✍️ Edito – Faut-il mieux réglementer les réseaux sociaux ?
05 novembre 202509:06

✍️ Edito – Faut-il mieux réglementer les réseaux sociaux ?

Emmanuel Macron plaide pour un encadrement plus strict des plateformes, mais jusqu’où faut-il aller sans basculer dans la censure ?

Emmanuel Macron plaide pour un encadrement plus strict des plateformes, mais jusqu’où faut-il aller sans basculer dans la censure ?

Extrait de L’Hebdo du 1er novembre 2025

Un discours présidentiel sans détour

Lors du Forum de la Paix à Paris, Emmanuel Macron a livré une violente charge contre les réseaux sociaux. Il a dénoncé un modèle économique fondé sur la manipulation de l’attention, accusant les plateformes américaines – et en particulier X – de favoriser les contenus les plus extrêmes. Selon lui, cette dérive menace directement nos démocraties, car l’émotion y supplante la vérité et l’argumentation.

Vers une nouvelle ère de régulation ?

Le chef de l’État appelle à “reprendre le contrôle” de notre vie démocratique et informationnelle. Transparence des algorithmes, suppression des faux comptes, fin de l’anonymat total… autant de pistes qui s’inscrivent dans un mouvement européen plus large, initié avec le Digital Services Act.
Mais ce discours de fermeté révèle aussi un paradoxe : comment encadrer les géants du numérique sans freiner l’innovation ? Et surtout, comment réguler des entreprises souvent hors de portée du droit européen ?

Le risque d’un glissement autoritaire

Imposer l’identité réelle sur les réseaux pose une question fondamentale : faut-il renoncer à l’anonymat pour plus de sécurité ? Ce serait oublier que le pseudonymat protège aussi la liberté d’expression, notamment celle des lanceurs d’alerte ou des citoyens ordinaires. Lutter contre les dérives en ligne ne peut se faire au prix d’une surveillance généralisée.

Les réseaux sociaux, toujours sources d’information

Emmanuel Macron affirme que “les réseaux sociaux ne sont plus des lieux où l’on peut s’informer”. Je ne partage pas ce constat. Entre les médias traditionnels, les médias alternatifs et les témoignages directs, ces plateformes restent des espaces d’expression essentiels. Le vrai enjeu, c’est l’éducation au discernement : apprendre à reconnaître la désinformation, à vérifier les sources, à penser contre soi-même.
Réguler, oui — mais sans oublier de former les citoyens à exercer leur esprit critique.


Jérôme Colombain: [0:01] Mieux réglementer les réseaux sociaux. La semaine dernière, à Paris, au Forum de l'Appel, le président Emmanuel Macron s'est livré à une véritable Jérôme Colombain: [0:09] charge contre les plateformes de réseaux sociaux. Une fois de plus, serait-on tenté de dire, mais il est vrai que les problèmes que l'on connaît ne cessent de croître. Addiction et surtout désinformation et manipulation, notamment en direction des jeunes qui sont les principales victimes. Bref, le problème reste entier. Il y a une dimension politique et géopolitique plus que jamais. Emmanuel Macron voit notamment la main de la Russie, qui ne rêve, paraît-il, que de déstabiliser la France et qui profite pour cela de l'anarchie, entre guillemets, organisée sur les grandes plateformes américaines. Emmanuel Macron critique le modèle économique des réseaux sociaux. Jérôme Colombain: [0:47] Il s'en prend un mot couvert à Elon Musk, propriétaire de Higgs. Je vous propose d'écouter l'intervention du chef de l'État, qui a brossé un tableau extrêmement précis de la situation. Habillage: [0:56] Quand on a des enfants qui sont exposés 4h40 par jour aux réseaux sociaux, quand on a les moins de 40 ans qui s'informent très majoritairement sur les réseaux sociaux et de plus en plus, quand on a ce temps d'exposition qui s'est accru pendant la période Covid et après, quand on a depuis deux ans maintenant l'IA générative qui arrive. Dans nos démocraties, on ne peut pas faire comme si tout ça n'avait pas totalement changé, parce que les gens qui nous informent, par lesquels on s'informe, ne sont pas des médias libres et indépendants. Et la confusion est là. Et ce n'est pas parce qu'on va chercher l'information par ces réseaux, qu'ils soient TikTok, X, Instagram ou autres, qu'il n'y a pas un énorme problème à la clé. c'est que ces gens n'ont pas sélectionné l'information comme des médias. Ils n'ont pas vérifié comme des journalistes. Mais surtout, ils n'ont aucune responsabilité quant à cette information qu'ils me donnent. Et ils ne sont pas faits pour partager de l'information. Et notre bêtise est là. C'est-à-dire que ce sont des plateformes qui sont faites pour vendre de la publicité individualisée. C'est comme ça qu'ils gagnent de l'argent. Ils ne gagnent pas en vendant un numéro de journal ou un abonnement. Ils vendent de la publicité individualisée. Ce n'est pas un crime. Juste, c'est l'inverse de l'information. Et pour bien vendre la publicité individualisée, ils doivent accumuler des données sur les gens et les vendre avec un consentement, approximatif à des tiers qui vont payer très cher, cette publicité, des annonceurs. Mais surtout, ils sont mus par un processus qui est de créer l'excitation maximale qui créera le maximum de trafic pour maximiser leur page de pub. Habillage: [2:23] L'ordre de mérite qui fondait nos démocraties, un rapport à l'argumentation, la vérité, est complètement mis en l'air, puisque l'argumentation est moins forte que l'émotion, et l'émotion négative est plus forte que l'émotion positive, puisque c'est elle qui crée le plus d'excitation, donc qui maximise l'efficacité économique du modèle tel qu'il est conçu. C'est exactement ça. Et ça, c'est un processus de dégénérescence démocratique. On a fait n'importe quoi. Et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, on a des scientifiques indépendants qui montrent qu'un jeune Français qui crée un compte TikTok sans aucune caractérisation, qui tape le mot « islam », au bout du troisième contenu qui lui sera soumis, sera exposé à un contenu salafiste. C'est ce qui fait que je vous défie, ouvrez aujourd'hui X en France avec un contenu libre. Si vous ne tombez pas immédiatement sur des contenus d'extrême droite, c'est que vous êtes mal organisés. Et des contenus d'extrême droite français ou du monde entier. Et de toute façon, ces plateformes ont décidé de rompre la neutralité informationnelle, puisque le possesseur de celles-ci s'est engagé dans le combat démocratique et l'international réactionnaire. Donc, ce ne sont plus des lieux où on peut s'informer. Et donc on a besoin de rebâtir des anticorps démocratiques exactement comme on l'a fait pour ce qui est de la France au XIXe siècle face à la presse. Parce qu'à l'époque, on avait une presse qui s'achetait très bien, mais il n'y avait pas de déontologie, il n'y avait pas de responsabilité des éditeurs de presse, il n'y avait pas de profession de société organique. Et donc on doit reprendre le contrôle de notre vie démocratique et informationnelle. Habillage: [3:35] En régulant, et ça a été très bien dit, il ne peut pas y avoir de l'anonymat pour tout le monde et pas de responsabilité. Il doit y avoir une responsabilité. On l'a mis dans la directive des services des SA. Derrière, On veut la liberté, mais on ne veut pas la liberté pour des gens qui n'existent pas. Les bots, les faux comptes, devraient être interdits. Et si une plateforme ne nous garantit pas qu'elle supprime ses faux comptes, elle doit être interdite elle-même. Et on doit absolument avoir la transparence sur les algorithmes pour voir s'il y a des biais partagés. Habillage: [4:03] Aujourd'hui, dans nos démocraties, notre système d'information ne fonctionne plus. Jérôme Colombain: [4:07] Voilà Emmanuel Macron à l'occasion du Forum de la paix à Paris. Le chef de l'État qui veut donc que l'on reprenne le contrôle de notre vie démocratique et informationnelle. Il en appelle donc un agenda de protection et de régulation en Europe. Autrement dit, plus de régulation, mais une régulation précise-t-il qui doit rester compatible avec l'innovation. Donc voilà pour les faits et les déclarations. Maintenant, si on essaye d'analyser un peu cette déclaration et d'aller plus loin, qu'est-ce qu'on voit ? C'est donc un véritable discours de fermeté, mais aussi un constat d'impuissance. La fermeté, pourquoi ? Parce que cela prêche pour plus de contrôle, plus d'interdiction. Mais le problème, c'est que de la fermeté à l'autoritarisme, il n'y a parfois qu'un pas. Est-ce qu'on aura besoin demain de donner sa carte d'identité pour s'inscrire sur un réseau social ? On sait que beaucoup de politiques ont cette vision en tête, qui présente également énormément d'effets pervers. Rappelons qu'il n'y a pas d'anonymat sur les réseaux sociaux, car par voie judiciaire, il est toujours possible de savoir qui se cache derrière un post sur X, sur Facebook ou sur n'importe quel autre réseau. Le problème, c'est que ça demande du temps, ça demande de l'énergie de la part de la police et de la justice. Donc, ce n'est pas simple. Ce qui existe, c'est le pseudonymat qui fait que tout le monde peut s'exprimer en se faisant appeler Titi et avec une tête de chat. Les grands réseaux sociaux aussi sont accusés de privilégier les contenus les plus clivants par leurs algorithmes, en les faisant remonter ? Jérôme Colombain: [5:37] Quitte à ce que ce soit les plus dangereux pour la cohésion de la population. Et ces réseaux qui se retranchent pour cela derrière leur statut d'hébergeur, ils n'ont pas l'obligation de contrôler en amont tous les contenus publiés, contrairement à un média qui, lui, est un diffuseur au sens des premières lois sur Internet, notamment la LCEN, mais enfin là, je vous parle d'une époque antédiluvienne. À une époque, cela dit, il avait été question d'inventer un troisième statut, précisément pour les réseaux sociaux, celui d'accélérateur de contenu. L'idée, c'était d'imposer quand même un minimum de responsabilité à ces plateformes. Mais bon, les projets de loi sont un peu fracassés contre le mur de la réalité Jérôme Colombain: [6:15] économique et politique. Ça, c'est pour l'aspect régulation. Ensuite, pourquoi est-ce que c'est un constat d'impuissance ? Parce que précisément, si on veut faire plier ces grandes plateformes, il va falloir lever des tas de freins. D'abord, la plupart sont maintenant domiciliés, administrativement, en dehors de l'Europe. Pourtant, en Europe, on a maintenant le DSA, le Digital Services Act, cet arsenal réglementaire qui, potentiellement, est très puissant. Mais le problème du DSA, c'est que c'est carrément l'arme nucléaire. Et si on appuie sur le bouton, on s'expose immédiatement à des représailles. Car il faut remettre tout cela dans un contexte global, géopolitique, qui va bien au-delà de ce qui se passe sur nos écrans de smartphone. Jérôme Colombain: [6:53] Et oui, car les représailles, elles viendraient de la part des Américains. Coucou les droits de douane à la Donald Trump. Et aussi, maintenant, on le sait, de la part des Chinois. Ça, c'est pour TikTok, sous forme de mesures de protectionnisme diverses ou variées. Jérôme Colombain: [7:08] Enfin, Emmanuel Macron dit une chose. Il dit « Ce ne sont plus des lieux où l'on peut s'informer, les réseaux sociaux ». Et là, je ne suis pas d'accord. Je pense que c'est faux parce qu'aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a des torrents de boue sur les réseaux sociaux. Jérôme Colombain: [7:21] Mais cela reste néanmoins de véritables canaux d'information entre les contenus produits par les médias mainstream, les médias traditionnels eux-mêmes, mais aussi des médias que l'on pourrait qualifier d'alternatifs, qui ne sont pas tous subversifs pour autant, et sans compter même des témoignages directs, des déclarations publiques directes, etc. Donc, que si les réseaux sociaux, malgré tout leur travers et leurs utilisations parfois perverses, demeurent aujourd'hui encore des canaux d'information et même garantissent une certaine forme de pluralisme. C'est fini, on ne reviendra plus à l'ère du journal télévisé et de la parole unique. Le tout, évidemment, c'est de savoir s'informer, de savoir trier le bon grain de livret, de savoir reconnaître les faux contenus, maintenant les fausses vidéos, les fausses images, mais aussi les faux écrits ou simplement les contenus manipulatoires qu'on nous propulse sous les yeux dans un objectif précis. Lorsqu'on voit apparaître sur son fil X ou TikTok des dizaines de faits divers ou des dizaines d'images d'enfants bombardés qui suscitent évidemment l'indignation, Jérôme Colombain: [8:23] il faut savoir se demander qui est derrière tout cela, à qui tout cela profite-t-il. Et pour cela, il n'est pas question de régulation, mais plutôt d'éducation, de sens critique, apprendre à s'informer comme un journaliste. Jérôme Colombain: [8:38] Apprendre à penser contre soi-même parfois. Et ça, aucune loi contraignante ne pourra y faire grand-chose. Alors vous allez me dire, c'est une manière de renvoyer le problème vers les individus, vers les consommateurs d'informations, oui. Mais c'est aussi une manière pour les individus, précisément, de conserver leur liberté et leur libre-arbitre.
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