Dernier coup d'oeil sur le CES de Las Vegas : robots domestiques, innovations en faveur du climat et voitures autonomes.
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Julien Villeret, directeur de l'Innovation d'EDF
[Interview en partenariat avec EDF]
En tant qu’habitué du CES, quel bilan tirez-vous de cette édition 2025 ?
Cette année, le CES 2025 est résolument tourné vers le concret. Moins de concepts futuristes, mais des innovations prêtes à être commercialisées dès cette année ou en 2026. C’est particulièrement stimulant de voir des produits fonctionnels et adaptés à un usage immédiat, comme des robots personnels sophistiqués, notamment les aspirateurs robots capables de ranger les objets avant de nettoyer. Ces solutions illustrent parfaitement l’avancée vers une robotique domestique accessible.
Des innovations dans le secteur de l’énergie et de l’environnement ont-elles retenu votre attention ?
Absolument. Deux exemples marquants : la startup Solcold a développé un revêtement polymère capable de réduire passivement la température d’un bâtiment de 5 degrés, sans climatisation. Cela améliore considérablement l’efficacité énergétique, surtout dans des environnements chauds. Autre innovation : les nouvelles tuiles solaires de Jackery. Elles combinent esthétique et efficacité énergétique en couvrant toute la surface d’un toit, même avec des formes courbées. Ces avancées rendent l’autoproduction d’électricité à la fois pratique et discrète.
Côté mobilité, comment voyez-vous les avancées en matière de voiture électrique et autonome ?
Aux États-Unis, la voiture autonome est déjà une réalité dans des villes comme San Francisco ou Austin. Les statistiques montrent qu’elles sont plus sûres que les voitures conduites par des humains. Des acteurs comme Waymo ou Zoox poussent cette technologie à des niveaux inédits. Zoox, par exemple, propose une navette sans volant, conçue dès le départ pour l’autonomie. Cela prouve que, malgré les débats en Europe, la voiture autonome progresse rapidement et pourrait bien devenir incontournable.
Transcription :
Monde Numérique :
[0:04] Et oui, c'est l'heure du bilan au CES de Las Vegas édition 2025 et pour faire
Monde Numérique :
[0:08] le bilan, je suis ravi de retrouver Julien Villeret, directeur de l'innovation d'EDF. Bonjour Julien.
Julien Villeret :
[0:12] Bonjour Jérôme.
Monde Numérique :
[0:13] On se retrouve en partenariat, comme chaque mois, entre EDF et Monde Numérique. Julien, tu viens chaque année au CES ? On se tutoie parce que tout le monde se tutoie.
Julien Villeret :
[0:21] Allez, on va faire ça, on est, c'est unique.
Monde Numérique :
[0:23] Tu viens chaque année au CES de Las Vegas, donc tu as quand même de la profondeur dans l'analyse, on va dire. Question traditionnelle, que penses-tu de cette édition 2025 ?
Julien Villeret :
[0:33] Alors moi j'aime beaucoup cette édition 2025 parce que même si elle est un peu moins aspirationnelle, un peu moins de grands concepts pour un jour, on est dans le concret, on est dans des produits qui fonctionnent, qui sont démontrés et qui vont sortir en 2025 pour les plus lointains 2026. Et donc ça c'est très agréable parce que voilà on a l'impression qu'on est dans l'innovation pour ici et maintenant. Donc ça c'est vraiment très intéressant.
Monde Numérique :
[0:53] Tu penses à quoi en particulier ?
Julien Villeret :
[0:54] Je pense par exemple à tout ce qui est robotique personnelle. Alors ça passe beaucoup par les aspirateurs robots dont on parle énormément ici. Ça peut paraître bizarre en vue de France, mais le buzz du CES, c'est quand même beaucoup les aspirateurs robots.
Monde Numérique :
[1:04] Notamment celui avec le petit bras qui sort pour ramasser les chaussettes. C'est formidable.
Julien Villeret :
[1:08] Plusieurs marques, dont Roborock, qui est le S70, ont lancé des aspirateurs robots avec des petits bras robotisés sur l'aspirateur qui vont pouvoir prendre les chaussettes, ranger les objets qui sont dans la maison pour pouvoir aspirer tranquillement. Et ça, c'est un exemple. Mais il y en a plein, plein, plein sur ce salon. Il y a des robots piscines, enfin bref, plein de robots qui, grâce à l'intelligence artificielle, deviennent vraiment des robots personnels beaucoup plus sophistiqués que ceux qu'on avait jusqu'à présent. Et c'est le tout début, l'aspirateur. Mais on peut imaginer assez facilement que chaque année, incrémentalement, on va se retrouver avec une robotique pour la maison. Et ça, c'est assez intéressant, je trouve, de voir cette tendance. Encore une fois, très concrète. L'aspirateur avec le petit bras dont on parle, il est pour cette année. Ce n'est pas quelque chose pour dans 10 ans.
Monde Numérique :
[1:47] Et puis ensuite, ce sera les robots humanoïdes qu'on commence aussi à apercevoir. Il y a évidemment aussi l'intelligence artificielle, grande thématique transverse. Et du coup, robot plus IA, ça fait un joli mélange.
Julien Villeret :
[1:59] Ça fait un très joli mélange et je pense que maintenant, on peut être tous d'accord pour dire que quand Nvidia dit quelque chose, ils ont une certaine crédibilité. Nvidia dit de plus en plus et a lancé un modèle fondamental cette année qui s'appelle Cosmos, qui est justement un modèle d'apprentissage pour la robotique, qui permet, au lieu d'avoir à programmer un robot, de lui montrer ce qu'il doit faire. Et le robot va reproduire, mais pas reproduire mot à mot ou geste à geste, mais reproduire intelligemment en fonction de son environnement l'intention que l'on avait. Et ça c'est totalement fondamental pour la programmation de ces robots parce qu'on passe de quelque chose de la programmation du développement informatique, une façon d'imiter les humains et qui va permettre d'aller beaucoup plus vite dans l'apprentissage de cette robotique. Encore une fois, on ne parle pas forcément de robots humanoïdes extrêmement sophistiqués, mais parfois un simple bras robot sur roulette qui va venir payer la vaisselle, pour prendre un exemple très concret de la vie quotidienne. Et donc oui, cette IA transforme complètement l'approche de la robotique, depuis quelque chose de très informatique finalement, à quelque chose d'un usage
Julien Villeret :
[2:56] quotidien concret pour nous tous.
Monde Numérique :
[2:58] Alors de manière plus spécifique en ce qui concerne ton secteur, l'énergie et puis surtout l'enjeu environnemental lié à l'énergie. Est-ce que tu as repéré des choses intéressantes ?
Julien Villeret :
[3:10] Oui, alors cette année, c'est un peu moins l'année de l'innovation autour de la voiture électrique ou de la batterie personnelle, autonome, etc. C'est beaucoup plus des choses très concrètes d'amélioration finalement et qui m'ont frappé deux exemples. Le premier, c'est Solcold. Solcold, c'est une startup qui a inventé un revêtement, un polymère. Donc, on l'installe sur les toits, tout simplement, par exemple des toits de bâtiment, de data center ou d'entrepôt, et qui va réduire passivement la température dans le bâtiment de 5 degrés. 5 degrés, c'est absolument énorme, parce que là, c'est vraiment passif, c'est-à-dire qu'il n'y a pas besoin de climatisation, il n'y a pas besoin de... Donc on voit bien que ça améliore évidemment beaucoup la performance thermique du bâtiment, et que dans un pays chaud ou dans un usage comme le Data Center, où on le sait, les machines produisent beaucoup de chaleur, ça va réduire beaucoup l'énergie nécessaire pour refroidir le bâtiment. Donc ça, c'est très intéressant et c'est très peu coûteux comme solution. Donc ça c'était un exemple que j'ai trouvé intéressant on avait des peintures qui permettaient de faire ça jusqu'à présent mais c'était des peintures qui permettaient de perdre 1, 2, 2,5 degrés il y a des français.
Monde Numérique :
[4:09] Qui font ça, des espèces de peintures blanches exactement.
Julien Villeret :
[4:12] Et bien là on est dans quelque chose d'encore plus performant que ce qu'on avait jusqu'à présent et qui est très facile à poser puisque c'est un autocollant donc c'est vraiment quelque chose de très très très simple, un autre exemple d'amélioration alors en l'occurrence c'est une société israélienne c'est une start-up israélienne qui fait ça, un deuxième exemple qui là est américain une société qui s'appelle Jackery qui est très connue en fait en Californie qui fait des batteries pour la maison, des choses autour du solaire et qui là a lancé une tuile solaire mais qui ressemble à une vraie tuile. Alors ça paraît... Très simple. En fait, jusqu'à présent, on n'arrivait pas à faire des toits solaires qui ressemblaient à des tuiles courbées, comme on les connaît souvent sur les maisons. Parce que, pour des raisons techniques, ils faisaient plutôt des tuiles qui ressemblaient à des ardoises, noires et plates. Et donc, c'était toujours mieux que de mettre des panneaux solaires traditionnels qui ne sont quand même pas très esthétiques sur les maisons. Mais néanmoins, ça ne ressemblait pas non plus à des vraies tuiles. Là, Jackery commercialise des vraies tuiles. Donc, un toit vraiment avec des tuiles bombées, comme ça, qui ressemblent aux tuiles qu'on connaît en Europe. Et qui permettent donc d'avoir un toit qui ressemble à un vrai toit et qui produit sur l'intégralité de sa surface de l'électricité. Donc ça, c'est très intéressant.
Monde Numérique :
[5:13] Du coup, ça fait même une surface plus grande sur une maison.
Julien Villeret :
[5:18] Exactement. Donc c'est moins performant comme panneau solaire que des panneaux solaires traditionnels, mais on le compense par le fait que toute la surface du toit est couverte. Alors qu'en panneau solaire, on ne met jamais toute la surface du toit. Et donc l'un dans l'autre, on arrive à un produit qui permet d'avoir une maison, si ce n'est autonome, au moins autoproductrice d'électricité largement, tout en étant très discrètes esthétiquement et donc ne pas avoir cette problématique du panneau solaire qui n'est pas toujours très esthétique.
Monde Numérique :
[5:41] Encore autre chose ?
Julien Villeret :
[5:42] Eh bien, il y a beaucoup de choses autour de la voiture autonome et ça, c'est un sujet qui, moi, m'intéresse toujours beaucoup parce que quand on est en France ou en Europe, on entend, y compris des spécialistes, dire la voiture autonome, ça ne marchera jamais, ça n'existera pas, ça n'arrivera pas et il suffit d'aller, même en tant que touriste, à San Francisco, à Phoenix ou à Austin maintenant et on prend un Waymo, c'est-à-dire une voiture autonome qui est un taxi autonome ou un Uber autonome. Et c'est une réalité qui fonctionne vraiment c'est pas des tests ça fonctionne c'est la vie de tous les jours.
Monde Numérique :
[6:09] Il y en a aussi à Las Vegas alors pas Waymo mais il y a Noox.
Julien Villeret :
[6:12] Zoux Zoux avec un.
Monde Numérique :
[6:15] Technicien un superviseur.
Julien Villeret :
[6:16] Ce qui est intéressant avec Zoux c'est que c'est le futur concurrent de Waymo alors contrairement à Waymo qui est vraiment live Zoux ils commencent à tester ils sont effectivement en bêta test sur le strip à Las Vegas et à San Francisco bientôt et en discutant avec eux hier il y a deux choses que j'ai trouvé très frappantes et nouvelles c'est que c'est la première, Voiture taxi autonome où il n'y a pas de volant, Ça ne paraît pas grand-chose, mais dans le Waymo, il y a un volant encore. Même si le volant tourne tout seul et qu'il n'y a pas un humain derrière.
Monde Numérique :
[6:42] C'est paradoxal, alors qu'il n'y a pas de chauffeur.
Julien Villeret :
[6:44] Mais il y en a quand même un. Et là, il n'y en a pas du tout. D'ailleurs, j'ai posé la question au fondateur de Zoox. Mais réglementairement, c'est autorisé. Alors oui, visiblement aux Etats-Unis. Donc, je lui fais confiance. Et en fait, ça veut dire que...
Monde Numérique :
[6:54] C'est dans les Etats comme le Nevada qui ont accepté...
Julien Villeret :
[6:57] Exactement, il y a des réglementations par Etat aux Etats-Unis. Et ce qui est intéressant c'est qu'au lieu d'être une voiture classique ce qui était le cas des Waymo parce que c'est des modèles de voitures traditionnelles qui sont rétrofités pour devenir autonome là ça a été vraiment construit dès le début pour être une navette autonome donc pas de volant les passagers sont assis face à face on est vraiment dans une sorte de bulle finalement qui nous transporte Je vois parce qu'il.
Monde Numérique :
[7:17] Y a deux types de véhicules Zooks en fait et celui auquel tu fais allusion c'est l'espèce de petit mini bus, mini van Exactement Mais qu'il n'y a pas une tête de voiture américaine je trouve qu'on dirait un truc européen On dirait oui.
Julien Villeret :
[7:27] Une petite bulle effectivement plutôt d'un design, bio-design comme on disait dans le temps en Europe effectivement, et ça ressemble ce qui m'a amusé, c'est que ça ressemble finalement beaucoup à l'image qu'on se faisait d'un navette autonome il y a encore 5-6 ans et là c'est live, on peut monter dedans ça tourne, ça fonctionne, à San Francisco également puisqu'il nous expliquait qu'ils sont en bêta test avec leurs propres salariés, donc aujourd'hui il y a des navettes comme ça qui tournent, qui sont commandables par leurs salariés bref, voilà, je trouve que c'était intéressant de voir que, et derrière, alors on sait pour ceux qui ne le savent pas, derrière Waymo il y a Google, Alphabet, et derrière Zouks, il y a Amazon. Donc, on regarde évidemment les grands de la tech qui financent ce genre de société, mais c'est une réalité et ça m'amuse toujours d'entendre dire la voiture autonome, non, ça ne marchera jamais, alors qu'en fait, la réalité, c'est qu'on peut monter dedans aujourd'hui.
Monde Numérique :
[8:13] Oui, mais Julien, il faut peut-être préciser que le contexte n'est pas le même. Les avenues, l'infrastructure routière aux Etats-Unis et en Europe, ce n'est pas pareil. Le strip de Las Vegas, c'est une autoroute 2x4 voies au milieu de la ville. À Paris, il n'y a plus de voiture, ou presque. Donc la configuration est totalement différente.
Julien Villeret :
[8:30] La configuration est différente, mais la réalité, c'est qu'en 2025, on a des voitures qui roulent toutes seules dans des villes qui ne sont pas des petites villes. Pour ceux qui connaissent San Francisco, Austin, ce n'est pas des petites villes. Et qui vont aller, puisque ça y est, Waymo l'a annoncé, qui vont aller dans les aéroports également, faire les trajets aéroports-villes. Puisque jusqu'à présent, ce n'était pas le cas, ils n'avaient pas l'autorisation. Ils pensaient pouvoir le faire techniquement, mais ils n'avaient pas l'autorisation. Or, ces 50% des trajets type Uber, c'est en fait des trajets aéroports-villes. Et donc là, dans certaines villes, ils ont obtenu la licence pour le faire et donc ça va vraiment devenir des voitures qui vont pouvoir circuler.
Monde Numérique :
[9:04] Avec parfois des petites surprises, je ne sais pas si tu as vu, comme moi, cette vidéo sur les réseaux sociaux, de quelqu'un qui devait aller à l'aéroport et qui était bloqué dans un taxi Waymo qui a perdu la boule et qui tournait en rond. Et le pauvre client était pendu au bout du fil en disant « mais je dois aller chercher mon avion ». « Oui, monsieur, excusez-nous, on a un problème. » Effectivement.
Julien Villeret :
[9:22] D'ailleurs, il faut dire quand même aux gens qui nous écoutent que les Waymo peuvent être pris à distance. Le contrôle peut être pris à distance par un opérateur si effectivement il y a un problème. mais que dans les statistiques qui sont affichées par Waymo sur leur stand, d'ailleurs ici au CES, les statistiques de sécurité sont largement meilleures dans un Waymo que dans une voiture conduite par un être humain. Donc ça, c'est évidemment quelque chose qui n'est pas forcément facile à accepter pour nous, parce qu'on se dit, non, je suis rassuré par un vrai humain plutôt qu'un ordinateur qui conduit, mais la réalité, c'est que les statistiques sont en faveur de la machine.
Monde Numérique :
[9:51] Et voilà, la réalité s'inverse en réalité. Enfin voilà, le but de la voiture autonome, c'est moins d'accidents, il faut le rappeler. Merci beaucoup, Julien Villeret, directeur de l'innovation d'EDF. Merci d'avoir été dans le monde numérique pour ce coup d'œil très éclairant, sans jeu de mots, sur le CES 2025 de Las Vegas.
Julien Villeret :
[10:09] Merci, Jérôme.