Un groupe d'artistes a "piraté" l'intelligence artificielle de génération vidéo Sora d'OpenAI. Une action qui témoigne des tensions entre innovateurs et créateurs.
L’IA artistique de la discorde
Extrait d’une vidéo générée par Sora
Le futur s’annonce chaud entre les artistes et l’intelligence artificielle.
Sora, le nouveau service d'OpenAI, promet de révolutionner la création de vidéos. Bien que prometteur, cet outil, présenté comme révolutionnaire, n'est pas encore accessible au grand public. Or, un groupe d'artistes, se faisant appeler "Sora PR Puppets", vient de contourner les restrictions en offrant un accès pirate à Sora via son API, contre l’avis d’OpenAI. Ils dénoncent l'exploitation de leur travail sans compensation adéquate. Cet action révèle un mécontentement croissant au sein de la communauté artistique, entre les créateurs qui se sentent comme des "marionnettes", instrumentalisés pour alimenter l'IA sans reconnaissance, et alors même que ces outils risquent de leur faire de plus en plus concurrence dans le futur.
Transcription :
[0:01] Aujourd'hui, je voudrais vous parler d'un sujet intéressant,
[0:04] c'est le conflit naissant entre les entreprises d'intelligence artificielle et les artistes. Et pour cela, il faut parler de Sora.
[0:11] Sora, qu'est-ce que c'est ? C'est ce service de OpenAI, la maison mère de Chajipiti, qui permet de créer des vidéos incroyablement réalistes à partir de promptes, c'est-à-dire de simples descriptions textuelles. Hollywood à la maison, en quelque sorte, avec une qualité et un réalisme au-delà de tout ce qu'on peut voir actuellement circuler ici et là. Sora a été présentée il y a quelques mois, mais n'est pas encore accessible. On ne peut pas s'en servir. Pour l'instant, OpenAI peaufine son histoire avant d'ouvrir un accès commercial. Donc, on est un peu comme devant une vitrine avec un jouet formidable derrière, mais on n'a pas le droit d'y toucher, sauf quelques privilégiés. Mais Sora vient de se faire pirater, en quelque sorte. Alors, pas pirater comme on l'entend d'habitude, via une intrusion informatique, mais des gens ont mis en place un accès à Sora en utilisant l'API, c'est-à-dire la passerelle logicielle qui permet d'accéder à un service sans passer par l'interface principale. Et ils ont ouvert un accès via cette API depuis le site Hugging Face, qui est une plateforme qui référence tous les grands modèles d'intelligence artificielle générative. Résultat, n'importe qui a pu utiliser Sora sans abonnement et alors que le service n'est pas encore officiellement lancé. Le problème, c'est qu'OpenEye n'était pas au courant et n'est pas du tout d'accord. Du coup, la plaisanterie n'a pas duré longtemps. L'accès a été coupé au bout de quelques heures à peine.
[1:33] Ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est que les gens qui ont fait ça, ce ne sont pas de méchants pirates habitués des coups tordus. Mais c'est un groupe d'artistes qui se fait appeler Sorapia PR, donc Puppets.
[1:47] Puppets, ça veut dire poupée ou marionnette, parce que ces artistes sont en fait mécontents du traitement que leur réserve OpenAI. Ils accusent la firme américaine de les traiter comme des poupées. Pourquoi des poupées ? Eh bien parce que ils travaillent en quelque sorte pour OpenAI actuellement. Ils font partie d'un collectif auquel la firme a demandé de tester Sora pour savoir tout ce qu'il était possible d'en faire, pour voir les limites, corriger les erreurs, etc. Ces artistes ont fait joujou mais évidemment, au bout d'un moment, ils arrivaient à faire des trucs tellement géniaux qu'ils ont eu envie de faire connaître leur travail et même d'en tirer un revenu. Et là, eh bien pas du tout, OpenAI leur promettrait visiblement seulement des clopinettes sous forme de bons d'achat, avec interdiction de rendre leurs œuvres publiques, sauf quelques-unes triées sur le volet. Du coup, les artistes dénoncent une opération de relation publique maquillée, qui devrait permettre ensuite à OpenAI de se vanter, d'avoir fait tester et éprouver Sora par des artistes qui, forcément, auraient adoré.
[2:48] Adoré, ils ont adoré, mais ils n'ont pas aimé la démarche, et donc ils ont décidé de se venger. Dans la lettre qu'ils ont publiée, ils disent « Nous ne sommes pas votre R&D non rémunéré, votre recherche et développement, et nous ne sommes pas vos testeurs de bugs gratuits, vos marionnettes de relations publiques. » Parenthèse, relations publiques, en anglais ça se dit public relations, PR, d'où le nom du groupe Sora PR Puppets. En plus de cela, pour bien comprendre ce qui se passe, il faut se pencher un peu plus en détail sur les rapports des artistes avec l'intelligence artificielle d'une manière générale. On sait que les outils d'IA qui permettent de créer des images, des vidéos, etc., ont appris à faire ça en ingurgitant des millions d'images déjà existantes, des images créées par des artistes humains, des tableaux, des photos, des compositions informatiques, des dessins, etc.
[3:39] Et non seulement très peu d'entre eux ont été dédommagés pour ça, En plus, leurs œuvres sont utilisées pour alimenter ces outils fantastiques, mais qui risquent demain de les concurrencer, voire de les mettre au chômage. C'est vrai aussi d'ailleurs pour la musique.
[3:54] Cette affaire de Sora, donc, qui peut sembler anecdotique en apparence, parce que ça ressemble presque plus à une revendication quasi syndicale, cache en réalité une tension plus grande entre les artistes et les entreprises d'intelligence artificielle. Nombreux sont les artistes qui ne sont pas contre l'IA, mais qui aimeraient bien eux aussi pouvoir en tirer une plus-value, un bénéfice. Cette action contre Sora risque de faire réfléchir Meta qui développe lui aussi une IA générative de création de vidéos et au-delà, toutes les entreprises qui vont développer des outils d'innovation parce que innovation et création, innovateur et créateur, eh bien il va falloir trouver un équilibre qui visiblement n'est pas facile à atteindre. Salut, à demain.