT évidemment qui est utilisé maintenant quasiment dans le monde entier tout ça, ça génère, ça consomme énormément d'énergie il faut des data centers monstrueux vous vous dites, on a peut-être une partie de la réponse à ce problème Absolument.
Fred Jordan :
[10:53] Absolument. À terme, avec ce genre d'approche-là, l'impact énergétique de l'utilisation de l'IA deviendra négligeable. Un peu, vous voyez, la même révolution qu'on a eue avec les ampoules à filaments par rapport aux ampoules à LED. Tout d'un coup, l'éclairage, c'est rien.
Monde Numérique :
[11:10] Incroyable, incroyable. Vous, vous êtes donc une société spécialisée là-dedans. Il y en a d'autres, j'imagine, sur le marché. Si on prend un peu de recul, est-ce qu'il y a vraiment aujourd'hui, vous avez des concurrents, il y a une vraie dynamique ou vous êtes les seuls docteurs fol amour tout seuls dans votre coin ?
Fred Jordan :
[11:24] Alors, heureusement, on n'est pas les seuls. Je dirais que ce serait une bonne indication. On a deux concurrents, un aux US et un en Australie. Mais c'est vrai qu'il y a très peu de sociétés encore actives là-dedans. Par contre, dans le domaine académique, Nous, on a créé vraiment un hub d'innovation ouverte, Open Innovation, avec des gens qui utilisent à distance nos organoïdes cérébraux. Et on a une dizaine d'universités qui travaillent H24 à distance sur nos ordinateurs. Enfin, sur nos...
Monde Numérique :
[11:57] Sur vos embryons d'ordinateurs.
Fred Jordan :
[11:58] C'est ça, voilà. Pour faire des expériences dédiées essentiellement à trouver des voies pour leur faire apprendre quelque chose d'utile.
Fred Jordan :
[12:05] Donc, c'est plutôt dans le domaine académique qu'on voit des choses éclorent actuellement.
Monde Numérique :
[12:09] D'accord. Mais en Europe, vous êtes les seuls aujourd'hui.
Fred Jordan :
[12:11] Ah oui.
Monde Numérique :
[12:12] Est-ce que vous discutez avec les géants du secteur de la tech, qu'ils soient américains, chinois, européens, je ne sais pas, les Intel, même les fabricants européens, français ?
Fred Jordan :
[12:25] Alors oui, on a essayé de discuter avec la plupart d'entre eux. Ça ne leur parle absolument pas.
Monde Numérique :
[12:31] Ah oui, d'accord. Ils n'y sont pas ?
Fred Jordan :
[12:32] Pas du tout.
Monde Numérique :
[12:34] Waouh. Vous prêchez dans le désert, en fait, aujourd'hui.
Fred Jordan :
[12:39] Alors, non, quand même pas. C'est spécifiquement pour les fabricants de composants à base de sucre conducteur que ça ne marche pas. Par contre, comme on est devenu assez viral, c'est d'ici derrière moi, on a pas mal d'investisseurs du monde entier, plutôt US, Asie, qui nous approchent. Il y a aussi des grosses sociétés qui louent l'accès à nos organoïdes cérébraux pour pouvoir faire leurs propres recherches. Donc, non, non, il y a tout un flux de gens qui sont très intéressés.
Monde Numérique :
[13:08] Oui, ok. Mais vous êtes un peu vis-à-vis de l'industrie traditionnelle comme, je ne sais pas, comme Kodak au moment de l'arrivée de la photo numérique.
Fred Jordan :
[13:18] Je ne sais pas le dire, mais je pense que c'est exactement pareil. Mais encore une fois, on ne va pas remplacer. Ce n'est pas vraiment une compétition. On va ajouter quelque chose, des nouvelles manières de calculer.
Monde Numérique :
[13:28] Oui, mais enfin, vous êtes peut-être le concurrent de NVIDIA dans 15 ans.
Fred Jordan :
[13:34] Alors, effectivement, si on parle de l'utilisation des GPU, Dans le cadre de l'IA, qui est énorme pour Nvidia, ça, ça pourrait être une forme de concurrence. Là, par contre, beaucoup plus frontale, oui.
Monde Numérique :
[13:45] D'accord. Et vous dites que dès aujourd'hui, des chercheurs se connectent à vos systèmes pour faire des travaux. Et ça consiste en quoi ? Est-ce qu'on peut comprendre, toucher du doigt un peu ce que vous leur faites faire ? Vous êtes encore uniquement sur le plan biologique ou déjà vous faites faire des calculs à vos bioprocesseurs ?
Fred Jordan :
[14:05] On essaie de leur faire faire des calculs, mais ils font un peu les calculs qui veulent un peu le problème. On a du mal à avoir la maîtrise.
Monde Numérique :
[14:12] Il y a des erreurs, c'est comme le quantique.
Fred Jordan :
[14:14] Il y a des points communs, effectivement. Alors déjà, si vous voulez toucher du doigt, il y a deux manières très simples qui ne coûtent rien. Vous venez sur le site web, vous pouvez avoir en temps réel sur notre site web, H24, les signaux qui viennent de nos neurones. Déjà, vous pouvez voir. Et également, il y a des photos.
Monde Numérique :
[14:28] Oui, mais alors bon, ok, c'est des signaux, c'est un peu ardu, quoi. C'est de l'oscilloscope.
Fred Jordan :
[14:33] Vous avez raison alors c'est ça le problème si on veut interagir plus, on a aussi un serveur Discord où les gens peuvent poser des questions, on est content d'y répondre on a des questions qui viennent de partout maintenant les gens qui veulent vraiment rentrer plus dans le domaine là on a publié un papier, en mai qui est disponible sur Frontiers Final Spark, vous le trouverez, c'est gratuit donc là qui détaille toute la technologie qu'on utilise et ceux qui vont plus loin, ils nous proposent des projets, pour les universités on a fait un accès gratuit, qui permet aux gens d'accéder à nos neurones, de faire des expériences en pitons et de mesurer les signaux, de faire des stimulations et d'essayer de changer leur comportement. Sachant qu'il y a une chose que je n'ai pas dit aussi, c'est qu'on utilise aussi, des stimulations de type chimique, comme la dopamine ou la sérotonine, le guita-mat, des choses comme ça, des neuromodulateurs pour en quelque sorte récompenser les circuits nerveux quand ils font ce qu'on attend d'eux.
Monde Numérique :
[15:29] Ah ouais, vous les dressez en fait ?
Fred Jordan :
[15:31] C'est du dressage, oui. le dressage, c'est une possibilité, une approche possible. Le problème, c'est que l'apprentissage in vitro, c'est un domaine nouveau qui n'a pas été étudié en neurobiologie.
Monde Numérique :
[15:43] Ok. C'est du dressage qui… Vous savez que ce genre de choses, c'est comme ça qu'on fabrique des drogués après. Je veux dire, vous avez intérêt à les doper, en fait, ces neurones ?
Fred Jordan :
[15:59] Non, il ne s'agit pas de doper, il s'agit de récompenser, en fait, au bon moment. C'est ce qu'on fait nous-mêmes tous les jours, c'est ce qu'on fait avec un enfant quand on le félicite ou avec un chien quand on lui donne un sucre. C'est des phénomènes de renforcement positif qui sont bien connus pour fonctionner en théorie comportementale.
Monde Numérique :
[16:17] Oui, bien sûr. Incroyable, étonnant. Écoutez, il y a aussi une porte qui s'ouvre. Est-ce que vous considérez que vous êtes un peu sur la voie du transhumanisme ou pas du tout ? C'est-à-dire la jonction entre l'humain et la machine ?
Fred Jordan :
[16:35] Bien sûr, ça ajoute une piste de réflexion concernant le transhumanisme, parce qu'à partir de là, on pourrait imaginer même des extensions à notre cerveau qui seraient ici de type biologique. En quelque sorte, c'est aussi assez conservateur. Il peut y avoir d'ailleurs des applications de type médical pour recréer des organoïdes cérébraux de parties
Fred Jordan :
[16:57] qui ont été endommagées. Donc, il y a tout un champ. Encore une fois, c'est toute une nouvelle industrie qui est en train de s'ouvrir ici.
Monde Numérique :
[17:04] Incroyable. Merci beaucoup Fred Jordan, cofondateur de FinalSpark. Et vous l'avez dit, si on veut voir en quelque sorte en action ces bioprocesseurs, on peut aller sur votre site finalspark.com.