L'intelligence artificielle permet aujourd'hui de créer facilement de la musique, mais cela pose des problèmes inédits pour l'industrie du streaming.
Des milliers de morceaux “parasites”

Interview : Aurélien Hérault, directeur de l’innovation de Deezer
En quoi la musique générée par IA représente-t-elle un problème pour les plateformes comme Deezer ?
Aurélien Hérault : Nous recevons près de 100 000 titres par jour sur Deezer, et environ 10 % sont aujourd'hui générés par intelligence artificielle. Ce n'est pas la technologie en elle-même qui pose problème, mais la saturation du catalogue et les tentatives de fraude économique qui peuvent en découler. Certains cherchent à manipuler les streams en créant des morceaux par IA qui seront ensuite artificiellement écoutés par des bots. Cela permet de capter une partie des revenus destinés aux vrais artistes.
Comment vous protégez-vous ?
Nous avons développé une technologie de détection qui permet d’identifier les morceaux entièrement créés par IA. Notre modèle est capable de repérer avec une précision de 99,8 % les morceaux produits par des outils comme Suno ou Udio en analysant des artefacts statistiques invisibles à l'oreille humaine. Une fois ces morceaux repérés, nous ne les supprimons pas, mais nous les excluons des recommandations algorithmiques pour éviter qu'ils ne prennent artificiellement trop de place dans l'écosystème musical.
Est-il réaliste de vouloir endiguer la vague de l’IA musicale ?
Nous sommes à un tournant. Comme lors de l'arrivée du streaming, il faut encadrer ces nouvelles pratiques et repenser les modèles économiques. L'idéal serait d'engager un dialogue entre plateformes, artistes et ayants droit pour réguler l'utilisation de l'IA tout en valorisant la création. Deezer a déjà déposé des brevets sur ces technologies de détection et envisage à terme de partager ses solutions avec d'autres acteurs du secteur. Notre but n'est pas de censurer, mais d'assurer un environnement équitable pour les artistes et de garantir une bonne expérience aux auditeurs.
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Monde Numérique :
[0:01] On sait que l'intelligence artificielle aujourd'hui permet de créer facilement de la musique et des chansons. Il suffit d'aller sur des plateformes comme Suno et à partir d'un simple prompt, une simple requête, on peut générer des morceaux dans toutes sortes de styles. Alors c'est amusant, mais ça pose aussi des problèmes, des problèmes de droit d'auteur et surtout quand ces morceaux sont envoyés en masse sur les plateformes de streaming pour être commercialisés. Bonjour Aurélien Hérault.
Aurélien Hérault:
[0:27] Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
[0:28] Vous êtes directeur de l'innovation de Deezer, célèbre plateforme française de streaming. Et chez Deezer, vous êtes victime de ce phénomène et vous avez donc développé
Monde Numérique :
[0:39] une technologie pour détecter les morceaux pirates fabriqués par Delia. On va en parler, mais d'abord, est-ce que vous pouvez nous décrire un petit peu l'ampleur de ce phénomène de contenu qui ne devrait pas se trouver sur votre plateforme, en fait ?
Aurélien Hérault:
[0:55] Oui, tout à fait. Déjà, je pense que c'est intéressant de commencer avec un chiffre. On reçoit environ 100 000 titres par jour, donc on doit traiter 100 000 titres par jour et on s'est intéressé à la granularité de ce qu'on nous envoyait. Et on a découvert que l'IA génératif prenait part à ses livraisons quotidiennes. Mais pour pouvoir savoir plus en détail ce qu'on nous livrait, il a fallu créer un détecteur. Donc, on a investi à peu près pendant un an et demi pour développer un modèle capable de détecter les morceaux générés par IA. Et aujourd'hui, on estime à environ 10% du contenu qu'on reçoit quotidiennement généré par IA.
Monde Numérique :
[1:38] 10% généré par IA. Donc, c'est quoi ? C'est des fausses chansons ?
Aurélien Hérault:
[1:42] C'est des chansons qui sont très réalistes dans des styles...
Monde Numérique :
[1:45] Qui sont pas mal parfois.
Aurélien Hérault:
[1:46] Qui sont de plus en plus difficiles à différencier de morceaux, j'ai envie de dire, originales, conçus par des humains. Mais le phénomène qu'on observe essentiellement, c'est les livraisons de masse. Parce qu'en soi, l'IA générative ne nous pose aucun problème. Au contraire, on pense que c'est une fabuleuse opportunité de s'exprimer. Ce qui nous pose un peu plus de problème, c'est la saturation du catalogue par ce type de morceau.
Monde Numérique :
[2:16] Alors voilà, parce qu'il y a un aspect technique, il y a un aspect de confort aussi d'écoute pour l'auditeur, pour l'utilisateur, et puis il y a un aspect économique.
Monde Numérique :
[2:26] Si on parle brièvement de l'aspect économique, en fait, ces morceaux pirates, ils vont permettre à certains de gagner de l'argent derrière.
Aurélien Hérault:
[2:35] Tout à fait, ils viennent rentrer dans le modèle économique des plateformes du streaming et capturer une partie des revenus qui est normalement reversée aux ayants droit et aux artistes. Et on pense que nous, chez Deezer, ça peut être un problème, surtout qu'on observe que ça peut jouer un rôle dans la manipulation de stream, finalement, des phénomènes de fraude. Et c'est pour ça qu'on souhaite avoir ce type de détecteur et monitorer ces cas d'usage pour s'assurer que les revenus aillent bien aux ayants.
Monde Numérique :
[3:07] Ce que vous appelez la manipulation de stream, c'est le fait que certains artistes ou des faux artistes, finalement, aient l'air de faire beaucoup de téléchargements alors que ce n'est pas le cas ?
Aurélien Hérault:
[3:18] Tout à fait. C'est finalement des morceaux créés par des IA qui vont être écoutés par des bots.
Monde Numérique :
[3:26] Ah oui, d'accord, même les auditeurs sont faibles.
Aurélien Hérault:
[3:29] Oui, c'est ces phénomènes-là qu'on moniteure activement parce que justement, ça vient capturer de la part de marché et on essaye justement de combattre ça.
Monde Numérique :
[3:39] Oui, c'est de l'argent de moins pour les vrais artistes et que vous reversez via les sociétés de gestion.
Aurélien Hérault:
[3:46] À travers les labels, les sociétés de gestion, etc.
Monde Numérique :
[3:50] Alors, cet outil que vous avez développé, technologie contre technologie, Finalement, c'est toujours la même histoire. Il consiste en quoi ? Comment ça marche ?
Aurélien Hérault:
[3:59] On s'est concentré, dans un premier temps, à détecter les morceaux 100% générés par IA. Donc, des modèles comme Suno, Udio, et il y en a plein sur le marché. Tous ces morceaux générés par IA ont une spécificité. C'est qu'ils laissent des artefacts dans le signal audio qui ne sont pas audibles par les humains, mais qui laissent des traces statistiques parce que les modèles génératifs sont des statistiques. Il y a des encodeurs, des décodeurs. Et au moment justement de la génération, ils laissent un certain nombre de traces. Et on a développé un système qui vient détecter ces traces avec un calcul de score qui nous permet d'être plutôt confiants sur les morceaux 100% générés par IA.
Monde Numérique :
[4:44] C'est-à-dire que vous arrivez à détecter avec quel taux de réussite ?
Aurélien Hérault:
[4:51] 99,8% sur des modèles connus comme Udio, Suno, etc. Mais la spécificité de notre modèle, c'est de pouvoir être un peu plus généraliste parce que c'est simple, il suffit de modifier un petit peu les morceaux et tout de suite, on ne les détecte plus. Donc, on travaille, on continue de travailler dessus, à faire évoluer ce système pour détecter de plus en plus de morceaux générés par IA.
Monde Numérique :
[5:17] D'accord. Donc ça veut dire que si je m'amuse à aller créer des chansons sur Suno et ensuite je veux les diffuser sur Deezer ou sur d'autres plateformes, je vais me faire choper par la patrouille en fait.
Aurélien Hérault:
[5:27] Oui, en tout cas on va le voir, ça sera labellisé dans notre catalogue et après c'est très simple de pouvoir soit afficher aux utilisateurs que c'est un morceau généré par IA ou l'enlever de la recommandation, bref mener un certain nombre d'actions.
Monde Numérique :
[5:43] Parce que dans ce cas-là, vous faites quoi ? Immédiatement, vous l'enlevez, vous le retirez ?
Aurélien Hérault:
[5:48] Non. Aujourd'hui, on accepte tout. La seule chose qu'on a fait comme action, c'est de l'enlever de la recommandation algorithmique.
Monde Numérique :
[5:59] Donc, il n'est plus mis en avant, mais il existe toujours. Si on va le chercher, il existe toujours.
Aurélien Hérault:
[6:04] On n'est pas un régulateur, on n'est pas là pour interdire l'usage. On est là juste pour monitorer notre catalogue et offrir la meilleure expérience possible aux utilisateurs. Donc, on a décidé aujourd'hui d'expérimenter de l'exclure de la reco et de mesurer un petit peu les effets.
Aurélien Hérault:
[6:22] Mais c'est aussi pour ça qu'on a communiqué publiquement sur ces chiffres-là. C'est aussi pour saisir un petit peu toute la filière musicale autour de ces questions liées à général.
Monde Numérique :
[6:33] Oui, parce qu'au fond, vous le disiez, est-ce que c'est vraiment scandaleux de faire de la musique avec de l'intelligence artificielle ?
Aurélien Hérault:
[6:39] Pas du tout, c'est génial. Je peux dire que ça donne l'opportunité à beaucoup de gens de pouvoir s'exprimer, d'explorer. Je veux dire que tant qu'il y a une démarche artistique derrière, quelque chose qui est lié à la musique, à la transmission d'émotions, de messages, c'est un outil formidable. Nous, ce qui nous pose problème, c'est plus les abus, la saturation du catalogue. Écologiquement aussi, c'est une question. Est-ce qu'on a envie de stocker tous ces morceaux qui ne sont pas forcément écoutés ? Donc, c'est toutes ces questions qu'on soulève autour de l'IA générative, mais au contraire, on pense que c'est une fabuleuse opportunité.
Monde Numérique :
[7:16] Donc, vous ne tournez pas le dos à la musique générée par IA. On sait que c'est également la position de votre principale concurrence, Spotify, etc. Malgré tout, il y en a qui s'inquiètent un peu, ce sont les artistes. Et on le voit en ce moment. Récemment, un millier d'artistes britanniques sont montés au créneau. Et partent en guerre contre un projet de loi en Grande-Bretagne qui, justement, devrait permettre aux IA de s'entraîner à partir de leur musique. Et ça, ils n'en veulent pas, ou en tout cas, ils veulent faire pression pour peut-être être rémunérés en conséquence, etc.
Monde Numérique :
[7:56] Qu'est-ce que vous en pensez ? On est à un tournant, en fait, pour ce marché ?
Aurélien Hérault:
[8:00] Oui, je pense que, comme souvent, et ça fait partie du secteur culturel, mais aussi de la musique. La technologie vient un peu bousculer les codes. Ça a été le cas avec le streaming il y a 17 ans maintenant. Car.
Monde Numérique :
[8:18] Ça vous a bien arrangé, parce que finalement, sans la révolution du streaming, Deezer aujourd'hui n'existerait pas.
Aurélien Hérault:
[8:23] Tout à fait, mais ça fait partie des ruptures technologiques, et je pense qu'il faut l'accompagner, le comprendre, et justement, c'est le rôle des acteurs technologiques comme Deezer, qui a à la fois une expertise sur la tech et une expertise dans le milieu culturel, musical, de faire la jonction et aussi d'aider les ayants droit à comprendre ce qui est possible de faire, comment on peut faire évoluer les modèles économiques.
Monde Numérique :
[8:49] Qu'est-ce qu'il faudrait ? Selon vous, ça devrait évoluer dans quel sens ?
Aurélien Hérault:
[8:55] Aujourd'hui, comme vous le disiez au début du podcast, c'est toujours technologie contre technologie. Finalement, maintenant, il y a des technos pour générer des morceaux. En face, on va développer d'autres technologies qui vont être capables de les repérer. Il y a un moment où il faut se mettre autour de la table et de poser tous les éléments factuels qu'on a, notamment les données. Aujourd'hui, on sait que l'IA générative représente une grande partie des nouveautés qui sont livrées dans les catalogues. Qu'est-ce qu'on fait au niveau du modèle économique ? Aujourd'hui, nous, on a commencé à faire évoluer le modèle du market-centrique vers la CPS, mais c'est qu'une étape.
Monde Numérique :
[9:36] Alors, attendez, ça veut dire quoi, ça ? En bon français, du market-centrique vers la CPS ?
Aurélien Hérault:
[9:41] Alors, le market centrique, c'est le modèle à peu près standard du streaming aujourd'hui, c'est-à-dire on collecte tous les abonnements et après on répartit à la part de marché.
Monde Numérique :
[9:53] D'accord.
Aurélien Hérault:
[9:54] Sur l'artiste centrique, c'est un modèle un peu hybride qui est là pour reverser et promouvoir les, artistes des vrais artistes, j'aime pas ce mot là de vrais artistes mais des artistes professionnels qui prend en tout cas qui va booster une partie de cette consommation là qui va mettre le noise et toute la partie non music content de côté, avec un pilier sur la fraude, enfin il y a toute une évolution du modèle justement pour accompagner ces nouveaux usages.
Monde Numérique :
[10:34] On a l'impression, surtout quand on n'est pas dans ce milieu-là et qu'on est simple utilisateur et auditeur de musique, que derrière ces plateformes de streaming, qui aujourd'hui définissent le... Sont au cœur de notre manière d'écouter de la musique, c'est une espèce d'iceberg et derrière, il y a toute un... Toute une mécanique et toutes sortes d'intérêts qui s'entremêlent qui font que la situation devient de plus en plus compliquée.
Aurélien Hérault:
[11:03] Oui, il y a beaucoup d'acteurs, beaucoup d'acteurs différents, beaucoup d'ayants de droit différents, beaucoup de créateurs différents. Il y a des auteurs, il y a des musiciens, des interprètes. Bref, il y a énormément, il y a une complexité liée à cette filière-là où chacun aussi voit ses intérêts et se bat pour, et c'est bien normal. Pour ce qui concerne l'IA dégénérative et notamment ce qui se passe en Angleterre, enfin au UK en ce moment. Oui, il y a une vraie question, comment ont été constitués les datasets, comment les modèles génératifs ont été entraînés. Je pense qu'il faut faire la part entre, on est capable de le faire technologiquement et tout le domaine de la recherche et de la... Capacité technique à produire ce type de modèle et l'exploitation commerciale derrière qui pose d'autres questions.
Monde Numérique :
[11:57] Alors justement j'allais vous poser la question, l'entraînement des modèles, parce que alors votre technologie permet de dire si un morceau a été généré par de l'IA ou pas, mais ça peut aller jusqu'où cette détection ? Est-ce que vous êtes capable de remonter jusqu'à la source et de dire ça a été, les modèles ont été entraînés à partir de tel artiste, tel type de d'albums, je ne sais pas, etc.
Aurélien Hérault:
[12:21] C'est des recherches que l'on mène. Ça prendra beaucoup de temps parce qu'il y a une complexité derrière. Il y a certaines méthodes aujourd'hui qui sont capables de tordre un petit peu le bras au LLM pour leur faire régurgiter du contenu.
Monde Numérique :
[12:38] C'est ce qu'on appelle du reverse engineering.
Aurélien Hérault:
[12:40] Exactement. Mais la problématique avec ces méthodes-là, c'est que c'est très compliqué à l'échelle. Et comme je vous l'ai dit, on reçoit énormément de morceaux. Donc, si on devait vérifier tous les morceaux, il nous faut des choses un peu plus robustes.
Aurélien Hérault:
[12:54] On espère un jour pouvoir être capable de revenir au dataset d'entraînement. Aujourd'hui, ça reste du domaine de recherche.
Monde Numérique :
[13:03] Oui, parce que je sais que l'IRCAM, notamment l'Institut français de la recherche sur la musique, travaille également là-dessus, a mis au point aussi une technologie qui permet de détecter, de repérer les morceaux « fake », enfin « fake » non, il ne faut sans doute pas employer ce terme mais les morceaux générés par IA mais c'est très difficile pour autant de remonter jusqu'aux morceaux d'origine. Du coup, est-ce que dans l'histoire ce n'est pas les artistes qui vont encore élisser des plumes ?
Aurélien Hérault:
[13:33] Je ne pense pas, puisqu'aujourd'hui, justement, les artistes sont conscients. Il va falloir faire évoluer le modèle économique, trouver un nouveau modèle économique, probablement. C'est l'avenir qui nous le dira mais je pense que des acteurs comme Deezer où justement on passe notre temps à développer ce genre de technologie aussi pour informer avoir de la pédagogie derrière nous aidera probablement à prendre de meilleures décisions.
Monde Numérique :
[14:08] Vous avez même déposé des brevets pour cette.
Aurélien Hérault:
[14:12] Technologie que.
Monde Numérique :
[14:13] Vous avez développée chez Deezer.
Aurélien Hérault:
[14:14] Tout à fait parce que justement, ces problématiques de généralisation, on travaille aussi dessus activement. C'est loin d'être terminé. Et si on communique aussi, c'est qu'on sait qu'on ne répondra pas tout non plus
Aurélien Hérault:
[14:29] à travers la technologie. C'est vraiment une prise de conscience et une évolution globale du système de streaming qu'il faut repenser et faire évoluer.
Monde Numérique :
[14:40] On peut dire que c'est une deuxième révolution numérique pour la musique. Après le streaming qui a complètement changé la face du marché de la musique, est-ce que maintenant c'est l'IA qui va à nouveau rebattre les cartes ?
Aurélien Hérault:
[14:54] Je pense que ça s'applique au-delà de la musique en fait. Il y a beaucoup de secteurs créatifs aussi qui sont impactés par les IA génératives et c'est une nouvelle façon de créer, des nouveaux outils pour créer. Ce n'est pas forcément qu'une menace, c'est aussi des opportunités. Les logiciels de professionnels que ce soit de retouches d'images de retouches de sons intègrent ces modèles nativement et ça va simplement faire partie.
Monde Numérique :
[15:23] De la façon d'utiliser ces logiciels le problème aussi c'est que les plateformes en question Suno etc, bénéficient actuellement d'une espèce de flou artistique c'est à dire qu'on ne sait pas si c'est autorisé, pas autorisé etc.
Aurélien Hérault:
[15:39] Oui, pour l'instant, maintenant, je crois qu'aux US, ils se sont saisis de la
Aurélien Hérault:
[15:44] question et sont en train, justement, de répondre à toutes ces questions. Il y a un flou, mais ça fait partie aussi des nouvelles technologies quand ils arrivent sur le marché.
Monde Numérique :
[15:59] On a l'impression que finalement, vous vous retrouvez... Est-ce que vous n'êtes pas en train de vous retrouver un peu, vous, plateforme de streaming, dans la même situation un peu compliquée que celles qui ont connu les réseaux sociaux. Vous êtes des plateformes, c'est-à-dire qu'il y a des contenus entrants, des contenus sortants, des utilisateurs, des fournisseurs de contenus, etc. Vous, vous êtes au milieu. Forcément, à un moment ou à un autre, ça dérape. Il y a des gens qui font n'importe quoi et c'est vous qui devez faire la police sans la faire trop, en fait.
Aurélien Hérault:
[16:31] Oui, après, c'est un choix aussi de Deezer, de se saisir de ce sujet. On pourrait très bien simplement ingérer le catalogue, le mettre à disposition des utilisateurs et ne pas s'en préoccuper. Ce n'est pas notre philosophie. On pense justement que le rôle d'une plateforme, c'est aussi de garantir que l'endroit où on vient écouter, c'est équitable, que la plateforme met en place avec l'aide des ayants droit les outils nécessaires pour que les créateurs puissent vivre de leur création.
Monde Numérique :
[17:05] Dernière question est-ce que ça... Est-ce que ça risque, pour une raison ou pour une autre, de changer les choses pour les utilisateurs, pour les auditeurs, je ne sais pas, en termes d'obligations, en termes de tarifs, etc. Comment vous voyez ?
Aurélien Hérault:
[17:22] Aujourd'hui, c'est un peu tôt pour le dire. Je pense qu'une des premières étapes, c'est d'être transparent vis-à-vis des utilisateurs quand on leur recommande des morceaux, de leur dire l'origine, si c'est AI generated, qu'ils puissent le savoir.
Monde Numérique :
[17:38] Et ça, vous l'indiquez, vous, ou pas ?
Aurélien Hérault:
[17:40] C'est des initiatives qu'on a engagées, oui, et qu'on souhaite mettre à disposition. Toute cette partie de transparent, je pense que c'est très important déjà comme première étape.
Monde Numérique :
[17:51] Mais si je suis auditeur de Deezer aujourd'hui, abonné, est-ce que si j'écoute de la musique générée par IA, c'est indiqué quelque part ?
Aurélien Hérault:
[17:59] Pas encore. C'est quelque chose qu'on souhaite mettre en place, qui prend un peu de temps, parce qu'en fait, notre modèle, on l'a mis en production qu'au mois de décembre. Donc, on n'a pas beaucoup de recul encore vis-à-vis de l'usage, etc. C'est des choses qu'on étudie et qu'on prend aussi le temps d'étudier avant de prendre des actions. Mais c'est quelque chose qu'on souhaite promouvoir. C'est aussi la transparence. Et donc, ça fait partie de ces initiatives qui sont prises très au sérieux chez nous pour pouvoir offrir ça aux utilisateurs. Je pense que c'est la première étape. La première marche, c'est la transparence. Et puis l'étape d'après, c'est la concertation avec tous les acteurs pour trouver la meilleure solution à la fois pour les ayants droit, les créateurs et les utilisateurs.
Monde Numérique :
[18:43] Bien sûr. Ok, très bien. Oui, on comprend que vous êtes dans un souhait de dialogue, visiblement, avec les uns et les autres.
Aurélien Hérault:
[18:50] Oui, parce que ce n'est pas une plateforme toute seule qui va pouvoir résoudre cette problématique-là, puisqu'il y a cette ambivalence d'être à la fois des technos super pour la création et de l'autre côté il y a des abus et il faut trouver le juste milieu je pense.
Monde Numérique :
[19:07] Encore une question malgré tout je crois que votre concurrent que je citais tout à l'heure donc Spotify lui a fait le choix de volontairement délibérément pousser de la musique par IA dans des playlists etc de dire tiens moi je vais mettre 10%, ou 20% ou 30% de musique générée par IA vous quelle est votre position par rapport à ça, d'un côté vous m'avez dit tout à l'heure que vous avez plutôt tendance à l'invisibiliser, la musique générée par IA.
Aurélien Hérault:
[19:35] Oui, alors je ne sais pas ce que font concrètement nos concurrents. Par contre, chez nous, ce n'est pas quelque chose que... C'est pas quelque chose qu'on fait.
Monde Numérique :
[19:43] C'est pas dans la stratégie ?
Aurélien Hérault:
[19:44] Non, c'est pas du tout dans notre stratégie. Au contraire, comme vous le disiez, c'était plutôt justement de la mettre un peu plus en retrait, plus que de la promouvoir. Après, s'il y a des morceaux qui fonctionnent et que les utilisateurs souhaitent les écouter, on va pas non plus l'enlever de la plateforme.
Monde Numérique :
[20:01] Oui, parce que ce qui est très important, et ce que les gens ne savent pas, ce que vous disiez au début, c'est qu'il y a des vrais auditeurs et puis il y a des faux, en fait. C'est peut-être ça qui trompe les chiffres, in fine.
Aurélien Hérault:
[20:13] Oui, mais ça va de pair avec nos systèmes de détection de fraude, de fingerprint. Enfin, là, on parle de l'EI detection, mais on a beaucoup de systèmes de monitoring de notre catalogue, justement, pour éviter ces cas d'usage.
Monde Numérique :
[20:28] Cette solution technologique, elle est réservée à Deezer ou elle pourrait être utilisée sur d'autres plateformes ?
Aurélien Hérault:
[20:34] C'est quelque chose qu'on envisage de pouvoir l'ouvrir. Aujourd'hui, c'est très récent, donc on la teste et on l'améliore, mais c'est quelque chose qui pourrait être totalement envisageable dans l'avenir.
Monde Numérique :
[20:50] Merci beaucoup Aurélien Hérault, directeur de l'innovation de Deezer.
Aurélien Hérault:
[20:55] Merci à vous.