Dans cet épisode, nous revenons sur la controverse autour de l'entreprise américaine Cox Media Group qui se vante de pouvoir écouter des conversations pour adresser de la publicité ciblée.
Info ou intox ? Alors que tout porte à croire qu'il est impossible d'espionner les conversations orales à grande échelle, Bruno Guglielminetti, du podcast Mon Carnet, estime au contraire que c'est tout à fait envisageable car il est techniquement possible de contourner les systèmes de sécurité, surtout dans des pays où la règlementation n'est pas aussi stricte qu'en Europe ou aux Etats-Unis. Un débat sur un sujet passionnant mais inquiétant car il touche à la protection de la vie privée et des données personnelles.
Extrait de L'Hebdo du 07/09/24.
Transcription
Jérôme Colombain :
[0:04] Salut Bruno Guglielminetti, comment vas-tu ?
Bruno Guglielminetti :
[0:06] Salut Jérôme Colombin, ça va bien toi ?
Jérôme Colombain :
[0:09] Bon, cette semaine, Bruno, je pense qu'il faut qu'on revienne sur cette histoire de Cox Media Group, donc cette société américaine qui aurait mis au point un système permettant d'écouter les conversations, via les smartphones, mais aussi via les téléconnectés, les assistants vocaux, etc. Pour envoyer de la publicité ciblée. Parce que moi, j'en ai parlé sur Monde numérique dans un épisode spécial, mais j'ai une approche plutôt positive, rassurante par rapport à ça. Et toi, au contraire, tu as une vision beaucoup plus pessimiste de cette histoire-là.
Bruno Guglielminetti :
[0:46] Oui, parce que ça vient confirmer une bonne vieille légende urbaine qui disait que nos appareils nous écoutent. Et là, qu'est-ce qu'on voit arriver, c'est que grâce à une fuite d'un document de chez Cox Media Group que tu mentionnais, on découvre que c'est un genre de service dont ils se vendent et auprès de leurs clients potentiels en disant, Écoutez, nous, on travaille déjà avec Google, Amazon et Meta en utilisant différents outils, dont celui-là qui nous permet d'écouter ce qui se passe en utilisant le micro des appareils et puis d'un téléphone, mais aussi d'autres appareils électroniques. Et puis, en conjoncture avec 470 autres données, on met tout ça dans une intelligence artificielle et on arrive à vraiment avoir une expérience, un profil de quelqu'un à qui on peut lui offrir de la publicité ultra personnalisée. Et c'est ça où je trouve un peu, c'est un peu alarmant de voir que, tu sais, Jérôme, il ne faut pas être naïf, s'il y en a un qui se vend, il y en a plusieurs qui le font, mais qui n'en parlent pas.
Bruno Guglielminetti :
[1:56] Et c'est un peu ça que je fais comme portrait. Alors, évidemment, cette technologie des cotes actives, je la trouve un peu embêtante. Mais de l'autre côté, ça confirme quelque chose qui nous semblait réel, mais dont on n'avait jamais eu la confirmation.
Jérôme Colombain :
[2:11] Oui, alors moi, je ne sais pas. Je ne suis pas convaincu à 100%. D'abord, cette application, cette technologie Active Listening, on n'a quand même pas beaucoup d'infos dessus. On ne sait pas trop de quoi ils se vantent. Comme tu le dis, en fait, ils évoquent aussi tout un ensemble de technologies qui permettent de créer des profils. Donc, ce ne serait qu'une petite partie. Et ensuite, ça veut dire quoi ? Parce qu'en théorie, on ne peut pas comme ça écouter dans les smartphones aujourd'hui. Quand le micro de ton téléphone est activé, il y a un petit signal qui s'affiche en haut de l'écran qui t'indique qu'il y a une appli qui utilise ton micro. Donc, en principe, les écoutes sauvages comme ça, ce n'est pas possible. Est-ce que tu crois vraiment que c'est sérieux tout ça?
Bruno Guglielminetti :
[2:59] J'aime bien la façon que tu l'amènes parce qu'officiellement, ce n'est pas possible. Sauf que dans les faits, on le sait, il existe des logiciels qui sont utilisés par ou des agences de renseignement ou peut-être même des gens mal intentionnés. Je dis ça avec un sourire, mais ce n'est pas drôle. des gens qui ont développé des solutions qui fonctionnent sur les téléphones mobiles, mais aussi sur les bornes intelligentes qu'on a chez nous, qui permettent à des gens qui ont besoin d'information d'écouter ce qui se passe dans une pièce. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que depuis très longtemps, on invite toujours les gens, lorsqu'on assiste à des réunions qui sont importantes et délicates, à prendre leur téléphone, à les isoler dans un isoloir. Et comme ça, on a la paix. Mais donc, techniquement, ça se fait. Et la petite lumière qui montre que le microphone fonctionne, il y a des façons de la contourner aujourd'hui. Et donc, techniquement, ça se fait. Je ne te dis pas que les gens de Cox Media Group avaient cette technologie-là, mais sachant qu'une fois qu'une application est lancée, Bien, il y a énormément d'informations qui se transigent là-dessus. Peut-être qu'effectivement, dans le nombre d'éléments qui sont envoyés, il y avait des extraits.
Jérôme Colombain :
[4:17] Oui, mais tout se fait d'un point de vue technique, ça je suis d'accord avec toi. Mais il y a des choses qui se pratiquent, on va dire, dans un cadre de renseignement militaire, etc. Est-ce que ça exploite souvent ce qu'on appelle les failles zéro-D, c'est-à-dire des vulnérabilités qui n'ont pas été découvertes, qui n'ont pas été rendues publiques, Il y a eu des précédents avec cette société israélienne qui commercialisait même un outil qui permettait de pénétrer WhatsApp et compagnie, d'accord. Donc, tout est possible. Mais est-ce qu'une entreprise qui fait du marketing va s'amuser à utiliser ce genre d'outil et en plus à le commercialiser auprès de grands clients, sachant que malgré tout, ça reste interdit ce genre de pratique?
Bruno Guglielminetti :
[4:59] Tout à fait. Et puis, plus particulièrement en Europe, qui est la terre de la
Bruno Guglielminetti :
[5:04] protection de la donnée privée. Moi, je peux être sûr que la Commission européenne, il y a quelqu'un en Irlande qui va se pencher sur le cas de Cox Media Group parce qu'ils vont vouloir avoir de l'information, sachant que cette entreprise-là, il y a une partie de sa business qui est faite sur votre territoire. Alors, probablement que dans les mois à venir, il y a des enquêteurs qui vont débarquer là-bas dans leur bureau et puis qui vont demander de voir qu'est-ce qui se passe exactement. Ça, c'est le côté rassurant de l'histoire. Mais dans les faits, il y a bien des endroits sur la planète, malheureusement, où il n'y a pas encore de juridiction ou de contrôle bien établi. Je ne te parle pas du Canada, je ne te parle pas des États-Unis, mais il y a des terres encore qui sont plutôt vierges dans le domaine. Et ça, je pense qu'il n'y a pas une boîte publicitaire qui se ferait, malgré toute l'éthique qui est soulevée par cette question-là, je pense qu'il y a des gens qui ne se feraient pas trop de mauvais sens à utiliser cette technologie-là. Mais ça soulève quand même des questions et le fait que maintenant, il y a un document public qui est, En tout cas, qui a été rendu public malgré la volonté de la compagnie. Moi, je trouve ça intéressant parce que ça relance la discussion avec de l'information maintenant pour nourrir cette discussion-là. Puis après, moi, je laisse ça dans les mains des législateurs pour faire enquête.
Jérôme Colombain :
[6:15] Bon, écoute, oui, bien sûr. Mais je pense qu'il ne faut pas non plus trop inquiéter les gens. Et en plus, sur ces histoires d'écoute active dont on parle depuis longtemps, on sait aujourd'hui, on sait aussi que les grandes plateformes ont d'autres manières de nous pousser de la pub ciblée et de nous profiler et elles n'ont pas besoin d'écouter toutes nos conversations sans compter les contraintes techniques que ça représenterait,
Jérôme Colombain :
[6:38] de capter comme ça des millions de gigaoctets de données, de les faire transiter par le cloud, etc.
Bruno Guglielminetti :
[6:44] Mais ça, c'est intéressant ce que tu amènes, parce qu'il y a un truc, ici au Canada, ça fait jaser beaucoup, tu sais que dans le monde, il y a un regroupement qui s'appelle Echelon, qui retrouve le Canada, les États-Unis, l'Australie, un réseau d'écoute, piloté par les États-Unis exactement et longtemps ça a existé mais ils, engrangeaient des millions de conversations, d'échanges par jour mais ils ne savaient pas quoi faire, ils n'avaient pas la donnée humaine moi je me souviens d'avoir couvert le sujet mais aujourd'hui grâce à l'intelligence artificielle ils sont capables d'analyser en temps réel toute cette information-là c'est.
Jérôme Colombain :
[7:22] Les révélations d'Edward Snowden.
Bruno Guglielminetti :
[7:23] Entre autres et donc on se retrouve avec ça En tout cas, de mon côté, je terminerais en disant que, le conseil que je dis à tous les journalistes ou les gens que je rencontre qui m'abordent sur cette question-là, c'est que du moment qu'il y a un microphone ou quelque chose qui vous permet d'enregistrer ou même à l'occasion d'écouter, sachez que vous n'êtes pas en sécurité.
Jérôme Colombain :
[7:45] Si vous avez quelque chose à cacher. On va attendre la suite des développements éventuels de ce sujet très chaud.