Une campagne intitulée "HelloQuitX" incite à quitter le réseau social X pour ne plus cautionner ses dérives. Est-ce vraiment une bonne idée ?
Le 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump, pourrait devenir une date symbolique pour des utilisateurs de X mécontents de l’évolution de la plateforme. La campagne "HelloQuitX", lancée par des chercheurs du CNRS, invite ceux qui le souhaitent à marquer leur désengagement en signe de protestation et donne des outils pour opérer ce transfert.
Cependant, quitter X n’est pas une décision facile. Malgré les controverses, le réseau reste un espace central pour suivre l’actualité et participer aux échanges politiques. Les alternatives proposées, comme Mastodon ou BlueSky, peinent à combler ce vide, leurs fonctionnalités et leurs audiences étant encore limitées.
Ce choix met en lumière un dilemme crucial : comment se détourner d’une plateforme jugée problématique tout en maintenant un accès aux conversations essentielles dans un environnement numérique où liberté d’expression et rapports de pouvoir évoluent sans cesse ?
Transcription :
[0:01] Et si votre première résolution pour 2025 était de quitter Elon Musk ? Alors, pas Musk lui-même, dont vous n'êtes sans doute pas un intime, mais son réseau social, X. Quitter X. En fait, l'idée est dans l'air depuis pas mal de temps. Depuis que le milliardaire a racheté Twitter pour en faire le X que l'on connaît aujourd'hui, un média social qui, il faut bien le dire, a beaucoup changé, voire complètement dérapé. Mise en avant des points de vue polarisants avant tout, libre expression jusqu'à l'excès, déluge de propos haineux et radicaux, et vitrine d'un Elon Musk désormais tout puissant, sans filtre, fier soutien du nouveau président élu Donald Trump. Bref, autant de bonnes raisons, aux yeux de beaucoup, pour fuir ce cloaque et partir à la recherche d'un nouvel Éden.
[0:44] Eh bien, certains se proposent de vous aider à passer à l'acte. C'est l'objet de la campagne Hello Quit X, allusion au célèbre personnage Hello Kitty, un mouvement lancé par des chercheurs français du CNRS qui se proposent de vous prendre par la main pour quitter le 20 janvier prochain la plateforme d'Elon Musk. Pourquoi le 20 janvier ? Parce que ce sera le jour de l'investiture de Donald Trump.
[1:10] Alors HelloKitX, c'est un hashtag, paradoxalement, que l'on peut voir sur le réseau X, mais c'est aussi une campagne de sensibilisation et un site web avec tout ce qu'il faut savoir pour récupérer vos contacts, vos contenus depuis X et puis partir ouvrir un compte sur une autre plateforme de votre choix, en l'occurrence Mastodon ou BlueSky. Bon, avant cette initiative, beaucoup ont déjà fait savoir qu'ils quittaient X, parfois même bruyamment, des particuliers mais aussi des médias comme The Guardian en Grande-Bretagne, Ouest France ou Mediapart en France. Il y a deux manières de faire, il y a ceux qui tirent le rideau rageusement et qui ferment carrément leur compte, et puis il y a ceux qui expliquent qu'ils ne postront plus rien mais qui veulent quand même garder un œil sur le réseau ONI et qui donc ne ferment pas leur compte.
[1:57] Il faut savoir que ce choix est aussi, on le voit bien dans les différents commentaires postés ici et là, un choix politique. Il y a ceux plutôt de gauche qui n'en peuvent plus de Musk et de Sephrasque et sont dans une logique de boycott. Et puis il y a ceux qui, sans pour autant le cautionner, s'en accommodent en
[2:15] privilégiant l'aspect pratique. Car le problème, c'est que quitter X n'est pas facile. C'est même un sacré dilemme, comme le titrait récemment Le Monde. Un dilemme parce que sur X, c'est quand même là que ça se passe. et pas ailleurs.
[2:28] X, ex-Twitter, demeure le réseau des politiques, de l'actualité, des journalistes. X bouge, vibre, vibrionne en permanence. Alors oui, souvent ça dérape, c'est vrai. Les points de vue les plus extrêmes de droite comme de gauche s'y expriment, souvent à coups de noms d'oiseaux. Mais c'est encore là aussi que les grosses informations arrivent. Toujours en premier, toujours le plus vite. C'est X qui continue à dicter l'actualité. En plus, s'il est encore possible, il faut bien le dire, d'utiliser X intelligemment, entre guillemets. Par exemple, en se concentrant sur l'onglet « abonnement » qui désactive la recommandation algorithmique, on ne voit que les contenus postés par les personnes que l'on suit réellement.
[3:09] Le problème, c'est qu'on est souvent tenté de retourner sur l'autre onglet, l'onglet pour vous, qui l'a fait remonter le pire du pire du réseau. Le pire, oui, mais aussi, et il faut bien le dire, le meilleur, encore aujourd'hui. Car X demeure une plateforme qui regorge de contenus, le plus souvent d'actualités et toujours de grands intérêts dans de nombreux domaines. Alors, si on a le cœur fragile et qu'on n'en peut plus, des vidéos de gens qui se tapent dessus et de propos insultants à droite à gauche ou d'opinions totalement opposées aux siennes, exprimées avec assurance et répétition, eh bien oui, on a du mal à rester.
[3:47] Mais si on arrive à faire la part des choses, il est difficile de se détacher de cette drogue dure. En tout cas, le principal bénéficiaire de cet exode, de ce début d'exode, c'est le réseau Blue Sky, cette espèce de copie de Twitter créée par le cofondateur de Twitter, Jacques Dorsay, et qui, à l'heure où on se parle, continue d'engranger les millions d'abonnés, aux alentours de 25 millions à ce jour.
[4:09] Certes, ça reste quand même assez faible face aux 500 millions d'abonnés ou d'utilisateurs de X. Blue Sky, surtout, a deux problèmes majeurs. D'abord, on s'y ennuie sérieusement, car il s'y passe beaucoup moins de choses, beaucoup moins de contenu intéressant du fait du plus faible nombre d'utilisateurs. Et puis aussi parce que les têtes d'affiches ne sont pas là, Les grands leaders d'opinion, politiques ou autres, sont pour la plupart absents de Blue Sky. Ensuite, Blue Sky souffre d'une grosse faiblesse technique. Il est techniquement très en retard par rapport à X. Il manque beaucoup de fonctionnalités qui sont pourtant très utilisées et très utiles pour une utilisation professionnelle, pour une entreprise, un média ou même pour un particulier actif. Par exemple, impossible de programmer des messages, de les éditer après coup, d'envoyer des vidéos un peu longues. Blue Sky n'est pas non plus utilisable à distance via des outils tiers de gestion de médias sociaux.
[5:01] Bref, il y a quand même beaucoup de choses qui manquent. Pourtant, la plateforme est évidemment prometteuse, basée sur un protocole ouvert, et elle va forcément évoluer, mais il faut du temps, il faut de la patience, il faudra sans doute quelques années pour rattraper un Twitter aujourd'hui âgé de plus de 17 ans.
[5:19] Enfin, si on prend un peu de recul, il reste une question, en admettant que ce début d'exode devienne réellement massif, ce dont on peut quand même douter. Que deviendra X ? X va-t-il se vider du coup de ces forces vives ? Deviendra-t-il un simple repère de complotistes et d'excités, d'extrême droite comme d'extrême gauche ? Eh bien, en l'état actuel des choses, avec, on l'a dit, près de 500 millions d'utilisateurs dans le monde, ça paraît peu probable. La solution, finalement, c'est peut-être de tenter de mener une double vie en allant voir ce qui se fait sur les autres réseaux sociaux, mais il paraît très difficile de tirer le rideau aujourd'hui sur X.